Taxation des GAFAM : l’annulation du redressement fiscal d’Apple illustre les velléités de l’Europe

Si la Commission européenne fait appel de l’arrêt du Tribunal de l’UE qui a annulé le 15 juillet sa décision condamnant Apple à rembourser l’Irlande de 13 milliards d’euros d’avantages fiscaux, le verdict final interviendra en 2021. Sinon, l’affaire sera close. Retour sur un jugement qui fera date.

(Au moment de la publication de cet article dans le n°241 de Edition Multimédi@, la Commission européenne annonçait qu’elle faisait appel du jugement « Apple-Irlande »)

Par Fabrice Lorvo (photo), avocat associé, FTPA

La révolution numérique, en dématérialisant l’achalandage, a entraîné, brutalement, une redistribution du partage de la valeur en faveur de certains distributeurs à savoir les GAFAM (1) et en défaveur des producteurs (de produits et de services). Cette captation par les géants dominants d’Internet se fait aussi au détriment des Etats, notamment européens, car si ces Big Tech affichent une prospérité démesurée, leurs contributions par le biais de l’impôt demeurent souvent symboliques.

Le « LuxLeaks » révélé en 2014
A la suite d’articles de presse indiquant, sur les révélations « LuxLeaks » du consortium international de journalistes d’investigation ICIJ (2), que des grandes entreprises – dont Apple et Amazon (3) – avaient bénéficié d’importantes réductions d’impôts, accordées par des autorités fiscales nationales, au moyen de « décisions anticipatives en matière fiscale » ou tax rulings (4), la Commission européenne avait ouvert le 11 juin 2014 une enquête pour vérifier la conformité de ces pratiques au regard des règles de l’Union européenne (UE) en matière d’aides d’Etat. Elle en a finalement dénoncé le mécanisme. L’enquête a notamment visé deux filiales (à 100 %) de droit irlandais du groupe Apple : Apple Sales International (ASI) et Apple Operations Europe (AOE). ASI est chargée d’acheter des produits Apple et de les vendre notamment en Europe. AOE, elle, fabrique certaines gammes d’ordinateurs pour le groupe Apple.
Ces deux filiales d’Apple déclaraient, chacune, n’avoir qu’une succursale en Irlande et leur siège en dehors de l’Irlande. En conséquence, du fait de répartitions internes, seule une petite fraction des bénéfices d’ASI et d’AOE étaient affectés à leurs succursales irlandaises et soumis à l’impôt en Irlande. La plupart des bénéfices étaient affectés en interne à un « siège » des deux filiales situé en dehors de l’Irlande où ils échappaient à l’impôt – et sans qu’aucun pays ne soit mentionné. Les deux « rulings » fiscaux émis par l’Irlande, le premier de 1991 à 2007 et le second de 2007 à 2014, avalisaient ces répartitions internes. En 2011, ASI a fait état lors d’auditions devant le Sénat américain d’un bénéfice de 16 milliards d’euros mais du fait du tax ruling, seuls 50 millions d’euros ont été imposés en Irlande. Résultat : 15,95 milliards d’euros de bénéfice ont éludé l’impôt (5). L’enquête de la Commission européenne a conclu que les rulings fiscaux irlandais avalisaient une répartition interne artificielle des bénéfices au sein d’ASI et d’AOE, que rien ne justifiait sur le plan factuel ou économique. Cet avantage présentait un caractère sélectif, puisqu’il entraînait une réduction de la charge de l’impôt des deux filiales d’Apple en Irlande par rapport aux sociétés non intégrées dont le bénéfice imposable reflétait les prix négociés sur le marché dans des conditions de pleine concurrence. La Commission européenne a justifié son analyse par trois arguments :
• A titre principal, la Commission européenne a reproché le principe d’attribution des bénéfices dérivés des licences de PI qu’elles détenaient aux sièges (hors d‘Irlande) d’ASI et d’AOE et non à ses succursales irlandaises. Selon elle, cette attribution était fictive dès lors que ces sièges n’étaient situés dans aucun pays, n’employaient aucun salarié et ne possédaient pas de locaux. Leurs activités s’en tenaient à des décisions limitées prises par ses directeurs – dont un grand nombre travaillaient simultanément à temps plein comme cadres dirigeants pour Apple Inc. – concernant la distribution des dividendes, les arrangements administratifs et la gestion de trésorerie.

