Rachida Dati, la nouvelle ministre de la Culture sous le signe de la sobriété numérique… et budgétaire ?

Personne ne l’attendait à la Culture. Et ce n’est pas sans hésitations que Rachida Dati a accepté, le 11 janvier, d’entrer au gouvernement en obtenant ce portefeuille ministériel qu’elle ne souhaitait pas vraiment. Première communication de son ministère : « la sobriété numérique » pour la culture. Un signe.

Nomination le 11 janvier de Rachida Dati (photo), passation de pouvoir le 12 janvier entre Rima Abdul Malak et elle, et publication le 15 janvier de la toute première communication du ministère de la Culture sous l’ère de la nouvelle locataire de la rue de Valois sur… « la sobriété numérique » dans le secteur culturel. Cela commence bien ! Il va valoir se serrer la ceinture virtuelle pour se cultiver, et les professionnels de la culture sont désormais tenus de lever le pied sur le numérique. « La culture représente notamment 70 % de la bande passante utilisée sur Internet : vidéo ou musique en streaming, jeux vidéo en ligne, presse en ligne, etc. Le secteur culturel favorise par ailleurs l’introduction des innovations d’usage et de nouveaux équipements (comme le casque de réalité virtuelle) », est-il justifié dans le premier volet « sobriété numérique » (1) de ce double communiqué « Transition écologique » du secteur culturel. Hasard du calendrier des mises en ligne officielles sur le site web du ministère de la Culture (culture.gouv.fr), c’est donc le 15 janvier qu’est aussi publié le compte-rendu de la passation de pouvoir du 12 janvier entre Rima Abdul Malak et Rachida Dati, avec… la vidéo YouTube incrustée sur la page web ministérielle (2), complétées des discours respectifs de l’ancienne et de la nouvelle ministre de la Culture.

« Réduire l’empreinte carbone » culturelle«
Le numérique représentait déjà 2,5 % de l’empreinte carbone française en 2020. Sans inflexion, elle pourrait tripler d’ici à 2050 », alerte le ministère de la Culture, alors même que Rachida Dati vient à peine de prendre possession de son maroquin ministériel. Audiovisuel, cinéma, musique, musées, presse, livres, arts visuels, danse, opéras, théâtres, spectacles vivants, autrement dit toutes les entreprises culturelles, sont appelées – en guise de changement d’ère… y compris de ministre – à « réduire l’empreinte carbone de [leurs] usages digitaux ». Pourtant, lors de son discours de prise de fonction, Rachida Dati a tout de même mentionné « les nouvelles technologies de diffusion » comme faisant partie – aux côtés de la culture et des « industries culturelles et créatives » – du « réarmement » de la France que le président de la République a appelé de ses vœux le 16 janvier dernier (3).

Culture énergivore : haro sur la vidéo !
Et la nouvelle ministre d’ajouter : « Il est important que la culture soit accessible à tous » (4). Même avec un Internet bridé ? A l’instar du ministère de la Transition écologique, le ministère de la Culture a dédié une personne à temps plein pour veiller au respect de la sobriété numérique : Christine Debray, directrice de projet « sobriété numérique culturelle » depuis mai 2023. « Les défis écologiques qui accompagnent l’usage du numérique dans le secteur culturel sont encore souvent mal identifiés, explique cette ancienne directrice informatique de la mairie de Paris puis du CNC (5). L’une de mes missions est de systématiser la prise en compte de la sobriété numérique dans les appels à projets culturels ayant une composante numérique. Penser autrement le numérique, essayer de l’économiser pour être sobre permet de changer de posture », explique Christine Debray dans ce communiqué officiel du 15 janvier. Elle donne l’exemple d’un Opéra qui diffuserait sur son site Internet une de ses représentations et suggère de demander d’abord à l’internaute s’il veut ou non visionner la vidéo, dans la mesure où « certains souhaitent regarder l’opéra, quand d’autres préfèrent simplement l’écouter ».
Objectif pour la culture : « Economiser de la bande passante et être moins énergivore ». La Madame « Sobriété numérique » de la Culture estime en outre qu’« une vidéo n’a pas besoin d’être en 4K pour être visionnée sur un smartphone ». Le monde de la culture doit donc s’inscrire dans la nouvelle ère du « numérique responsable ». Il y a même plus radical : le site web du Palais de Tokyo, anciennement palais des Musées d’art moderne et propriété de la mairie de Paris, propose même un bouton « Mode éco » en haut de sa page d’accueil (6)) pour ceux qui souhaitent l’activer pour que « toutes les vidéos et toutes les images disparaissent de l’écran » ! La culture, qui est appelée à adopter ce type de site web ou d’applications mobiles « écoconçus », deviendrait ainsi moins émettrice de gaz à effet de serre… Surtout que le Palais de Tokyo se targue de gagner encore plus en sobriété en ayant conçu 80 % de son site web pour une lecture sur les smartphones (donc avec des pages plus allégées que sur ordinateurs). Cet établissement culturel de la marie de Paris, qui se veut décidément éco-vertueux et exemplaire, a aussi choisi un hébergeur situé en France et « respectueux de l’environnement » : Datacampus, data center situé au Futuroscope (près de Poitiers dans la Vienne). Celuici « n’utilise pas de climatiseurs pour refroidir ses serveurs », précise le second volet « mode éco » du double communiqué émis le 15 janvier par la rue de Valois (7). Le mandat de Rachida Dati commence donc avec cet appel à la modération numérique dans le secteur de la culture, comme pour les autres, conformément à la loi « Reen » de 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique (8), suivie de la recommandation de l’Arcom demandant en juillet 2023 à tous les acteurs de l’audiovisuel et du digital de, entre autres, calculer l’impact environnemental des usages vidéo et d’en informer les utilisateurs pour les inciter à avoir « des comportements plus sobres » (9). Quand bien même l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a démontré « les impacts climatiques relativement modestes de la vidéo en streaming » (10).
De la sobriété numérique à la sobriété culturelle, il n’y a qu’un pas. Rachida Data sera-t-elle à la Culture la ministre de la sobriété budgétaire ? Sa prédécesseur (11), Rima Abdul Malak (« RAM »), a exprimé le 12 janvier, lors de la passation de pouvoir, sa satisfaction : « Je suis fière d’avoir obtenu les budgets les plus élevés de l’histoire de ce ministère : en hausse de 7 % en 2023 et à nouveau de 6 % pour 2024, avec la création de 125 emplois supplémentaires et la sauvegarde de nombreux crédits d’impôts, qui sont indispensables à la vitalité du secteur de la culture » (12).
Tout en affirmant avoir en commun avec RAM (FrancoLibanaise née en 1979 au Liban de parents libanais) « d’incarner la diversité culturelle qui fait la richesse de notre société », Rachida Dati (Française née en 1965 de parents immigrés, son père étant Marocain et sa mère Algérienne) a l’ambition de « bâtir une nouvelle culture populaire pour tous, des quartiers à la ruralité » et de répondre au « besoin de la France populaire de se sentir représenter ». « Par mon parcours je l’incarne ».

