Traque anonyme par des cookies publicitaires : l’Europe harmonise l’information aux internautes

Tandis que les navigateurs web Google, Safari, Firefox ou Edge ont proscrit les cookies publicitaires, les sites web continuent le suivi à la trace des internautes mais de façon anonyme, pour peu que ces derniers y aient consentis. Encore faut-il qu’ils soient bien informés avant de décider.

Pour le commissaire européen Didier Reynders (photo), en charge de la Justice (protection des consommateurs comprise), c’est l’aboutissement de longs mois de réflexion, avec les professionnels concernés, sur la manière de mieux informer les consommateurs avant de choisir s’ils acceptent – ou pas – d’être suivis à la trace lors de leur navigation sur Internet. Même si l’année 2024 annonce la fin généralisée des cookies publicitaires, les internautes ont la possibilité de consentir à livrer des données anonymes les concernant à des fins publicitaires. L’Union européenne (UE) veut harmoniser les conditions d’informations des consommateurs du Net avant de donner ou pas leur accord.

Des principes finalisés en janvier 2024
Continuer à être « tracké » ou pas ? Telle est la question. Avant de donner leur consentement individuel à chaque fois qu’ils se rendent sur un site web ou une application, les internautes européens – au nombre de 404 millions dans l’UE (1) – doivent être mieux informés. C’est l’objectif de la « réflexion sur la façon de mieux habiliter les consommateurs à faire des choix efficaces concernant les modèles de publicité basée sur le suivi » initiée il y a près d’un an par la Commission européenne et intitulée « Cookie Pledge » – en français, « Engagement en matière de cookies »).
Ce sont des principes qui devront être appliqués et respectés dans les Vingt-sept par l’écosystème du Net composé des éditeurs de sites web (ou d’applications mobiles) et des annonceurs publicitaires. Ces engagements complèteront les obligations imposées par la directive « ePrivacy » (2) et le règlement général européen sur la protection des données (RGPD), sous peine de sanctions financières infligées par les « Cnil » européennes (3). Ces principes doivent être « peaufinés » en janvier 2024 en vue de présenter une « version finale » lors du Sommet des consommateurs (European Consumer Summit) prévu à Bruxelles le 28 mars prochain (soit après la Journée mondiale des droits des consommateurs, organisée par l’ONU le 15 mars).
« La prochaine étape pour les parties prenantes, précise-t-on à Bruxelles, est de discuter de ces principes et de réfléchir à la possibilité de les adopter volontairement ». Le Comité européen de la protection des données (CEPD), lui, a déjà été consulté et donné son avis le 19 décembre dernier sur la conformité de ces principes (4). Le projet des « principes d’engagement volontaire des entreprises » vise à « simplifier la gestion par les consommateurs des cookies et des choix publicitaires personnalisés ». Ce document de travail de deux pages – intitulé « Draft Pledging Principles » (5) – pose huit principes que devront adopter les acteurs du Net qui sollicitent le consentement des internautes :
La demande de consentement ne contiendra pas d’informations sur les cookies dits essentiels ni de référence à la collecte de données basée sur un intérêt légitime. Comme les cookies essentiels [strictement nécessaires au fonctionnement du site web ou de l’application, sur l’identification sur celui-ci ou celle-ci, ou sur le panier d’achat du consommateur, ndlr] ne nécessitent pas de consentement, le fait de ne pas afficher d’informations à leur sujet dans le cadre de la demande de consentement réduira les informations que les utilisateurs doivent lire et comprendre. En outre, l’intérêt légitime n’étant pas un motif pour le traitement des données basé sur l’article 5 de la directive « e-Privacy », ils ne devraient donc pas être inclus dans la bannière des cookies. La question du traitement ultérieur des données fondé sur l’intérêt légitime devrait être expliquée dans des couches [ou niveau] supplémentaires.
Lorsque le contenu est financé au moins partiellement par la publicité, il sera expliqué à l’avance lorsque les utilisateurs accèdent au site web ou à l’application pour la première fois. A partir du moment où une entreprise génère des revenus, soit en exposant les consommateurs au suivi publicitaire basé sur la collecte et l’utilisation d’informations sur le comportement en ligne des consommateurs via des trackers, soit en vendant à des partenaires le droit de mettre des trackers sur les appareils des consommateurs via leur site web [ou application], les consommateurs doivent être informés du modèle économique en question au moins en même temps que lorsque le consentement aux cookies est requis. Demander aux consommateurs de lire des bannières complexes de cookies et seulement après qu’ils n’aient pas consenti, les exposant à un ultimatum « payer ou quitter », pourrait être considéré comme une manipulation.