Gestion fantôme des licences PI
Plus particulièrement s’agissant des fonctions afférentes aux licences de PI, la Commission européenne a soutenu que de telles fonctions n’avaient pas pu être exercées uniquement par le biais des conseils d’administration d’ASI et d’AOE, en l’absence de personnel. De plus, il n’a été trouvé dans les procès-verbaux des réunions des conseils d’administration aucune référence à des discussions et à des décisions à cet égard. Dans la mesure où les sièges des deux filiales de droit irlandais n’avaient pas pu contrôler ni gérer les licences de PI du groupe Apple, ces sièges n’auraient pas dû se voir attribuer, dans un contexte de pleine concurrence, les bénéfices tirés de l’utilisation de ces licences. Seule les branches irlandaises d’ASI et d’AOE étaient en mesure d’exercer effectivement des fonctions essentielles à l’activité commerciale en rapport avec la PI du groupe Apple, et avaient la capacité opérationnelle d’exercer et de gérer l’activité de distribution, et ainsi la capacité de générer des revenus commerciaux. En conséquence, les bénéfices de vente d’ASI et d’AOE auraient dû être attribués aux succursales irlandaises d’ASI et d’AOE, et donc imposés en Irlande.

La fiscalité irlandaise en question
• A titre subsidiaire, la Commission européenne a reproché les méthodes d’attribution aux sièges (hors d‘Irlande) d’ASI et d’AOE des bénéfices dérivés des licences de PI qu’elles détenaient. En effet, même si les autorités fiscales irlandaises avaient eu raison d’accepter l’hypothèse de l’attribution hors d’Irlande des licences de PI, les méthodes d’attribution ayant permis de déterminer le bénéfice annuel d’ASI et d’AOE imposable en Irlande étaient fondées sur des choix méthodologiques inadéquats qui ne permettait pas une approximation fiable d’un résultat fondé sur le marché dans des conditions de pleine concurrence.
• A titre alternatif, elle a considéré que les rulings fiscaux contestés avaient été adoptés par les autorités fiscales irlandaises de façon discrétionnaire, en l’absence de critères objectifs liés au système fiscal irlandais, et que, de ce fait, ils procuraient un avantage sélectif à ASI et à AOE.
En conséquence, la Commission européenne a jugé que les rulings fiscaux irlandais constituaient donc une aide d’Etat incompatible avec le marché intérieur. Elle a exigé que l’Irlande récupère auprès d’Apple les impôts impayés pendant la période considérée. L’Irlande ainsi qu’ASI et AOE ont contesté cette décision.
Le Tribunal de l’Union européenne (TUE) en date du 15 juillet 2020, dans les deux affaires concernées (6) (*) (**), a annulé la décision contestée car il a jugé que la Commission européenne n’avait pas rapporté la preuve de l’existence d’un avantage économique sélectif et, consécutivement, d’une aide d’Etat en faveur d’ASI et d’AOE. Sur l’argument à titre principal, le TUE a considéré que la Commission européenne n’est pas parvenue à démontrer, qu’eu égard, d’une part, aux activités et aux fonctions effectivement exercées par les succursales irlandaises d’ASI et d’AOE et, d’autre part, aux décisions stratégiques prises et mises en œuvre en dehors de ces succursales, lesdites succursales irlandaises auraient dû se voir attribuer les licences de PI du groupe Apple, aux fins de la détermination des bénéfices annuels imposables d’ASI et d’AOE en Irlande. Le TUE a jugé que la Commission européenne n’a pas rapporté la preuve qu’une telle attribution découlait des activités réellement effectuées par lesdites succursales irlandaises. Elle n’a pas cherché à établir que les organes de gestion des succursales irlandaises d’ASI et d’AOE avaient effectivement exercé la gestion quotidienne active de l’ensemble des fonctions et des risques afférents à la PI du groupe Apple. A l’inverse, selon le TUE, les activités des succursales irlandaises sont des activités auxiliaires et d’exécution de politiques et de stratégies conçues et adoptées en dehors de ces succursales, notamment en ce qui concerne la recherche, le développement et la commercialisation des produits de la marque Apple. De plus, l’Irlande ainsi qu’ASI et AOE ont prouvé que lesdites activités n’ont inclus ni la gestion ni la prise de décisions stratégiques concernant le développement et la commercialisation de la PI. A l’inverse, il apparaît que toutes les décisions stratégiques, particulièrement en ce qui concerne la conception et le développement des produits, ont été prises suivant une stratégie commerciale globale déterminée à Cupertino où se trouve le siège d’Apple en Californie et mises en œuvre par les deux sociétés en question, par leurs organes de direction, en tout état de cause, en dehors des succursales irlandaises. En outre, le TUE considère que la Commission européenne n’est pas parvenue à démontrer, au titre de son raisonnement subsidiaire, des erreurs méthodologiques dans les rulings qui auraient abouties à une diminution des bénéfices imposables d’ASI et d’AOE en Irlande. En effet, bien que le TUE déplore le caractère lacunaire et parfois incohérent des rulings fiscaux contestés, les défaillances identifiées par la Commission européenne, à elles seules, ne suffisent pas à prouver l’existence d’un avantage (7). Par ailleurs, le TUE considère qu’elle n’a pas prouvé, au titre de son raisonnement alternatif, que les rulings fiscaux contestés étaient la conséquence du pouvoir discrétionnaire exercé par les autorités fiscales irlandaises.
Le TUE semble avoir rappelé à la Commission européenne qu’on ne fait pas de droit fiscal avec du droit de la concurrence et que ces questions nécessitent un accord au niveau des Etats européens mais aussi du reste du monde…
Parallèlement, faute d’accord international, l’adoption « au cours du premier semestre 2021 » d’une taxe européenne sur les entreprises du numérique a été annoncée à l’occasion d’une réunion le 11 septembre 2020 des ministres des Finances de l’UE (8).

