Pourquoi Google passe sous la coupe d’Alphabet

En fait. Le 10 août, Google a annoncé la création d’une société baptisée Alphabet. Il s’agit d’une holding dont dépendra à 100 % le géant du Net, mais délesté des activités périphériques du groupe pour se recentrer sur ses cœurs de métiers (moteur de recherche, publicité en ligne, vidéo avec YouTube, …).

Fleur Pellerin confie que la fiscalité numérique est devenue pour elle « un cauchemar »

La ministre de la Culture et de la Communication était l’invitée de l’Association des journalistes médias (AJM) le 8 juillet. Elle réfléchit toujours à la manière de faire contribuer les plateformes vidéo telles que YouTube au financement de la création. « C’est juste un cauchemar ! », a-t-elle confié.

Comment faire contribuer les plateformes numériques de type YouTube au financement de la création, c’est-à-dire à la production cinématographique et audiovisuelle, comme le sont
en France les chaînes de télévision et les fournisseurs d’accès
à Internet (FAI) ? Telle est la question à laquelle Fleur Pellerin (photo) essaie de répondre depuis trois ans maintenant, depuis ses débuts au gouvernement en juin 2012 en tant que ministre déléguée à l’Economie numérique, jusqu’à aujourd’hui dans ses fonctions de ministre de la Culture et de la Communication.

Taxer Google : « On y arrive pas »
« Dans le financement de la création, faire contribuer les plateformes comme YouTube est la dernière marche. Mais cette marche est assez haute. On n’y arrive pas. C’est juste un cauchemar ! Cela touche l’économie des réseaux, l’économie des données,
le droit européen, les règles fiscales internationales, … C’est très compliqué d’avancer et de résoudre ce problème complexe », a-t-elle déploré devant l’Association des journalistes médias (AJM) dont elle était l’invitée. Le problème est qu’il est interdit à
un Etat de l’Union européenne de taxer le chiffre d’affaires ou les bénéfices des entreprises qui ne sont pas situées sur son propre sol. « Faut-il taxer leurs revenus au niveau européen ? Cela supposerait une décision unanime des Vingt-huit. Cela me déprime ! », s’est encore plainte Fleur Pellerin, qui attend de voir si la « Google tax » décidée unilatéralement par le gouvernement britannique en décembre dernier va marcher. L’Australie a elle aussi pris des mesures contre l’évasion fiscale de la part
des multinationales du Net.
Le cauchemar de Fleur Pellerin pourrait prendre fin en octobre prochain, lorsque l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) – dont sont membres 34 pays, de l’Amérique du Nord et du Sud à l’Europe, en passant par la région Asie- Pacifique – rendra son plan de « coopération fiscale » dans le cadre du projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting, comprenez « érosion de l’assiette fiscale et déplacement des profits »). La solution que préconisera l’OCDE, qui a d’ailleurs son siège à Paris (ce qui peut facilité la coopération avec Bercy…), devrait être de modifier – au niveau international – le cadre juridique applicable à toutes les multinationales, qu’elles soient françaises ou étrangères, qu’elles soient dans le numérique ou dans d’autres secteurs. En attendant, la France ronge son frein et Fleur Pellerin fait des cauchemars, lorsqu’elle ne déprime pas… Après les rapports « Marini » d’avril 2010
et de juin 2012, « Blandin/Morin-Desailly » de janvier 2012, puis « Collin & Colin » de janvier 2013, « CNNum » de septembre 2013, ou encore le rapport « France Straté-
gie » de mars dernier, tous consacrés à la fiscalité numérique (sans oublier le rapport
« Muet- Woerth » de juillet 2013 sur l’optimisation fiscale internationale), aucune nouvelle taxe n’a été mise en place. Au grand soulagement des plateformes du Net – pour l’instant.
Le dernier rapport en date, celui de France Stratégie (alias le Commissariat général à
la stratégie et à la prospective, dépendant du Premier ministre), a incité l’Etat français
à taxer sans attendre les acteurs du Net en instaurant par exemple une taxe sur les revenus publicitaires ou la collecte de données personnelles (plus facilement rattachables à un territoire). Ce qui n’avait pas plu du tout aux acteurs du Net présents en France (1). Malgré ce brainstorming « fiscalité du numérique » qui dure en fait depuis plus de cinq ans maintenant, sans résultat, l’idée de quand même taxer des YouTube (filiale Google), les Dailymotion (passé d’Orange à Vivendi) et autres plateformes vidéo en France continue de faire son chemin au sein du gouvernement. Car, selon Fleur Pellerin, cela n’a que trop duré : « Notre exception culturelle est en train d’être dépecée par ces plateformes », s’est-elle inquiété. La « taxe Google » qui tient actuellement la corde est celle de la taxe sur la bande passante ou sur le peering payant. Bercy (ministère de l’Economie et des Finances) et la rue de Valois (ministère de la Culture et de la Communication) ont demandé à l’Arcep de lui rendre – d’ici fin juillet – un avis sur la faisabilité d’une telle taxation sur la bande passante.

