L’AFP réinvente avec Google la « licence globale »

En fait. Le 13 juillet, le PDG de l’AFP, Fabrice Fries, et le directeur général de Google France, Sébastien Missoffe, « dans des déclarations transmises conjointement à l’AFP », ont indiqué qu’ils étaient « proches d’aboutir à un accord » sur les droits voisins de l’Agence France-Presse mais aussi sur une « licence globale ».

En clair. C’est le retour de la licence globale. Des sociétés de gestion collectives de droits d’auteurs et de nombreux internautes en avaient rêvée il y a une quinzaine d’années pour la musique en ligne ; l’Agence France-Presse va la faire pour tous ses contenus (textes, photos, vidéos, infographies, …) – quel que soit le support. Son PDG, Fabrice Fries, et le DG de Google France, Sébastien Missoffe, l’ont chacun fait savoir à l’AFP, le 13 juillet, le jour même où par ailleurs l’Autorité de la concurrence (ADLC) rendait publique sa décision prise la veille d’« inflig[er] une sanction pécuniaire de 500.000.000 euros » à Google. Et ce, pour ne pas avoir négocié « de bonne foi » avec les éditeurs de presse la rémunération des droits voisins due à ces derniers – et malgré les injonctions (1) prononcées le 9 avril 2020 par l’ADLC.
Et ce n’est pas l’accord-cadre signé entre Google et l’Alliance de la presse d’information générale (Apig) le 12 février dernier – soit cinq mois après la deadline imposée par l’ADLC – qui a allégé l’amende. Auprès des journaux membres de l’Apig, lesquels doivent à leur tour signer individuellement un contrat encadré, le géant du Net s’était engagé à verser sur trois ans 62,7 millions d’euros (2) de rémunération globale incluant leurs droits voisins. Quant à l’AFP, elle s’apprête enfin à signer avec Google non seulement sur ses droits voisins – que le géant du Net a rechigné à reconnaître et à rémunérer en tant que tels – mais aussi sur une « licence globale » pour l’exploitation de tous ses contenus sur Google Search, Google News, Google Discover et le nouveau service Showcase (3). Cette licence globale à rémunération forfaitaire annuelle, incluant les droits voisins, est en fait une exigence de la firme de Mountain View pour avoir « le même accès global, mondial et sans limite aux images (photos, vidéos et infographies) produites par l’AFP », ainsi qu’à « de nouveaux services (web stories, contenus audio, news corner, etc.) ».
Dans ces négociations débutées il y a un an avec l’AFP, Google a même doublé le montant de son offre initiale, dite « term sheet », étendue notamment à des contenus audio en anglais. Mais la direction de l’AFP avait fait part à Google de ses craintes, concernant ses photos, vidéos et iconographies, sur « une licence totale, mondiale, sans limite ni restriction d’usage, portant sur l’intégralité [de ses] contenus d’images ». @

Manuel Valls fut contre l’Hadopi : il est aujourd’hui pour la réponse graduée et la répression contre le piratage

Pour la seconde fois depuis qu’il est Premier Ministre, Manuel Valls a obtenu la confiance de l’Assemblée nationale. Mais s’il est un sujet sur lequel le chef du gouvernement a bien changé, c’est sur la lutte contre le piratage – à la satisfaction du monde de culture. C’est le retour en grâce de l’Hadopi.

Par Charles de Laubier

Manuel Valls DR« Nous avons sans doute sous-estimé l’impact du piratage de masse. Il est pourtant une vraie source d’appauvrissement pour l’ensemble du secteur de la création. La réponse graduée garde toute son actualité pour lutter contre les pratiques illégales sur les sites utilisant le peer-to-peer », a lancé Manuel Valls (photo), la veille de son grand oral devant l’Assemblée nationale pour obtenir la confiance de son second gouvernement en cinq mois (1). C’était devant un parterre très sélect du monde de la Culture, le 15 septembre dernier, à l’occasion de l’inauguration d’une exposition au Grand Palais et
en présence de Fleur Pellerin, nouvelle ministre de la Culture et de la Communication.

Jean-Paul Bazin, gérant de la Spedidam : « Il est temps qu’Internet rémunère les artistes interprètes »

La Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes (Spedidam) explique à Edition Multimédi@ pourquoi elle compte sur la loi « création » pour que la gestion collective – qui profite aux artistes interprètes
depuis près de 30 ans en France – devienne obligatoire sur Internet.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Jean-Paul BazinEdition Multimédi@ : L’an dernier, le 11 septembre, la Spedidam a perdu contre des plates-formes de musique
en ligne (dont iTunes) devant la Cour de cassation jugeant
que l’autorisation donnée par les artistes interprètes pour l’exploitation de leurs enregistrements inclut leur mise en ligne. La future loi « création » vous donnera-t-elle raison en instaurant une « rémunération proportionnelle » ?