Option « publicité moins intrusive »
Chaque modèle économique sera présenté de façon succincte, claire et facile à choisir. Cela inclura des explications claires sur les conséquences de l’acceptation ou du refus des trackers. La plupart des cookies sont utilisés pour mettre en œuvre un modèle économique et cette concomitance devrait donc être facilement décrite, comprise et mise en œuvre dans un panneau conjoint regroupant les accords en vertu du droit des consommateurs et le consentement en vertu de la loi (e-Privacy/ RGPD). Dans ce panneau, les options du modèle économique (c’est-à-dire « accepter de la publicité basée sur le suivi », « accepter d’autres types de publicité » ou « accepter de payer des frais ») seront présentées avec les conséquences en termes de proposition de trackers, et ce en langage simple et simple.

Lutter contre « la fatigue des cookies »
S’il est proposé de faire un suivi de la publicité ou de payer des frais, les consommateurs auront toujours le choix entre une autre forme de publicité moins intrusive. Compte tenu du nombre extrêmement limité de consommateurs qui acceptent de payer pour du contenu en ligne de différentes sortes, et du fait que les consommateurs peuvent naviguer quotidiennement sur des dizaines de sites web différents, le fait de demander aux consommateurs de payer ne semble pas une solution de rechange crédible au suivi de leur comportement en ligne à des fins publicitaires qui exigeraient légalement d’obtenir leur consentement.
Le consentement aux cookies à des fins publicitaires ne devrait pas être nécessaire pour chaque tracker. Pour ceux qui sont intéressés, dans une deuxième couche [ou niveau], plus d’informations sur les types de cookies utilisés à des fins publicitaires devraient être données, avec une possibilité de faire une sélection plus fine. Lorsque les utilisateurs acceptent de recevoir de la publicité, il convient de leur expliquer en même temps comment cela est effectué et en particulier si des cookies, y compris des cookies tiers pertinents, sont placés sur leur appareil. Il ne devrait pas être nécessaire pour eux de vérifier chaque tracker. En effet, cela peut revenir à vérifier un à deux mille partenaires différents, rendant le choix totalement inefficace soit en donnant une illusion de choix, soit en décourageant les gens de lire plus loin, les conduisant à appuyer sur les boutons « accepter tout » ou « refuser tout ». Ce principe devrait être sans préjudice de règles plus strictes dans d’autres législations sectorielles, telles que la DMA [Digital Markets Act].
Pas de consentement séparé nécessaire pour les cookies utilisés pour gérer le modèle publicitaire sélectionné par le consommateur (par exemple, les cookies pour mesurer la performance d’une annonce spécifique ou pour effectuer de la publicité contextuelle) car les consommateurs ont déjà exprimé leur choix à l’un des modèles économiques. L’une des raisons de la fatigue des cookies est que tous les types de cookies sont très souvent décrits de manière longue et plutôt technique, ce qui rend un choix éclairé complexe et lourd et de facto inefficace. Par ailleurs, dès lors que le modèle économique est précisé et accepté par le consommateur, la nécessité pour les entreprises de mesurer la performance de leurs services publicitaires ou de prévenir la fraude peut être considérée comme inextricablement liée au modèle économique de la publicité, auquel le consommateur a consenti. Les autres cookies qui ne sont pas strictement nécessaires à la fourniture du service publicitaire spécifique devraient encore nécessiter un consentement séparé.
Le consommateur ne doit pas être invité à accepter les cookies dans un délai d’un an à compter de la dernière demande. Le cookie pour enregistrer le refus du consommateur est nécessaire pour respecter son choix. Une raison majeure de la fatigue des cookies, particulièrement ressentie par les personnes les plus intéressées par leur vie privée, est que les choix négatifs ne sont pas enregistrés et doivent être répétés chaque fois qu’ils visitent un site web ou même chaque page d’un site web. L’enregistrement de ce choix est indispensable pour une gestion efficace d’un site web et pour le respect des choix des consommateurs. De plus, afin de réduire la lassitude à l’égard des trackers, un délai raisonnable, par exemple un an, devrait être adopté avant de demander de nouveau le consentement des consommateurs.
Les signaux provenant d’applications offrant aux consommateurs la possibilité d’enregistrer à l’avance leurs préférences en matière de cookies avec au moins les mêmes principes que ceux décrits ci-dessus seront acceptés. Les consommateurs devraient avoir leur mot à dire s’ils décident de refuser systématiquement certains types de modèles publicitaires. Ils devraient être habilités à le faire et la législation sur la protection de la vie privée et des données ne devrait pas être utilisée comme argument contre un tel choix, à condition que le choix automatisé ait été fait consciemment.