Victime collatérale : le consommateur
Il est cependant plus que probable que ce succès espéré aura pour victime collatérale le consommateur. En effet, certains pays européens (France, Italie, Royaume Uni) ou pas (Chili, Mexique, Arabie saoudite, Turquie) ont déjà soumis les GAFAM à des taxes nationales. Dans un communiqué, Apple a fait savoir aux développeurs français que la taxe sur le numérique de 3% du chiffre d’affaires votée en 2019 serait intégrée dans le calcul de leurs revenus générés dans l’App Store (9). De même, le fabricant des iPhone et des iPad reportera sur le prix la taxe de 3 % votée en Italie et celle de 2 % adoptée au Royaume-Uni, ainsi que le prélèvement de 7,5 % mis en place par la Turquie. @

* Fabrice Lorvo est l’auteur du livre
« Numérique : de la révolution au naufrage ? »,
paru en 2016 chez Fauves Editions.

Les offres payantes de l’audiovisuel public posent toujours questions au regard de la redevance

Alors que la nouvelle plateforme payante Madelen de l’Ina dépasse les 55.000 abonnés (dont 15.000 hérités de l’Ina Premium), se pose à nouveau la question de faire payer une offre lorsque celle-ci est censée être déjà financée par la redevance audiovisuelle.

Au regard de la redevance audiovisuelle que paient la quasi-totalité des 28 millions de foyers fiscaux en France (138 euros en 2020), n’est-il pas contradictoire que des entreprises de l’audiovisuel public fassent payer en plus les Français pour des services censés être déjà financés justement par cette contribution à l’audiovisuel public (CAP) ? C’est la question que Edition Multimédi@ a posée au président de l’Institut national de l’audiovisuel (Ina), Laurent Vallet (photo de gauche), lors du lancement de Madelen.

Payer la redevance et un abonnement
« La question de proposer une offre de streaming illimité payante est d’abord une question d’usage : existe-t-il un marché pour une offre patrimoniale payante ? L’expérience du service Ina Premium, lancé à l’automne 2015, nous a montré que c’était le cas, et nous avons souhaité développer Madelen », nous a répondu Antoine Bayet (photo de droite), responsable du département des éditions numériques de l’Ina. Cet établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) justifie aussi cette nouvelle source de revenu par le fait que sur son budget annuel d’environ 130 millions d’euros par an, 30 % sont des ressources propres. Ce chiffre d’affaires provient de la facturation de services audiovisuels ou multimédias à des professionnels (chaînes, producteurs, documentalistes, …) et, depuis le lancement d’Ina Premium il y a près de cinq ans, aux particuliers. Avec ces 30 %, l’Ina revendique d’ailleurs le taux de ressources propres le plus élevé (et de loin) parmi les entreprises de l’audiovisuel public, où ce taux est en général inférieur à 10 %. Il n’empêche : l’Ina est déjà bien financé par la redevance audiovisuelle que paient l’ensemble des 28 millions de foyers fiscaux disposant d’un téléviseur en France (97 %), et cette taxe – la CAP – rapporte chaque année plus de 3 milliards d’euros à l’audiovisuel public, dont près de 100 millions d’euros à l’Ina – en l’occurrence quelque 88 millions d’euros cette année (1).
Mais en payant 35,9 euros par an pour accéder à la plateforme Madelen (2), après trois mois d’essai gratuit, les abonnés n’ont-ils pas l’impression de payer deux fois pour un contenu déjà financé par la CAP ? « Ceux qui choisissent de s’abonner à notre nouvelle offre de streaming illimité – ils sont 55.000 au moment où nous nous parlons – peuvent accéder à un service éditorialisé riche de plus de 13.000 programmes vidéo et audio (3) sélectionnés parmi les millions d’heures du catalogue de l’Ina », a poursuivi Antoine Bayet. Et d’ajouter : « Concernant le tarif de 2,99 euros par mois, qui était celui d’Ina Premium, nous avons décidé de le maintenir inchangé. Faire payer une modique somme – pour couvrir le coût du service, son investissement technique et l’éditorialisation de ses contenus – nous semble approprié » (4).
Lancé quelques jours après le début du confinement, le service Madelen profite du #restezchezvous pour engranger des abonnés qui sont la plupart encore dans la période des 90 jours gratuits. « A ce stade, nous avons déjà 15.000 abonnés payants hérités de l’ancien service Ina Premium, lequel avait séduit jusqu’à 60.000 inscrits. Avec Madelen, nous verrons à l’été prochain les éventuels désabonnements (des nouveaux abonnés) au terme de la période de gratuité », nous a indiqué le Monsieur « Digital » de l’Ina. Y a-t-il d’autres services payants envisagés par l’Epic du patrimoine audiovisuel ? « Nous avons suffisamment à faire actuellement avec Madelen ! D’autant que son lancement a été avancé pour permettre aux abonnés d’en profiter durant le confinement », a expliqué Antoine Bayet. Dans le même esprit, mais cette fois gratuitement, l’Ina a lancé le 23 mars une nouvelle chaîne sur YouTube destinées aux enfants : Ina Kids (5). Pourquoi ne pas en avoir fait là aussi un service payant ? « Sur Ina Premium, il y avait des programmes pour enfants mais ils ont été très peu regardés. Le choix a été de les rendre accessibles sur une chaîne dédiée, laquelle proposera 1.500 vidéos », a-t-il répondu.

