La loi Hadopi se retrouve partiellement censurée

En fait. Le 20 mai, le Conseil constitutionnel a « censuré des dispositions organisant l’accès de la Hadopi à tous documents, dont des données de connexion des internautes » (1). « Cette décision ne change rien pour nous », assure l’Hadopi à EM@. La Quadrature du Net avait, elle, crié trop vite : « Hadopi est vaincue ».

De quelle ampleur sera la catastrophe publicitaire ?

En fait. C’est mi-mai que l’Institut de recherches et d’études publicitaires (Irep), Kantar et France Pub publient leur Baromètre unifié du marché publicitaire et de la communication (Bump) pour le 1er trimestre. Les résultats ne seront pas bons et laisseront présager une annus horribilis, tous médias confondus.

Piratage des contenus sportifs : vers de nouveaux moyens d’une lutte efficace après le déconfinement ?

Comme par magie, le piratage sur Internet des retransmissions sportives en direct a disparu avec l’annulation de la plupart des rencontres et des épreuves, en raison de la pandémie de covid-19. Mais avec la sortie progressive du confinement à partir du 11 mai, le live streaming sportif illicite reprendra.

Par Richard Willemant*, avocat associé, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

Selon une étude de l’Hadopi réalisée avec l’Ifop et publiée le 14 avril, 13 % des internautes interrogés regardaient encore fin mars des retransmissions sportives en direct durant le confinement – bien que beaucoup de rencontres ont été annulées depuis. Et tous biens culturels confondus, le piratage en ligne a légèrement diminué en un an pour représenter 21 % de leur consommation (1). En mai 2019, l’Hadopi publiait une autre étude avec l’Ifop où 45 % des consommateurs de contenus sportifs en live-streaming en France déclaraient s’être désabonnés d’une offre légale pour consommer le même contenu de manière illégale (2).

Le cadre juridique actuel inadapté
Les dommages causés aux entreprises titulaires d’une licence d’exploitation audiovisuelle des manifestations sportives (3) sont considérables. Le cadre juridique actuel pour lutter contre le streaming illégal est inadapté, tout particulièrement pour les contenus sportifs qui sont par nature éphémères et qui requièrent donc des mesures efficaces de prévention ou de cessation immédiate des atteintes. Hélas, les délais actuels d’obtention d’une mesure judiciaire de blocage ou de référencement d’un contenu illicite sont incompatibles avec la nécessité d’agir, dans un délai de seulement quelques heures, pour faire interrompre un flux pirate. Le contournement d’une mesure de blocage par la mise en ligne d’un site miroir permettant la poursuite des agissements illicites est également difficile à combattre, puisqu’en l’état du droit français une nouvelle action judiciaire est alors nécessaire. Les diffuseurs peuvent certes, en invoquant leurs droits voisins d’entreprise de communication audiovisuelle, agir en référé (4) ou par la procédure accélérée au fond (5) qui permet de solliciter toute mesure propre à faire cesser une atteinte à leurs droits, notamment un blocage ou un déréférencement du site litigieux. Mais les modalités pratiques de ces procédures nécessitent l’obtention d’une autorisation préalable et ne permettent pas d’obtenir une décision à très brefs délais, même par la voie d’une assignation « d’heure à heure ». La voie de la requête (6) – qui permettrait, elle, d’obtenir une décision dans un délai très court – est souvent déconseillée, en raison des risques élevés d’inexécution ou de remise en cause par les intermédiaires techniques, lesquels contestent généralement la réalité des circonstances qui justifieraient de déroger au principe du contradictoire. Le législateur semble avoir pris la mesure de la situation. Le projet de loi française relative à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique (7), qui transpose les directives européennes « Droit d’auteur » (8) et « Services de médias audiovisuels » (9), comprend une réforme du dispositif de lutte contre la contrefaçon sur Internet, en particulier en cas de retransmission illicite des manifestations et compétitions sportives. Le texte, dont l’examen a été déprogrammé fin mars en raison du covid-19 et sera présenté dans quelques semaines, poursuit le bon objectif, mais risque d’aboutir – en dépit des amendements adoptés à ce jour – à une solution inefficace ou trop complexe à mettre en œuvre.
Parmi les mesures-phares du projet de loi, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), issue de la fusion de l’Hadopi et du CSA, hérite des compétences de ces deux autorités, auxquelles sont ajoutées de nouvelles prérogatives. Parmi les moyens dévolus à l’Arcom, il est prévu l’intervention d’agents habilités et assermentés qui pourront enquêter sous pseudonyme et constater, par procès-verbal, les faits susceptibles de constituer des infractions. Un nouvel article L. 333-11 du Code du sport permettrait aux titulaires de droits d’exploitation des contenus sportifs de saisir l’Arcom afin que ses enquêteurs procèdent à des constatations. La nouvelle autorité aura aussi pour mission de créer une liste noire de sites web portant atteinte de « manière grave et répétée » aux droits d’auteurs. En outre, les prestataires de services publicitaires et les fournisseurs de moyens de paiement devront rendre publique l’existence de relations commerciales avec une personne inscrite sur cette liste noire. L’objectif est double : retracer les flux financiers pour les assécher, selon le principe du « Follow the Money », et inciter ces acteurs aux bonnes pratiques par la sanction d’une publicité négative dite « Name & Shame ».