Incarner la diversité et la culture populaire
« Les Français […] ont besoin de plus de culture et de plus d’accès à cette culture », a insisté la nouvelle ministre de la Culture lors de son intronisation. Mais cette « culture populaire pour tous » au nom de « l’égalité des chances », qui fait partie de la feuille de route que lui a fixée Emmanuel Macron lors de leur premier déplacement le 18 janvier en Seine-Saint-Denis, le département le plus pauvre de métropole, ne pourra pas se faire dans la « sobriété budgétaire », surtout dans le contexte dispendieux des prometteurs Jeux Olympiques de Paris, du 26 juillet au 11 août prochains. @

Charles de Laubier

Jeux d’argent et de hasard : la France est appelée à lever la prohibition des casinos en ligne, d’ici 2025 ?

L’Autorité nationale des jeux (ANJ) a publié début décembre une étude sur l’offre illégale en France de jeux d’argent et de hasard en ligne, afin de lutter contre de manière plus efficace. Mais en creux, l’ouverture des casinos en ligne – déjà autorisés dans la plupart des pays européens – est en réflexion. Quinze ans après l’ouverture à la concurrence – en 2010 – du marché des jeux d’argent et de hasard, soit en 2025, la France légalisera-t-elle enfin les casinos en ligne comme la plupart de ses voisins européens ? A défaut de pouvoir miser légalement en ligne à la roulette, au jeu de dés, au baccara, au blackjack ou encore aux machines à sous sur l’Hexagone, les spéculations vont bon train sur le moment où leur prohibition sera levée. Et ce, avec ou sans l’abolition du monopole français des « casinotiers » physiques (Barrière, Partouche, Joa, Tranchant, Cogit, …). Leurs syndicats Casinos de France et ACIF (1) militent pour obtenir l’exclusivité d’opérer les casinos en ligne qui seraient le pendant digital de leurs établissements en dur. Casinos de France porte ainsi depuis 2019 – et plus encore depuis la pandémie de covid durant laquelle les casinotiers ont dû fermer neuf mois au total – un projet que ce syndicat appelle « Jade », pour « Jeu à distance expérimental ». « La solution qui consisterait à ouvrir à la concurrence les jeux de casino en ligne serait toxique pour les casinos terrestres. Pour éviter cela, il faut relier les casinos en ligne aux casinos physiques », explique à Edition Multimédi@ Philippe Bon, délégué général de Casinos de France. Ses vœux seront-ils exhaussés le 25 janvier prochain lors de la présentation du plan stratégique 2024- 2026 de l’Autorité nationale des jeux (ANJ) ? Des tentatives législatives sans résultat Cette idée de régulation expérimentale des casinos en ligne « réservés » aux seuls casinotiers fait son chemin, depuis que le projet Jade a été présenté à l’ANJ, régulateur français des jeux d’argent et de hasard en ligne ouverts à la concurrence, que préside depuis juin 2020 Isabelle Falque-Pierrotin (photo). Pas moins de quatre amendements ont d’ailleurs été déposés dans ce sens au Sénat dans le cadre du projet de loi visant à « sécuriser et réguler l’espace numérique » (SREN), mais ils ont été déclarés « irrecevables » début juillet. A l’Assemblée nationale, une proposition de loi « Autoriser les exploitants de casinos à proposer des jeux de casino en ligne » a aussi été déposée le 23 mai 2023 mais elle est toujours en attente à la commission des lois (2). De plus, deux amendements ont été adoptés par les députés le 13 octobre pour maintenir les casinos en ligne dans l’illégalité. La balle dans le camp du gouvernement « Nous n’avons pas été saisis pour avis sur la question de la légalisation des jeux de casinos en ligne », nous indique l’ANJ. Dans le cas d’une ouverture, trois options se présenteraient au ministère de l’Intérieur, la tutelle des casinotiers : soit les casinos terrestres obtiennent l’exclusivité des casinos en ligne, soit les jeux de casino en ligne sont ouverts à la concurrence – comme le souhaitent l’Afjel (3) en France et, dans son communiqué du 5 décembre (4), l’EGBA (5) en Europe –, soit la Française des Jeux (FDJ) en obtient le monopole (un de plus). La balle est dans le camp du gouvernement. C’est en septembre 2022 que l’ANJ se décide à faire réaliser une étude sur l’audience de l’offre illégale des casinos en ligne en France, mesurer l’impact de la fraude et évaluer les effets d’une « levée de leur prohibition ». Car seuls sont ouverts à la concurrence en France : les paris sportifs en ligne, le poker en ligne et