Future Arcom : audiovisuel, Internet et anti-piratage

En fait. Le 7 avril, le projet de loi (donc du gouvernement) pour « la protection de l’accès du public aux œuvres culturelles à l’ère numérique » devrait être présenté en conseil des ministres. Il prévoit notamment de fusionner le CSA et l’Hadopi pour donner naissance à l’Arcom aux pouvoirs très élargis.

Responsabilité des hébergeurs : renforcer la modération en ligne, mais éviter les censures

Les patrons de Facebook, Google et Twitter ont été auditionnés le 25 mars au Congrès des Etats-Unis sur « le rôle des médias sociaux dans la promotion de l’extrémisme et de la désinformation » (1). Aucun ne s’oppose à une réforme de la responsabilité des plateformes. L’Europe, elle, a pris de l’avance.

La presse française est de plus en plus digitale et dépendante de Google, mais plus du tout solidaire

62,7 millions d’euros : c’est ce que s’est engagé à verser Google à 121 journaux français membres de l’Apig qui a cosigné cet accord-cadre, dont 86,8 % étalés sur trois ans et le solde pour « mettre fin à tout litige » sur cette période. Deux syndicats d’éditeurs – le Spiil et la FNPS – s’insurgent.

Le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil) a dénoncé le 8 février les accords « opaques, inéquitables et nuisibles », créant même « une dangereuse distorsion de concurrence » au sein de la presse français, signés par quelques journaux avec Google. Dès le 21 janvier, la Fédération nationale de la presse d’information spécialisée (FNPS) dénonçait, elle, l’accord-cadre annoncé ce jour-là entre le géant du Net et l’Alliance de la presse d’information générale (Apig) qui « acte de facto la position illégale de Google ».

Rémunérations inconnues et critères flous
L’agence Reuters a révélé le 12 février que l’accord-cadre « Google-Apig » portait sur un total de 62,7 millions d’euros (1). Le Spiil, présidé par Jean-Christophe Boulanger (photo de gauche) et représentant 150 éditeurs indépendants de 180 titres de presse, s’est « alarm[é] de la teneur des premiers accords signés entre Google et certains éditeurs de presse sur les droits voisins ». Ces accords de licence signés individuellement et uniquement par des journaux dits de « presse d’information générale » – le controversé statut IPG – avec Google (2) leur permettent de percevoir une rémunération pour les débuts d’articles et leurs liens exploités sur le moteur de recherche (Google Search et Google Actualités). Conformément au contrat-cadre (3) annoncé le 21 janvier par l’Apig, dont 285 titres – parmi lesquels les grands quotidiens nationaux – sont membres (4), chaque accord de licence individuel peut donner à l’éditeur un accès au «News Showcase » de Google, son nouveau programme de licence de publications de presse permettant aux lecteurs internautes d’accéder à un contenu éditorial enrichi ou qualifié de « premium ». Le problème est que la rémunération prévue dans les accords de licence entre chaque éditeur de presse et Google est à géométrie variable, dans le sens où elle est basée sur des « critères » tels que « la contribution à l’information politique et générale », « le volume quotidien de publications » ou encore « l’audience Internet mensuelle ». Pour le Spiil, c’est dommageable car ces accords ne permettent pas de s’assurer du traitement équitable de tous les éditeurs de presse dans la mesure où la formule de calcul des rémunérations n’est pas rendue publique : « La profession n’a pas su mettre ses désaccords de côté pour mener une négociation commune. Google a profité de nos divisions pour faire avancer ses intérêts. Un exemple en est le choix de l’audience comme un critère prépondérant du calcul de la rémunération. Ce choix est bien dans l’intérêt industriel de Google, mais il est une catastrophe pour notre secteur et notre démocratie. Il va favoriser la course au clic et au volume : une stratégie qui bénéficie plus aux plateformes qu’aux éditeurs et qui ne favorise pas la qualité ». Selon Jean- Christophe Boulanger, ces accords renforcent encore au sein de l’écosystème de la presse française le pouvoir d’intermédiaire de Google, lequel fait tout pour ne pas rémunérer les droits voisins et « noyer » son obligation à ce titre dans son initiative «News Showcase ». Autrement dit, bien qu’un éditeur de l’Apig puisse exiger une rémunération des droits voisins sans utiliser ce programme de licence « Google », son montant n’est cependant pas fixé dans l’accord-cadre « Apig », ce qui pousse ainsi les éditeurs à s’engager auprès de «News Showcase ». « Encourager une telle situation de dépendance [éditoriale et économique] vis-à-vis d’un tel acteur pour la conquête et la rétention d’abonnés nous semble une erreur stratégique majeure », déplore-t-il. Le Spiil alerte en outre sur un autre service qui existe depuis trois ans maintenant : le « Subscribe with Google » (5). Il s’agit d’un moyen simplifié de créer un compte sur un média en ligne et de s’y abonner. Le syndicat de la presse indépendante en ligne « appel[le] les régulateurs à examiner en détail les accords commerciaux conclus » pour l’utilisation de ce service d’abonnement en ligne pour s’assurer « qu’ils ne constituent pas un complément de rémunération au titre des droits voisins qui ne seraient offerts qu’à certains éditeurs ».