GAFAM, TikTok et organisations pro
Pour parvenir à ce projet de principes d’« engagement volontaire » des professionnels de l’écosystème « trackers/publicité ciblée » (6), le commissaire européen Didier Reynders a réuni autour de la table les GAFAM (Google/Alphabet, Apple, Facebook/Meta, Amazon, Microsoft), ainsi que TikTok. Des organisations professionnelles ont aussi travaillé au sein de trois groupes de travail : IAB Europe, European Publishers Council (EPC), Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc), Federation of European Data & Marketing (Fedma), European Interactive Digital Advertising Alliance (EEDA), German Brand Association (Markenverband). Ils se sont mis à la place des consommateurs confrontés chaque jour aux différentes bannières et autres bandeaux ou panneaux sollicitant constamment leur consentement. @

Charles de Laubier

La société américaine Verisign, cotée depuis 25 ans, est la face privée de l’Internet mondial

Internet s’achemine vers les 400 millions de noms de domaine enregistrés dans le monde, ce qui fait les affaires de Verisign. Cette société privée américaine, basée à Reston (Etat de Virginie) et cotée au Nasdaq depuis 25 ans, gère discrètement des pans entiers du Net – dont les « .com » et « .net ».

Cela fait près de 30 ans que la société américaine Verisign tire les ficelles de l’Internet mondial, à l’ombre du gouvernement des Etats-Unis et en coulisse, aux côtés de sa compatriote Icann (1), laquelle – « à but non lucratif et reconnue d’utilité publique » – attribue et administre les adresses et noms de domaine grâce à seulement treize serveurs informatiques dits « racines » (2) répartis sur la planète. Verisign, elle, en opère deux et non des moindres. James Bidzos (photo), dit Jim, qui aura 68 ans le 1er février, en est le PDG fondateur. C’est l’homme invisible de l’Internet depuis près de trois décennies.

