La greffe TNT- IPTV

Lorsqu’il s’agit de télévision, nous avons tous des souvenirs, des nostalgies : programmes de notre enfance, avènement de la couleur, multiplication progressive des chaînes, ….
Il en est un autre qui m’est revenu en me repassant le film
de l’aventure de la télévision hertzienne. L’électricien de notre village de Lozère était régulièrement mobilisé pour régler, souvent au plus fort de l’hiver, la frêle et fragile antenne qui délivrait à la population les trois chaînes alors disponibles. Ce Mike Giver de nos campagnes a depuis longtemps disparu, le village recevant désormais la télévision par satellite, en mode IPTV sur ligne téléphonique ou via la TNT (télévision numérique terrestre). Cette dernière devint le seul mode de réception hertzien à la suite de l’extinction du signal analogique en 2011. Fin d’une aventure qui aura traversé tout le XXe siècle. Mais ce ne fut pas la mort de la diffusion hertzienne car la promesse de la TNT a été en grande partie tenue : permettre
à tous, et sur tout le territoire, de recevoir un bouquet de télévision gratuite d’une vingtaine de chaînes, avec un enrichissement progressif de programmes en haute définition et de services interactifs.

« La TV connectée a encore bousculé les règles du jeu,
en ouvrant grande la porte à la diffusion délinéarisée
et en s’affranchissant des grilles des chaînes »

TV payante et VOD : comment Canal+ a pénalisé les FAI

En fait. Le 21 septembre, l’Autorité de la concurrence « constate que le groupe Canal+ n’a pas respecté plusieurs engagements pris lors du rachat [en 2006] de TPS » et « retire la décision d’autorisation de l’opération » que Vivendi devra re-soumettre. Canal+ devra en outre payer 30 millions d’euros.

Par Charles de Laubier

En clair. Les abus de position dominante de Canal+ sur le marché français de la télévision payante vont coûter très cher à la maison mère Vivendi. La lettre du ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie datée 30 août 2006 (1), qui autorise l’opération de concentration sur le marché de la télévision payante au profit de Canal+ et de sa maison mère Vivendi, était pourtant claire. En substance, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) devaient pouvoir se développer en ayant « accès à un contenu attractif » et « se fournir en chaînes et droits attractifs ». Canal+ s’engageait ainsi à mettre à disposition ses sept chaînes et celles de TPS « à tous les distributeurs (satellite, ADSL, câble, TNT) dans des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires ». Or, comme le relève l’Autorité de la concurrence et le CSA (2), les chaînes en question ont été proposées sur le nouveau CanalSat – issu de la fusion de CanalSatellite et de TPS – avant même que les FAI (Orange, Free, SFR, …) aient pu les distribuer. Résultat : cette discrimination a favorisé la migration des abonnés au bouquet TPS vers CanalSat. Selon France Télécom, 90.000 abonnés sont ainsi passés de TPS vers CanalSat au cours du premier semestre 2007. Les sages de la rue de l’Echelle ont rejeté l’argument de Canal+ invoquant le développement des offres TV
des FAI. « [Cette progression]est principalement due, non à l’attractivité des offres de télévision comprises dans les forfaits de base des FAI, mais au couplage des offres
de télévision avec des offres d’accès à Internet haut débit (forfaits triple play) et au développement du dégroupage, et par conséquent à l’éligibilité croissante des foyers à l’ADSL (haut débit) », contredisent-ils. De son côté, l’Arcep (3) avait prévenu que « toute forme de discrimination entre les différents acteurs de la distribution de la télévision payante (notamment entre les FAI historiquement présents sur le DSL et câblo-opérateurs) est susceptible de perturber sensiblement le jeu de la concurrence sur
les marchés du haut et très haut débit ». Au moment où les opérateurs télécoms commencent à déployer la fibre optique jusqu’à l’abonné (FTTH), la sanction de l’Autorité de la concurrence tombe à point.

Netgem se prépare à l’ ”explosion” du modèle “box”

En fait. Le 12 juillet, le fabricant français de « box » Netgem affiche une chute de son chiffre d’affaires de 42 % au premier semestre 2011 suite à la renégociation
de son contrat avec SFR pour trois ans. Et en attendant que l’accord avec Virgin Mobile porte ses fruits. Résultats prévus le 29 août.

En clair. SFR souhaite depuis 2009 être moins dépendant d’un seul fournisseur pour sa Neufbox, en l’occurrence de Netgem, lequel a réalisé 70 % de son chiffre d’affaires avec SFR en 2010 (contre 87 % en 2009). Résultat : Netgem vend moins de « settop- box » (décodeurs IPTV) à la filiale télécoms de Vivendi et s’en tient de plus en plus à assurer la maintenance matérielle et logicielle du parc de quelque 2,5 millions de terminaux actifs. Après un appel d’offres en 2009 pour sa future Neufbox Evolution, commercialisée depuis novembre 2010, SFR avait retenu Cisco et Sagemcom au détriment de Netgem. Le volume des « box » ancienne génération vendues à SFR devrait encore diminuer après l’échéance du contrat en cours (1) fixée au 31 décembre 2011. Mais derrière cette relation client-fournisseur se joue en fait une « évolution » plus profonde au niveau des fournisseurs d’accès à Internet (FAI). « Le modèle de la “box IPTV” va exploser », avait lancé Christophe Aulnette, DG de Netgem, lors du 10e Forum des télécoms et du Net des Echos le 16 juin dernier. « Il va falloir faire évoluer cette “box” vers un “media center”.
Et la TV connectée est un client potentiel de ce media center. (…) Il y a une vraie guerre en perspective pour conquérir ce client qu’est l’abonné. (…) Avoir des “walled garden” est une tentation [pour les FAI et les chaînes de télévision, ndlr]. Mais dire
que l’on ne veut pas mélanger Internet avec le signal TV ne doit pas empêcher les évolutions et l’enrichissement de l’offre », a-t-il expliqué. Netgem se retrouve ainsi au milieu du champ de bataille : entre les chaînes nationales sur la défensive et les acteurs mondialisés du Net. « Il faut maintenant un mixte entre global et local. Les opérateurs [FAI] sont bien positionnés », a estimé Christophe Aulnette. En creux, Netgem en appel aux FAI pour ouvrir leur écosystème au Web – ce qu’ils se refusent à faire jusqu’à maintenant avec l’IPTV (2). Mais la TV connectée et tous les écrans de la « maison connectée » – dont la tablette que Netgem considère comme « le premier téléviseur connecté sans fil » – devraient faire voler en éclat ces « mondes clos ». Netgem s’y prépare avec une offre de « cloud familial » pour transformer les « boîtes fermées »
en media center ouvert. « ATAWAD » – AnyTime, AnyWhere, AnyDevice – va devenir plus que jamais le cri de guerre dont le salon va devenir le théâtre. Et les industries culturelles pourraient saisir l’occasion pour entrer dans le « nuage informatique » (3) afin d’y défendre leurs droits. @