Musique en ligne : l’Adami prône l’obligation de gestion collective des droits

La mission de médiation sur la gestion collective des droits pour la musique
sur Internet s’est réunie pour la seconde fois le 14 octobre. La Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes (Adami) plaide
pour le caractère obligatoire .

« Nous disons non à la gestion collective sur la base du volontariat », a insisté Bruno Boutleux, directeur général de l’Adami, lors d’une séance de travail le 8 octobre. Il réaffirme ainsi le caractère « obligatoire » de la gestion collective des droits musicaux pour le Net. Ce dispositif, qui doit permettre de faciliter l’accès des plateformes de téléchargement de musique en ligne aux catalogues des producteurs, doit faire l’objet d’ici à la fin de l’année d’un accord. « Faute de le faire, la négociation des droits relèverait par la loi de la gestion collective obligatoire », avait prévenu Nicolas Sarkozy, le 7 janvier. Est-ce à dire que l’Adami aurait tout intérêt à voir la concertation s’enliser
à l’issue de la troisième et dernière réunion prévue le 28 octobre prochain ? « Cela n’a jamais été notre attitude que de faire échec à la mission Hoog. Nous faisons des propositions raisonnables et constructives, tout en essayant de briser des tabous », explique Bruno Boutleux. L’Adami n’est pas seule, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem). ou UFCQue Choisir étant aussi favorable à la gestion collective.


Le Snep pour le « volontariat »

Or, dans une interview accordée à Edition Multimédi@ en septembre (EM@ 20), le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) – qui représente les majors comme Universal Music, Sony Music, EMI et Warner Music – n’exclut pas un consensus : « Ce mode de gestion des droits ne pourrait se faire qu’au cas par
cas sur la base du volontariat », expliquent Denis Ladegaillerie et David El Sayegh, respectivement président et directeur général. L’Adami ne l’entend pas de cette oreille. Pour elle, la gestion collective des droits musicaux sera obligatoire ou ne sera pas.
« Pour délivrer les autorisations aux plateformes en ligne et gérer les clés de partage,
la facturation et la persception des droits, nous proposons : soit de mandater l’Adami,
la Sacem, la SCPA (1) ou la SPRE (2), soit de créer une société ad hoc », explique le directeur général de l’Adami. Et de citer, à titre d’exemple en France, la Sofia (3) qui est le passage obligé et agréé par le ministère de la Culture pour gérer le droit de prêt en bibliothèque, ainsi que la quote-part attribuée au livre de la rémunération pour copie privée. Il en va de même pour le droit de reprographie de la presse et du livre que
gère en exclusivité le CFC (4). Reste à convaincre les producteurs indépendants représentés notamment par l’UPFI ou le SPPF. « Au-delà d’un non de principe, ils y réfléchissent car ils s’aperçoivent que la gestion des nano-paiements en ligne leur sera difficile. Et la gestion collective, ce n’est pas la Corée du Nord ! », lance Alain Charriras, administrateur de l’Adami. Cette organisation professionnelle estime que
« la gestion collective obligatoire est une alternative qui rétablit l’équilibre de la filière musicale (…) étouffée par des conditions anti-économiques drastiques imposées par les producteurs ». Et de mettre en garde : « Maintenir cette précarité [des plateformes légales, ndlr], c’est faire le lit d’un monopole de fait, celui d’iTunes ». Sont dénoncés les redevances dues par les plateformes, les minima garantis exigés par les producteurs,
la difficulté d’être autorisé, etc. Sans supprimer le minimum garanti, l’Adami prône un maximum de 300.000 euros par plateforme. « Des plateformes accueillent mollement nos propositions car elles sont dépendantes des producteurs, eux-mêmes hostiles à
la gestion collective », regrette Bruno Boutleux. Aidé par un ex-producteur et ancien président du Snep, Gilles Bressand, l’Adami a ainsi proposé à la mission Hoog un mode de calcul du partage de la valeur (voir tableau ci-dessus) basé sur le « coefficient d’interactivité ». @

Charles de Laubier

Yves Gassot, Idate : « Les ventes mondiales sur Internet ne dépassent pas encore les 20 milliards d’euros »

A un mois du 32e DigiWorld Summit qui se tiendra les 17 et 18 novembre
à Montpellier, le directeur général de l’Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe (Idate) qui l’organise répond aux questions
de Edition Multimédi@ sur les enjeux futurs d’Internet.