Société US privée en coulisses du Net
La société est cotée depuis un quart de siècle au Nasdaq à New-York où sa capitalisation boursière (3) atteint 20,8 milliards de dollars (au 12-01-24). Verisign est à l’origine commerciale de 173,9 millions de noms de domaine en « .com » (160,8 millions) et en « .net » (13,2 millions), dont cette société américaine a le monopole. Ces deux extensions sont très prisées par les sites web et les plateformes du commerce électronique partout dans le monde. Cette exclusivité, sur près de la moitié (48,4 %) des 359,3 millions de noms de domaines enregistrés dans le monde au 30 septembre dernier (4), est confortée par le taux de renouvellement d’environ 75 % de ces noms de domaine cruciaux de l’Internet. Verisign a aussi la mainmise sur d’autres extensions telles que « .edu », « .name » ou encore « .jobs ».
A chaque enregistrement ou renouvellement, Verisign encaissent quelques dollars. A cette rente de situation s’ajoute un rôle déterminant pour la gestion de bases de données de domaines (data centers sur le sol américain) et le bon fonctionnement de l’Internet mondial (200 points de présence dans le monde) : la firme basée à Reston, dans Etat américain de Virginie, opère à elle seule deux des treize serveurs dits « racines » répartis sur la planète pour permettre au « réseau des réseaux » de fonctionner. Rien de moins. Les onze autres serveurs racines du Net sont gérés par la société-sœur Icann, basée, elle, à Playa Vista, dans la banlieue de Los Angeles (Californie) et censée être émancipée de la tutelle étatsunienne à la suite de l’expiration, le 1er octobre 2016, du contrat qui la liait depuis 1998 au département américain du commerce (DoC) via son agence gouvernementale NTIA (5). Cette double emprise des Etats-Unis sur la gouvernance technique de l’Internet n’est pas du goût de nombreux Etats dans le monde, qui demandent une nouvelle gouvernance mondiale de cette infrastructure partagée (6). D’autant que Verisign revendique « le rôle essentiel mais surtout invisible » vis-à-vis du réseau des réseaux. Son périmètre d’intervention dans les coulisses du Net à travers le monde est plus large qu’il n’y paraît. C’est elle qui « aide à maintenir la sécurité, la stabilité et la résilience du système de noms de domaine (DNS) et d’Internet ». C’est elle encore qui veille à éviter les cyberpannes, les cybercollisions et les cyberattaques pourtant en augmentation constante, notamment via le protocole de sécurité DNSSEC pour protéger les données envoyées par les DNS et déployer les clés de sécurité cryptographiques.
Si l’Icann a coupé son cordon ombilical d’avec le DoC/NTIA, il n’en va pas de même pour Verisign qui garde depuis 1998 un lien avec l’administration américaine (7). « En vertu de notre accord de coopération avec le département du commerce des Etats-Unis, le registre “.com” doit demeurer neutre sur le plan du contenu et garantir l’égalité d’accès […]. L’accord de coopération souligne également les spécifications élevées de l’Icann en matière de performances opérationnelles, telles qu’elles sont définies dans l’accord de registre “.com”. Aucun autre registre n’a de telles obligations envers la communauté Internet mondiale », assure Verisign (8). La firme de Reston assure en outre le back-office de plus de 2.000 bureaux d’enregistrement agréés dans le monde par l’Icann, lesquels registrars (9), à leur tour, vendent des noms de domaine aux utilisateurs, individuels ou professionnels. L’empire américain de James Bidzos s’est en outre étoffé par croissance externe, dont la méga-acquisition en 2000 de Network Solutions (« .com », « .net » et « .org ») pour 21 milliards de dollars. En 1999, Verisign avait acquis Thawte Consulting pour 575 millions de dollars, revendu en 2010 à Symantec.

Une cash machine exceptionnelle
Au total, le but lucratif de Verisign porte ses fruits à la grande satisfaction de ses actionnaires. Le groupe aux 900 employés et diversifié dans les services numériques prospère à l’ombre du Net et visait jusqu’à 1,5 milliard de dollars de chiffre d’affaires en 2023, avec un bénéfice net qui pourrait être supérieur aux 673,8 millions d’euros de l’exercice 2022 où le chiffre d’affaires avait été de 1,4 milliard de dollars. La présentation de ses résultats annuels, sur l’an dernier au 31 décembre 2023, est prévue le 8 février prochain. @

