Avec le « RGPD » californien, les GAFAM garderont le pouvoir en 2020 sur les données personnelles

Le partage des données des consommateurs avec les entreprises s’est généralisé en dix ans. Or le droit californien n’avait pas suivi cette évolution, laissant aux entreprises de la Silicon Valley la liberté d’exploiter la vie privée des individus sans contrainte. Ce que change partiellement le CCPA.

Dans le sillage du règlement général sur la protection des données (RGPD), le California Consumer Privacy Act (CCPA) est entré en vigueur le 1er janvier 2020. Cette loi applicable dans l’Etat américain le plus peuplé des Cinquante vient renforcer le contrôle des consommateurs californiens sur leurs données personnelles en leur octroyant de nouveaux droits. Et ce, afin de leur permettre de reprendre le contrôle de leurs vies privées.

Droit local d’inspiration populaire
A la suite du scandale Cambridge Analytica et de la fuite massive de données d’Equifax, concernant 143 millions de personnes, soit près de la moitié de la population américaine (1), a été formulée en 2018 une proposition de loi d’initiative populaire visant à protéger les données personnelles des Américains. Deux militants pour la protection de la vie privée, issus de la société civile, l’homme d’affaires Alastair Mactaggart et une juriste spécialiste de droit à la protection de la vie privée, Mary Stone Ross, ont rédigé dès 2017 un projet de loi sous le nom de California Consumer Privacy Act (CCPA) soumis aux électeurs californiens par la voie pétitionnaire (2). Le droit californien permet en effet aux citoyens de cet Etat de faire adopter des textes législatifs ou de provoquer un référendum au niveau local en recueillant 366.000 signatures. Le CCPA a recueilli 600.000 signatures, révélant par là une véritable volonté des Californiens de reprendre le contrôle de leurs vies privées et d’empêcher les intrusions répétées des GAFAM dont ils ont été victimes ces dernières années.
Mise sous pression, la Silicon Valley – dont la collecte des données personnelles est le fer de lance de son modèle économique – a milité auprès des chambres législatives californiennes pour que ces dernières concluent un accord avec les promoteurs du texte et que soit évité un référendum. Le 28 juin 2018, et après moins d’une semaine de débat, la loi initialement proposée a alors été adoptée par le législateur californien sous une version plus timorée que le projet initial. Le texte continue cependant à se heurter à la résistance des entreprises de nouvelles technologies qui militent pour l’adoption d’un texte fédéral moins contraignant. En effet, des lois prises par le Congrès à Washington s’imposeraient sur le droit des Etats fédérés et empêcheraient le CCAP de s’appliquer. Dans le sillage du CCPA, d’autres projets de loi se sont faits jour au niveau fédéral visant à réglementer la collecte des données personnelles des citoyens américains. Certaines propositions sont spécifiques et visent uniquement les données transmises via les réseaux sociaux. D’autres projets sont plus ambitieux dans leur champ d’application et cherchent à imposer un traitement loyal, équitable et non discriminatoire aux responsables de traitements, à l’instar du RGPD. Si aucun de ces projets n’a l’ambition portée par le texte européen, ils s’en inspirent dans la forme et constitueraient néanmoins une avancée considérable dans la conquête des droits des internautes quant au respect de leurs vies privées. Le CCPA intégré dans le Code civil de Californie (3) s’applique à toutes les informations à caractère personnel collectées, électroniquement ou non, auprès de consommateurs.
Les consommateurs sont définis comme des personnes physiques résidant en Californie, ce qui confère un champ d’application aux bénéficiaires du texte aussi large que le RGPD. La loi californienne s’applique donc très largement et pas seulement aux données collectées sur Internet. Toutefois, de façon plus pragmatique que le RGPD, les assujettis du CCPA sont uniquement des entreprises d’envergure. Ces dernières doivent en effet réaliser un chiffre d’affaires annuel supérieur à 25 millions de dollars, ou acheter, vendre ou partager à des fins commerciales des informations personnelles de plus de 50.000 consommateurs, ou encore obtenir plus de 50 % de leurs revenus annuels de la vente d’informations personnelles du consommateur.

