Les « Cnil » européennes tirent exagérément sur le nouveau bouclier « Privacy Shield »

Le groupe « G29 » critique trop sévèrement le nouveau « bouclier vie privée » (Privacy Shield) entre l’Europe et les Etats-Unis. Il trouve ses mécanismes de
co-régulation insuffisants. Pourtant, l’idéal européen en matière de protection
de droits individuels n’existe pas non plus.

Jean-Noël Tronc (Sacem) milite pour un système « copie privée » planétaire, étendu au cloud

Le directeur général de la Sacem, Jean-Noël Tronc, a plaidé le 3 décembre dernier – au siège de l’Unesco à Paris – en faveur d’un système « planétaire » de rémunération pour copie privée. Il pousse en outre la France à légiférer pour étendre la copie privée aux services en ligne de cloud computing.

« La rémunération pour copie privée, est un système qui pourrait être planétaire et qui a l’avantage de ne pas peser
sur les finances publiques, tout en concernant tous les genres d’arts. Elle peut être mise en oeuvre dans tous les pays du monde », a affirmé Jean-Noël Tronc (photo), DG de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), également vice-président de l’équivalent européen Gesac (1), organisation-sœur de la confédération internationale Cisac (2).

Pas de taxes « à côté de la plaque »
Jean-Noël Tronc répondait à une question de Edition Multimédi@ posée lors de la présentation – au siège de l’Unesco – du premier panorama mondial des industries culturelles et créatives réalisé par le cabinet d’études EY pour le compte de la Cisac.
« La copie privée est un système de rémunération – de compensation et d’exception au droit d’auteur – tout à fait intéressant car il concerne tous les arts et existe aujourd’hui dans de nombreux pays et dans presque toute l’Europe (3), après avoir été inventé en Allemagne dans les années 1960. En Afrique, par exemple, une dizaine de pays sur cinquante-quatre du continent l’ont mise en place », a-t-il souligné. Au niveau européen, où un projet d’harmonisation est en cours (4), elle rapporte plus de 600 millions d’euros chaque année. A l’échelle mondiale, difficile à savoir. C’est en France que la rémunération pour copie privée – contestée depuis des années par les industriels de l’électronique grand public – rapporte le plus aux ayants droits en Europe : près de 200 millions d’euros par an. « La question n’est pas de songer à un modèle unique. On a eu tendance, il y a quelques années, à songer à des idées comme celles de [contribution compensatoire], de taxes, de type one size fits all, ou de licence globale, qui sont un peu “à côté de la plaque”. La vraie question est de trouver des systèmes concrets qui corrigent une partie de cette capture de valeur illégitime, dans laquelle le modèle de partage de la valeur nécessaire est déséquilibré », a expliqué Jean-Noël Tronc pour justifier cette rémunération « copie privée » que les consommateurs perçoivent quand même comme une taxe, puisqu’ils la paient de quelques euros lors de l’achat d’appareils numériques disposant d’un support de stockage pour enregistrer (smartphones, tablettes, clé USB, disque dur externe, DVD, CD, etc.). Or ce prélèvement pourrait bientôt concerner aussi les services de cloud, ce nuage informatique qui permet d’avoir un compte personnel pour stocker à distance et de n’importe où ses contenus numériques – relevant de la copie privée ou pas. « Après quatre ans de discussion (5), le temps est venu de légiférer. Si le Sénat ne le fait pas,
la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne s’imposera. Il est temps d’accompagner l’évolution technologique en veillant à préserver la rémunération des acteurs, producteurs, auteurs-compositeurs et artistes-interprètes. Au législateur français de prendre ses responsabilités, sachant que le Parlement européen et la Commission européenne travaillent déjà sur le sujet », a prévenu David El Sayegh, secrétaire général de la Sacem, lors de son audition le 2 décembre par la commission Culture du Sénat dans le cadre du projet de loi « Liberté de création, architecture et patrimoine ». Et le juriste de la Sacem d’ajouter : « Oui, il faudrait aller chercher l’argent auprès de ceux qui en font : réseaux sociaux, plateformes internationales, moteurs de recherche… Encore faudrait-il que nos interlocuteurs ne soient pas juridiquement irresponsables. Facebook ou SoundCloud se déclarent hébergeurs et déclinent toute responsabilité sur les contenus qui transitent sur leurs plateformes. Cette question doit être traitée au niveau européen, par une modernisation de la directive européenne DADVSI (6), en séparant le bon grain de l’ivraie et en faisant rentrer les faux hébergeurs dans le schéma des licences ».