Charles de Laubier

Adevinta (Leboncoin) deviendra Aurelia en décembre

En fait. Le 21 novembre, les fonds américain Blackstone et britannique Permira ont présenté une offre ferme de rachat du norvégien Adevinta, la maison mère du français Leboncoin et de bien d’autres plateformes de petites annonces en Europe. L’opération doit encore être approuvée par la Bourse d’Oslo en décembre. En clair. « Le document de l’offre […] avec les modalités complètes de l’offre devraient être approuvés par la Bourse d’Oslo en décembre 2023 », ont précisé les fonds d’investissement américain Blackstone et britannique Permira dans leur communiqué commun du 21 novembre annonçant de façon ferme les conditions financières de leur acquisition du norvégien Adevinta par leur société Aurelia Bidco, laquelle a été créée pour cette opération et est détenue par une holding luxembourgeoise (Aurelia Luxembourg Finco). Une fois l’offre approuvée par la Bourse d’Oslo (1), où la maison mère du français Leboncoin (et de vingt-cinq autres marques de petites annonces en ligne) est cotée depuis avril 2019, les actionnaires pourront apporter leurs actions à Aurelia. Le consortium offre une prime de 54 % par action par rapport au cours moyen du titre Adevinta sur les trois mois précédent la date du 19 septembre où il avait fait part de son intérêt pour le norvégien (2). L’on comprend qu’à ses conditions les trois principaux actionnaires d’Adevinta – en l’occurrence eBay (33 % du capital), Schibsted (28,1 %) et Permira (11,2 %), soit un total de 72,3 % du norvégien – aient accepté de vendre leurs actions à ces conditions. Dans un communiqué séparé et publié le même jour, le conseil d’administration d’Adevinta a estimé qu’il « n’est pas en mesure de recommander d’accepter ou non l’offre ; toutefois, […] cela peut représenter une opportunité intéressante pour les actionnaires qui cherchent à monétiser leur investissement à court terme » (3). L’offre valorise Adevinta 12,1 milliards d’euros, soit un peu moins que capitalisation boursière (4). En 2022, la maison mère de Leboncoin a réalisé 1,6 milliard d’euros de chiffre d’affaires (+ 8 % sur un an en consolidant eBay Classifieds sur toute l’année 2021, bien qu’acquis le 25 juin 2021) mais a généré une perte nette de 1,8 milliards d’euros (contre 48 millions en 2021). Les pertes sont dues au Canada, à l’Allemagne (eBay Kleinanzeigen et Mobile.de) et à la Hongrie. Le Français Antoine Jouteau, PDG d’Adevinta depuis août 2002 après avoir été PDG de Leboncoin qu’il avait rejoint en février 2009, a déjà fait savoir qu’il acceptait l’offre pour ses actions. Selon des études, le marché mondial des petites annonces en ligne en 2023 devrait s’approcher des 25 milliards de dollars. Et les ventes de produits d’occasion talonnent les ventes de produits neufs. @