Le statut « IPG » : pas eurocompatible ?
Quant à Laurent Bérard-Quélin (photo de droite), président de la FNPS et par ailleurs directeur général de SGPresse (6), il représente 500 entreprises membres qui éditent 1.231 publications imprimées et 473 publications en ligne. Pour ce syndicat de la presse spécialisée, l’accord-cadre « Google- Apig » – décliné en accords individuels de licence avec le moteur du Net – « n’est pas conforme à l’esprit, si ce n’est à la lettre, de la loi [sur le droit voisin de la presse datée du 26 juillet 2019]». Car seulement quelques journaux, dits IPG, sont concernés. Or cette notion d’IPG porte sur « moins de 13 % des éditeurs de presse » (dixit le Spiil) et est « contraire à la législation européenne » (dixit la FNPS). @

Charles de Laubier

Le CSA est prêt à être le régulateur du Net français

En fait. Le 17 février, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a annoncé une nouvelle direction, la 9e de son organisation : direction des plateformes en ligne, « chargée de la régulation “systémique” des plateformes ayant une activité d’intermédiation en ligne ». Un pas de plus vers la régulation d’Internet en France.

La grève historique du groupe L’Equipe (EPA) illustre la profonde crise chronique de la presse

Les deux semaines de grève qui ont marqué en janvier le vaisseau amiral des Editions Philippe Amaury (EPA), L’Equipe, illustrent la crise profonde qui secoue la presse française, confrontée à la destruction créatrice du numérique et à la pandémie de coronavirus. Internet, planche de salut ?

Le groupe familial Amaury – alias les Editions P Amaury (EPA) – vit la plus grave crise de son histoire, depuis le lancement du Parisien par Emilien Amaury en 1944 puis le rachat de L’Equipe et de France Football en 1965. Depuis le décès de son mari Philippe Amaury en mai 2006, il y a quinze ans, c’est sa veuve Marie-Odile Amaury (photo) de aux destinées de la société anonyme EPA constituée du groupe de presse et de la filiale organisatrice d’événements sportifs.