les paris hippiques en ligne. Les casinos en ligne, eux, restent interdits. Trois monopoles perdurent sur l’Hexagone : les loteries en dur et en ligne ainsi que les paris sportifs en dur proposés uniquement par la FDJ ; les paris hippiques en dur réservés exclusivement au PMU (Paris mutuel urbain) ; les jeux de casino et les machines à sous autorisés uniquement dans l’un des plus de 200 casinos physiques tenus par des sociétés privées délégataires de service public communal. Si la France décidait d’ouvrir le marché aux casinos en ligne, « un système de licences pourrait être ouvert (comme en Suède et au Danemark) ou réservé aux opérateurs disposant déjà d’un établissement physique (comme en Suisse, en Belgique et en Slovénie), voire à un opérateur de droits exclusifs (Autriche, Luxembourg, et Norvège) », a considéré en septembre dernier la Cour des comptes dans son rapport sur les jeux d’argent et de hasard (6). La France et Chypre sont les seuls pays de l’Union européenne à interdire les casinos en ligne. Tous les autres Etats membres ont franchi le pas sous différents régimes. Un vrai patchwork, bien loin de l’idée que l’on se fait du marché unique numérique… La Cour des comptes avait relevé que « selon l’ANJ, [la libéralisation des casinos en ligne] pourrait assécher une partie de l’offre illégale, à l’instar de l’ouverture à la concurrence en 2010 ». En publiant le 4 décembre 2023 son « étude sur l’offre illégale de jeux d’argent et de hasard en ligne accessible en France », réalisée par le cabinet britannique PwC (7), le régulateur français des jeux d’argent se met implicitement dans la perspective d’une autorisation à terme des casinos en ligne. L’ANJ a voulu savoir si cette ouverture du marché français aux casinos en ligne pourrait porter préjudice aux établissements physiques des casinotiers. Car les Barrière, Partouche (8) et autres Joa craignent les conséquences économiques de cette ouverture possible sur l’emploi dans leurs casinos en dur et sur le financement des communes (via une fiscalité locale) où ils sont établis sous forme de monopole. Ce qui constitue pour les villes à casino « une rente de situation », selon la Cour des comptes (9). Or l’étude « PwC » de l’ANJ tend à démontrer que les inquiétudes des casinotiers sont non-fondées : « En cas de légalisation des casinos en ligne en France, la majorité des joueurs interrogés déclare qu’elle garderait ses habitudes de consommation dans les casinos terrestres ». Ainsi, les joueurs de casino terrestre sont 60 % à déclarer qu’ils continueront à aller jouer dans des casinos terrestres sans changer leur habitude de consommation, et même 16 % disent qu’ils iront plus souvent jouer dans ces casinos terrestres. Seulement 8 % des joueurs arrêteraient de jouer dans des casinos physiques. Reste à savoir si l’ANJ suggèrera au gouvernement et au législateur d’aller dans le sens des casinotiers, en leur accordant une exclusivité sur les casinos en ligne, ou estce qu’elle ira dans le sens de l’ouverture à la concurrence des casinos en ligne – à l’instar de ce qui a été fait il y a treize ans avec les paris sportifs en ligne, le poker en ligne et les paris hippiques en ligne (10). Légaliser les casinos en ligne, et éventuellement les ouvrir à la concurrence, aurait deux avantages : Donner un coup de frein au marché illégal. En France, sur les 1.241 sites Internet illégaux identifiés en 2023 de jeux d’argent et de hasard en ligne, les casinos en ligne en représentent près de la moitié : 45 %, selon l’étude PwC pour l’ANJ. Les consommateurs de jeux illégaux sont principalement des hommes de moins de 35 ans privilégiant les jeux de casino en ligne. Au total, les jeux de casino en ligne illégaux génèrent sur Internet 5 % du trafic de l’ensemble des jeux d’argent en ligne. Et sur les 106 applications mobiles de jeux d’argent et de hasard en ligne, les casinos en ligne dominent l’offre illégale : 65 %. Les casinos en ligne, relais de croissance Accélérer la croissance des jeux d’argent en ligne. Dans les six pays étudiés par l’étude PwC (Belgique, Suède, Espagne, Irlande, Italie et Norvège), la croissance de leur marché des jeux d’argent et de hasard en ligne est portée, au cours de ces dernières années, par le segment des jeux de casino en ligne – intégrant les machines à sous en ligne. Par exemple, en Belgique, le casino en ligne arrive en tête des jeux d’argent et de hasard en ligne. @