Satellites d’Elon Musk : Starlink veut être partout

En fait. Le 27 novembre, le ministre israélien des Communications a félicité Elon Musk – fondateur de SpaceX et de sa constellation par satellites Starlink – pour des connexions Internet, « y compris dans la bande Gaza » où ce ministre résidait. Globalement, Starlink a pris de l’avance sur OneWeb et Kuiper. En clair. « Elon Musk, je vous félicite d’avoir conclu un accord de principe avec le ministère des Communications sous ma direction. Grâce à cet accord important, les unités satellitaires Starlink ne peuvent être exploitées en Israël qu’avec l’approbation du ministère israélien des Communications, y compris dans la bande de Gaza », a lancé le 27 novembre sur X (exTwitter), Shlomo Karhi, le ministre israélien des Communications (1), qui indique sur son compte X être « résident de la bande de Gaza » (2). Elon Musk, également propriétaire de l’exTwitter, était en visite en Israël ce jour-là non seulement pour s’entretenir avec le président de l’Etat hébreu Isaac Herzog de la lutte contre l’antisémitisme en ligne, mais aussi pour conclure un accord avec le ministère israélien des Communications permettant d’assurer des connexion Internet par satellite dans le pays, bande de Gaza incluse. La plus grande fortune mondiale (3), par ailleurs cofondateur et DG de Tesla, est venu – pendant la trêve dans la guerre entre Israël et le Hamas – avec sa casquette de fondateur PDG de SpaceX qui a créé et exploite Starlink, la plus grande constellation de satellites Internet jamais déployée au monde. Elle compte à ce jour 5.200 satellites en orbite, alors qu’il y en a environ 8.000 opérationnels tout opérateurs de satellites confondus. SpaceX est le premier constructeur mondial de satellites et est en passe de devenir en revenu le premier opérateur de satellites. « Ces méga-constellations rendent un service de couverture numérique des territoires, notamment dans les zones les plus reculées […]. La constellation américaine Starlink est déjà présente. Il y a aussi la constellation européenne OneWeb. Mais d’autres vont arriver, comme Kuiper, la constellation d’Amazon, ou encore des projets chinois », a indiqué Laure de La Raudière, présidente de l’Arcep, dans une interview parue le 20 novembre dans La Tribune (4). De son côté, Orange a lancé le 16 novembre sa nouvelle offre « Satellite Orange » (5) opérée par sa filiale Nordnet qui s’appuie sur l’opérateur de satellite Eutelsat. Le directeur général d’Orange France, Jean-François Fallacher, avait estimé le 12 octobre dernier que « ce fameux 100 % fibre, c’est un rêve », alors que l’objectif de l’atteindre en 2025 semble compromis (6). Ce qui avait eu le don d’agacer l’Arcep. Le satellite vient bousculer le Plan France Très haut débit. @

Médias sociaux : l’Unesco tiendra sa première Conférence mondiale des régulateurs en juin 2024

