Déjà présent à Londres, après l’avoir été à Genève, Alibaba est déjà parti à la conquête de l’Europe

Maintenant que le géant chinois du e-commerce Alibaba vient de réaliser avec succès à New York la plus grosse introduction en Bourse de toute l’histoire, son fondateur Jack Ma est décidé à conquérir l’Europe, où il s’est d’abord implanté à Genève en 2007 puis à Londres depuis 2009.

L’Unesco veut adapter au numérique la Convention sur la diversité culturelle, menacée d’obsolescence

Du 10 au 13 décembre, le comité intergouvernemental de l’Unesco chargé de la mise en oeuvre de la Convention de 2005 sur la diversité culturelle s’est, pour la première fois, interrogé sur l’impact du numérique. Objectif : préparer des « directives opérationnelles » pour les 10 ans du texte en 2015.

Par Charles de Laubier

Jean Musitelli« La France a présenté un document faisant un point sur l’impact des technologies numériques sur la diversité culturelle et ouvrant des pistes de réflexion sur la façon de mettre en oeuvre les dispositions
de la Convention de l’Unesco [sur la protection et la promotion de
la diversité des expressions culturelles] dans l’univers numérique »,
a indiqué Jean Musitelli (photo), conseiller d’Etat et ancien ambassadeur à l’Unesco (1997-2002), dans un entretien à Edition Multimédi@.

Des « directives opérationnelles » en vue
« Pour prendre en compte le numérique, il faudra adopter un certain nombre de ‘’directives opérationnelles’’ qui sont à la Convention ce que les décrets sont à la loi. Notre objectif est qu’en 2015, année où l’on célèbrera le 10e anniversaire de cette Convention, nous ayons débouché sur ces directives opérationnelles », nous précise Jean Musitelli, qui corédigea l’avant-projet de la Convention sur la diversité culturelle (2003-2004).

Il y a urgence car la Convention de l’Unesco, signée le 20 octobre 2005 à Paris, est
en passe de devenir obsolète face à Internet. Le fait qu’elle s’en tienne à préciser dans son article 4 « quels que soient les moyens et les technologies utilisés » ne suffit plus. Lorsque la Convention de l’Unesco entre en vigueur, le 18 mars 2007, la vidéo à la demande (VOD), la télévision de rattrapage, les jeux vidéo en ligne, la radio numérique
ou encore la TV connectée n’existaient pas encore, et la musique en ligne n’avait pas encore donné toute sa mesure. L’Unesco va en tout cas devoir adapter la Convention, notamment en concertation avec les géants du Net que sont les « GAFA » (Google, Apple, Facebook, Amazon et les autres) presque tous inexistants il y a huit ans. Dissocier les biens culturels et audiovisuels de la libéralisation mondiale en général et de la délinéarisation numérique en particulier a-t-il encore un sens à l’heure où triomphe l’Internet universel sans frontières (2) et où se multiplient les accords de libreéchange entre pays ou régions du monde (3) ? S’il n’est pas question a priori de changer une virgule de la Convention de 2005, le Comité intergouvernemental pour la protection et
la promotion de la diversité des expressions culturelles (c’est sa dénomination exacte) devra, à l’aune de l’Internet, adopter plusieurs directives opérationnelles dans des domaines aussi variés que la régulation du numérique et le financement de la création,
la résorption de la fracture numérique des pays en développement, la prise en compte des contenus culturels numérique dans les accords commerciaux bi ou multilatéraux,
le statut et la rémunération des artistes dans l’environnement Internet, sans éluder les questions de l’interopérabilité des plates-formes et de la neutralité du Net. A cela s’ajouterait la mise en oeuvre d’un Fonds international pour la diversité culturelle (FIDC). « Ces directives opérationnelles auront un caractère contraignant pour les
Etats signataires pour que la diversité culturelle ne soit pas noyée dans le numérique », prévient Jean Musitelli (4). Seul problème : les Etats-Unis, patrie des GAFA, ne sont pas signataires de la Convention de l’Unesco ! Et dans les négociations en cours avec l’Union européenne en vue d’un accord de libre-échange, ils souhaitent que les services audiovisuels et culturels soient abordés – comme le compromis du 14 juin dernier le prévoit (5).
En guise de travaux préparatoires, l’Unesco a remis en juin dernier un rapport intitulé
« Réflexion préliminaire sur la mise en oeuvre de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles à l’ère numérique » (6). Son auteure, la Canadienne Véronique Guèvremont, professeure de droit et fondatrice du Réseau international des juristes pour la diversité des expressions culturelles (Rijdec), presse l’Unesco d’« agir promptement » pour une « mise en oeuvre de la Convention de 2005 à l’ère numérique », tout en évitant une « réflexion cloisonnée » (7).

Adapter d’ici 2015 la Convention avec les GAFA
C’est dans cet esprit-là que l’Unesco devrait avancer, comme l’a assuré Jean Musitelli, lors de l’Assemblée des médias à Paris le 2 décembre : « Nous avons relancé à l’Unesco le chantier de la diversité culturelle pour mesurer l’impact du numérique, positif ou négatif, sans diaboliser personne [Google étant à la table ronde représenté par Carlo d’Asaro Biondo, lire p. 4, ndlr]. Ce que nous voulons, c’est que l’économie numérique ne cannibalise pas la création culturelle, ne siphonne pas les contenus et n’empêche pas la diversité de s’épanouir », a expliqué celui qui fut aussi, de 2009 à 2012, membre de l’Hadopi. @

Charles de Laubier

Négociations US-UE : numérique et audiovisuel aussi

En fait. Du 8 au 14 juillet s’est déroulé le premier round des négociations entre l’Union européenne et les Etats-Unis en vue d’un accord de libre-échange, malgré
la demande de la France de report après les révélations sur l’espionnage américain (Prism). L’audiovisuel fera bien partie des discussions.