Vers des ordonnances « dynamiques »
Le projet de loi de réforme de l’audiovisuel prévoit un système d’exécution dynamique des décisions judiciaires, à l’image des « Dynamic Injunctions » obtenues en Angleterre (10) et aux Pays-Bas (11) par la Premier League (le championnat d’Angleterre de football, plus importante compétition britannique du ballon rond), afin de lutter plus efficacement contre les sites miroirs. Dès lors qu’une décision sera passée en force de chose jugée, un titulaire de droit pourra saisir l’Arcom qui aura le pouvoir de « demander à toute personne susceptible d’y contribuer, et pour une durée ne pouvant excéder celle restant à courir pour les mesures ordonnées par le juge, d’empêcher l’accès à tout service de communication au public en ligne reprenant en totalité ou de manière substantielle le contenu » litigieux. Par ailleurs, le titulaire de droits pourra saisir l’autorité de régulation, afin qu’elle demande un déréférencement du contenu.

Sports : mesures difficiles à mettre en œuvre
Pour faciliter l’exécution de ces décisions, l’Arcom adoptera des modèles-types d’accord avec les intermédiaires techniques. En cas d’échec, le titulaire de droits pourra saisir l’autorité judiciaire en référé ou sur requête. Ce nouveau régime serait une avancée, mais il est étonnant qu’il ne soit pas conçu comme un dispositif d’injonction stricto sensu. Le nouvel article L. 333-10 du Code du sport permettra au titulaire des droits d’exploitation audiovisuelle d’une manifestation ou d’une compétition sportive et à la ligue sportive de « saisir le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond ou en référé, aux fins d’obtenir toutes mesures proportionnées propres à prévenir ou à faire cesser cette atteinte, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier ». Le texte prévoit néanmoins trois conditions : l’atteinte doit être « grave et répétée » ; « l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux » du site web doit être « la diffusion sans autorisation de compétitions ou manifestations sportives » ; la mesure doit avoir pour but de « prévenir ou de remédier à une nouvelle atteinte grave et irrémédiable » aux droits d’exploitation. Ces trois conditions cumulatives sont très restrictives et pourraient vider le nouveau dispositif de tout son intérêt. Par ailleurs, il est permis de douter de la conformité de cette disposition aux textes européens et aux engagements internationaux de la France en matière de respect des droits de propriété intellectuelle, car elle ajoute des conditions actuellement non prévues. Enfin, notons que le dispositif est prévu « afin de prévenir ou de remédier à une nouvelle atteinte grave et irrémédiable » dont la charge de la preuve pèse sur le demandeur. Ce nouveau dispositif pourrait hélas se révéler moins utile et efficace que le droit actuel incluant l’action spéciale prévue par l’article L. 336-2 du Code de la propriété intellectuelle (procédure accélérée au fond déjà évoquée plus haut). La suite du texte offre des exemples de ce que le juge pourra ordonner aux fins de faire cesser les atteintes : « au besoin sous astreinte, la mise en œuvre, pour chacune des journées figurant au calendrier officiel de la compétition ou de la manifestation sportive, dans la limite d’une durée de douze mois, de toutes mesures proportionnées, telles que des mesures de blocage, de retrait ou de déréférencement, propres à empêcher l’accès à partir du territoire français, à tout service de communication au public en ligne identifié ou qui n’a pas été identifié à la date de ladite ordonnance diffusant illicitement la compétition ou manifestation sportive, ou dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de compétitions ou manifestations sportives ».
Les députés ont aussi étendu le délai initial de mise en œuvre des mesures pour une durée de 12 mois, au lieu des 2 mois prévus initialement, afin de prendre en compte les manifestations sportives de courte durée, comme le tournoi de Roland-Garros, qui pourront être protégées à titre préventif, et de rendre le dispositif plus robuste pour lutter contre les sites miroirs sur Internet. Poursuivant ce même objectif, le texte précise que les mesures peuvent être prises à l’encontre de tout site web contrefaisant, ceci incluant des sites Internet qui n’ont pas été visés par l’ordonnance initiale. Il s’agit d’un dispositif d’exécution dynamique des ordonnances prévu spécialement pour les retransmissions illicites de manifestations sportives. Sous les réserves qui concernent particulièrement l’article L. 333-10 I. du Code du sport, ce texte de loi pourrait constituer une avancée majeure pour endiguer le piratage des contenus sportifs en ligne. Il n’est pas encore trop tard pour que les parlementaires assouplissent les conditions de mise en œuvre pour atteindre un niveau de protection équivalent à celui résultant des décisions de jurisprudence obtenues par la Premier League. Dans une étude conjointe, l’Hadopi et le CSA soutiennent que la voie d’endiguement du piratage « sportif » sur Internet et du live streaming illicites passera par le développement de l’offre Over-the-Top (OTT) et par une offre légale moins fragmentée, première cause de piratage. En effet, les internautes qui visionnent du contenu sur des sites Internet illicites ont un profil proche du consommateur de l’offre légale OTT, susceptible, par son développement, de les ramener dans le sérail.