Charles de Laubier

Rachat d’Activision par Microsoft : pourquoi la Federal Trade Commission s’y oppose toujours

Cinq mois après que la Commission européenne a autorisé – « sous conditions » d’engagements – l’acquisition d’Activision Blizzard par Microsoft, l’autorité antitrust américaine FTC a fait savoir le 13 octobre qu’elle allait continuer à s’opposer à ce big-deal de 69 milliards de dollars. L’autorité antitrust britannique – la Competition and Markets Authority (CMA) – n’est pas superstitieuse : elle a choisi le « vendredi 13 », en l’occurrence de ce mois d’octobre 2023, pour finalement donner son feu vert à Microsoft pour acquérir Activision Blizzard, mais sans les droits de diffusion en streaming dans le cloud des jeux de ce dernier. Ainsi, les jeux vidéo d’Activision Blizzard – dont les plus populaires comme « Call of Duty », « Diablo », « World of Warcraft », ou encore « Candy Crush » – seront exclus du périmètre de la méga-acquisition pour ce qui concerne les droits de diffusion en Cloud Gaming, lesquels sont cédés au français Ubisoft. Cloud Gaming : préserver la concurrence « Nous sommes la seule autorité antitrust au monde à avoir obtenu ce résultat, s’est félicitée le 13 octobre Sarah Cardell (photo de gauche), directrice générale de la CMA. Avec la vente des droits de streaming cloud d’Activision à Ubisoft, nous nous sommes assurés que Microsoft ne puisse pas avoir une emprise sur ce marché important [du Cloud Gaming, ndlr] et en développement rapide. A mesure que le Cloud Gaming se développe, cette intervention permettra aux gens d’obtenir des prix plus compétitifs, de meilleurs services et plus de choix » (1). Le français Ubisoft Entertainment fera donc – à la place de Microsoft qui a présenté cette concession en août dernier – l’acquisition des droits de « Cloud streaming » d’Activision Blizzard en dehors de l’Espace économique européen (EEE), auquel n’appartient plus le Royaume-Uni depuis le Brexit (2). Et ce, pour tout le contenu PC et console d’Activision produit au cours des 15 prochaines années – à savoir jusqu’en 2038. L’autorité de la concurrence du Cabot Square (Londres) est convaincue que « ce nouvel accord empêchera Microsoft de bloquer la concurrence sur le marché du Cloud Gaming en plein décollage, préservant des prix et des services compétitifs pour les consommateurs britanniques de jeux en nuage ». Ubisoft pourra offrir les jeux vidéo d’Activision Blizzard « sous n’importe quel modèle économique, y compris par le biais de services d’abonnement multi jeux », comme Ubisoft+ (concurrent de Xbox Game Pass ou de EA Play). Cela permettra également de garantir que les fournisseurs de jeux infonuagiques pourront utiliser des systèmes d’exploitation qui ne soient pas forcément Windows de Microsoft pour les titres d’Activision Blizzard, « ce qui réduira les coûts et augmentera l’efficacité ». Une des premières craintes de ce blockbuster deal était que Sony pouvait être la première victime collatérale de cette fusion, le japonais générant un gros chiffre d’affaires avec « Call of Duty » sur sa propre console PlayStation (3). Les revenus de Microsoft dans les jeux vidéo sont inférieurs à ceux de Sony, dont les consoles PlayStation surpassent la Xbox. La CMA avait bloqué l’opération de concentration Microsoft-Activision le 26 avril dernier en raison des risques d’abus de la position dominante sur le marché du Cloud Gaming (4). L’autorité britannique antitrust a donc donné son feu vert le 13 octobre. « Call of Duty », « Overwatch » ou encore « World of Warcraft » ne passeront pas sous le contrôle nuagique de Microsoft. Alors que la Commission européenne avait été, elle, moins exigeante dans son autorisation sous conditions accordée le 15 mai (5). Microsoft a pris des engagements auprès de Bruxelles pour une durée de 10 ans, soit jusqu’en mai 2033 : une licence gratuite accordée aux consommateurs de l’EEE, leur permettant de diffuser en streaming sur le service de Cloud Gaming de leur choix, tous les jeux actuels et futurs d’Activision Blizzard pour PC et pour consoles pour lesquels ils disposent d’une licence ; une licence gratuite accordée aux fournisseurs de services de streaming de jeux en nuage, afin de permettre aux joueurs basés dans l’EEE de diffuser en streaming tous les jeux d’Activision Blizzard pour PC et pour consoles. La CMA se dit « convaincue que [les auditions sur ces engagements] fournir[ont] le filet de sécurité nécessaire pour s’assurer que cet accord est mis en œuvre correctement ». La FTC en appel : audience le 6 décembre Dans le reste du monde, Edition Multimédi@ constate que la Chine, Taïwan, le Japon, l’Afrique du Sud et le Brésil ont aussi donné leur feu vert à Microsoft. Mais l’obstacle le plus élevé à franchir pour cette opération de concentration sera celui de la Federal Trade Commission (FTC) présidée depuis septembre 2021 par Lina Khan (photo de droite), réputée hostile aux positions dominantes des Big Tech (6). L’autorité antitrust américaine est opposée à ce big-deal – le plus gros