Jean-Paul Bazin : Mis à part quelques vedettes qui perçoivent
le plus souvent des sommes dérisoires (264 euros environ pour 1 million de streams),
les artistes qui sont à l’origine de l’existence des contenus d’Internet ne perçoivent actuellement aucune rémunération lorsque leurs enregistrements sont exploités en
ligne. Sur les 49,5 millions d’euros des perceptions de la Spedidam sur 2013, Internet représente zéro !
C’est le rôle du législateur de maintenir les grands équilibres et de protéger les plus faibles contre l’appétit et le manque de scrupules de certains. Nous espérons donc vivement que les artistes soient enfin entendus et que la future loi « création » mettra un terme à cette situation inéquitable. Et ce, en instaurant une gestion collective obligatoire des droits des artistes interprètes pour les services à la demande afin de nous permettre de percevoir
au bénéfice de ces derniers des rémunérations, notamment auprès des plateformes numériques de musique en ligne.

Jusqu’à quand l’idée d’une licence globale fera-t-elle son éternel retour sans lendemain ?

Une proposition de loi déposée le 29 mai à l’Assemblée nationale, remet au goût du jour la licence globale, tout comme un rapport parlementaire remis le 17 avril sur les métiers artistiques. Dommage que le rapport Lescure ait botté en touche sur ce modèle de « contribution créative ».

Par Charles de Laubier

MZLe code de la propriété intellectuelle (CPI) contiendra-t-il un jour un article comportant un nouvel alinéa prévoyant une licence globale ?
C’est ce qu’espère le député Michel Zumkeller (photo) en redéposant, le 29 mai 2013, la même proposition de loi que celle du 29 avril 2010.
L’alinéa à insérer dans le CPI est le même : « Une licence globale à paliers est versée par les titulaires d’un accès Internet. Cette cotisation leur permet de télécharger des contenus audiovisuels. Le montant de cette cotisation perçu par les fournisseurs d’accès Internet, varie par palier de 0 euro mensuel pour une personne ne téléchargeant pas, à un montant de 10 euros pour une personne téléchargeant beaucoup. Cette cotisation est réévaluée tous les ans par décret ».

Terra Nova et Attali veulent une licence globale

En fait. Le 15 octobre, le think tank Terra Nova (proche du PS) a choisi Les Echos (groupe LVMH) pour présenter son rapport intitulé « Numérique. Renouer avec
les valeurs progressistes et dynamiser la croissance ». De 124 pages pour
123 propositions, il est préfacé par Jacques Attali.

En clair. Serait-ce Jacques Attali derrière le pseudonyme Gabriel Lavenir, co-auteur
– avec Nelly Fesseau – du rapport Numérique de Terra Nova, que cela ne surprendrait pas, tant il pourrait faire siennes nombre des 123 propositions. Il en va ainsi de la n°28
qui préconise « la gestion collective [des droits d’auteurs et droits voisins] pour répondre aux nouveaux défis posés par le numérique ». D’emblée, il y est question de licence globale : « La licence “globale”, ou encore licence “créative”, part du principe que l’usage “hors marché” doit faire l’objet de conditions particulières, tant en termes
de rémunération des créateurs qu’en termes de droits pour les utilisateurs », expliquent les auteurs de ce rapport.
De quoi alimenter la réflexion de la mission Culture-Acte 2, son président Pierre Lescure n’étant pas hostile à l’idée de licence globale pour les usages commerciaux… Tout en se défendant de suggérer la disparition du droit d’auteur – « bien au contraire » –, les auteurs de Terra Nova expliquent que « cette licence nécessite un mécanisme
de financement a priori, forfaitisé et globalisé sur l’ensemble des détenteurs d’accès Internet ».
De combien ? « Une contribution de 2 à 7 euros par mois et par internaute (…)
permettrait de compenser la perte complète de chiffre d’affaires des acteurs des domaines culturels ». Etant donné que 20 millions de foyers (sur 27) en France paient un accès à Internet, Edition Multimédi@ calcule que 7 euros par mois rapporteront 140 millions d’euros mensuellement ou 1,680 milliard d’euros (1) à l’année !
Toutes les industries culturelles seraient concernées, avec quelques précautions pour le cinéma : « La licence créative devra aussi préserver autant que possible la chronologie des médias (…) : il s’agira donc de définir à partir de quel point une oeuvre (un film par exemple) rentrera dans le cadre d’application de la licence globale (…) », explique-t-on. Tout comme la « contribution compensatoire » proposée en 2009 par la Sacem et l’Adami, Jacques Attali y est favorable depuis son premier rapport « Libération de la croissance » de 2008. Mais à la différence de Terra Nova, il voulait faire payer les FAI (décision 57). Mais Nicolas Sarkozy y était hostile (2). L’idée de licence globale était réapparue lors de la campagne présidentielle 2012 (Aubry, Villepin, Bayrou, Dupont-Aignan, …). @