Directives DADVSI et E-commerce
Réformer la directive DADVSI de 2001 et modifier la directive « Commerce électroni-que » de 2000 : Jean-Noël Tronc en a fait son cheval de bataille à Bruxelles, via la Gesac et la Cisac, comme il nous l’a expliqué au siège de l’Unesco : « La directive européenne sur le commerce électronique de 2000 a créé une exception a un principe de droit à rémunération, pourtant reconnu dans la directive européenne DADVSI. Cela fait maintenant 15 ans que l’on attend une correction à ce cadre dans lequel la disposition du Safe Harbor [accords de 2000 entre les Etats-Unis et la Commission européenne, ndlr] crée une impossibilité pour les ayants droits, donc pour les auteurs,
à obtenir une rémunération ». Reste à savoir si lobbying des industries culturelles à Bruxelles arrivera à ses fins. @

Charles de Laubier

Piratage sur Internet : pourquoi Mireille Imbert-Quaretta dissuade de recourir aux amendes administratives

Présidente depuis six ans de la Commission de protection des droits (CPD), bras armé de l’Hadopi avec la réponse graduée, Mireille Imbert-Quaretta achève son mandat le 23 décembre. Cette conseillère d’Etat, qui dément la rumeur la faisant briguer la présidence de l’Hadopi, ne veut pas d’amendes sans juge.

Par Charles de Laubier

MIQCe sont des propos de Nicolas Seydoux, révélés par Edition Multimédi@ début novembre, qui ont relancés le débat sur l’amende forfaitaire automatique pour lutter contre piratage sur Internet. « Il n’y a qu’une seule solution : c’est l’amende automatique. Donc, on va essayer de passer un amendement au Sénat sur la nouvelle loi parlant de propriété littéraire et artistique [projet de loi « Liberté de création, architecture et patrimoine » qui sera débattu
en janvier 2016 au plus tôt, ndlr]. Je ne suis pas sûr que le Sénat votera cet amendement, mais ce dont je suis sûr, c’est que l’on prendra date sur ce sujet », avait confié le président de Gaumont (1) et président de l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa).
Son entourage nous a indiqué, début décembre, qu’il était encore trop tôt pour faire état de cet amendement. Infliger des amendes administratives automatiques aux pirates du Net est une vieille idée, apparue bien avant l’Hadopi et poussée par les ayants droits
de la musique (dont le Snep (2)) et du cinéma (dont l’ARP (3)), puis portée dès son élection présidentielle en 2007 par Nicolas Sarkozy. Ce dernier rêvait de transposer
sur Internet sa politique de sécurité routière qu’il avait basée – lorsqu’il fut auparavant ministre de l’Intérieur – sur le déploiement national de radars automatiques, d’ailleurs sans aucun débat parlementaire (4)…

Risques de censure du Conseil constitutionnel
Pas sûr cependant que le Sénat vote en début d’année prochaine un tel amendement « Amende automatique ». Mireille Imbert- Quaretta (photo), présidente jusqu’à l’échéance de son mandat le 23 décembre de la Commission de protection des droits (CPD) chargée de la réponse graduée au sein de l’Hadopi, a déjà fait savoir en juin à la mission d’information sénatoriale sur l’Hadopi – dans une note révélée ici en ligne
que l’idée d’amende administrative – automatique ou pas – risquait d’essuyer un rejet constitutionnel.
« Le retour à des sanctions administratives prononcées par la CPD ne s’inscrirait plus dans un processus de saisine des juridictions judiciaires. Le dispositif ne respecterait pas les décisions du Conseil constitutionnel et encourrait de forts risques de censure »,
a prévenu Mireille Imbert-Quaretta (« MIQ ») dans sa cette note intitulée « Revenir à une sanction administrative ? ».