Libre-échange US-UE : les Vingt-sept trouvent un compromis sur les services audiovisuels

Le 14 juin 2013, le Conseil européen a trouvé un compromis – avec notamment
la France – autour de la question des services audiovisuels qui, dans l’immédiat,
ne seront pas « négociés » dans le cadre du futur accord de libre-échange transatlantique mais « discutés » avec les Etats-Unis.

En ce qui concerne les services audiovisuels, ce qui vraiment en jeu dans ce secteur
est la révolution numérique de l’environnement médiatique. Mais il n’existe actuellement pas de législation de l’Union européenne sur les médias numériques. La Commission européenne a récemment invité toutes les parties intéressées à faire [jusqu’au 31 août 2013, ndlr] des remarques sur le livre vert (1) consacré à cette question. Donc, nous ne voulons pas le traiter maintenant, mais revenir sur la question à un stade ultérieur », a déclaré Karel De Gucht, le commissaire européen en charge du Commerce, à l’issue du compromis trouvé tard le soir du 14 juin par le Conseil de l’Union européenne réunissant les vingt-sept ministres du Commerce.

Négocier sans, mais discuter avec
Alors que la France se réjouissait aussitôt à l’unisson – de l’extrême-droite à toute la gauche, en passant par le gouvernement – de « l’exclusion des services audiovisuels
et culturels » de ces négociations historiques, Karel De Gucht a tenu à préciser :
« Laissez-moi être clair : il ne s’agit pas d’une exclusion (carve-out). Les services audiovisuels ne sont pas actuellement dans le mandat, mais celui-ci indique clairement que la Commission européenne a la possibilité de revenir par la suite devant le Conseil avec des directives de négociation supplémentaires sur la base d’une discussion avec nos partenaires américains ». Ce qu’a approuvé le 20 juin l’ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’UE et ancien président de la FCC, William Kennard : « Il n’est pas tout à fait exact de dire que c’est une exclusion complète, c’est plus une réserve ». De quoi faire déchanter les plus intransigeants de « l’exception culturelle », dont la France qui
a brandi jusqu’au bout son « droit de veto » avant le compromis trouvé après plus de douze heures de débats à Luxembourg. « Nous sommes prêts à discuter avec [les Etats-Unis] et à écouter leur avis sur cette question. C’est à ce moment-là que nous en viendrons à la conclusion de savoir si nous demandons des directives de négociation supplémentaires », a ajouté Karel De Gucht. Ce qui revient in fine à mettre tout sur la table, comme le souhaitait par exemple la Grande-Bretagne (2) ou comme l’a exprimé l’Italie. Les inquiétudes soulevées par ce compromis ont ensuite laissé place à la polémique déclenchée par le qualificatif de « réactionnaire » employé par José Manuel Barroso, président de la Commission, dans l’International Herald Tribune du 17 juin, pour désigner ceux qui veulent exclure les services audiovisuels des négociations.
« Cela s’inscrit dans le cadre d’une vision anti-mondialisation que je considère complètement réactionnaire », a-t-il lancé, provoquant l’ire de la France. Reste que les enjeux de la plus vaste zone de libre-échange au monde (40 % du commerce mondial) sont colossaux pour les services audiovisuels et les industries culturelles (musiques, films, séries télévisées, programmes, jeux vidéo, livres, etc). En discuter – voire à terme négocier – avec les Etats-Unis permettrait de parvenir à un rééquilibrage « culturel » en faveur du Vieux Continent. Car aujourd’hui, dans l’audiovisuel, les Etats-Unis exportent plus vers l’Europe qu’ils n’importent (3). Et à l’heure de l’Internet sans frontières et de la circulation numérique accrue des œuvres,  il serait surprenant que les services audiovisuels soient définitivement écartés de ces échanges commerciaux. Cela priverait la diversité culturelle européenne de nouvelles opportunités pour faire vraiment rayonner ses œuvres audiovisuelles outre-Atlantique, dans des conditions négociées, non discriminatoires et régulées (4). Ce « Buy Transtantic Act » serait aussi une chance pour les services émergents que sont les plates-formes de vidéo à la demande (VOD), de musique en ligne ou de jeux vidéo, mais aussi pour la télévision en ligne et tous autres services de médias audiovisuels à la demande (SMAd). Avancer
« l’exception culturelle » pour préserver en l’état des niveaux élevés de subventions,
des quotas de diffusion (5), ou encore d’obligations de financement, revient à se replier derrière une ligne Maginot culturelle intenable à l’heure d’Internet et de la mondialisation (6).

Confiance dans le négociateur européen
L’inflexibilité de la France a démontré un manque de confiance, comme l’a souligné
Marc Tessier, président du Syndicat des éditeurs de vidéo à la demande (Sevad) et administrateur de Videofutur, lors des Assises de l’audiovisuel le 5 juin dernier : « Une
des raisons pour lesquelles nous avons cette position sur l’exception culturelle dans
les négociations de l’accord de libre-échange, c’est tout simplement que l’on n’ a pas confiance dans le négociateur européen. Cela fait des années que cela dure. Et pourtant, la plupart des solutions que l’on peut imaginer ne peuvent se concevoir que dans le cadre européen, aussi bien les codes des usages que les évolutions des règles de la concurrence, ou même des règles d’arbitrage en cas de différends ». L’auditoire l’a applaudit. @

Charles de Laubier