La cherté des offres légales pousse au piratage
Les consommateurs sont souvent repoussés par l’envolée du coût d’accès au sport par la multiplication de l’offre légale. En 2019, pour être sûr de voir jouer Neymar et ses coéquipiers en championnat de France de football de Ligue 1 et au niveau européen en Ligue des Champions, il fallait débourser plus de 50 euros par mois (12). Trop cher, d’autant que ce tarif « contenus » vient s’ajouter à l’abonnement « accès » qui a augmenté avec la fibre optique. Les conditions ne sont pas réunies pour que la consommation audiovisuelle illicite – qui peut prendre plusieurs formes – disparaisse. @

* Richard Willemant, associé du cabinet
Féral-Schuhl/Sainte-Marie, est avocat aux barreaux de Paris et
du Québec, agent de marques de commerce, médiateur
accrédité par le barreau du Québec, délégué à la protection des
données, et cofondateur de la Compliance League.

Google Search, Google News et Google Discover : le quasi-monopole de la recherche d’actualités en ligne

L’injonction prononcée le 9 avril par l’Autorité de la concurrence contre Google – pour l’obliger à négocier avec la presse française une rémunération pour la reprise de ses articles – est l’occasion de faire le point sur Google Search, Google News et Google Discover dans le traitement de l’actualité.

« Nous nous conformerons à la décision de l’Autorité de la concurrence que nous sommes en train d’analyser, tout en poursuivant [l]es négociations », a fait savoir le jour-même du verdict dans un communiqué Richard Gingras (photo), vice-président chez Google, en charge des activités « News », que les actualités soient sur le moteur de recherche Google Search, dans l’agrégateur d’actualités Google News ou le fil Google Discover. La firme de Mountain View – Richard Gingras étant basé, lui, à moins de dix kilomètres, à Los Altos – est en train de passer au crible les 72 pages (1) de l’injonction du gendarme français de la concurrence, lequel doit encore rendre sa décision sur le fond.