Le mécénat pour les nuls

Le croirez-vous, mais après avoir crié au loup pendant des années parce que des millions d’internautes déboulèrent, telle une horde de Huns, dans les vastes plaines de l’Internet pour piller les œuvres et leurs auteurs, certains découvraient qu’une des voies de sortie de cette impasse était… de faire payer les internautes. Bien sûr, il n’est plus question de leur vendre de simples morceaux de musique mp3, désormais facilement accessibles librement et légalement, mais de donner accès à une part de l’univers de leur artiste préféré sous des formes très variées : certaines étant bien connues comme les concerts ou les produits dérivés, d’autres étant plus innovantes. L’une d’entre elle, qui est venue renforcer les diverses sources de revenus qui financent à présent le travail des auteurs, s’est d’abord fait connaître au début des années 2000 sous le terme de crowdfunding. Véritable mot valise qui recouvre en fait une réalité diverse mais qui se réfère à des pratiques très anciennes,il se définit simplement comme le recueil de fonds destinés à financer un nouveau projet par l’appel au plus grand nombre seulement permit par une collecte de très nombreuses petites sommes. Apparemment, rien de nouveau : la souscription, qui fût en effet une pratique très utilisée durant tout
le 19e siècle pour financer des monuments ou éditer des ouvrages d’art, correspond à une forme de démocratisation du mécénat jusqu’alors largement dominant.

« Les majors et les maisons de production les mieux structurées n’ont pas voulu laisser passer ce nouveau train, en reprenant des sites déjà existant ou en créant leur propre activité de crowdfunding. »

Il y eu bien dans les années 90 des groupes d’amateurs qui mirent leurs moyens en commun pour acheter des œuvres à de jeunes artistes en devenir, sur le principe
d’une propriété partagée et d’un accrochage tournant des tableaux chez les membres du club. Mais rien de comparable à ce qui a été rendu possible par la puissance du réseau numérique. C’est en effet la force du Net que de donner un élan nouveau à des pratiques existantes grâce à l’accès simplifié à de multiples réseaux, à la démultiplication du message par les réseaux sociaux et à l’utilisation des outils de micro-paiement. Parfois traduite par le terme de « colinvestissement », la pratique du crowdfunding ne semblait pas avoir de limite et paraissait pouvoir s’appliquer à tous les domaines. La musique a lancé le mouvement dès 1997, par habitude sans doute des chemins de traverse défrichés par les labels indépendants, avec une tournée aux Etats-Unis du groupe britannique Marillion financée par une levée de fond auprès des fans sur Internet.
Le cinéma, a suivi en 2004, avec la production du film Demain la Veille, grâce à une souscription organisée par la jeune société de production française Guyom Corp. Tout s’est ensuite accéléré : de nombreux sites de production de musique comme Sellaband aux Pays-Bas ou MyMajorCompany en France ; l’édition de livres ou de bandes dessinées avec Sandawe ; le journalisme avec Spot.Us. Des sites à vocation généraliste ont aussi vu le jour comme le New-Yorkais Kickstarter ou Indiegogo.com
de San Fransisco. qui aident au financement de toute sorte de projets, de la danse au théâtre, de la peinture à la photo. Les modèles économiques et les motivations de ses nouveaux modes de financement donnèrent lieu à des services mariant à des degrés divers les deux modèles initiaux. D’un côté, un mécénat populaire apporte son écot à des projets en devenir avec, comme seule rétribution, la satisfaction d’avoir été partie prenante d’une aventure artistique mais également de recevoir en retour des gratifications de plus en plus variées : éditions et objets collector, rendez-vous avec l’auteur, invitation à un concert, … De l’autre, l’investissement collectif répond à une logique financière, en permettant de caresser un espoir de revenus futurs, comme on mise en Bourse, mais avec un supplément d’âme.
Après une période pionnière qui vit se multiplier les initiatives isolées, une professionnalisation a rendu nécessaire une organisation progressive des entreprises. Les majors et les maisons de production les mieux structurées n’ont pas voulu laisser passer ce nouveau train, en reprenant des sites déjà existant ou en créant leur propre activité de crowdfunding. Cette année, j’ai pu participer au financement d’un reportage d’investigation d’un jeune reporteur parrainé par « Le Monde », au défilé d’une jeune créatrice de mode et apporter ma part au bouclage du budget de production du dernier album de Philippe Katerine que nous aidons modestement à faire son retour sur scène après une trop longue traversée du désert. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : La ville, média du futur
*Depuis 1997, Jean-Dominique Séval est
directeur marketing et commercial de l’Idate.