L’agence de l’ONU pour l’éducation, la science et la culture organisera mi-2024 sa toute première Conférence mondiale des régulateurs. Au moment où les plateformes numériques en Europe font la chasse aux « contenus illicites », l’Unesco veut des garde-fous pour la liberté d’expression. Audrey Azoulay (photo), directrice générale de l’Unesco, l’a annoncé le 6 novembre dernier : l’agence des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture organisera mi-2024 – en juin, selon les informations de Edition Multimédi@ – sa toute première Conférence mondiale des régulateurs, en vue de mettre en œuvre les mesures préconisées pour « mettre fin à ce fléau » qu’est « l’intensification de la désinformation et des discours de haine en ligne » sur les médias sociaux. Ce prochain rendez-vous concernera non seulement les gouvernements et les autorités de régulation, mais aussi la société civile et les plateformes numériques. Préserver la liberté d’expression « Il y a une exigence cardinale qui a guidé nos travaux : celle de préserver toujours la liberté d’expression et tous les autres droits humains. Contraindre ou brider la parole serait une terrible solution. Des médias et des outils d’information libres, de qualité et indépendants, constituent la meilleure réponse sur le long terme à la désinformation », a mis en garde Audrey Azoulay. L’Unesco, qui revendique son rôle « pour la promotion et la protection de la liberté d’expression et de l’accès à l’information », a présenté à Paris – où est basé son siège social – les « Principes pour la gouvernance des plateformes numériques », détaillés dans un document d’une soixantaine de pages (1). Ils sont le fruit d’une consultation multipartite engagée en septembre 2022 et au cours de trois consultations ouvertes qui ont eu lieu respectivement entre décembre 2022 et janvier 2023, entre février et mars 2023 et entre avril et juin 2023, soit au total 1.540 contributions provenant de 134 pays et ayant généré plus de 10.000 commentaires. « Préserver la liberté d’expression et le droit d’accès à l’information, tout en luttant contre la désinformation, les discours de haine et les théories du complot, nécessite une approche multipartite », justifie l’Unesco, qui a aussi tenu compte des conclusions de sa conférence mondiale de février 2023 consacrée à la régulation des plateformes numériques (2). La protection de la liberté d’expression dans le monde est la première préoccupation de l’Unesco, alors que dans les vingt-sept Etats membres de l’Union européenne (UE) les très grandes plateformes en ligne et très grands moteurs de recherche en ligne – au nombre de dix-neuf (3) – doivent se conformer depuis le 25 août au règlement sur les services numériques qui leur impose de lutter contre les « contenus illicites » (fausses informations, discours haineux, messages à caractère terroriste, …). Selon certaines organisations, ce Digital Services Act (DSA) – applicable à toutes les plateformes numériques à partir du 17 février 2024 – présentent une menace pour la liberté d’expression des Européens (4) – notamment en cas de censure abusive, voire d’interprétation contestée de la part du commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton (5). Si l’Unesco ne mentionne pas dans son document les avancées de l’UE dans ce domaine, elle n’en met pas moins en garde les Etats du monde entier contre les atteintes à la liberté d’expression et aux droits humains. « Les Principes [pour la gouvernance des plateformes numériques] commencent par décrire l’environnement propice nécessaire pour sauvegarder la liberté d’expression, l’accès à l’information et d’autres droits humains, tout en garantissant un environnement ouvert, sûr et sécurisé pour les utilisateurs et les non-utilisateurs des plateformes numériques », explique l’Unesco dans son document. Sont ainsi définies les responsabilités des différentes parties prenantes, et ce n’est pas un hasard si celles-ci commencent par « les devoirs des Etats de respecter, protéger et appliquer les droits humains » : Les Etats doivent respecter et promouvoir les droits humains, y compris le droit à la liberté d’expression et le droit d’accès à l’information. Les restrictions à la liberté d’expression ne sont admissibles que dans les conditions prévues aux articles 19 et 20 du PIDCP [Pacte international relatif aux droits civils et politiques (6), adopté par les Nations Unies en 1966 et entré en vigueur en 1976, ndlr]. Les Etats ne doivent ni censurer… Les Etats ont des obligations positives de protéger les droits humains contre les ingérences injustifiées des acteurs privés, y compris les plateformes numériques, car ils ont la responsabilité de créer un environnement réglementaire qui facilite le respect des droits humains par les plateformes numériques et de donner des orientations aux plateformes numériques sur leurs responsabilités. Les Etats sont tenus d’être pleinement transparents et responsables quant aux exigences qu’ils imposent aux plateformes numériques pour assurer la sécurité et la prévisibilité juridiques, qui sont des conditions préalables essentielles à l’Etat de droit. Plus précisément, les Etats doivent notamment : garantir les droits des utilisateurs des plateformes numériques à