Champ d’application du CCPA
Ainsi, les associations comme les petites et moyennes entreprises ne sont pas concernées par le texte. Les pouvoirs publics peuvent également continuer à collecter les données personnelles des individus sans que ceux-ci puissent s’y opposer, même s’il est prévu que les données issues de ces traitements et réutilisées pour d’autres finalités sont des informations sur lesquels les citoyens californiens pourront exercer les droits prévus par le texte. Le texte de loi californien vise les informations à caractère personnel comme les noms, les adresses, le numéro de sécurité sociale, les adresses IP, les renseignements commerciaux (registre de la publicité foncière, historique de crédit, …), les informations biométriques, les historiques de navigation, les données de géolocalisation, les informations audio, électroniques, visuelles, thermiques, olfactives, les informations professionnelles ou liées à l’emploi, ou encore les informations sur l’éducation. Sont également concernées toutes déductions tirées de ces différentes informations afin de créer un profil. Toutefois, un certain nombre de domaines sont exclus du champ d’application de la loi. Il en va ainsi du domaine financier, des agences de notation des consommateurs ou encore des informations visant les conducteurs.

Droits nouveaux pour les Californiens
Pâle copie du RGPD, le CCPA impose des obligations aux entités assujetties et des droits aux citoyens bénéficiaires. L’entreprise qui collecte des données doit informer le consommateur californien sur les catégories de données collectées, les sources auprès desquelles les données sont collectées, les finalités de la collecte et les catégories de tiers avec lesquelles l’entreprise partage les données. Les consommateurs doivent pouvoir exercer leurs droits dans des conditions faciles et gratuites : description du droit d’accès, du droit à l’effacement, du droit à l’égal accès aux services, description des méthodes pour présenter les requêtes. La loi californienne donne aussi aux consommateurs la possibilité de refuser la vente de leurs informations personnelles à des tiers, obligeant les entreprises concernées à publier un lien clair et visible intitulé « Ne pas vendre mes informations personnelles » sur leur site web national ou leur page spécifique à la Californie.
Un consommateur a le droit de demander à une entreprise de supprimer toute information personnelle le concernant que l’entreprise a collectée auprès de lui, et l’entreprise doit répercuter la demande auprès de ses sous-traitants. Toutefois, l’entreprise peut refuser cet effacement pour des raisons légitimes telles que l’exécution du contrat conclu entre l’entreprise et le consommateur. Enfin, la loi californienne confère le droit à un égal accès aux services, interdisant en principe toute discrimination à l’encontre des consommateurs qui exercent leurs droits en vertu de la loi. Les entreprises peuvent cependant être autorisées à appliquer des tarifs différents ou à fournir différents niveaux de service, si ces différences sont en lien raisonnable avec la « valeur fournie au consommateur par les données du consommateur », conférant un droit à la discrimination. Enfin, et à la grande différence du RGPD, les entreprises peuvent proposer des incitations financières – notamment des paiements aux consommateurs à titre de compensation – pour la collecte de leurs données personnelles. Cette option, pour laquelle de nombreux think tank militent en Europe, est à ce stade exclu par l’Union européenne pour qui les données personnelles sont des droits extrapatrimoniaux, incessibles. En cas de non-respect du CCPA, une amende de 2.500 dollars par violation, et de 7.500 dollars si la violation est intentionnelle, est infligée. Ce qui est peu, au regard du chiffre d’affaires des entreprises visées par le texte. Néanmoins, la loi californienne prévoit des dommages et intérêts dans le cadre d’une action intentée par un consommateur, compris entre 100 et 700 dollars par infraction et par consommateur, ce qui peut s’avérer important à l’aune du système de la class action. La procédure des actions collectives, bien éprouvée aux Etats-Unis, devrait en effet pouvoir contraindre les entreprises à respecter cette nouvelle loi, moins pour la sanction financière que pour la mauvaise publicité que représenterait une sanction prononcée à la demande de centaines de milliers de plaignants. A noter qu’en Europe, la commission des Affaires juridiques (JURI) a confirmé en janvier dernier (4) la position de négociation du Parlement européen sur une nouvelle législation introduisant des règles de recours collectif (5). En France, l’action de groupe a été introduite par la loi du 17 mars 2014 sur la consommation (loi dite « Hamon »).
Si le CCPA est timide au regard de l’enjeu que représentent les données personnelles pour les entreprises du numérique, il marque néanmoins un réel progrès quant à la protection des droits des données personnelles des citoyens californiens. Déjà, cette initiative a conduit d’autres Etats à réfléchir à une législation dans ce sens, et une loi fédérale devra inévitablement voir le jour pour éviter des législations disparates au sein d’un même pays. Dans le même temps, le parti communiste chinois a annoncé vouloir protéger les données personnelles de ses citoyens.