Du gratuit au payant, de France.tv à Salto
L’Ina et sa Madelen n’est pas la seule entreprise de l’audiovisuel public où se pose la question de services payants censés être « gratuits ». France Télévisions, pourtant le plus gros consommateur de redevance audiovisuelle, envisage avec TF1 et M6 de lancer – en version bêta fermée à parti du 3 juin et commercialement en septembre – un service de SVOD payant, Salto (6). Le prédécesseur de l’actuelle présidente Delphine Ernotte, Rémy Pflimlin, n’avait pas osé lancer un tel service payant par scrupule vis-à-vis de la redevance et des Français (7) (*) (**). Quant au site web France.tv (ex-Pluzz jusqu’en mai 2017), qui devait proposer quelques contenus payants identifiés par une pastille orange et le signe «€», il reste gratuit, pour l’instant. @

Charles de Laubier

La France prend le risque de ne pas notifier à Bruxelles sa taxe sur les services numériques (TSN)

« Taxe GAFA » ou encore « taxe Le Maire », quel que soit son surnom, la taxe sur les services numériques (TSN) – 3 % sur le chiffre d’affaires des entreprises du Net d’une certaine taille et actives en France – présente une dimension « aide d’Etat » censée être notifiée à la Commission européenne sous peine d’être illégale.

Le gouvernement a décidé de ne pas notifier à la Commission européenne la loi instaurant la taxe sur les services numériques (TSN), ou « taxe GAFA », qui a été définitivement adoptée le 11 juillet. Pourtant, afin d’éviter une double imposition des entreprises du Net qui paient déjà en France l’impôt sur les sociétés, la nouvelle loi prévoit une déduction qui s’apparente à une aide d’Etat. Or pour qu’une aide d’Etat ne soit pas illégale, elle doit être notifiée en bonne et due forme à la Commission européenne, conformément au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne – le TFUE (1). « Aucune notification n’a été reçue de la France, indique à Edition Multimédi@ une source à Bruxelles sous couvert d’anonymat. Une notification est requise si une mesure entraîne une aide d’Etat. Les Etats membres doivent veiller à ce que leur régime fiscal ne favorise pas indûment certaines entreprises par rapport à d’autres. Cela nécessite une évaluation au cas par cas ». La Commission européenne s’attend donc, sur sa taxe GAFA, à une notification de la France afin d’en étudier la conformité avec ses propres orientations fixées le 21 mars 2018 et les règles du TFUE.

La « taxe Le Maire » et la « taxe Moscovici »
C’est au début du printemps 2018 qu’a en effet été proposée une TSN européenne, surnommée « taxe Moscovici », qui est actuellement examinée par le Conseil de l’Union européenne. « Nous n’avons pas de commentaires à faire sur les projets de loi nationaux, nous répond Vanessa Mock, porte-parole à la Commission européenne sur les questions financières et fiscales relevant du champ d’action du commissaire Pierre Moscovici (photo). Plus généralement, il est fortement suggéré aux Etats membres qui souhaitent introduire des mesures nationales [comme la TSN, ndlr] d’utiliser la proposition de la Commission européenne relative à une taxe commune sur les services numériques – qui prend également en compte les considérations de conception exposées dans le rapport intermédiaire de l’OCDE (3) sur les défis fiscaux découlant de la numérisation (4) – comme modèle. Cela permettra de réduire au minimum la fragmentation du marché unique et d’assurer la compatibilité avec le droit communautaire ».

