TDF, l’ex-Télédiffusion de France, est en voie d’être vendu par appartements, à commercer par sa fibre

Derrière l’ultra-HD sur la TNT pour les JO 2024 de Paris, il y a TDF. Mais la télé ne pèse plus que 18 % du chiffre d’affaires 2023 de l’ex-Télédiffusion de France, loin derrière les télécoms (60 %), suivies de la radio (14 %) et de la fibre (8 %). A presque 50 ans, son démantèlement commence.

C’est un peu de la souveraineté audiovisuelle française que l’on « brade » progressivement à des fonds d’investissement étrangers. L’exTélédiffusion de France, devenue il y a 20 ans TDF, ne sera-t-elle bientôt plus que l’ombre d’elle-même. La vente par appartements de ce fleuron tricolore des infrastructures réseau ne fait que débuter. A l’heure où l’échéance de 2025 pour « la fibre pour tous » approche à grands pas, les financiers s’affairent en coulisse autour des actifs de l’ancien monopole public de l’audiovisuel, diversifié depuis dans les télécoms et présidé depuis près de 15 ans par Olivier Huart (photo).

Les actionnaires étrangers font pression
Dix ans après avoir été cédé à un consortium de fonds d’investissement étrangers (1) menés par le canadien Brookfield (45 % du capital), avec son compatriote PSP, le néerlandais APG et le britannique Arcus (45 % à eux trois), aux côtés de « l’investisseur français de référence » Predica, filiale du Crédit Agricole Assurances (10 %), le groupe TDF – qui n’est plus français depuis longtemps – pourrait disparaître du paysage audiovisuel et télécoms de l’Hexagone. Alors que ces fonds – Brookfield en tête – cherchent depuis quelques années à céder leurs participations en espérant dégager de fortes plus-values, le contexte économique et les conditions de marché n’ont pas encore été favorables pour leur permettre de sortir par le haut.
Le canadien Brookfield en sait quelque chose, lui qui a tenté à trois reprises de céder ses 45 % dans TDF : une première fois en 2019 mais les discussions avec Axione/Bouygues n’ont pas abouti, une seconde fois en 2021 mais sans lendemain là aussi, une troisième fois en 2022 où, après deux ans de covid-19 et malgré le début de la guerre en Ukraine, cela devait être la bonne. Cette opération financière devait même être la plus grosse attendue en France dans les télécoms depuis bien longtemps, valorisant l’ensemble de l’ex-Télédiffusion de France jusqu’à 10 milliards d’euros, dont près de 4,5 milliards pour les 45 % de Brookfield. La « culbute » s’annonçait formidable pour les fonds qui avaient acquis fin 2014 TDF pour la « modique » somme de 3,6 milliards d’euros, dont 1,4 milliard de dette à l’époque. La position dominante de TDF sur son marché domestique de la radiodiffusion profitait déjà aux fonds, comme c’est toujours le cas aujourd’hui (2). Hélas, cette troisième tentative de Brookfield et de ses fonds partenaires a elle aussi échoué début 2023 sur les récifs des crises énergétiques, inflationnistes et guerrières. L’acquéreur déclaré, le fonds suédois EQT, a rencontré des difficultés de financement et le méga-deal n’a finalement pas abouti (3). A défaut d’avoir pu sortir dans des conditions acceptables, les fonds actionnaires font pression sur la direction de TDF pour sortir de l’impasse, quitte à la convaincre de démanteler leur « poule aux œufs d’or ».
La vente à la découpe est engagée, à commencer par l’activité fibre de TDF. Le 18 avril dernier, le fonds néerlandais DIF Capital Partners – lui-même en phase d’être contrôlé par la société luxembourgeoise CVC – a annoncé être entré en négociations exclusives pour acquérir TDF Fibre, filiale détenue à 79,5 % par TDF et à 20,5 % par la Banque des Territoires – laquelle est la filiale d’investissement de la Caisse des Dépôts (CDC), le bras armé financier de l’Etat français. Ce n’est pas un méga-deal qui se profile cette fois, mais la cession de cette activité fibre – mise en vente depuis un an – est un premier pas vers un fort probable démantèlement.
Ne pesant que 8,4 % du chiffre d’affaires 2023 de TDF, à savoir 71,3 millions d’euros (+ 37,6 % sur un an) sur un total de 849,7 millions d’euros (+ 10,4 %), la fibre de TDF pourrait être d’un très bon rapport financier pour satisfaire les fonds actionnaires impatients. TDF Fibre gère 735.500 prises commercialisables réparties sur cinq réseaux optiques que lui ont confiés le Val d’Oise, les Yvelines, le Loir-et-Cher/Indre-et-Loire, le Maine-et-Loire et la communauté de communes de Faucigny Glières en Haute-Savoie (4).

