Transparence dans les pratiques de la publicité digitale : un décret, une circulaire, et après ?

Opération « mains propres » sur le marché français de la publicité numérique : maintenant que le décret « Reporting » a enfin été publié – le 11 février – à la grande satisfaction des annonceurs, le plus dur reste à faire pour savoir qui
rend compte à qui, tant les intermédiaires sont nombreux.

Publicité sur Internet, publicité programmatique, enchères publicitaires, achats publicitaires en temps réel, … Jamais le marché de la publicité n’a été aussi complexe et les relations entre annonceurs, agences conseil, régies, intermédiaires techniques et médias, aussi opaques. Commissions cachées, comptes-rendus absents, transactions occultes, prestations floues, modifications unilatérales, … La loi « Sapin » de 1993 sur « la prévention de la corruption et la transparence de la vie économique » impose bien des obligations de reporting clairs dans les contrats classiques signés de gré à gré dans la publicité, mais elles ne s’appliquent toujours pas à la publicité numérique souvent automatisée.

Circulaire d’application avant le 1er janvier 2018
Néanmoins, depuis la publication du décret du 9 février dernier sur les « prestations
de publicité digitale » (1), l’article 23 de la loi « Macron » de 2015 sur « la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques », censé lever l’opacité dans le monde numérique, a enfin été précisé. Pour autant, ce décret tant attendu ne s’appliquera pas avant le 1er janvier 2018 – soit, hasard du calendrier, à l’occasion des 25 ans de la loi Sapin justement. D’ici là, les professionnels de la publicité doivent se concerter, toujours sous l’égide de Bercy qui va établir une circulaire d’application, afin de se mettre d’accord sur les modalités concrètes de mise en oeuvre et le rôle des différents et nouveaux intervenants. Autrement dit, il s’agit de préciser qui doit rendre des comptes aux annonceurs entre les agences médias, les Trading Desk (TD), les Demand-Side Platform (DSP), les Ad-Exchange, les Supply-Side Platform (SSP),
les régies Internet membres du SRI (2), les médias eux-mêmes et les fournisseurs
de data tels que Google/DoubleClick, Facebook ou encore Yahoo (voir graphique ci-contre).
De quoi en faire perdre son latin à l’Autorité de la concurrence qui, de son côté, mène l’enquête depuis mai 2016 sur la publicité en ligne et les données associées : ses conclusions sont attendues au second semestre (3). Demandée à cor et à cri depuis un an et demi (4) par l’Union des annonceurs (UDA), cette exigence de reporting de la part des vendeurs d’espaces en ligne sur les prestations digitales en général et les achats programmatiques en particulier devrait permettre d’y voir plus clair sur le prix unitaire des espaces vendus, notamment dans les enchères publicitaire en temps réel ou Real Time Bidding (RTB). « La publication de ce décret permettra aux annonceurs d’obtenir la transparence sur la répartition de leur budget publicitaire sur le digital, pour lequel il a été constaté que 60 % de la valeur des investissements publicitaires ont été absorbés par 5 niveaux d’intermédiaires », s’est félicité Pierre-Jean Bozo (photo), directeur général de l’UDA. En 2016, le marché de la publicité numérique – sur Internet et les applications mobiles – a généré plus de 3,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires, en croissance de 7 % sur un an.


Cela fait longtemps que les annonceurs s’interrogent sur l’efficacité de leurs investissements publicitaires sur Internet et les mobiles. Forte de ses 6.000 membres
– de Coca- Cola à L’Oréal en passant par Peugeot ou encore Yves Rocher – cette organisation centenaire était montée au créneau en novembre dernier pour demander au gouvernement de publier ce décret « Reporting » qui tardait à l’être – dénonçant
un « délai inhabituel et surtout dangereux ». L’UDA a même alors menacé de saisir
la DGCCRF, voire de lancer en même temps un audit sur les pratiques entre les intermédiaires et les médias – ayant constaté par exemple que des agences conseil préconisaient le plan média lui rapportant le plus et non le plus performant pour l’annonceur… La publicité numérique entre dans l’ère du retour sur investissement. Revers de la médaille : la transparence aura un coût. « Le reporting va nous demander plus de procédures administratives, ce qui pourrait avoir une répercussion à la hausse sur les prix », nous indique Catherine Michaud, à l’Association des agences-conseils en communication (AACC). @