Eviter la double imposition des sociétés
La proposition de TSN de Bruxelles prévoit bien des mesures afin d’atténuer le risque de double imposition : « Afin de réduire les cas éventuels de double imposition (…), il est prévu que les Etats membres autoriseront les entreprises à déduire la TSN acquittée en tant que coût de l’assiette de l’impôt sur les sociétés sur leur territoire » (5). C’est ce que prévoit bien la loi française. Car afin d’éviter la double imposition pour les entreprises du Net qui paient déjà leurs impôts sur les bénéfices réalisés en France, il fallait trouver un remboursement pour éviter cette fiscalité supplémentaire pour une société déjà assujettie par ailleurs – au nom du principe d’égalité devant l’impôt.
Le Sénat a finalement opté pour un mécanisme de déduction de la TSN de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Ces deux outils fiscaux – TSN et C3S – portent chacun sur le chiffre d’affaires d’une entreprise et ne relèvent pas de conventions fiscales, tout en assujettissant l’ensemble des entreprises, quel que soit leur pays où se situe leur siège social, au regard des activités exercées sur le sol français et les rendant ainsi passibles de l’impôt sur les sociétés. Mais un acteur du Net non installé en France pourrait ne pas bénéficier de la ristourne fiscale, ce qui constituerait une distorsion de concurrence par rapport à une entreprise française ainsi avantagée.
« Quoiqu’imparfaite car ne compensant notamment pas totalement la double imposition, cette solution permettait de réduire l’impact de cette taxe [TSN] pour les entreprises installées en France et qui ne réalisent pas encore de bénéfices, nombreuses dans le secteur numérique », ont estimé les deux rapporteurs (6) de la loi en commission mixte paritaire fin juin. Autrement dit, cette compensation ménage la trésorerie des entreprises qui payent déjà leurs impôts en France. Et l’objectif de la « taxe GAFA », prévue désormais à l’article 299 du code général des impôts, reste bien de taxer des géants du numérique qui ne paient pas d’impôt sur les sociétés en France – pas les autres. Le choix de porter l’assiette de la TSN sur le chiffre d’affaires était susceptible de faire des victimes collatérales parmis les entreprises françaises. D’où l’idée de cette compensation, qui s’apparente à une aide d’Etat. Selon l’amendement (7) du sénateur (LR) Albéric de Montgolfier qui introduit dans la loi cette articulation TSN-C3S, la « taxe Le Maire » – du nom du ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire (photo de droite), qui a porté le projet – risquait en effet de se traduire immédiatement pour les entreprises déjà imposées sur les bénéfices réalisés en France par une baisse de leurs résultats après impôts de 30 %. D’où l’instauration de la réduction sur la C3S lorsqu’il y a prélèvement dû au titre de la TSN.
Cette solution d’évitement de la double imposition est une ristourne qui s’apparente à une aide d’Etat et suppose donc une notification à Bruxelles, au regard des règles TFUE. Le Parlement français se veut très prudent afin d’éviter que la « taxe Le Maire » ne soit invalidée. Aussi, Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances du Sénat, a introduit un petit article dans la loi française. Cet article 2 y précise qu’« en l’absence de notification préalable de la taxe sur les services numériques (…) à la Commission européenne (…), le gouvernement remet, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport au Parlement sur les raisons pour lesquelles la taxe précitée n’a pas été notifiée à la Commission européenne ».
Les explications du gouvernement sur la non-notification de la taxe GAFA de Paris à Bruxelles sont donc attendues à l’automne 2019. Comment justifier cette non-notification qui pourrait remettre en cause l’instauration de cette taxe GAFA applicable au 1er janvier 2019? Le gouvernement français a décidé de faire cavalier seul pour être le premier Etat membre à mettre en oeuvre cette taxe numérique (8). Pour être euro-compatible, le rapporteur Albéric de Montgolfier a estimé « indispensable » cette notification : « Dès lors que la taxe ne frapperait que des grandes entreprises internationales, il convient d’être prudent. Si elle était qualifiée d’aide d’Etat, sans notification préalable, la taxe serait invalidée sans même être contraire aux traités européens ».

La taxe GAFA scrutée par le G7 et l’OCDE
Et le sénateur de la commission des finances du Sénat de mettre en garde le gouvernement : « Si la taxe n’est pas notifiée et qu’elle est invalidée, il sera nécessaire de rembourser les entreprises qui l’ont acquittée. Ce serait la pire solution ! ». Il y a donc bel et bien insécurité juridique et risque d’illégalité de la taxe GAFA, que conteste par ailleurs les Etats-Unis (9), alors que le G7 va se réunir fin août en France à Biarritz pour en discuter. Si elle devenait illégale, elle ne le serait pas longtemps puisque la France a prévu d’annuler son impôt numérique dès qu’un accord mondial au sein de l’OCDE sera trouvé – dès 2020 ? @

Charles de Laubier

Imposition : l’Europe veut taxer l’économie numérique sans attendre le consensus international

Alors que l’OCDE et le G20, lequel se réunit en avril en Argentine, se donnent jusqu’à 2020 pour trouver un consensus international sur la fiscalité du numérique dans le monde, la Commission européenne veut accélérer le mouvement en proposant de taxer les GAFA sans attendre au sein des Vingt-huit.