la liberté d’expression, à l’accès à l’information, à l’égalité et à la non-discrimination, et protéger les droits à la vie privée, à la protection des données, d’association et de participation publique des utilisateurs ; veiller à ce que toute restriction imposée aux plateformes respecte systématiquement le seuil élevé fixé pour les restrictions à la liberté d’expression, sur la base de l’application des Articles 19 et 20 du PIDCP. …ni couper le réseau Internet Les Etats doivent s’abstenir, notamment : d’imposer des mesures qui empêchent ou perturbent l’accès général à la diffusion de l’information, en ligne et hors ligne, y compris les coupures d’Internet ; d’imposer une obligation générale de surveillance ou, pour les plateformes numériques, l’obligation générale de prendre des mesures proactives en relation avec les contenus considérés comme illégaux dans une juridiction spécifique ou avec les contenus qui peuvent être restreints de manière admissible en vertu des normes et de la législation internationales en matière de droits humains. L’année 2024, au cours de laquelle se tiendra la première Conférence mondiale des régulateurs organisée par l’Unesco, sera d’autant plus décisive pour la régulation des plateformes numérique que 2 milliards de personnes sur la planète seront appelées à voter lors d’une cinquantaine d’élections dans plusieurs pays. Or, selon une étude réalisée l’été dernier par l’institut Ipsos pour l’agence « éducation, science et culture » de l’ONU, 87 % des personnes interrogées (sur un total de 8.000 dans 16 pays où se dérouleront une élection en 2024) craignent que la propagation de fausses informations en ligne ait un impact majeur sur les élections dans leur pays, et autant (87 % également) en appelle à une meilleure régulation des médias sociaux. Les Facebook, YouTube, TikTok et autres Snapchat sont devenus dans de nombreux pays « la première source d’information des citoyens, en même temps que le principal vecteur de désinformation et de manipulation », relève la directrice générale de l’Unesco. La prochaine année électorale débutera avec les élections parlementaires au Bengladesh en janvier 2024, suivies par l’élection présidentielle au Sénégal en février 2024 et bien d’autres rendez-vous électoraux dans d’autres pays (El Salvador, Indonésie, Inde, Afrique du Sud, République dominicaine, Belgique, Mexique, Croatie, Autriche, Roumanie, Ghana), et se terminera avec l’élection présidentielle en Algérie en décembre 2024, précédée de l’élection présidentielle aux Etats-Unis en novembre 2024. « La régulation des réseaux sociaux constitue d’abord un enjeu démocratique. Bien sûr, la libération de la parole et de la participation démocratique par le numérique a représenté d’immenses progrès à certains égards, a expliqué Audrey Azoulay. Mais ces réseaux sociaux ont aussi accéléré et amplifié, parfois délibérément et à une échelle quasi-industrielle, la diffusion de fausses informations, voire de discours de haine et de théories complotistes – et ceux-ci tendent à se renforcer mutuellement ». Tout en appelant à la « modération » des contenus illicites sur Internet, elle appelle aussi à la « modération » de la régulation pour préserver la liberté d’expression. « Je voudrais souligner une exigence essentielle, qui a servi de boussole pour nous : la préservation de la liberté d’expression et de tous les autres droits de l’homme. Limiter ou restreindre la parole serait une fausse solution – une solution terrible, en fait – pour un problème très réel », a prévenu la directrice générale de l’Unesco, dont le second mandat s’achèvera en novembre 2025. Les gouvernements et les autorités de régulation auront-ils la main lourde dans la chasse aux fake news ? C’est à craindre, alors que les pouvoirs publics (gouvernements et régulateurs justement) sont considérés – par le plus grand nombre de personnes interrogées dans le monde par Ipsos pour l’Unesco (29 %) – « comme les principaux responsables de l’identification et de la lutte contre la désinformation en ligne ». Et ce, devant les internautes eux-mêmes (23 %), les nouveaux médias (20 %), les médias sociaux (19 %), les organisations internationales (5 %) et les politiciens (4 %). En outre, à l’affirmation selon laquelle « les organisations internationales comme les Nations unies ou l’Unesco ont un rôle majeur à jouer dans la lutte contre la désinformation et les “fake news” », 75 % des sondés disent « Oui » (7). La recommandation sur l’IA a deux ans L’Unesco, dont le mandat confié par l’ONU est aussi de défendre et de promouvoir la liberté d’expression, l’indépendance et le pluralisme des médias (régulation globale des médias comme la radio ou la télévision), s’affirme de plus en plus dans la régulation d’Internet et l’éthique des nouvelles technologies. Elle a ainsi émis une recommandation sur l’éthique de l’intelligence artificielle, adoptée en novembre 2021 par les 193 Etats membres, pour fixer un cadre humaniste aux développements de cette innovation qui a depuis explosée avec les IA génératives (8). Tandis que la Convention de l’Unesco de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (9) intègre de plus en plus de directives opérationnelles élargies au numérique. @

Charles de Laubier