Charles de Laubier

Efficace au début, la réponse graduée de l’Hadopi – doublement aveugle – ne le serait presque plus

Une étude préconise une autre mise en oeuvre de la réponse graduée afin de la rendre plus efficace. Pour cela, l’Hadopi devrait se concentrer sur les plus gros pirates et traiter tous les procès verbaux – 50.000 par jour – que lui fournissent les organisations d’ayants droits (Alpa, SCPP, SPPF, Sacem et SDRM).

Selon nos informations, le président de l’Hadopi, Christian Phéline (photo de gauche), n’est pas opposé à ce que l’Hadopi concentre ses efforts sur les
« gros poissons » – comprenez les internautes qui échangent le plus de fichiers de musiques et/ou de films sur les réseaux peer-to-peer (sur lesquels porte uniquement la réponse graduée). Ce qualificatif de « gros poissons » a été utilisé dès 2009 par l’Inria (1) dans son programme de recherche intitulé « Angling for Big Fish in BitTorrent » (2).

« Habiliter » le secrétaire général ?
Membre du collège depuis 2012 et président de l’Hadopi depuis un anmaintenant (3), Christian Phéline semble acquis à l’idée de traiter les « Big Fish » parmi l’ensemble des 50.000 procès verbaux d’infraction quotidiens que les ayants droits – de la musique (SCPP, SPPF, Sacem, SDRM) pour une 60 % et de l’audiovisuel (Alpa) pour 40 % – font parvenir à la direction de protection des droits (DPD) de l’autorité. Maintenant
que l’Hadopi a depuis le 1er février son nouveau secrétaire général en la personne de Jean- Michel Linois-Linkovskis (photo de droite), épaulé par Pauline Blassel devenant secrétaire générale déléguée (après avoir assuré l’intérim), il ne resterait plus qu’à
« habiliter » (4) le successeur d’Eric Walter pour réfléchir avec la commission de protection des droits (CPD) – le bras armée de l’autorité présidée par Dominique Guirimand – aux modalités de mise en oeuvre de cette politique plus ciblée et supposée plus efficace. Car, jusqu’à maintenant, seule une minorité des adresses IP repérées par la société nantaise Trident Media Guard (TMG) comme mettant en partage une ou plusieurs oeuvres sous droits est en définitive exploitée et donne lieu
à une demande d’identification du titulaire de l’abonnement : seulement une sur trente-cinq en 2012 et encore une sur six en 2015, selon les chiffres de l’Hadopi cités par l’étude effectuée par Jean Berbinau – lequel fut membre du collège de l’autorité six années durant – et Patrick Waelbroeck, professeur d’économie industrielle et d’économétrie à Télécom ParisTech. Ces travaux ont été publiés en janvier par le département des études, de la prospective et des statistiques (DESP) du ministère
de la Culture et de la Communication (5). « La réponse graduée est aujourd’hui un processus doublement à l’aveugle. D’une part, c’est au hasard que chaque jour calendaire sont choisies (…) les 25.000 adresse IP [pour l’audiovisuel et autant pour la musique, ndlr] qui, au maximum, feront l’objet d’un constat transmis à la CPD. D’autre part, après avoir écarté les constats où plusieurs horaires d’infraction figurent pour une même adresse IP, soit environ un quart des constats, c’est au hasard que la CPD choisit ceux pour lesquels elle va demander au fournisseur d’accès [à Internet] l’identité de l’abonné (…), soit un procès-verbal sur cinq », analysent les deux auteurs qui parlent alors d’« aléa », auquel s’ajoute celui, certes moindre, du processus d’identification des abonnés présumés pirates chez le FAI qui aboutissait seulement dans 72 % des cas en 2012 et encore dans 89 % des cas en 2015.