Vers des règles internationales unifiées
La collecte des données personnelles représente l’or noir du XXIe siècle et constitue un outil de concurrence majeur au sein du commerce international. Les législations nationales ne manqueront donc pas de s’affronter afin de contraindre les entreprises extérieures à limiter leur pouvoir d’intrusion de la vie privée de leurs citoyens tout en cherchant à poursuivre cette conquête des données, outil indispensable de la compétitivité économique. A moins qu’en guise d’apaisement, le G20 qui se tiendra à Riyad en novembre 2020 mette à son ordre du jour la recherche de règles internationales unifiées, seuls moyens de réguler la tentation intrusive des GAFAM. @

* Alexandre Lazarègue est avocat au Barreau de Paris,
spécialisé en droit du numérique.

Haine sur Internet : la loi Avia veut lutter
contre un fléau sans « privatiser la censure »

Le marathon parlementaire de la future loi « Avia » contre la haine sur Internet n’en finit pas. Rédigé à la va-vite, le texte est controversé. Le délai de retrait de 24 heures – disposition supprimée puis réintégrée (délai ramené à 1 heure dans certains cas) – illustre la valse-hésitation du législateur.

Les plateformes numériques sont-elles parties pour un grand chelem de sanctions ?

Les géants du Net sont pris entre deux feux principaux : le droit de la concurrence, d’une part, et la protection des données, d’autre part. Mais ces deux référentiels juridiques s’entremêlent de plus en plus et se démultiplient, au risque d’aboutir à des doubles sanctions. Ce que l’Europe assume.

Droit moral des auteurs de films et de séries : le final cut «à la française» s’imposera par la loi

Netflix, Amazon Prime Video ou encore Disney+ seront tenus de respecter le final cut « à la française », qui requiert l’accord du réalisateur pour le montage définitif d’un film ou d’une série. Ce droit moral est visé par le projet de loi sur l’audiovisuel présenté le 5 décembre dernier.

A la poursuite du droit à l’oubli et d’un équilibre par rapport aux autres droits fondamentaux

Le droit à l’oubli sur Internet – dont le droit au déréférencement sur les moteurs de recherche – n’est pas un droit absolu. Il s’arrête là où commencent d’autres droits fondamentaux comme la liberté d’informer – selon le principe de proportionnalité. Mais cet équilibre est à géométrie variable.

Fabrice Lorvo*, avocat associé, FTPA.

L’oubli est une préoccupation récente aux racines millénaires. C’est d’abord un concept auquel notre civilisation est rompue depuis le code de Hammurabi (1). Cependant, l’effectivité de l’oubli a été profondément remise en cause par la révolution numérique car la donnée devient aujourd’hui indéfiniment apparente sur les sites web et immédiatement accessible par les moteurs de recherche. Dès lors, le législateur comme le juge œuvrent pour adapter un droit à l’oubli (2) à l’outil numérique.

Conditions du droit au déréférencement
Deux arrêts ont été rendus le 24 septembre 2019 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui contribuent à en définir les modalités. Nous nous intéresserons à celui (3) qui apporte d’importantes précisions sur les conditions dans lesquelles une personne peut exercer son droit au déréférencement. Ce droit permet à une personne de demander à un moteur de recherche de supprimer certains résultats qui apparaissent à partir d’une requête faite avec son nom et son prénom lorsque ces résultats renvoient vers des pages contenant des informations sensibles la concernant (par exemple, sa religion, ses opinions politiques ou l’existence d’une procédure pénale). Cette suppression concerne uniquement la page de résultats et ne signifie donc pas l’effacement des informations sur le site web source. Les informations continuent d’exister, mais il est plus difficile et long de les retrouver.
Au regard des textes successivement applicables (4), et des enseignements de la jurisprudence « Google Spain » (5) de 2014, la CJUE apporte les précisions suivantes :