jamais envisagé dans l’industrie mondiale du jeu vidéo – annoncé par Microsoft en janvier 2022, mais elle a jusqu’à maintenant échoué à faire bloquer par un juge fédéral l’opération qui va pouvoir a priori être menée à son terme. Sauf coup de théâtre. Car la FTC a fait appel dans le cadre de la procédure judiciaire qui suit son cours aux Etats-Unis : la prochaine audience devant une cour d’appel est prévue le 6 décembre prochain (7). Microsoft a-t-il crié « Victoire » trop tôt ? Le 13 octobre, à la suite de l’annonce de la décision de la CMA, la FTC a déclaré auprès de l’agence Reuters qu’elle allait continuer à examiner cette affaire à la lumière de l’accord passé avec le français Ubisoft. « Le nouvel accord de Microsoft et Activision avec Ubisoft présente une toute nouvelle facette de la fusion qui affectera les consommateurs américains, ce que la FTC évaluera dans le cadre de sa procédure administrative en cours. La FTC continue de croire que cet accord est une menace pour la concurrence », a prévenu une porte-parole « Mergers & Competition » de l’autorité antitrust américaine, Victoria Graham. Pour Microsoft, le feu vert de l’Union européenne puis de la CMA britannique est une grande victoire sur la régulation antitrust. La firme de Redmond (Etat de Washington) compte bien faire le plein de joueurs en ligne en mettant de l’« Activision Blizzard King » (dénomination officielle depuis février 2016) dans le moteur de sa console de jeux vidéo Xbox. Son service par abonnement Game Pass, lequel a franchi pour la première fois la barre des 30 millions de souscripteurs à septembre 2023 – d’après une indiscrétion durant le procès aux Etats-Unis (8), pourrait doubler dès l’an prochain lorsque tous les jeux d’Activision Blizzard King (« ABK »). « Aujourd’hui [13 octobre 2023, ndlr] est une bonne journée pour jouer. Nous accueillons officiellement Activision Blizzard King dans l’équipe Xbox. Ensemble, nous créerons des histoires et des expériences qui rassembleront les joueurs, dans une culture permettant à chacun de faire de son mieux et de célébrer la diversité des perspectives », s’est réjoui sur X (ex-Twitter) Phil Spencer (photo ci-dessus), le Big Boos des jeux vidéo chez Microsoft (9). Phil Spencer est entré chez Microsoft Game Studios il y a 20 ans, pour devenir ensuite le responsable de la Xbox, avant d’être nommé en septembre 2017 vice-président de Microsoft Gaming. Il supervisera les activités d’« ABK », dont l’actuel PDG, Bobby Kotick, restera en poste jusqu’à fin 2023 (10). L’ex-firme de Bill Gates est de moins en moins « Windows-centric » (si l’on peut dire) et entend ainsi marquer de son empire « les jeux, le divertissement et la culture pop » (dixit Phil Spencer). Et celui-ci de rassurer la communauté des gamers, et au passage les autorités antitrust du monde entier : « Que vous jouiez sur Xbox, PlayStation, Nintendo, PC ou mobile, vous êtes les bienvenus ici – et vous le resterez, même si vous ne jouez pas votre franchise préférée sur Xbox. Parce que lorsque tout le monde joue, nous gagnons tous » (11). Le procès antitrust en cours aux Etats-Unis a permis non seulement de dévoiler les 30 millions d’abonnés actuels au Xbox Game Pass, mais aussi de faire fuiter la « Roadmap to 2030 » de Microsoft Gaming, mise en ligne notamment le 19 septembre dernier par le site américain The Verge. Selon ce document confidentiel (12), datant cependant d’avril 2022, l’on y apprend que Microsoft vise les 100 millions d’abonnés à la fin de la décennie en cours. La firme de Redmond prévoit aussi une nouvelle console Xbox Series X en novembre 2025 sous le nom de code « Brooklin » et dotée d’une nouvelle manette baptisée « Sebille ». Elle serait précédée en septembre 2025 de la Xbox Series X (nom de code « Ellewood ») avec elle aussi sa nouvelle manette « Sebille ». Et l’on apprend même que la 10e génération de consoles Xbox (« Gen 10 ») est programmée pour l’année 2028. Après la fuite de cette roadmap confidentielle, Phil Spencer a dû relativiser la portée de ces révélations : « Tant de choses ont changé » (13) depuis ce document établi en avril 2022. Quoi qu’il en soit, même si MicrosoftActivision est maintenant sur les rails, la FTC est décidé à empêcher cette « entente » de prospérer. « COD » sur PSP de Sony durant 10 ans « L’acquisition constitue une menace pour la concurrence », a insisté sa porte-parole Victoria Graham, quand bien même que Microsoft ait proposé de mettre l’une des principales franchises de jeux d’Activision, « Call of Duty », à disposition des autres consoles pendant 10 ans – notamment de la PlayStation de Sony (14). Ni le département de la justice américaine (DoJ) ni la Maison-Blanche n’ont commenté cette affaire antitrust en cours d’instruction. En 2021, la FTC avait réussi à bloquer sur le marché stratégique des semiconduc-teurs le projet d’acquisition d’ARM par le géant des puces graphiques et d’IA Nvidia, lequel avait aussitôt jeté l’éponge. C’est une issue encore possible pour la fusion « Microsoft-Activision ». @