Conclusion : « Ce double tirage à l’aveugle diminue artificiellement le nombre d’abonnés qui se voient reprocher un nouveau manquement à leur obligation de surveillance de leur accès à Internet. Il n’est pas fondé d’en déduire un changement réel des comportements dans les mêmes proportions (abandon du téléchargement de pair à pair pour d’autres modes d’appropriation des œuvres, légaux ou non [streaming, direct download, etc]) ».
A cause de ces « aléas », seulement 10 % des internautes avertis une première fois
– dans le cadre des e-mails d’avertissement de la réponse graduée – reçoivent une deuxième recommandation en raison de la détection par la CPD de récidives. Selon Jean Berbinau et Patrick Waelbroeck, « ces aléas rendent peu probable de retrouver deux fois le même abonné au cours d’une période de six mois ».

Réponse graduée : pas très efficace
De plus, le taux de saisines comportant des doublons (saisines identiques) avoisine
15 % du total des 60.000 procès-verbaux environ adressés à la CPD par jour : sur les 36.000 saisines quotidiennes de l’industrie musicale, 10 000 sont des doublons ; sur les 24.000 saisines de l’audiovisuel, il n’y a pas de doublons. En effet, il est fréquent que les organisations de l’industrie musicale soient plusieurs à être titulaires de droits sur la même oeuvre qu’elles retrouvent mise à disposition de façon illicite sur les réseaux peer-to-peer. En revanche, puisque l’Alpa (6) est la seule organisation à traquer les pirates de films, de séries, de documentaires ou encore de clips musicaux pour le compte de l’audiovisuel et du cinéma, ce phénomène de redondance n’existe quasiment pas.

Se concentrer sur les « Big Fish »
Une chose est sûre aux yeux des coauteurs : la réponse graduée ne tourne pas à plein régime et pourrait gagner en efficacité. Mais le contrat que les organisation d’ayants droits des industries culturelles ont signé à l’époque – sans cesse renouvelé depuis – avec TMG s’en tient à 50.000 infractions à transmettre chaque jour à la CPD. Pourtant, ces cinq organisations avaient bien obtenu de la Cnil (7) en juin 2010 la possibilité de dresser ensemble un total maximum de 125.000 procès verbaux d’infractions par jour, soit quotidiennement 25.000 saisines possibles de l’Hadopi pour chacune d’entre elles (8) (*) (**). Dans leur contribution intitulée « La réponse graduée : un modèle de simulation du cas français », Jean Berbinau et Patrick Waelbroeck préconisent donc que non seulement l’Hadopi concentre son action sur les adresses IP des plus gros pirates – les fameux « Big Fish » – mais aussi prenne en compte toutes les infractions
« sans se limiter à 25.000 par jour », limite prévue pour chaque organisation dans leur autorisation respective par la Cnil. Aux Etats-Unis, il n’y avait pas de limitation au nombre de signalements dans le cadre du Copyright Alert System (CAS), lequel vient d’ailleurs de s’arrêter après quatre ans de fonctionnement.
Si, toujours selon nos informations, Christian Phéline a accordé une oreille attentive à ces travaux statistiques sur la réponse graduée, il semble que ni l’ancienne présidente de l’Hadopi, Marie-Françoise Marais, ni l’ancienne présidente de la CPD Mireille Imbert-Quaretta (MIQ) – auxquelles Jean Berbinau avait exposé par écrit dès juillet 2011 un argument statistique, suivi en mai 2012 d’un modèle stochastique (9) en vue d’améliorer l’efficacité de la réponse graduée – n’y avaient donné suite. Pourtant,
rien ne s’y opposait a priori car « le système d’information “cible”, qui a remplacé en septembre 2012 le système d’information “prototype” a été dimensionné, sur cahier
des charges de la CPD, pour pouvoir traiter 200.000 saisines par jour »… Seule MIQ était opposée à « concentrer le traitement » sur les « Big Fish », préférant miser, elle, sur la pédagogie du premier avertissement. Quant au secrétaire général de l’Hadopi, Jean-Michel Linois-Linkovskis, il a été tenu récemment tenu au courant de ces travaux et recommandations d’amélioration de la réponse graduée. Son prédécesseur, Eric Walter, avait fait état de son accord sur l’analyse. La présidente de la Cnil, Isabelle Falque-Pierrotin, seraient aussi favorable à une telle évolution pour peu que les organisations d’ayants droits lui en fasse la demande.
Pour l’heure, la réponse graduée est loin d’avoir rempli ses objectifs tels qu’ils étaient présentés dans l’étude d’impact de la loi Hadopi, lors du projet adopté en conseil des ministre le 18 juin 2008. Notamment sur l’hypothèse selon laquelle que « la proportion d’internautes pratiquant l’appropriation illicite de musiques et d’oeuvres audiovisuelles sur les réseaux de pair à pair passe de un sur quatre à un sur quatre-vingt ». Aujourd’hui, d’après une étude de Médiamétrie menée avec l’Alpa, le CNC et TMG et publiée en avril 2016, « cette proportion serait de l’ordre d’un internaute sur huit pour l’audiovisuel, voire d’un sur dix à quinze pour tenir compte du fait que le visiteur d’un site ne devient pas de facto source de mise à disposition de l’oeuvre ». Les deux experts proposent donc – en complément des sondages déclaratifs auprès d’un échantillon représentatif ou d’un logiciel d’observation des équipements d’un panel d’abonnés – une « méthode de simulation » fondée sur « des données observées à chacun des stades de la réponse graduée ».
Les coauteurs font enfin remarquer que leur approche « Big Fish » et non aléatoire
de la réponse graduée complète les études empiriques déjà publiées qui « semblent indiquer soit un effet de courte durée (études Adermon/Liang de 2011 sur le piratage
de musiques et Aguia de 2015), soit un effet non significatif (étude Peukert/Claussen/Kretschmer de 2015) ».