Les interdictions et les restrictions au traitement de certaines données, comme les exceptions prévues par les textes, s’appliquent à l’exploitant d’un moteur de recherche à l’occasion de la vérification qu’il doit opérer à la suite d’une demande de déréférencement. Le rôle du moteur de recherche est décisif dans la mesure où, techniquement, il permet de trouver immédiatement, dans l’océan des données disponibles sur Internet, toutes les informations sur une personne dénommée, et, en les regroupant, de constituer ainsi un profil. La cour rappelle que l’exploitant d’un moteur de recherche n’est pas responsable des données existantes, mais uniquement de leur référencement et de leur affichage dans une page de résultats suite à une requête nominative. Cet exploitant doit respecter la législation sur le traitement des données comme les éditeurs de sites web. Tout autre interprétation constituerait « une ingérence particulièrement grave dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel » qui sont garantis par les textes.

L’exploitant d’un moteur de recherche a l’obligation de faire droit à la demande de la personne concernée… sauf si des exceptions (prévues par les textes) s’appliquent. La CJUE rappelle que les Etats membres doivent garantir aux personnes concernées le droit d’obtenir du responsable de traitement l’effacement des données dont le traitement n’est pas conforme aux textes. De même, en cas de demande de déréférencement, l’exploitant d’un moteur de recherche est obligé de supprimer de la liste de résultats, des liens vers des pages web, publiées par des tiers et contenant des informations sensibles relatives à cette personne, même si lesdites informations ne sont pas effacées préalablement ou simultanément de ces pages web, et même lorsque leur publication en elle-même sur lesdites pages est licite. Enfin, la cour rappelle que le consentement de la personne au traitement de ce type d’information est nécessaire et qu’il n’existe plus à partir du moment où ladite personne demande le déférencement. Il n’est donc pas nécessaire de prouver que le référencement cause un préjudice.

Droit absolu et principe de proportionnalité
Ce régime extrêmement protecteur, eu égard à l’importance de l’impact d’une telle publication pour l’individu, connaît néanmoins une exception de taille. En effet, l’ingérence dans les droits fondamentaux d’un individu peut cependant être justifiée par l’intérêt prépondérant du public à avoir accès à l’information (6) en question. Le droit au déréférencement des données à caractère personnel n’est donc pas un droit absolu, il doit être systématiquement comparé avec d’autres droits fondamentaux conformément au principe de proportionnalité. En conséquence, le droit à l’oubli de la personne concernée est exclu lorsqu’il est considéré que le traitement desdites données est nécessaire à la liberté d’information. Le droit à la liberté d’information doit répondre à des objectifs d’intérêt général reconnu par l’Union européenne ou, au besoin, de protection des droits et des libertés d’autrui.

Droits fondamentaux et liberté d’informer
Lorsqu’il est saisi d’une demande de déréférencement, l’exploitant d’un moteur de recherche doit donc mettre en balance, d’une part, les droits fondamentaux de la personne concernée et, d’autre part, la liberté d’information des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à cette page web au moyen d’une telle recherche. D’après la CJUE, si les droits de la personne concernée prévalent, en règle générale, sur la liberté d’information des internautes, cet équilibre peut toutefois dépendre de la nature de l’information en question et de sa sensibilité pour la vie privée de la personne concernée ainsi que l’intérêt du public à disposer de cette information. Or, cet intérêt peut varier notamment en fonction du rôle joué par cette personne dans la vie publique, comme l’illustre la jurisprudence « Google Spain ».