Charles de Laubier

Les géants de l’Internet sont pris en étaux entre Margrethe Vestager et Lina Khan : le démantèlement ?

La Danoise Margrethe Vestager est vice-présidente exécutive de la Commission européenne, chargée de la concurrence ; L’Américaine Lina Khan est présidente de la Federal Trade Commission (FTC). Ces deux femmes de l' »antitrust », de part et d’autre de l’Atlantique, sont les bêtes noires des GAFAM. Elles sont redoutées par les Big Tech en général et par les GAFAM en particulier. Les abus de positions dominantes de ces géants du numérique, devenus des conglomérats de l’Internet à force d’effets de réseaux et d’acquisitions de concurrents potentiels, sont plus que jamais dans leur collimateur. Margrethe Vestager (photo de gauche) et Lina Khan (photo de droite) – respectivement vice-présidente exécutive chargée depuis novembre 2014 de la politique de concurrence à la Commission européenne, et présidente depuis septembre 2021 de la Federal Trade Commission (FTC) – leur mènent la vie (numérique) dure. Derniers faits d’armes de ces deux autorités « antitrust » : la Danoise a annoncé le 14 juin que la Commission européenne venait d’adresser à Google des griefs l’accusant de pratiques abusives sur le marché de la publicité en ligne ; l’Américaine a demandé le 12 juin devant un tribunal fédéral de San Francisco de suspendre l’acquisition de l’éditeur de jeux vidéo Activision Blizzard par Microsoft, opération à laquelle s’oppose la FTC qui a fixé une audition le 2 août prochain. Vis-à-vis des très grands acteurs du numérique, les deux grandes gendarmes de la concurrence n’hésitent pas aussi à agiter le spectre du démantèlement, qui est au marché ce que l’arme nucléaire est à la guerre. La FTC et la Commission européenne ont en outre déjà sorti le carton rouge et infligé des amendes aux contrevenants. Deux gendarmes antitrust face aux GAFAM Le démantèlement, Margrethe Vestager l’a encore évoqué explicitement le 14 juin mais sans utiliser le terme : « La Commission européenne estime donc à titre préliminaire que seule la cession [divestment] obligatoire, par Google, d’une partie de ses services permettrait d’écarter ses préoccupations en matière de concurrence ». Dans cette affaire d’abus de position dominante de Google sur le marché de la publicité en ligne, où l’Autorité de la concurrence en France a fortement contribué à l’enquête européenne (1), il est reproché à la firme de Mountain View de « favoriser ses propres services de technologies d’affichage publicitaire en ligne au détriment de prestataires de services de technologie publicitaire, d’annonceurs et d’éditeurs en ligne concurrents ». Et ce, « depuis 2014 au moins ». Le numéro un des moteurs de recherche (avec Google Search), des plateformes de partage vidéo (avec YouTube) ou encore des systèmes d’exploitation pour mobile (avec Android) est accusé par la Commission européenne de favoriser son ad-exchange AdX (DoubleClick Ad Exchange), bourse d’annonces publicitaires qui permet aux éditeurs et aux annonceurs de se rencontrer en temps réel, généralement dans le cadre d’enchères, pour acheter et vendre des publicités d’affichage. Scinder Google, Meta, Amazon ou Microsoft ? Les deux outils de Google d’achat de publicités, que son « Google Ads » (ex-Google Adwords) et « Display & Video 360 » (DV360), ainsi que le serveur publicitaire des éditeurs « DoubleClick For Publishers » (DFP), favorisent tous les trois AdX. « Si [à l’issu de son enquête en cours, ndlr] la Commission européenne conclut que Google a agi de façon illégale, il pourrait exiger qu’elle se départisse [divest] d’une partie de ses services. Par exemple, Google pourrait se départir de ses outils de vente, DFP et AdX. Ainsi, nous mettrions fin aux conflits d’intérêts », a prévenu Margrethe Vestager (2). Ce n’est pas la première fois que l’Union européenne agite le spectre du démantèlement Google. Le 27 novembre 2014, il y a près de dix ans, les eurodéputés avait adopté une résolution non contraignante appelant à la scission de la filiale d’Alphabet afin de « séparer les moteurs de recherche des autres services commerciaux » pour préserver la concurrence dans ce domaine (3). En France, l’Arcep y était favorable (4). Rappelons qu’en moins d’un an (juin 2017-mars 2019), Google a écopé de trois sanctions financières infligées par la Commission européenne pour un total de 8,25 milliards d’euros pour « pratiques concurrentielles illégales » (5). Aux Etats-Unis, pays des GAFAM, la question du démantèlement se