Exit TDF Fibre d’ici fin 2024, et après ?
« Cette opération, en cours de négociation, fera l’objet de procédures d’information-consultation des instances représentatives du personnel concernées et pourrait être finalisée d’ici la fin de l’année 2024 », ont précisé ensemble TDF, la Banque des Territoires (5) et DIF Capital. Les syndicats, eux, attendent avec inquiétude la suite du démantèlement. « Nous allons donc être amputé d’une partie de notre entreprise. […] Nous espérons aussi que cette séparation ne constitue pas les prémices d’autres évolutions à venir pour ceux qui restent à TDF », a par exemple déclaré le 16 mai (6) l’Union nationale des syndicats autonomes (Unsa), à l’issue d’une réunion en Comité social et économique (CES) extraordinaire du groupe en sursis. @

Charles de Laubier

Ex-HBO Max/Discovery+, Max met le paquet en France

En fait. Le 11 juin, la plateforme de vidéo à la demande par abonnement Max – du groupe américain Warner Bros. Discovery – est sur le point d’être lancée en France. Et une offre de SVOD en plus ! Mais le nouvel entrant venu d’Hollywood entend bien se hisser dans le trio de tête du marché français déjà saturé.

En clair. La plateforme de SVOD de Warner Bros. Discovery aurait déjà séduit 100 millions d’abonnés dans les pays où elle est déjà disponible : depuis mai 2020 aux Etats-Unis, d’abord sous le nom de HBO Max, rebaptisée Max en mai 2023, et depuis février 2024 en Amérique du Sud. En Europe, les premiers à avoir été servis depuis le 21 mai sont les pays nordiques et ibériques ainsi que ceux de l’Europe centrale et orientale.
C’est maintenant au tour de la Pologne, des Pays-Bas, de la Belgique et de la France le 11 juin. Outre un catalogue riche de 18.500 heures de contenus (1), Max va saisir l’occasion des Jeux Olympiques de Paris – du 26 juillet au 11 août 2024 – pour proposer l’intégralité des compétitions sportives sur Eurosport, en live ou à la demande. A condition d’y mettre le prix : l’offre sport – JO inclus mais pas de foot (2) – est soit comprise dans le forfait premium de 13,99 euros par mois, soit en option de 5 euros par mois supplémentaires dans les deux autres forfaits à 5,99 euros (basic avec publicités) et à 9,99 euros (standard sans) : la retransmission de toutes les épreuves olympiques se fera par 62 flux en live streaming pour 3.800 heures de compétitions, avec des commentaires en vingt langues. Le sport est le produit d’appel de Max. Le catalogue hollywoodien complété par des œuvres françaises pourrait fidéliser les abonnés déjà largement sollicités par ailleurs par Netflix, Amazon Prime Video, Disney+ et une trentaine d’autres plateformes vidéo. C’est Clément Schwebig, président de Warner Bros. Discovery pour l’Europe de l’Ouest et l’Afrique, qui est à la manœuvre : « Nous voulons être dans le Top 3 des plateformes de streaming dans chacun des pays où on se lance », a-t-il affirmé lors de la présentation de Max le 30 mai dernier. La base line de Max est « Regarder mieux »… que Netflix, le pionnier et numéro un présent depuis bientôt dix ans en France ?
Quant au bouquet OCS, cédé avec Orange Studio par Orange en janvier 2024 à Canal+ (lequel détenait déjà 33,33 %), il était jusqu’à fin 2022 le partenaire exclusif de HBO en France. Depuis le 1er janvier 2023, ce n’est plus le cas. Mais Canal+ sera un des distributeurs de Max à partir du 11 juin, à l’instar d’Amazon Prime Video qui proposera aussi Max, tout comme les opérateurs télécoms Orange, Free et SFR sur leurs box (pas encore Bouygues Telecom). Les Smart TV de Samsung ou de LG seront aussi « au Max ». @