Vers un marché unique du numérique européen

En fait. Depuis le 22 octobre, et jusqu’au mardi 5 janvier 2010, la Commission européenne consulte largement sur son projet de « cadre juridique » favorable
aux offres légales de « contenus créatifs en ligne » (musique, films, jeux vidéos, livres…).

En clair. Internet et l’économie numérique ne peuvent plus se contenter d’un patchwork de marchés nationaux. La commissaire européenne en charge de la Société de l’information et des Médias, Viviane Reding, et son homologue chargé du Marché intérieur, Charlie McCreevy, veulent mettre en place « un cadre juridique favorable au consommateur qui permette aux contenus numériques de franchir les frontières internes de l’Union européenne, tout en garantissant une protection solide des droits d’auteur et une juste rémunération aux créateurs ». Il s’agit aussi de lutter contre le téléchargement illégal. La Commission européenne s’attellera à la mise en place d’un « cadre juridique » et d’« offres transnationales légales » pour développer les offres légales de contenus en ligne : les livres, la musique, les films, les jeux vidéos… Par exemple, Bruxelles avance dans son « document de réflexion » l’hypothèse d’une « législation européenne sur le copyright » et des « formes alternatives de rémunération » des auteurs comme une taxe sur l’accès Internet. Ces propositions font donc l’objet d’une consultation publique jusqu’au 5 janvier 2010. La précédente consultation publique sur « les contenus créatifs en ligne », qui remonte à 2006, n’avait pas été vraiment été suivie d’effets – hormis l’abandon des systèmes de gestion des droits ou DRM (1). Viviane Reding estime que « ce marché [culturel et créatif de 650 milliards d’euros par an en Europe] pourrait être quadruplé ». Mardi 20 octobre, un premier accord signé – sous l’égide de la commissaire européenne chargée de la Concurrence, Neelie Kroes – a été conclu dans la musique en ligne avec les majors EMI et Universal Music, les distributeurs en ligne Amazon et Apple (iTunes), ainsi que le Beuc (2) et la Sacem (3). Ils se sont engagés à développer des « plateformes de licences », avec plusieurs sociétés de gestion des droits d’auteurs, afin d’accorder des « licences multi territoriales » pour un répertoire de musiques le plus large possible. La Sacem veut construire avec ses homologues européens un « guichet unique ». Et le 19 octobre, l’exécutif européen avait appelé les éditeurs de livres, bibliothèques et sociétés de gestion des droits à « mettre sur pied un système paneuropéen de registres de droits d’auteurs de livres (…) qui permettra l’octroi transfrontalier de licences ». @

Contenus numériques : risque de cannibalisation des offres traditionnelles

 l’occasion de la 31e édition des journées internationales de l’Idate, « Digiworld Summit » des 18 et 19 novembre à Montpellier, son directeur général adjoint,
Gilles Fontaine, 
explique à Edition Multimédi@ les effets de la migration des contenus vers Internet.

La bataille des contenus numériques est engagée. Mais comment évolue réellement aujourd’hui le marché mondial des contenus numériques et des médias par rapport aux tuyaux qui régentaient quasiment seuls Internet ces dernières années ? C’est ce que nous avons demandé à Gille Fontaine, le directeur général adjoint de l’Idate (1). « Il n’est pas certain que le poids relatif des contenus dans le marché global de la communication électronique doive progresser », répond-t-il. Pour l’heure, le marché des contenus – de l’ordre de 200 milliards d’euros au niveau mondial – représente 70 % de celui des services télécoms. « Moins de 6 % de ce marché provient de la distribution sur Internet, avec des écarts très significatifs selon les segments : 15 % pour la musique ou moins de 1% pour le livre », précise-t-il.

La vie en 3D

Hier soir, je me suis demandé comment étaient les films, les jeux, les vidéos et la plupart des images qui nous entourent aujourd’hui, avant la généralisation de la 3D. J’imagine que c’était un peu comme à la fin du vingtième siècle, quand nos parents, baignés d’images en couleur, visionnaient avec nostalgie les hésitations d’Ingrid Bergman prisonnière d’un Casablanca en noir et blanc. La 3D fait partie de ces inventions qui nous ont fait rêver si longtemps. Contrairement à l’Internet qui est apparu presque d’un seul coup au tournant des années 1990, la 3D nous vient du fond du 19e siècle, dès 1838, avec la naissance de la stéréoscopie, et nous accompagne depuis lors, puisque ce sont 250 films et émissions de télévision qui ont été produits en 3D tout au long du 20e siècle. Mais durant toutes ces années, ces films ont été relégués, au mieux au rang de curiosités comme La maison de cire (1953) d’André de Toth, et généralement aux archives de leurs maisons de production, comme ce fut la cas pour la version 3D du Crime était presque parfait (1954) d’Alfred Hitchcock.