Des effets de substitution induits
D’autres études empiriques « mettent en évidence des effets de substitution » : la réponse graduée aurait par exemple favorisé en France les films américains en salles de cinéma au détriment des films français (étude Bellégo/De Nijs de 2015, Insee) ; elle aurait par ailleurs incité les « petits » pirates à réduire leur activité sur les réseaux peer-to-peer pendant que les « gros » pirates se seraient tournés, eux, « vers des serveurs plus difficilement détectables tout en augmentant leur activité ». De là à dire que la réponse graduée est un coup d’épée dans l’eau dans la lutte contre le piratage, il n’y
a pas loin… @

Charles de Laubier

Le CSA a reçu le 4 janvier le projet de rachat de RTL en France par M6, qui veut devenir « multimédia »

La chaîne M6 fête ses 30 ans cette année, alors que sa maison mère Métropole Télévision ne veut plus – contrairement à ce qu’indique son nom – se cantonner à de la télévision. Son président Nicolas de Tavernost veut constituer un « groupe multimédia » en intégrant RTL et en se renforçant sur le Net.

Selon nos informations, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a reçu le 4 janvier dernier la notification du projet d’acquisition par le groupe M6 de la filiale française RTL Radio détenue actuellement à 100 % par
le groupe luxembourgeois RTL Group (filiale de l’allemand Bertelsmann). Ce dernier est en outre l’actionnaire de référence de Métropole Télévision (M6, W9, 6Ter, Paris Première) à hauteur de 48,26 % de son capital.

