La prescription pénale des délits de presse sur Internet : la croisade du Sénat continue

La loi du 27 février 2017 sur la prescription en matière pénale ne modifie pas le délai de prescription des délits de presse sur Internet (trois mois), malgré une énième tentative du Sénat repoussée par l’Assemblée nationale. Au-delà de l’opposition entre les deux chambres, le problème demeure.

Fabrice Lorvo*, avocat associé, FTPA.

Après avoir modifié les délais de la prescription civile (1) à la baisse (2), le législateur vient de réformer les délais de
la prescription pénale (3) en les doublant. Ainsi, le délai de prescription de l’action publique passe de dix à vingt ans en matière criminelle et de trois à six ans pour les délits de droit commun. Pour les infractions occultes ou dissimulées, le délai de prescription démarre à compter du jour où l’infraction a été constatée. Ce délai ne peut toutefois pas excéder trente années révolues pour les crimes et douze années révolues pour les délits à compter du jour où l’infraction a été commise.

Communication des décisions de justice : favoriser la liberté d’expression ou le droit à la vie privée ?

Il est traditionnellement acquis, en jurisprudence française, que le droit à la vie privé ne peut être interprété comme un droit susceptible de faire disparaître le droit à la liberté d’expression. Cependant, une inflexion est perceptible, Internet facilitant les risques d’atteinte à la vie privée.

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

Signe de l’évolution numérique, ce combat de l’équilibre entre
ces deux dro i t s fondamentaux – la liberté d’expression et le droit au respect de la vie privée – se déplace actuellement sur le terrain du droit à la protection des données à caractère personnel (facette du droit à la vie privée), contre le droit à la protection des contenus médiatiques publiés sur Internet (facette du droit à la liberté d’expression).

Comment adapter la loi du 29 juillet 1881 aux nouveaux territoires de la liberté d’expression ?

« L’équilibre de la loi du 29 juillet 1881 à l’épreuve d’Internet ». Ce rapport parlementaire, présenté en juillet, propose de lutter « contre les abus de la
liberté d’expression sur Internet » : délais de prescription, recours allégés, responsabilité élargie aux internautes, pouvoirs accrus du juge, …

Par Marie d’Antin et Etienne Drouard, avocats, cabinet K&L Gates

Dans son rapport sur l’adaptation de la loi du 29 juillet 1881
sur la liberté de la presse (1), la commission des lois du Sénat constate que les victimes des abus de la liberté d’expression ne sont plus suffisamment protégées par cette loi. Selon ses auteurs, la diffusion mondiale et instantanée de contenus sur Internet nécessite désormais de redéfinir les équilibres posés en 1881
pour répondre de manière appropriée aux défis de notre temps. Comment responsabiliser des utilisateurs dont on ne connaît
pas l’identité ? Comment lutter contre des contenus diffamatoires, injurieux ou de provocation à la discrimination, dont on ne découvre l’existence que plusieurs semaines, voire des mois après leur diffusion ? Ou plus généralement, comment réprimer les abus à la liberté d’expression sur Internet ?

La lutte renforcée contre le terrorisme jusque sur Internet risque de tuer la liberté d’expression

Avec le renforcement de la lutte contre le terrorisme, la victime collatérale
de l’extension des mesures – retraits de contenus, blocages de sites web, déréférencement, ou encore responsabilité engagée des acteurs du Net,
… – se trouve être la loi de 1881, fondement de la liberté d’expression.

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

En France, la loi emblématique du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse constitue le socle de la liberté d’expression. Elle prévoit une procédure pénale spécifique et adaptée à la nature particulière des infractions relatives à la liberté d’expression, de pensée et d’opinion. Contrairement à ce que son nom indique, ce cadre protecteur ne se limite pas à la presse mais s’applique aux propos tenus par chaque citoyen sur des écrits, des imprimés, dans des lieux ou réunions publics mais aussi sur Internet.

* Christiane Féral-Schuhl, ancien bâtonnier du Barreau
de Paris. Elle est co-présidente de la Commission
de réflexion sur le droit et les libertés
à l’âge du numérique, à l’Assemblée nationale.

Bouclier juridique, le secret des affaires s’arrête là où commence la liberté d’expression

Anciens médias, nouveaux médias et lanceurs d’alerte sont unanimes pour préserver la liberté d’expression au nom de la liberté d’informer. C’est la limite naturelle du secret des affaires. Encore faut-il définir ce dernier et légiférer.
La loi « Macron » a tenté, en vain, de le faire. N’est-ce que partie remise ?

Etienne Drouard, avocat associé, cabinet K&L Gates

A l’occasion de l’examen en commission du projet de loi
« Macron » pour la croissance et l’activité, les parlementaires
ont adopté des amendements visant à définir et protéger le secret des affaires. Mais il n’aura fallu que 48 heures à deux journalistes de renom, Edwy Plenel (1) et Elise Lucet (2), pour faire renoncer l’Elysée, puis Bercy et la majorité parlementaire, au maintien du projet de texte sur le secret des affaires. Les deux journalistes estimaient qu’un tel projet portait atteinte à l’activité des journalistes, notamment leurs investigations et, de manière générale, que ce texte n’aurait jamais permis la sortie d’affaires telles que celle du Médiator ou des prothèses mammaires PIP s’il avait été en vigueur lorsque des journalistes enquêtaient sur ces affaires.