Face à la fragmentation de l’audience, l’Internet global

En fait. Le 14 mars, Médiamétrie a fait le point sur les faits marquants du Web
sur l’année 2011 (les barres des 40 millions d’internautes et des 20 millions de mobinautes atteintes) et présenté les évolutions à venir des mesures d’audience. L’Internet fixe et L’Internet mobile vont être réconciliés.

En clair. Les annonceurs et les agences de publicité vont avoir au début du second semestre de cette année la première mesure d’un « Internet global », agrégeant pour la première fois les mesures d’audiences de l’Internet fixe et mobile à partir des ordinateurs, des smartphones, des tablettes et des téléviseurs connectés. C’est la réponse que leur apporte Médiamétrie pour faire face à la fragmentation de l’audience avec la multiplication des écrans. La mensualisation de la mesure de l’Internet mobile depuis décembre 2011, jusqu’alors trimestrielle, a déjà permis aux éditeurs et aux publicitaires de pouvoir comparer l’audience du web fixe avec celle des mobiles.
La frontière entre les deux modes d’accès tend d’ailleurs à devenir poreuse (1). Les tablettes – non intégrées dans l’Internet mobile – feront aussi leur entrée dans cette mesure globale, 1.000 panélistes ayant été « recrutés » pour de premières mesures réalisées sur ce premier trimestre, lesquelles seront publiées au second trimestre (2). Mais elles ne porteront pour l’instant que sur des iPad d’Apple, « qui génèrent encore
90 % des connexions des tablettes », explique Tiphaine Goisbeault, directrice Télécom
et Equipement de Médiamétrie. Or sur 1,764 million d’utilisateurs de tablettes en France, seuls 55 % ont un iPad. « Les tablettes sous Android [de Google] seront prises en compte fin 2012/début 2013 », ajoute-t-elle. Pourtant, l’institut constate dans une de ses études
« eStat » que la part des visites des sites (hors applications) à partir de tablettes ou smartphones sous Android (Samsung, HTC, …) est déjà de 40 % en janvier 2012 – face aux 52 % de l’iOS d’Apple. Un an plus tôt, le rapport de force était respectivement de 16 % et 72 %. Malgré ce rééquilibrage spectaculaire en faveur de l’OS de Google, il faudra donc attendre la prise en compte des tablettes sous Android…
Quant à la mesure hybride (panel + site centric), dont les premiers résultats historiques seront communiqués aux clients fin mars pour une publication début juin, sera intégrée elle aussi à la mesure globale. L’institut n’entend pas pour autant en rester là. « Il manque des outils pour mesurer l’efficacité de l’audience sur les marques. Nous prévoyons à l’avenir de le faire, en mesurant les intentions d’achat, la satisfaction et l’intérêt pour
la marque », a indiqué Benoît Cassaigne, directeur des mesures d’audiences chez Médiamétrie. @

Bruno Chetaille, Médiamétrie : « La France sera le premier pays à mesurer l’Internet mobile et ses applications »

Le PDG de l’entreprise de mesure d’audiences explique à Edition Multimédi@
les évolutions majeures à attendre à l’heure du cross-media et de la fragmentation de l’audience. Après la téléphonie mobile, dont les premiers résultats sont attendus fin octobre, d’autres baromètres sont prévus.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : au-delà de la télévision, de la
radio et des sites web, où en est Médiamétrie dans l’instauration de nouveaux baromètres, notamment
pour l’Internet mobile, les jeux vidéo ou la vidéo à la demande ? Les « widgets » ou les livres numériques auront-ils bientôt leur mesure ?
Bruno Chetaille (photo) :
Notre activité se développe
selon deux axes : l’enrichissement de la mesure d’audience de référence de chaque média – radio, TV, internet – et le développement de nouveaux services destinés à mieux comprendre notre environnement numérique et à suivre les nouveaux usages. Mieux comprendre l’environnement, c’est notamment suivre l’équipement des foyers
et leurs dépenses. Nous savons ainsi qu’il y a en France 43 millions d’utilisateurs du téléphone mobile. Suivre les nouveaux usages, c’est savoir combien d’entre eux utilisent leur téléphone mobile pour surfer sur Internet – 30 % en l’occurrence, en progression de 6 % en un an – et mesurer l’audience des sites par cet accès. La France sera le premier pays à disposer d’un tel service incluant les applications. Ce service est partagé avec nos clients. Nos premiers résultats trimestriels seront publiés fin octobre. De la même façon, nous suivons l’équipement des foyers en tablettes et avons créé des baromètres spécifiques sur la télévision de rattrapage (catch up TV)
ou sur les jeux vidéo. Pour ne donner qu’un chiffre, 35 millions de Français ont déjà joué à un jeu vidéo. Une pratique qui respecte la parité homme-femme. Et près de
2,5 millions de personnes pratiquent la vidéo à la demande. Quant aux widgets sur les postes de télévision connectés et aux livres numériques, nos dispositifs « Référence
des équipements multimédias » avec GfK, l’étude « Media in Life » sur les comportements médias et notre mesure Internet montrent qu’ils sont encore marginaux. Nous les mesurerons lorsque leur utilisation sera significative.