« Depuis peu, la 3D est même
accessible sur des téléviseurs à prix
raisonnables et raccordés à des
réseaux très haut débits. »

L’après-Hadopi : le rôle des fournisseurs d’accès à l’Internet reste à clarifier

La loi « Hadopi » est relativement claire sur ce que les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) doivent faire. Mais elle l’est beaucoup moins sur ce qu’ils peuvent faire pour contribuer au développement de l’offre légale et à la lutte contre le piratage en ligne.

Par Winston Maxwell, avocat associé, cabinet Hogan & Hartson.

La loi « Création et Internet » donne plusieurs rôles bien définis aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Ils (1) doivent communiquer à la Commission de protection des droits de l’Hadopi – Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet – l’identité de l’abonné dont l’adresse IP a été relevée par des agents assermentés du CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée, des sociétés de gestion collective ou des organismes de défense professionnelle.

 Statut des FAI et « filtrage » du Net
Les FAI doivent transmettre à leurs abonnés par voie électronique les recommandations émanant de la Commission de protection des droits. Ils doivent aussi informer leurs abonnés de leurs devoirs de veiller à ce que leur accès ne fasse pas l’objet d’une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d’œuvres protégées par le droit d’auteur sans l’autorisation de l’ayant droit. Ils doivent envoyer à leurs abonnés des messages de sensibilisation sur l’importance du droit d’auteur. Ils doivent en outre leur proposer au moins l’un des moyens de sécurisation labellisés par l’Hadopi, qui leur permettra d’accomplir leur mission de veille sur leur ligne d’accès. La loi donne aux FAI l’obligation de suspendre l’abonnement de certaines personnes, tout en maintenant en opération la ligne téléphonique et la télévision. Enfin, la loi autorise le tribunal de grande d’instance d’ordonner à toute personne, y compris les FAI, de mettre en œuvre des mesures propres à prévenir ou à faire cesser une atteinte à un droit d’auteur. La nature de ces mesures n’est pas précisée par la loi.
Si la loi Hadopi est relativement claire sur ce que les FAI doivent faire, elle l’est en revanche beaucoup moins sur ce qu’ils peuvent faire afin de contribuer au développement de l’offre légale et à la lutte contre la contrefaçon. Les FAI pourraient faire des études statistiques sur le comportement des internautes avant et après les actions de l’Hadopi, afin de juger de leur efficacité. Ils pourraient envoyer des messages de sensibilisation ciblés, en temps réel, au moment où un internaute commence à télécharger une œuvre protégée pour le prévenir des risques encourus et sur l’existence d’alternatives légales. Sur le plan technique et commercial, il y a beaucoup de possibilités. Les FAI doivent avancer plus prudemment sur le plan juridique que les sites dits UGC (2) favorisant le partage de musiques et de vidéos.
Car les FAI craignent de perdre leur statut de « simple transporteur » au titre de la loi LCEN (3) et la directive européenne Commerce électronique. Cette crainte n’est peut-être pas fondée, car la directive prévoit expressément – aux préambules 40 et 45 – la possibilité pour les FAI de mettre en œuvre des outils, notamment pour prévenir des actes de contrefaçon. Les UGC avaient peur de perdre leur statut d’hébergeur et pourtant ils ont fini par mettre en œuvre des outils de lutte contre la contrefaçon et ces outils n’ont pas conduit à la perte de leur statut. Un deuxième obstacle, plus sérieux celui-ci, est l’article L 34.1 du Code des postes et des communications électroniques qui encadre très strictement l’utilisation par les FAI des données de trafic.
Or, la plupart des actions des FAI, notamment les actions de sensibilisation en temps réel, nécessitent l’utilisation de données de trafic et les FAI s’interrogent à juste titre sur la compatibilité de ces utilisations avec l’article L 34.1. Vient enfin le souci des FAI d’enfreindre un corps de règles connues sous le label Net Neutrality.

La mission « Création et Internet » est impossible… ou presque

Taxe « triple play », crédit d’impôt, financement de films, taxe sur la pub, licence globale, taxe de terminaux, TVA à 5,5 %… La mission « Zelnik » croule sous les doléances, dont celles du cinéma.

Prise de court, la mission « Création et Internet » – lancée le 3 septembre par le ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, entre les promulgations des lois « Hadopi 1 » le 13 juin et « Hadopi 2 » le 29 octobre – deviendrait-elle impossible ? Les quelques 200 questionnaires et leurs neuf interrogations envoyés aux professionnels des télécoms, de l’Internet, des médias et des industries culturelles – complétés par des « auditions sélectives » – ont déclenché un afflux de propositions pour « améliorer l’offre légale sur Internet et la rémunération des artistes et de tous ceux qui concourent à la création de ces œuvres ».