Juge judiciaire incontournable
Le 25 novembre dernier, MIQ l’a clairement redit, en ajoutant qu’une telle amende automatique administrative – sans décision du juge judiciaire – serait « totalement contre-productif ». Surtout que, selon elle, la réponse graduée est déjà « une usine
à gaz » ! Publié en juillet dernier, le rapport sénatorial sur l’Hadopi a tout de même préconisé une amende administrative « notifiée par une commission des sanctions indépendante », en remplacement de l’actuelle sanction judiciaire, tout en maintenant au sein de l’Hadopi la réponse graduée. Reste à savoir si le chef de l’Etat, François Hollande, prendra le risque électoral – surtout à l’approche de la présidentielle de 2017 – de faire ce dont Nicolas Sarkozy a rêvé… Il n’en reste pas moins que, dans la lutte contre le piratage sur Internet, les amendes pénales infligeables au cas par cas – sous le contrôle du juge – ne manquent pas et elles peuvent être lourdes – surtout si elles sont assorties de dommages et intérêts. Bras armé de l’Hadopi, la CPD peut saisir le procureur de la République au titre de la contravention dite de 5e classe pour
« négligence caractérisée » dans la surveillance d’un accès à Internet. Alors que la loi
« Hadopi » de 2009 limite l’action de la CPD aux réseaux peer-to-peer (le streaming et le téléchargement direct étant en dehors de ses compétences), la sanction maximale encourue est une amende de 1.500 euros pour un particulier ou 7.500 euros s’il s’agit d’une personne morale (entreprise, organisation, association, …). Dans les faits, les peines d’amende prononcées à l’encontre des internautes reconnus coupables de piraterie se situent entre 50 euros et 1.000 euros, assorties ou non de sursis (5). Or,
sur près de 100 millions de saisines de la CPD par les organisations des ayants droits de la musique (Sacem/SDRM, SCPP, SPPF) et du cinéma ou de l’audiovisuel (Alpa) depuis le coup d’envoi en septembre 2010 de la réponse graduée, l’Hadopi n’a en fin de compte envoyé en cinq ans et au 30 juin dernier qu’à peine 5 millions d’emails
de premier avertissement, lesquels ont été suivis de moins de 500.000 envois de deuxième avertissement par lettre remise contre signature (7). In fine, l’Hadopi a indiqué qu’elle avait transmis à la justice un total de 365 dossiers de pirates récidivistes depuis le tout premier d’entre eux établi en mars 2012 (dont 245 dossiers transmis rien que sur ces douze derniers mois, confirmant une accélération). « Ce n’est qu’en 2015, que la CPD est parvenue à traiter la moitié des saisines qu’elle reçoit chaque jour,
avec l’objectif de parvenir à toutes les traiter à moyen terme. Pour y parvenir, l’Hadopi
a besoin de moyens supplémentaires », nous a expliqué MIQ.

Reste à savoir ce que les procureurs de la République – moins d’une centaine d’entre eux ont été saisis par la CPD depuis le début – font de ces dossiers judiciaires : comment peut-on comprendre que l’Hadopi ne soit « pas toujours tenue informée »
des suites judiciaires données par ces procureurs ? A ce jour, seulement 51 décisions de justice ont été portées à la connaissance de la CPD en cinq ans – et encore, la moitié l’ayant été au cours de l’année écoulée… Pourtant, la CPD est censée être représentée lors des audiences des auteurs de faits incriminés. Mais en réalité, elle
n’a effectivement été présente que 27 fois depuis la toute première audience devant
un tribunal de police en 2013.

Réponse graduée et contrefaçon
De leur côté, les ayants droits de la musique ou du cinéma ont la possibilité d’intenter une action en justice fondée sur le délit de contrefaçon – puni cette fois de trois ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amende, voire de cinq ans de prison et 500.000 euros d’amende en cas de délit ou de blanchiment en bande organisée – et de demander des dommages et intérêts pouvant atteindre plusieurs millions d’euros. Bref, les sanctions pécuniaires – amendes ou dommages et intérêts – ne font pas défaut dans l’arsenal judiciaire français. Mais les ayants droits ne sont toujours pas contents… @

Charles de Laubier

Protéger l’innovation et le patrimoine informationnel : une entreprise avertie en vaut deux

Depuis la directive européenne « Attaques contre les systèmes d’information »
de 2013, censée être transposée par les Ving-huit depuis le 4 septembre 2015,
les entreprises – et leurs-traitants – doivent redoubler de vigilance contre la cybercriminalité aux risques démultipliés. L’arsenal français est renforcé.

* Christiane Féral-Schuhl,
ancien bâtonnier du Barreau de Paris.

Blocages de sites web et condamnations en contrefaçon : coups d’épée dans l’eau ?

The Pirate Bay, eMule, T411, Wawa-Mania… Aujourd’hui, ces plateformes font l’objet d’un feu nourri de la part d’ayants droit qui, soucieux de faire respecter leurs intérêts moraux et financiers sur les œuvres diffusées sans leur accord, entendent bien mettre un terme à ces pratiques. En vain ?