pose depuis quelques années, bien avant l’arrivée de Lina Khan à la tête de la FTC qui n’écarte pas cette éventualité (6). Son prédécesseur, Joseph Simons, avait même fait le mea culpa de la FTC : « Nous avons fait une erreur », avait-il confessé dans un entretien à l’agence de presse Bloomberg (7) le 13 août 2019 en faisant référence à deux acquisitions de Facebook approuvées par la FTC : Instagram en 2012 pour 1 milliard de dollars et la messagerie instantanée WhatsApp en 2014 pour 19 milliards de dollars (sans parler d’Oculus VR racheté la même année pour 2 milliards de dollars). De son côté, Google obtenait le feu vert pour s’emparer de YouTube en 2006 pour 1,65 milliard de dollars, de DoubleClick en 2007 pour 3,1 milliards de dollars, et de l’application de navigation Waze en 2013 pour près de 1 milliard de dollars. « Ce n’est pas idéal parce que c’est très compliqué [de démanteler]. Mais s’il le faut, il faut le faire », avait estimé l’ancien président de la FTC. Sa successeure, Lina Khan, dont le mandat de trois s’achève en septembre 2024, est sur la même longueur d’ondes, elle qui a forgé tout sa doctrine anti-monopole sur le cas d’Amazon. N’a-t-elle pas publié en 2017 dans le Yale Law Journal un article intitulé « Paradoxe anti-monopole d’Amazon » (8) ? Avant de prendre la présidence de la FTC, elle avait travaillé à la sous-commission antitrust à la Chambre des représentants des EtatsUnis. Cette « subcommittee on antitrust » bipartisane avait publié en octobre un rapport de 451 pages intitulé « Investigation of competition in the Digital markets » (9) recommandant au Congrès américain de légiférer pour casser les monopoles numériques – quitte à en passer par leur « séparation structurelle » ou spin-off (10). En janvier dernier, le département de la Justice américain (DoJ) a entamé des poursuites antitrust contre Google sur le terrain de la publicité en ligne (11). Bien sûr, la filiale d’Alphabet n’est pas le seul géant du Net à faire l’objet de contentieux avec la Commission européenne et la FTC. Apple est aussi dans le collimateur de Margrethe Vestager, notamment sur les pratiques de la pomme sur son App Store à la suite d’une plainte de du géant de la musique en streaming Spotify qui s’estime victime d’une concurrence déloyale au profit d’Apple Music. La Commission européenne a ajusté le 28 février dernier ses griefs (12). L’an dernier, elle avait ouvert une autre enquête portant cette fois sur Apple Pay pour « abus de position dominante » sur le paiement mobile et le paiement sans contact (NFC) à partir des terminaux iOS (13). De son côté, le groupe Meta Platforms – maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp – s’est vu infliger le 12 mai 2023, pour infraction au règlement général sur la protection des données (RGPD), une amende record de 1,2 milliard de la part de la « Cnil » irlandaise (DPC) qui agissait au nom de la Commission européenne (14). Amazon, lui, l’a échappé belle en trouvant un accord en décembre 2022 avec Margrethe Vestager pour clore deux enquêtes. Le géant du e-commerce avait jusqu’à ce mois de juin 2023 pour se mettre en règle (15). Plus globalement, la Commission européenne a publié la liste des 19 « très grandes plateformes » (VLOP), qui, en Europe (16), seront soumises aux obligations renforcées du Digital Services Act (DSA). Les « contrôleurs d’accès » (gatekeepers) de type GAFAM ont, eux, jusqu’au 3 juillet prochain pour se déclarer auprès de la Commission européenne, laquelle les désignera d’ici le 6 septembre pour qu’ils se mettent en conformité avec Digital Markets Act (DMA) avant le 6 mars 2024. Aux Etats-Unis, des acquisitions contestées De l’autre côté de l’Atlantique, Lina Khan s’oppose aux projets de rachat d’Activision Blizzard par Microsoft (la FTC ayant saisi la justice pour bloquer l’opération), et de Within (contenu de réalité virtuelle) par Meta/Facebook. Elle a mis sous surveillance Amazon sur plusieurs fronts, infligeant notamment le 31 mai une amende au géant du ecommerce pour atteinte à la vie privé avec Alexa et Ring. Concernant le rachat des studios de cinéma MGM par Amazon, la FTC était divisée et n’a donc pas empêché cette opération au grand dam de Lina Khan. Apple est aussi accusé d’empêcher la réparation de ses iPhone. Ce que l’on sait moins, c’est que Margrethe Vestager et Lina Khan coopèrent étroitement sur de nombreux dossiers antitrust. @

Charles de Laubier

L’industrie du jeu vidéo s’inquiète d’être sous pression réglementaire grandissante en Europe