Pub, Net, synergies et cross-média
Si le CSA donnait son feu vert à cette intégration verticale, cette opération marquerait un tournant historique pour la maison mère de l’ex-« petite chaîne qui monte, qui
monte ! ». L’année 2017 sera alors une année de métamorphose sans précédent
pour Métropole Télévision (alias le groupe M6) que l’on serait tenté de rebaptiser
« Métropole Multimédia », tant la volonté de son président Nicolas de Tavernost (photo) d’en faire un groupe multimédia n’a jamais été aussi forte. « Nous devrions devenir pleinement un groupe multimédia », a-t-il encore déclaré début janvier (1), après que son groupe ait annoncé mi-décembre vouloir acquérir les radios de RTL en France (RTL, RTL2, Fun Radio) et leurs déclinaisons numériques (RTLnet), ainsi que leurs régies publicitaires (IP France et IP Régions). RTL Radio a réalisé 168 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2015 pour 14,3 millions de marge brute d’exploitation.
Cette acquisition serait une aubaine pour le groupe de télévision, dont la chaîne historique M6 marque le pas. A 30 ans, la « petite chaîne qui monte »… ne monte
plus vraiment (lire page 4), bien qu’elle soit la seule chaîne historique à afficher une audience en croissance l’an dernier. Nicolas de Tavernost espère néanmoins la maintenir cette année à 10% de part d’audience, contre 10,2 % en 2016 et 9,9 % en 2015. Plurimédia et multimédia, le nouveau groupe M6 ne sera plus cantonné à la télévision et à la production audiovisuelle mais diversifié dans la radio et sur Internet. L’ensemble M6- RTL pèse à ce stade un chiffre d’affaire total de près de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Le rachat de RTL en France, qui devrait aboutir d’ici l’été prochain, permettrait au nouvel ensemble « Métropole Multimédia » d’instaurer des synergies publicitaires et numériques entre les activités télévision et radio – tout en développant le cross-média en France entre le premier groupe de radio privé et le deuxième groupe privé de télévision. Il s’agira notamment d’opérer, explique le groupe de Nicolas de Tavernost, un « renforcement des activités et services digitaux, car la croissance rapide de la consommation des deux médias en format numérique non linéaire exige une forte capacité d’innovation et d’investissement, qui sera plus performante avec l’action coordonnée des différentes équipes ». Le digital est au
cœur de cette intégration verticale, comme le justifie Guillaume de Posch et Anke Schäferkordt, les deux dirigeants de RTL Group : « Notre souhait de réorganiser nos activités de télévision et de radio françaises en une seule entité est avant tout suscité par notre objectif de devenir plus concurrentiels dans un univers médiatique de plus en plus numérique ». Dans le cadre de la transaction portant sur 216 millions d’euros, un accord de licence de marque sera signé entre les groupes luxembourgeois et français, afin que ce dernier puisse utiliser la marque RTL.

Pour la première radio de France (en alternance avec NRJ), l’année sera également marquée non seulement pas l’anniversaire de ses 50 ans mais aussi par son déménagement prévu fin 2017, de ses locaux historiques des Champs-Elysées vers Neuilly-sur-Seine. Cette croissance externe, bien que menée avec la même maison mère RTL Group, est aussi une façon de se démarquer de son premier concurrent et numéro un de la télévision, TF1, qui n’est pas diversifié dans la radio contrairement aux groupes SFR (avec NextRadioTV) et NRJ. Le groupe M6-RTL prévoit en outre des
« innovations dans les contenus, dont l’information (…), mais aussi les divertissements et la musique ». C’est dans cet esprit que Nicolas de Tavernost a annoncé début janvier que le groupe M6 allait créer un studio baptisé Golden Network et dédié à la création de chaînes pour Internet, notamment sur YouTube à l’image de Golden Moustache, ainsi qu’à la production de séries pour les opérateurs du Net et de la SVOD.

Des chaînes YouTube et des MCN
Une autre entité, M6 Digital Studio, existe depuis 2014 pour fédérer les chaînes Golden Moustache, MinuteFacile, Rosecarpet, CoverGarden et No Pain No Game, tout en développant des MCN (Multi Channel Network). Rappelons que Antoine de Tavernost, fils de son père Nicolas, s’est impliqué dans des événements consacrés aux Youtubers (2). De son côté, Christopher Baldelli, le patron de RTL Radio, n’exclut pas de lancer des webradios (3). @

Charles de Laubier

Le replay et le différé atteignent pour la première fois 10 minutes par jour sur l’audience TV totale

En 2016, la télévision de rattrapage (replay) et le visionnage en différé (time shifting) ont permis aux chaînes de télé de sauver la face. Grâce à ces deux modes de consommation délinéarisée inclus dans la mesure d’audience TV,
le petit écran compense l’érosion de son audience à l’antenne (live).