50 postes supprimés mais 12 créés sur Internet
Le groupe de média familial, qui est totalement indépendant depuis que le groupe Lagardère est sorti en 2013 du capital où il détenait 25 %, a vendu Le Parisien et Aujourd’hui en France à LVMH/Les Echos en mai 2015. Le chiffre d’affaires d’EPA est alors passé d’environ 680 millions d’euros en 2014 à une estimation de 500 millions d’euros aujourd’hui. Marie- Odile Amaury (81 ans) supervise encore EPA, dont elle est toujours présidente du conseil d’administration, mais elle a délégué la direction opérationnelle à ses deux enfants : Aurore Amaury, présidente de la société L’Equipe SAS depuis 2016 et présidente de la régie publicitaire Amaury Média SAS depuis 2018 ; Jean-Etienne Amaury, président d’Amaury Sport Organisation SA (ASO) depuis 2010. Depuis septembre dernier, Jean-Etienne Amaury est directeur général d’EPA et sa soeur Aurore Amaury directrice générale déléguée. Cependant, les héritiers ne sont pas en prise directe avec l’intersyndicale (1) du groupe L’Equipe.
C’est Jean-Louis Pelé, directeur général depuis 2018, qui porte le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), lequel prévoit, sur 350 personnes (le quotidien, le magazine, Vélo Magazine, France Football, …), la suppression d’une cinquantaine de postes, dont la quasi-totalité de journalistes (2). Objectif : faire 5 millions d’euros d’économies pour éviter 6 millions de pertes cette année (3). Les journaux imprimés sont confrontés à une baisse des ventes papier (déjà observée avant la crise sanitaire mais amplifiée par elle) et à la suspension des compétitions sportives (matière première des journaux et de l’organisateur du Tour de France, du Dakar ou du Marathon de Paris). En revanche, une douzaine de postes seront créés sur Internet pour renforcer l’offre digitale et augmenter les abonnements numériques payants qui sont actuellement au nombre de 300.000, tous supports de la « marque L’Equipe » compris, à 450.000 en 2025. Une nouvelle plateforme « télé et vidéo » doit voir le jour cette année sous la houlette de Laurent Prud’homme (ex- Eurosport France), directeur général adjoint depuis le 4 janvier, aux côtés d’Emmanuel Alix, directeur du numérique, et de Jérôme Saporito, directeur de la chaîne L’Equipe TV (1,3 % de part d’audience en 2020, contre 1,4 l’année précédent).
Le quotidien, lui, est en troisième position en termes de diffusion payante (236.286 exemplaires vendus en moyenne par jour l’an dernier), derrière Le Monde (336.593) et Le Figaro (327.374). La baisse sur un an est de 6 %, d’après l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM). A y regarder de plus près, la « marque L’Equipe » – comprenant trois supports de presse (L’Equipe, L’Equipe Dimanche, L’Equipe Magazine) et deux supports numériques (L’Equipe.fr et les applis mobiles « E ») – est arrivée à un point de bascule où la diffusion payée des versions numériques est devenue depuis 2019 majoritaire (4). D’après l’ACPM en 2021, cette marque L’Equipe cumule une audience totale – papier et surtout numérique – de plus de 16,5 millions de lecteurs (5). Il faut dire que L’Equipe.fr draine à lui seul environ 7,8 millions de visiteurs chaque semaine, dont 68% sur smartphone ou tablette (6). Les deux applications (sous Android et sous iOS) attirent, elles, environ 2 millions de visiteurs chaque semaine, dont 85 % sur smartphone (7). Ainsi, comme le reste de la presse française et à l’instar des journaux du monde entier, le numérique est une planche de salut face à l’accumulation des crises qui touchent les éditeurs. Si le quotidien L’Equipe est revenu dans les kiosques physiques depuis le 23 janvier, il continue à se diversifier en ligne, notamment dans l’e-sport sur Twitch (26.000 abonnés) ou en partenariat avec Riot Games (championnat de « League of legends »), ainsi qu’en podcasts.

Le plan social de la dernière chance ?
Le papier est en perte de vitesse depuis des années, tendance qui s’accélère avec la crise sanitaire et la chute des recettes publicitaires de l’imprimé. L’information consultation sur le PSE ayant pris fin le 3 février dernier, la direction « Amaury » doit transmettre son plan social à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) pour homologation. « Grève suspendue, le mouvement continue », a prévenu l’intersyndicale. @

Charles de Laubier