La position dominante de Google
« Google est susceptible de détenir une position dominante sur le marché français des services de recherche généraliste. En effet, sa part de marché en nombre mensuel de requêtes est de l’ordre de 90 % à la fin de l’année 2019. Il existe, par ailleurs, de fortes barrières à l’entrée et à l’expansion sur ce marché, (…) de nature à rendre la position de Google difficilement contestable », relève d’emblée l’Autorité de la concurrence, dans sa décision rendue le 9 avril dans l’affaire du droit voisin de la presse, et en attendant sa décision au fond. Le numéro un mondial des moteurs de recherche, créé il y a vingt-deux ans, est massivement utilisé pour rechercher des informations, à commencer par le vaisseau amiral Google Search (2). Internautes et mobinautes y formulent leurs requêtes par mots-clés (un ou plusieurs) et obtiennent en moins d’une seconde des résultats qui peuvent être au nombre de quelques-uns ou de plusieurs millions, voire plusieurs milliards. Parmi eux se trouvent des liens d’actualités affichés sous une forme standardisée (3) qui fait apparaître le titre de l’information, le nom du site web référencé, un extrait de texte ou de l’article en question, et éventuellement une image miniature. Dans cette « éditoriali-sation » des résultats de recherche, Google désigne l’extrait de texte sous le terme anglais de snippet (extrait, en français). « Le terme snippet ne recouvre ni le titre, ni l’éventuelle image miniature apparaissant dans les résultats de recherche », précise Google. Au-delà de ces extraits, le moteur de recherche de la filiale d’Alphabet met aussi en avant l’actualité à travers un carrousel intitulé « A la Une » et dont les résultats défilent horizontalement à l’aide de petites flèches. Y apparaissent photos, titres et noms des journaux et/ou des sites web d’information, et indication du temps écoulé depuis la parution de chacune des actualités. En revanche, n’apparaissent généralement pas dans ce carrousel d’actualités des extraits de l’article. Pour figurer dans ce carrousel « A la Une », notamment sur smartphone, le contenu des éditeurs doit être disponible au format AMP (4) qui accélère l’affichage des pages web lorsqu’elles sont construites à l’aide de ce protocole (5) créé en 2015 et opérationnel depuis février 2016. Selon Google « l’utilisation du protocole AMP équivaut à donner son consentement à la “mise en cache” et à la prévisualisation des images de [plus ou moins, en fonction du choix de l’éditeur, ndlr] grande taille ». Dans la frise, cette fois, des onglets situés en haut de la page des résultats, l’un d’entre eux – le deuxième – est intitulé « Actualités » (ou « News ») et donnent accès à une liste de titres avec pour chacun une photo, le nom de l’éditeur, le temps écoulé depuis la mise en ligne et le fameux snippet de deux lignes.
En dehors de ce vaisseau amiral Google Search, le géant du Net a aussi lancé en 2002 Google News (sorti de sa phase bêta en 2006). Cet agrégateur d’actualités – accessible gratuitement à partir de news.google.com ou via les applications mobiles sous iOS et Android – est décliné dans plusieurs pays, dont la France avec « Google Actualités » (sorti de sa période de test en 2009). Contrairement à Google Search, Google News est dédié à l’actualité et se décline en quelque 80 versions locales du monde entier, qui s’affichent automatiquement en fonction de la langue et la région de l’utilisateur (6). En tête du service, se trouve la barre de recherche d’actualités par mots-clés pour « rechercher des sujets, des lieux et des sources ». L’utilisateur en outre visualiser dans la page Google News différentes sections thématiques.

Robots (bots), crawling et Big Data
Le point commun entre Google Search et Google News, c’est que ces deux services gratuits s’appuient sur le même index de Google. Cet index de plusieurs milliards de pages web est le nerf de la guerre de la firme de Mountain View, son fonds de commerce, sa raison d’être. Ce Big Data est constitué par une exploration – crawling – quotidienne du Web, à l’aide de robots d’indexation. Ces bots Internet naviguent systématiquement sur le World Wide Web pour indexer les contenus qui s’y trouvent. Google les stocke aussitôt sur ses plus de 2,5 millions de serveurs informatiques répartis sur la planète (7). Le protocole d’exclusion des robots – ou REP pour Robot Exclusion Protocol – permet aux éditeurs d’autoriser ou d’exclure des parties de leurs sites web aux robots d’exploration automatisés. Quant aux balises Meta, elles donnent aussi des instructions aux robots d’indexer ou pas des pages web, tandis que le « Publisher Center » permet aux éditeurs de gérer la présentation de leurs contenus dans Google News.