La Commission européenne a proposé le 21 mars dernier de nouvelles règles pour garantir que
les activités des entreprises numériques soient imposées dans l’Union européenne (UE) d’une manière « équitable et propice à la croissance ». Elle part du contact que les règles d’imposition des sociétés en vigueur au niveau mondial existent depuis plus de cent ans et ne sont plus adaptées à l’essor de l’économie numérique. Ces règles fiscales ont été conçues pour des entreprises physiques traditionnelles et impliquent qu’une société doit être physiquement présente dans un pays pour y être imposée. C’est là que le bât blesse.

OCDE et G20, pour un consensus d’ici 2020
Alors que les entreprises exerçant des activités en ligne créent de la valeur et se développent beaucoup plus rapidement que l’économie dans son ensemble, les règles existantes ne permettent pas de les imposer efficacement sur les bénéfices générés en grande partie grâce à l’exploitation des données de consommateurs. La Commission européenne constate que cette situation crée une distorsion fiscale importante : « Le taux d’imposition effectif des entreprises numériques – telles que les entreprises du secteur des médias sociaux, les plateformes collaboratives et les fournisseurs de contenu en ligne – est de moitié environ inférieur à celui des entreprises traditionnelles, et est souvent encore bien plus bas. En moyenne, les entreprises du numérique sont imposées à un taux effectif d’imposition de 9,5 % seulement, contre 23,2 % pour les modèles d’affaire traditionnels ». L’Europe estime que si les bénéfices réalisés par les entreprises du numérique – au premier rang desquels les GAFAM américains mais aussi les BATX asiatiques – ne peuvent être taxés, « les recettes fiscales des Etats membres de l’UE risquent d’être menacées ». Alors que le marché unique numérique est une priorité absolue de Jean-Claude Juncker (photo de gauche), président de la Commission européenne, l’impôt sur les sociétés n’est pas adapté au digital justement et met à mal les recettes publiques qui financent les écoles, les hôpitaux ou encore les transports. La proposition présentée le 21 mars consiste en une taxation de l’économie numérique dans l’UE, laquelle permettrait aux Vingt-huit (bientôt Vingt-sept) d’imposer les bénéfices réalisés sur leur territoire, même si l’entreprise n’y est pas présente physiquement. « Une nouvelle taxe provisoire sur les services numériques serait appliquée pour remédier aux lacunes et aux failles les plus manifestes constatées en matière d’imposition des activités numériques. Cette mesure garantit que les activités qui ne sont actuellement pas imposées de manière effective commenceraient à générer immédiatement des recettes pour les Etats membres », est-il expliqué. La Commission européenne est ainsi la première autorité publique dans le monde à prendre des mesures sur l’imposition du numérique. Elle fait même figure de pionnière pour élaborer une solution mondiale qu’elle appelle de ses voeux, y compris en soutenant les travaux de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui doit rendre en avril – lors du sommet du G20 en Argentine – un rapport final sur « les défis fiscaux soulevés par la numérisation » : « Les propositions de l’UE en matière d’imposition de l’économie numérique devraient également inspirer et stimuler les travaux internationaux en cours dans le cadre du G20 et de l’OCDE sur la fiscalité du numérique. Dans le même temps, toute solution proposée au niveau de l’UE doit également tenir compte de la dimension mondiale : l’OCDE s’est engagée à présenter un rapport sur les prochaines étapes au niveau international d’ici 2020 ».
L’OCDE a déjà publié un rapport intermédiaire sur les défis fiscaux soulevés par la numérisation, le 16 mars dernier (1), juste avant un « G20 des Finances » qui s’est tenu mi-mars à Buenos Aires. Le problème est qu’il n’y a pas de consensus international sur le sujet. Chargée plus globalement par le G20 de piloter un groupe de 110 pays sur
« l’érosion des bases fiscales et les transferts de bénéfices » ou BEPS (2), ce rapport intermédiaire s’est contenté de faire état des positions des différents pays et d’énumérer les différentes mesures envisagées.