Selon nos informations obtenues auprès de Médiamétrie, le replay et le différé ont fait gagner en 2016 aux chaînes de télévision en France 10 minutes supplémentaires de durée d’écoute par individu – en moyenne chaque jour – par rapport à la durée d’écoute classique en live à l’antenne. Ce qui permet aux chaînes d’afficher pour l’an dernier un total de 3h43 par jour en moyenne de durée d’écoute par individu, soit en un an une baisse de seulement 1 minute en moyenne par jour et par individu.

Erosion du live et concurrence du Net
C’est la première fois que la télévision délinéarisée atteint la barre des 10 minutes
en moyenne par jour et par individu, contre 8 minutes en 2015. Cette consommation délinéarisée a représenté l’an dernier 4,5 % du total de l’audience TV, alors qu’elle
en représentait seulement 1,3 % il y a cinq ans (voir graphique ci-dessous). Il faut dire que depuis un an maintenant, le calcul des audiences des chaînes comprend non seulement les audiences des programmes visionnés en live (à l’antenne), mais aussi celles du différé et du replay sur un jour donné « quelle que soit la date de diffusion live initiale des programmes rattrapés ». Auparavant, depuis janvier 2011, Médiamétrie prenait en compte, en plus de l’antenne, le différé du jour même et des sept jours suivants sur les enregistrements personnels (magnétoscope numérique, DVD ou disque dur), auquel est venue s’ajouter, à partir d’octobre 2014, la télévision de rattrapage (replay ou catch up TV). Ce que Médiamétrie appelle « le délinéaire » (replay et différé) confirme la propension du public à s’affranchir de la grille des programmes imposés à heures fixes. Même ceux qui font la télévision se détourne de l’antenne… Lors des Rencontres cinématographiques de Dijon, le 22 octobre dernier, Delphine Ernotte n’a-t-elle pas avoué être de ceux qui ne regardent plus la télévision ? « Je regarde tout en rattrapage. Je suis passée de l’autre côté du miroir », avaient-elle confié (1).

Autrement dit, sans l’apport de la délinéarisation au travers de la télévision de rattrapage et du visionnage en différé (ce time shifting qui permet de regarder en
décalé les programmes enregistrés sur supports numériques), la télévision en France afficherait une chute d’audience bien plus importante. D’aucuns diront cependant que
si le rattrapage et le différé n’avaient pas existé, les téléspectateurs seraient probablement restés devant leur petit écran – dont l’audience live aurait ainsi été maintenue. Rien n’est moins sûr. La télévision perd petit à petit de son aura globale
au profit d’autres médias audiovisuels en ligne (plateformes vidéo, chaînes YouTube/Dailymotion, services de VOD, SVOD, …). C’est flagrant pour les chaînes nationales. Alors que la chaîne TF1 affichait encore 26,1 % de part d’audience (2)
en 2009, elle n’affiche plus que 20,4 % en 2016. France 2, qui était à 16,7 % en 2009,
a reculé à 13,4 % en 2016. Exception qui confirme la règle : M6 a été la seule grande chaîne à voir son audience progresser l’an dernier à 10,2 %, soit à peine en dessous
de sa part d’audience 10,8 % de 2009. Cette tendance à l’érosion de la télévision s’explique aussi par la multiplication des chaînes depuis le lancement de la TNT en novembre 2011 et de six chaînes haute définition en décembre 2012. La France métropolitaine compte à ce jour 31 chaînes nationales dont 9 chaînes nationales publiques, 18 chaînes nationales privées gratuites et 5 chaînes nationales payantes.
Ce PAF (3) comprend aussi 41 chaînes locales ou régionales. @

Charles de Laubier

Liens hypertextes « pirates » : la jurisprudence « GS Media » menace-t-elle la liberté d’informer ?

Le 13 octobre 2016, le tribunal d’Attunda (Suède) a fait application pour la première fois en droit national des critères énoncés par la CJUE dans l’arrêt
« GS Media », et vient ainsi préciser les contours du régime s’appliquant au
droit de communication au public pour les liens hypertextes.