Neutralité des réseaux : l’Internet mobile aussi ?

Le débat épineux sur l’avenir de la neutralité de l’Internet – que doit intensifier l’Arcep au printemps avec un colloque, en vue d’un rapport gouvernemental attendu « d’ici l’été » – semble s’en tenir aux réseaux fixes. Mais les réseaux mobiles n’y échapperont pas.

Si le débat sur la neutralité de l’Internet a été lancé à propos des réseaux fixes, il est
en passe de s’étendre aux réseaux mobiles jusqu’alors épargnés. « A l’occasion de la consultation publique [de l’Arcep]sur les licences dites 4G, plusieurs opérateurs se sont publiquement opposés au principe de neutralité de l’Internet », s’est inquiétée début février l’Association des services Internet communautaires (ASIC), créée en décembre 2007 par Google, Yahoo, Dailymotion, PriceMinister et AOL (1). Ce principe de neutralité du réseau des réseaux consiste à interdire aux opérateurs télécoms et aux fournisseurs d’accès à Internet (FA) de bloquer ou de restreindre l’accès des internautes et des mobinautes à des contenus en ligne, voire d’en réduire la bande passante de façon discriminatoire et anticoncurrentielle. Si les réseaux fixes qui composent l’Internet semblent relativement protégés par ce principe, du moins en Europe, les réseaux mobiles sont encore loin de le respecter. Tolérées de la première
à la troisième génération de mobiles, les restrictions opérées sur les réseaux mobiles soulèvent débat avec le lancement prochain de la 4G. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) et le gouvernement préparent en effet l’avènement en France du très haut débit mobile, lequel devrait concerner bien plus de mobinautes que d’internautes connectés à de la fibre optique. Les procédures d’attribution des fréquences à 800 Mhz et 2,6 Ghz destinées au déploiement des réseaux mobile de quatrième génération (4G) seront lancé « au cours du deuxième semestre 2010 ».

Convergence : TV connectée et Internet mobile

En fait. Le 7 décembre dernier se tenaient au Sénat les Troisièmes assises de
la convergence, organisées par l’agence Aromates et l’Idate. La télévision connectée et l’Internet mobile ont été présentés comme deux « transformations majeures » de la convergence. Et pour cause.

En clair. Les chaînes de télévision et les opérateurs mobiles sont confrontés chacun
à la remise en cause de leur modèle existant. Les téléviseurs connectés, d’une part,
et les mobiles multimédias, d’autre part, bousculent les télécoms et l’audiovisuel.
« Les conditions sont aujourd’hui réunies pour voir émerger une filière de distribution
de vidéo sur le Net, que cela soit avec les séries de télévision, la catch up TV ou encore la VOD », a expliqué Gilles Fontaine, DG adjoint de l’Idate (1).
Les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), avec leurs offres « triple play » assortie
d’un bouquet de programmes audiovisuel, pourraient voir leur modèle économique
« menacés par ce raccourcissement de la chaîne de valeur ». Quant aux chaînes
de télévision, elles risquent de « perdre le contrôle » de la catch up TV. En France, craignant l’arrivée de la plateforme américaine Hulu (2) en Europe, TF1, M6 et Canal+ réfléchissent à une offre commune de leurs programmes à la demande. En outre, bien que les tarifs publicitaires sur Internet soient « dix à vingt fois moins élevés que sur la télévision classique », la valeur générée par le marché de l’audiovisuel « descend vers le terminal connecté, de plus en plus couplé avec le service ».