Enfin, la CJUE aborde la question cruciale de la publication relative à une procédure judiciaire, notamment quand ces informations sont devenues obsolètes. Il s’agit des informations concernant une enquête, une mise en examen ou un procès et, le cas échéant, de la condamnation qui en a résulté. La cour rappelle que la publication de ces données est soumise à des restrictions particulières (7) et qu’elle peut être licite lorsqu’elle est divulguée au public par les autorités publiques. Cependant, un traitement initialement licite de données exactes peut devenir avec le temps illicite, notamment lorsque ces données apparaissent inadéquates, qu’elles ne sont pas ou plus pertinentes, ou sont excessives au regard des finalités du traitement ou du temps qui s’est écoulé. L’exploitant d’un moteur de recherche doit encore vérifier, au jour de la demande de déréférencement, si l’inclusion du lien dans le résultat est nécessaire à l’exercice du droit à la liberté d’information des internautes potentiellement intéressés par l’accès à cette page web au moyen d’une telle recherche. Dans la recherche de ce juste équilibre entre le droit au respect de la vie privée des personnes, et notamment la liberté d’information du public, il doit être tenu compte du rôle essentiel que la presse joue dans une société démocratique et qui inclut la rédaction de comptes rendus et de commentaires sur les procédures judiciaires, ainsi que le droit pour le public de recevoir ce type d’information. En effet, selon la jurisprudence (8), le public a un intérêt non seulement à être informé sur un événement d’actualité, mais aussi à pouvoir faire des recherches sur des événements passés, l’étendue de l’intérêt du public quant aux procédures pénales étant toutefois variable et pouvant évoluer au cours du temps en fonction, notamment, des circonstances de l’affaire : notamment « la nature et la gravité de l’infraction en question, le déroulement et l’issue de ladite procédure, le temps écoulé, le rôle joué par cette personne dans la vie publique et son comportement dans le passé, l’intérêt du public à ce jour, le contenu et la forme de la publication ainsi que les répercussions de celle-ci pour ladite personne ».

Outre l’actualité ou le passé définitif, une difficulté demeure pour les informations obsolètes ou partielles. Par exemple, qu’en est-il pour une mise en examen annoncée sur Internet qui a aboutie à un non-lieu ? Ou pour une décision de condamnation frappée d’appel ? L’apport nouveau et essentiel de cet arrêt du 24 septembre 2019 est que la CJUE considère que même si la liberté d’information prévaut, l’exploitant est en tout état de cause tenu – au plus tard à l’occasion de la demande de déréférencement – d’aménager la liste de résultats, de telle sorte que l’image globale qui en résulte pour l’internaute reflète la situation judiciaire actuelle. Ce qui nécessite notamment que des liens vers des pages web comportant des informations à ce sujet apparaissent en premier lieu sur cette liste. Il s’agit là d’une précision essentielle, en théorie, mais qui peut s’avérer complètement inefficace en pratique. Pour apparaître dans les résultats, ces pages (sur la situation judiciaire actuelle) doivent… exister. Que se passe-t-il si des pages web ne comportent pas d’informations sur la suite de la procédure ? Souvent, la presse s’intéresse plus aux mises en examen qu’aux cas de nonlieu. La personne concernée devra-t-elle publier elle-même des pages web sur sa situation judiciaire actuelle ? Mais dans l’esprit du public, quelle force aura cette preuve pro domo (9) ? Devra-t-elle avoir recours à une agence de communication pour ce faire ? Enfin, les délais de traitement des demandes de référencement sont très longs, d’abord pour les moteurs de recherche puis au niveau des autorités de contrôle (la Cnil en France), et, pendant ce temps-là, les résultats de la recherche demeurent affichés ; le mal est fait. Avoir raison trop tard, c’est toujours avoir tort dans l’esprit du public.

Renverser la charge de la preuve ?
Dans ces conditions, pour ce type d’information d’une extrême sensibilité et, au moins, pour les personnes qui ne recherchent pas les suffrages du public, ne conviendrait-il pas de renverser la charge de la preuve ? D’imposer que l’exploitant du moteur de recherche ait l’obligation, à première demande, de déréférencer ces données ? Et s’il considère que la balance penche dans l’intérêt du public, l’exploitant devra saisir l’autorité de contrôle puis, en cas de refus, les tribunaux pour demander l’autorisation de re-référencer le lien. @

* Fabrice Lorvo est l’auteur du livre « Numérique : de la
révolution au naufrage ? », paru en 2016 chez Fauves Editions.