Bande passante : avis de l’Arcep
« Il s’agit de définir cette taxe sans qu’elle puisse brider l’innovation », a assuré Fleur Pellerin. Lors du colloque NPA-Le Figaro du 2 juin dernier, Sébastien Soriano a confirmé que l’Arcep – dont il est le président – avait été sollicitée par Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique : « Nous devons répondre à la faisabilité technique : quelles sont les possibilités de mesurer le trafic sur Internet à différents endroits du réseau, dans le plein respect de la neutralité du Net et du secret des correspondances », a indiqué le premier. @

Charles de Laubier

Bruno Chetaille, PDG de Médiamétrie : « Nous allons tester un audimètre individuel, miniature et mobile »

Médiamétrie vient d’avoir 30 ans. L’institut de mesure d’audiences, créé le 24 juin 1985, s’est imposé en France dans la télévision, la radio et Internet. Son PDG Bruno Chetaille explique comment l’audimètre devient aussi miniature et mobile. Et en fin d’année, la mesure globale TV et Net sera lancée.

Nouveau statut de l’AFP : la bataille multimédia des agences de presse mondiales va s’intensifier

L’Agence France-Presse (AFP), qui a 70 ans, change de statut pour s’engager   encore plus dans une bataille mondiale face à Reuters, AP ou encore Bloomberg. Sa présence multimédia sur Internet (texte, images, vidéos) se renforce, avec la tentation d’être un « méta-média » directement accessible par les internautes et mobinautes.

Ses 2.326 collaborateurs (dont 1.525 journalistes « AFP »), de
80 nationalités différentes, répartis dans 150 pays à travers 200 bureaux, font de l’Agence France-Presse (AFP) l’une des trois
plus grandes agences de presse mondiales – aux côtés de l’agence britannique Reuters et de l’américaine Associated Press (AP).
Le 11 juin dernier, son PDG Emmanuel Hoog (photo) a annoncé
le lancement d’une nouvelle offre de flux vidéo en direct (actualité internationale, événements sportives, vie culturelle, rendez-vous institutionnels, …) à destination des médias (chaînes de télévision, presse sur Internet, …) et sous forme d’abonnement. Plus de 500 retransmissions vidéo par an seront ainsi proposées en live, venant compléter l’offre de vidéos déjà produites par l’AFP à raison de 200 environ par jour. « Le lancement d’AFPTV Live est un moment décisif dans le développement de la vidéo, qui est une priorité stratégique et le premier relais de croissance de
l’AFP », a déclaré Emmanuel Hoog, ce jour-là. C’est la toute première annonce faite par l’agence de presse française depuis la signature avec l’Etat – le 8 juin – de son premier Contrat d’objectifs et de moyens (COM) définissant sa mission d’intérêt général. « Nous avons réassuré nos bases en nous donnant des perspectives dans le monde complexe de la presse et du numérique », s’est-il alors félicité.

AFP Blue, la nouvelle filiale qui va tout changer
Le nouveau contrat, qui couvre la période quinquennale 2014- 2018, prévoit que l’Etat verse à l’AFP 125,5 millions d’euros hors taxe en 2015, dont 20,5 millions sous la forme d’abonnements aux « fils » de l’agence et 105 millions en compensation de la mission d’intérêt général désormais reconnue à l’AFP par la Commission européenne depuis mars 2014. Cette reconnaissance est intervenue à la suite de la plainte, en 2010,
de l’agence de presse allemande DAPD (disparue depuis) qui avait accusé l’AFP de percevoir des subventions illicites de l’Etat français. Mais à côté de cette « mission d’intérêt général », le COM prévoit aussi la création d’une « filiale technique de moyens et d’innovation » (1) – baptisée AFP Blue – qui sera financée en plus à hauteur de 26 millions d’euros de prêts provenant de la Caisse des Dépôts, de la Banque publique d’investissement (BPI) et d’une banque privée.