Une directive européenne avant 2020 ?
« Ces approches vont de celle des pays qui considèrent qu’aucune action n’est nécessaire, à celle des pays selon lesquels il faut agir pour reconnaître le rôle de la contribution des utilisateurs, en passant par celle des pays qui considèrent que tout changement devrait s’appliquer à l’économie dans son ensemble », a expliqué Angel Gurría (photo de droite), le secrétaire général de l’OCDE. L’organisation travaille avec le G20 pour trouver une solution consensuelle d’ici 2020.
« Au cours de l’étude de ces changements potentiels, les membres considéreront les effets de la numérisation sur l’économie, en référence aux principes régissant l’alignement des bénéfices sur les activités économiques et la création de valeur », indique l’organisation dont le siège est à Paris (3). Quant à la directive européenne sur la taxation des géants du numérique, si le projet devait aboutir, elle ne devrait pas être transposée dans les différents Etats membres avant 2020 – même si Paris le souhaite pour 2019 en espérant un accord avec Berlin d’ici juin prochain (4). Car difficile d’imaginer que l’UE avance de son côté sur un sujet éminemment international et où l’OCDE et le G20 souhaitent parvenir à un consensus à l’horizon 2020.

Taxe immédiate de 3 % en Europe
Quoi qu’il advienne, la Commission européenne a présenté deux propositions législatives. La première d’entre elles, qui est présentée comme « la solution à long terme privilégiée », vise à réformer les règles d’imposition des sociétés de façon à ce que les bénéfices soient enregistrés et taxés là où les entreprises ont une interaction importante avec les utilisateurs par l’intermédiaire de « services numériques » (voir liste ci-dessous établie par la directive). Les Etats membres pourront alors taxer les bénéfices qui sont réalisés sur leur territoire, même si une entreprise du numérique n’y est pas présente physiquement, pour peu que la plateforme numérique satisfait à l’un des critères suivants : elle génère plus de 7 millions d’euros de produits annuels dans un Etat membre ; elle compte plus de 100.000 utilisateurs dans un Etat membre au cours d’un exercice fiscal ; plus de 3.000 contrats commerciaux pour des services numériques sont créés entre l’entreprise et les utilisateurs actifs au cours d’un exercice fiscal (voir graphique p. 11). La seconde proposition législative consiste en une « taxe provisoire sur certains revenus tirés d’activités numériques (…) où les utilisateurs jouent un rôle majeur dans la création de valeur et qui sont les plus difficiles à prendre en compte par les règles fiscales actuelles, comme les produits tirés de la vente d’espaces publicitaires en ligne, générés par les activités intermédiaires numériques qui permettent aux utilisateurs d’interagir avec d’autres utilisateurs et qui facilitent la vente de biens et de services entre eux, tirés de la vente de données générées à partir des informations fournies par les utilisateurs ».
Ce système s’appliquera uniquement à titre provisoire, jusqu’à ce que la réforme ait
été mise en oeuvre et pour éviter que certains pays européens ne prennent des mesures unilatérales pour taxer les activités numériques – ces réponses nationales seraient alors, selon la Commission européenne, « préjudiciables pour notre marché unique numérique ». Cette taxe provisoire – applicable aux entreprises dont le chiffre d’affaires annuel total atteint au moins 750 millions d’euros au niveau mondial et 50 millions d’euros dans l’UE (5) – sera perçue immédiatement par les Etats membres. Selon les estimations de la Commission européenne, 5 milliards d’euros de recettes
par an pourraient être réalisés pour les Etats membres si la taxe est appliquée à un taux de 3 %. @