Loi « Droit voisin » en vigueur depuis 6 mois
Sur smartphones et tablettes, un autre service appelé Google Discover (ex-Google Feed) offre la possibilité aux mobinautes d’obtenir des informations en rapport avec ses centres d’intérêt. Il s’agit d’un flux d’actualités intégré sous Android ou sous iOS. Plus de 800 millions de mobinautes utilisent cette fonctionnalité à travers le monde, selon un tweet de Vincent Courson (8), responsable de la sensibilisation et directeur de programme chez Google à Dublin (Irlande). Les résultats affichés d’emblée par Discover, souvent en lien avec l’actualité, apparaissent sous la forme d’images-vignettes, de titres de page, de noms d’éditeur ou de domaine, et éventuellement de snippets ou de prévisualisation vidéo animée. « Discover n’est pas un service d’actualités spécialisé, a précisé Google à l’Autorité de la concurrence. Il s’agit essentiellement du moteur de recherche général fonctionnant sans requête spécifique, utilisant plutôt les intérêts connus de l’utilisateur pour fournir un flux de résultats personnalisés qui pourraient intéresser l’utilisateur ».
Jusqu’à fin 2019, les éditeurs devaient remplir un formulaire pour être affichés dans Google News. Depuis, ils peuvent opter pour ne plus être sur Google News en donnant une instruction aux robots d’exploration automatiques (automated crawlers) du géant du Net. Google a en outre expliqué en début d’année à l’Autorité de la concurrence que « Google Actualités s’appuie également sur l’index de recherche général de Google, mais les applications contiennent aussi du contenu supplémentaire : les éditeurs de presse qui ont des accords avec Google peuvent directement fournir des flux RSS [Really Simple Syndication, ndlr] de leur contenu à Google Actualités ». Or, dans la foulée de la promulgation de la loi du 24 juillet 2019 créant un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse (9) et en prévision de son entrée en vigueur le 24 octobre suivant, Google a modifié – de façon unilatéral et sans négociation avec les éditeurs sur leur rémunération à venir – sa politique d’affichage des contenus d’actualité au sein des différents services en ligne, notamment Google Search, Google Actualités et Discover. Sur le blog officiel de Google France, Richard Gingras a prévenu dès le 25 septembre 2019 que « [le moteur de recherche] n’affichera plus d’aperçu du contenu en France pour les éditeurs de presse européens, sauf si l’éditeur a fait les démarches pour nous indiquer que c’est son souhait » et que « ce sera le cas pour les résultats des recherches effectuées à partir de tous les services de Google » (10). Les éditeurs basés en France, dont les sites web ont été désignés « European press publication » par la « Google Search Console Team », ont reçu le même jour un e-mail – comme celui reçu par Edition Multimédi@ (11) – les informant des nouvelles balises Meta (max-snippet, max-image-preview, max-videopreview) à mettre en place dans le code source de leurs pages web. Si l’éditeur utilise les réglages pour permettre les aperçus de texte et d’image, Google le paiera-t-il ? « Nous n’acceptons pas de rémunération pour les résultats de recherche organiques et nous ne rémunérons pas les liens ou les aperçus figurant dans les résultats de recherche. Lorsque vous utilisez les nouveaux réglages, vous acceptez l’utilisation d’aperçus de votre contenu sans paiement, que ce soit vers ou depuis Google » (12). Les éditeurs de presse français ont aussitôt reproché au géant du Net de « contourner la loi » et d’abuser de sa position dominante (13), mais la plupart d’entre eux ont autorisé Google à continuer à afficher des contenus protégés (14) – sans pour autant renoncer à rémunération pour la reprise et l’affichage de leurs contenus (les éditeurs l’ont fait savoir à Google par courrier). Pour les sites web d’information qui n’ont pas autorisé Google à afficher leurs contenus protégés, ils se sont exposés à des baisses de trafic significatives, de l’ordre de 30 % à plus de 50 %. « L’application par Google d’un “prix nul” à l’ensemble des éditeurs de presse pour la reprise de leurs contenus protégés n’apparaît pas comme constituant une mesure raisonnable au sens de la jurisprudence », ont considéré les sages de la rue de l’Echelle. Google s’est défendu en leur affirmant qu’il peut avoir des accords contractuels et financiers avec des éditeurs de presse en ce qui concerne la vente et l’achat de publicités en ligne. Mais l’Autorité de la concurrence a considéré que « les pratiques anticoncurrentielles et les discriminations peuvent constituer un abus de position dominante » de la part de Google. Ces pratiques sont susceptibles d’être préjudiciables aux éditeurs et agences de presse, en privant la loi « Droits voisins » de juillet 2019 de ses effets escomptés.

En attendant une décision au fond
Dans l’attente de la décision au fond, et au vu des demandes de mesures conservatoires demandées (15) par l’APIG (16), le SEPM (17) et l’AFP (18), il est exigé de Google – sous forme d’injonction – « de négocier de bonne foi avec les éditeurs et agences de presse qui en feraient la demande pour la reprise de leurs contenus ». Et ce, « dans un délai de 3 mois à partir de la demande d’ouverture d’une négociation » et « de façon rétroactive [au] 24 octobre 2019 ». Ces injonctions demeurent en vigueur jusqu’à la publication de la décision au fond de l’Autorité de la concurrence. @

Charles de Laubier

Cookies : l’écosystème de la publicité ciblée s’organise en attendant la recommandation finale de la Cnil

C’est en avril que la Cnil devrait publier sa recommandation finale sur « les modalités pratiques de recueil du consentement » des utilisateurs au dépôt de « cookies et autres traceurs » sur leurs terminaux. Retour sur le projet de recommandation, qui est contesté par les éditeurs et les publicitaires.