A 70 ans, l’AFP doit s’émanciper de l’Etat
Car l’Etat français ne doit plus financer les investissements, notamment numériques,
de l’AFP. Or, malgré des ressources totales de 119 millions d’euros en 2014 (somme qui progressera peu d’ici 2018, à 127 millions (2)), l’agence de presse a enregistré
l’an dernier une perte nette de 2,2 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires de 290,7 millions d’euros (en hausse de 3,5 %). Et elle affiche un endettement croissant de 40 millions d’euros (50 millions attendus en fin d’année). Le nouveau contrat avec l’Etat transpose la loi du 17 avril 2015 sur la modernisation du secteur de la presse (3), laquelle a modifié le statut de l’AFP – qui datait de 1957 (4) – et renforcé sa gouvernance. Cette évolution historique de l’agence âgée de 70 ans, doit aussi aboutir avec les représentants des salariés à un accord social d’entreprise unique, dont les négociations en cours devraient aboutir début juillet – sur fond de limitation de la progression de la masse salariale (1 % par an et gel des salaires).
Entre investissement, désendettement et économies, Emmanuel Hoog – dont le mandat est passé de trois à cinq ans, soit jusqu’en 2018 – va donc devoir trouver
de nouvelles recettes, sur le marché concurrentiel des agences de presse mondiales
de plus en plus numériques, ainsi que des financements bancaires pour innover et diversifier ses services (vidéo en direct, infographie interactive, applications sportives innovantes, …).
La nouvelle filiale privée AFP Blue, créée en janvier dernier, détenue à 100 % par l’AFP et présidée par Emmanuel Hoog, devient le fer de lance de l’innovation de l’agence. Son comité stratégique vient d’accueillir en mai deux représentants indépendants : Valérie Peugeot, chercheuse « prospective » chez Orange, et Jean-Pierre Caffin, associé « médias » dans le cabinet Bain & Company.
L’AFP est ainsi prête à accélérer sa mutation numérique et médiatique, qui ne relève plus seulement de sa mission d’intérêt général (MIG) mais aussi d’objectifs commerciaux (chiffre d’affaires et marge d’exploitation). Le programme d’investissement d’AFP Blue – 34,4 millions d’euros sur les cinq prochaines années – sera décisif. Des syndicats de l’agence déplorent, eux, « le désengagement progressif de l’Etat » et dénoncent ce qu’ils appellent « la marchandisation de l’information ». L’Agence France- Presse, placée sous surveillance – à la fois de la Commission européenne et de l’Etat français – joue maintenant son avenir. Emmanuel Hoog espère que l’activité vidéo, proposée sur catalogue et de plus en plus en direct grâce à AFPTV Live, va générer de nouvelles recettes en croissance (+ 29 % en 2014). Mais au-delà de la concurrence frontale avec Reuters, AP ou encore Bloomberg, de plus en plus présents en ligne (Web et mobiles), l’AFP est aussi confrontée à la force de frappe informationnelle de l’Internet et des réseaux sociaux mondiaux (Twitter, Facebook, Google News, …) – où la gratuité et l’instantanéité de l’actualité court-circuitent les médias (agences comprises). Elle est d’autant plus exposée à cette hyperconcurrence que plus de la moitié de son chiffre d’affaires 2014 (+ 4,1 % sur un an) est réalisé à l’international. Si l’explosion de la vidéo participe à cette progression, c’est que l’AFP
a fait du sport sa spécialité – comme Reuters s’est spécialisé en économie et AP sur les Etats-Unis. « Cela peut nous permettre de trouver d’autres clients que les médias, comme la FIFA ou Samsung. Nous venons de lancer avec Twitter un produit, TweetFoot, qui permet de suivre l’actualité du football sur la base de comptes sélectionnés par la rédaction. Enfin, nous voulons développer la couverture live de l’actualité, non seulement par la vidéo, mais aussi le texte et la photo, pour le Web et les mobiles », a expliqué Emmanuel Hoog dans une interview parue le 28 mai dernier dans Le Monde.
C’est que l’AFP est de plus en plus présente auprès des internautes et des mobinautes : indirectement via ses clients médias, qui ont tendance à mettre en ligne gratuitement les dépêches AFP dès qu’elles sont « tombées », voire directement avec ses propres services en ligne proposés au grand public (5). L’AFP a aussi signé dès 2009 un partenariat stratégique mondial avec Relaxnews, agence spécialisée pour des abonnés médias et/ou sites web dans l’actualité des loisirs – via fil AFPrelaxnews.com – que le groupe publicitaire Publicis vient d’acquérir.

AFP grand public : YouTube et Facebook
Pour le grand public, l’AFP a lancé en octobre 2009 une chaîne YouTube (6) qui compte aujourd’hui 73.984 abonnés « gratuits » et totalise à ce stade près de 102 millions de vues. Y sont notamment proposés deux éditions quotidiennes de journaux télévisés (JT), des vidéos en live ou encore des playlists vidéo. L’agence est aussi depuis 2010 (année de la nomination d’Emmanuel Hoog) sur Facebook (7), « aimée » par 281.000 personnes pour l’instant. Elle utilise aussi Instagram. Et depuis juillet 2011, elle alimente un compte Twitter (@afpfr) suivi actuellement par près de 1 million de followers (8). Sans oublier le site web institutionnel et grand public qu’est AFP.com. L’Agence France-Presse prend ainsi des airs de métamédia, passant d’une logique
« filaire » a une logique de « plateforme de services », au risque de concurrencer ses propres clients… @

Charles de Laubier

Europe : les multinationales du Net commencent à se faire à l’idée de rendre des comptes localement

Google, Apple, Facebook Amazon et Microsoft symbolisent ces « GAFAM »
que la Commission européenne souhaiterait faire entrer dans le rang d’une
future régulation numérique. Il s’agit de les rendre responsables juridiquement
et fiscalement sur le pays de consommation de leurs services.