Charles de Laubier

ZOOM

Liste des « services numériques » susceptibles d’être taxés en Europe
• la fourniture de produits numériques en général, en ce compris les logiciels et leurs modifications ou leurs mises à jour • les services consistant à assurer ou à soutenir la présence d’entreprises ou de particuliers sur un réseau électronique, tels qu’un site ou une page Internet • les services générés automatiquement par ordinateur sur l’Internet ou sur un réseau électronique, en réponse à des données particulières saisies par le preneur • l’octroi, à titre onéreux, du droit de mettre en vente des biens ou des services sur un site Internet opérant comme marché en ligne, où les acheteurs potentiels font leurs offres par un procédé automatisé et où les parties sont averties de la réalisation d’une vente par un courrier électronique généré automatiquement par ordinateur • les offres forfaitaires de services Internet (ISP) dans lesquelles l’aspect télécommunications est auxiliaire et secondaire, en d’autres mots des forfaits allant au-delà du simple accès à l’Internet et comprenant d’autres éléments comme des pages à contenu donnant accès aux actualités, à des informations météorologiques ou touristiques, des espaces de jeu, l’hébergement de sites, l’accès à des débats en ligne ou tout autre élément similaire •fourniture et hébergement de sites Internet • maintenance automatisée de programmes, à distance et en ligne • administration de systèmes à distance
• entreposage de données en ligne, permettant le stockage et l’extraction de données particulières par voie électronique • fourniture en ligne d’espace disque sur demande
• logiciels utilisés en ligne ou téléchargés (notamment, programmes de passation des marchés/de comptabilité, logiciels antivirus) et leurs mises à jour • logiciels servant à empêcher l’apparition de bannières publicitaires , connus également comme filtres antibannières •pilotes à télécharger, tels que les logiciels d’interconnexion entre un ordinateur et des périphériques (tels que les imprimantes) •installation automatisée
en ligne de filtres sur des sites Internet • installation automatisée en ligne de pare-feu
• consultation ou téléchargement d’éléments servant à personnaliser le «bureau» de l’ordinateur •consultation ou téléchargement de photos, d’images ou d’économiseurs d’écran • contenu numérisé de livres et autres publications électroniques • abonnement à des journaux et à des périodiques en ligne • blogs et statistiques de fréquentation de sites Internet • informations en ligne, informations routières et bulletins météorologiques en ligne • informations en ligne générées automatiquement par un logiciel, au départ de données saisies par le client, telles que des données juridiques ou financières (notamment, cours des marchés boursiers en temps réel) •fourniture d’espaces publicitaires, en ce compris de bannières sur un site ou une page Internet • utilisation de moteurs de recherche et d’annuaires Internet • consultation ou téléchargement de musique sur les ordinateurs et les téléphones mobiles • consultation ou téléchargement de sonals, d’extraits, de sonneries ou d’autres sons • consultation ou téléchargement de films •téléchargement de jeux sur les ordinateurs et les téléphones mobiles • accès à des jeux automatisés en ligne qui sont dépendants de l’Internet ou de réseaux électroniques analogues et où les différents joueurs sont géographiquement distants les uns des autres • enseignement à distance automatisé dont le fonctionnement dépend de l’Internet ou d’un réseau électronique analogue et dont la fourniture exige une intervention humaine limitée, voire nulle, y compris les classes virtuelles, sauf lorsque l’Internet ou un réseau électronique analogue est utilisé comme simple moyen de communication entre l’enseignant et l’étudiant •cahiers d’exercices complétés en ligne par les élèves, avec notation automatique ne nécessitant aucune intervention humaine. @

Le Numérique placé auprès du Premier ministre

En fait. Le 17 mai, Mounir Mahjoubi a été nommé – auprès du Premier ministre Edouard Philippe – secrétaire d’État chargé du Numérique. Le 18 mai, s’est déroulée la passation des pouvoirs de Christophe Sirugue, lequel avait succédé le 27 février à Axelle Lemaire – successeure en 2014 de Fleur Pellerin.

En clair. Le quinquennat de François Hollande aura connu trois secrétaires d’Etat chargé du numérique. Celui de Emmanuel Macron commence avec Mounir Mahjoubi
à ce poste. Mais si ce dernier échoue aux législatives, où il est investi en tant que candidat dans le 19e arrondissement de Paris pour les élections législatives sous l’étiquette « La République en marche », il a déjà prévenu : « Je partirais » (conformément aux directives du nouveau chef de l’Etat). Contrairement à ses prédécesseurs, le secrétaire d’Etat chargé du numérique n’est pas rattaché au ministère de l’Economie mais relève des services du Premier ministre.
C’est-à-dire que Mounir Mahjoubi, qui fut nommé en février 2016 président du Conseil national du numérique (CNNum) par le précédent président de la République, avant de
rejoindre Emmanuel Macron dont il a été responsable de la campagne numérique
d’« En Marche » (1), va être au plus près de ce dernier. Or comme celui qui est devenu le huitième président de la Ve République, depuis son investiture le 14 mai 2017, a été auparavant ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique (août 2014-août 2016), les enjeux numériques de la France ont des chances d’être traités au plus haut niveau de l’Etat. C’est sans précédent (lire les promesses « numériques » d’Emmanuel Macron dans EM@167). Ce Franco-Marocain de 33 ans est le benjamin du gouvernement Philippe. Parmi ses toutes premières déclarations en tant que secrétaire d’Etat en charge du Numérique, Mounir Mahjoubi s’est exprimé lors de sa visite le 18 mai dernier dans les locaux de BPIfrance pour évoquer la promesse de Emmanuel Macron de taxer le chiffre d’affaires des acteurs du Net réalisé en Europe : « C’est créer plus d’égalité ; être capable de faire que ces grandes plateformes de l’Internet internationales payent en Europe un impôt juste et équilibré, qui les mettent au même équilibre que les autres. Maintenant, nous sommes au gouvernement. Donc il nous appartient de dire quelle forme elle doit prendre. Les peuples d’Europe sont prêts parce qu’ils en ont marre de voir des entreprises qui ne travaillent pas dans les mêmes conditions fiscales et les mêmes conditions économiques que les acteurs locaux. C’est une vision qu’on doit nécessairement avoir au niveau européen, et la France doit être un leader sur ce sujet-là » (2). @