Le jeu vidéo fait face à des contraintes accrues en Europe : contrôle parental dans les teminaux, réduction de l’empreinte carbone de la filière vidéoludique, règlementation plus stricte sur les achats in-game, édition de jeux plus responsables, … Le lobbying de l’ISFE s’intensifie à Bruxelles. La Fédération européenne des logiciels interactifs – Interactive Software Federation of Europe (ISFE) – existe depuis 25 ans, mais elle n’a jamais été aussi mobilisée à Bruxelles, où elle est établie, pour défendre les intérêts de l’industrie du jeu vidéo et de tout l’écosystème du 10e Art. Ses membres se comptent parmi les principaux éditeurs de jeux vidéo ou de studios de création, e-sport compris, et les associations professionnelles nationales de différents pays d’Europe. Contrôle parental, climat, dépenses in-game, … L’ISFE, dirigée par Simon Little depuis 2009, représente ainsi auprès des instances européennes une vingtaine d’entreprises dont Activision Blizzard, Electronic Arts, Epic Games, Bandai Namco, Microsoft, Riot Games ou encore Ubisoft (1), ainsi qu’une douzaine d’organismes nationaux comme le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell) en France. Celui-ci vient d’élire, lors de son assemblée générale qui s’est tenue le 28 mars, son nouveau président en la personne de James Rebours (photo), directeur général de Plaion France, éditeur et distributeur de jeux vidéo. « Le Sell informe en permanence l’ISFE des évolutions de la législation nationale qui pourrait avoir un impact direct sur l’industrie ou déboucher sur une initiative législative européenne plus large », explique-t-il à Edition Multimédi@. Et les dossiers au niveau européen s’accumulent. Le dernier en date porte sur le projet de décret français « visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à Internet » qui vient d’être examiné par la Commission européenne (2). Dans leur contribution, le Sell et l’ISFE critiquent notamment l’article 3 du projet de décret prévoyant pour les fabricants ou les importateurs « l’intégration du dispositif de contrôle parental obligatoire dans les “équipements terminaux” », s’ils veulent que ces derniers soient mis sur le marché français. Ce serait selon les deux organisations « [in]justifiée » et « [dis]proportionnée » (3). Autre dossier sur la table de l’ISFE : la réduction de l’empreinte carbone de l’industrie des jeux. La fédération fait partie depuis 2021 de la Playing for the Planet Alliance, laquelle a publié le 9 mars son rapport d’impact annuel sur l’environnement (4), lors d’un événement organisé à Bruxelles par le Parlement européen. L’alliance soutenue par les Nations Unies (5) prévoit de fournir en 2023 de nouvelles orientations à l’industrie du jeu vidéo, afin que celle-ci puisse réduire ses émissions de gaz à effet de serre. « Il reste encore beaucoup à faire », reconnaît l’ISFE. Autre préoccupation : l’adoption le 18 janvier 2023 par le Parlement européen (6) de la résolution sur « la protection des consommateurs en matière de jeux vidéo en ligne » (7), notamment mineurs. Le rapport (8) de l’eurodéputée Adriana Maldonado López, membre l’Imco, commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, en est à l’origine. La balle est dans le camp de la Commission européenne et du Conseil de l’UE. L’ISFE et la Fédération européenne des développeurs de jeux vidéo (EGDF) s’en inquiètent : « Nous sommes préoccupés par les appels à une réglementation plus stricte de tous les achats dans le jeu [in-game ou in-app, ndlr], ce qui aura une incidence sur la capacité de toutes les entreprises de jeux vidéo – petites et grandes – à financer leurs créations au profit des joueurs européens, et cela peut empêcher de nombreux jeux européens d’être disponibles gratuitement » (9). Et il y a de quoi : aux Etats-Unis, la FTC a confirmé le 13 mars (10) la lourde amende infligée à Epic Games, éditeur de « Fortnite », qui doit payer 520 millions de dollars pour avoir incité abusivement les gamers(les mineurs étant friands de loot boxes entre autres) à dépenser in-appavec la monnaie virtuelle V-Buck (11). En Europe, la résolution « Maldonado López » exige un gameplay plus responsable et « des informations plus claires sur le contenu, les politiques d’achat et la tranche d’âge ciblée par les jeux », en prenant modèle sur le système européen d’évaluation Pegi (Pan European Game Information) créé il y a 20 ans par l’ISFE – Simon Little étant aussi PDG de la société bruxelloise Pegi SA – et déjà utilisé dans 38 pays, dont la France. Gaming et e-sport : soft power de l’UE Autre front pour le lobby de l’industrie du jeu vidéo : l’esport, à la suite d’une autre résolution du Parlement européen sur « le sport électronique [e-sport] et les jeux vidéo » (12) adoptée le 10 novembre 2022 sur la base du rapport (13) porté cette fois de l’eurodéputée Laurence Farreng (commission de la culture et de l’éducation). Elle appelle à « promouvoir le fair-play, la non-discrimination, […] l’antiracisme, l’inclusion sociale et l’égalité entre les hommes et les femmes ». L’industrie vidéoludique a du pain sur la planche. @

Charles de Laubier