Piratage sur Internet : pourquoi Mireille Imbert-Quaretta dissuade de recourir aux amendes administratives

Présidente depuis six ans de la Commission de protection des droits (CPD), bras armé de l’Hadopi avec la réponse graduée, Mireille Imbert-Quaretta achève son mandat le 23 décembre. Cette conseillère d’Etat, qui dément la rumeur la faisant briguer la présidence de l’Hadopi, ne veut pas d’amendes sans juge.

Par Charles de Laubier

MIQCe sont des propos de Nicolas Seydoux, révélés par Edition Multimédi@ début novembre, qui ont relancés le débat sur l’amende forfaitaire automatique pour lutter contre piratage sur Internet. « Il n’y a qu’une seule solution : c’est l’amende automatique. Donc, on va essayer de passer un amendement au Sénat sur la nouvelle loi parlant de propriété littéraire et artistique [projet de loi « Liberté de création, architecture et patrimoine » qui sera débattu
en janvier 2016 au plus tôt, ndlr]. Je ne suis pas sûr que le Sénat votera cet amendement, mais ce dont je suis sûr, c’est que l’on prendra date sur ce sujet », avait confié le président de Gaumont (1) et président de l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa).
Son entourage nous a indiqué, début décembre, qu’il était encore trop tôt pour faire état de cet amendement. Infliger des amendes administratives automatiques aux pirates du Net est une vieille idée, apparue bien avant l’Hadopi et poussée par les ayants droits
de la musique (dont le Snep (2)) et du cinéma (dont l’ARP (3)), puis portée dès son élection présidentielle en 2007 par Nicolas Sarkozy. Ce dernier rêvait de transposer
sur Internet sa politique de sécurité routière qu’il avait basée – lorsqu’il fut auparavant ministre de l’Intérieur – sur le déploiement national de radars automatiques, d’ailleurs sans aucun débat parlementaire (4)…

Hadopi : le cinéma français a eu raison d’Eric Walter

En fait. Le 29 août, Eric Walter – qui s’est fait licencié le 1er août de l’Hadopi, après en avoir été secrétaire général depuis mars 2010 – s’est exprimé pour la première fois (sur le site web de BFM TV) mais pas sur son éviction. Cependant,
il évoque brièvement « la polémique avec le milieu du cinéma ».

En clair. « Le seul lien avec la Hadopi [par rapport à son projet de site web créé en mémoire de l’Orchestre symphonique européen, ndlr] est la polémique avec le milieu
du cinéma. C’est ce qui a fait émerger cette histoire. Après ces controverses, j’ai compris que les représentants de ce secteur avaient l’impression que je m’exprimais
en défaveur de la création. Je me suis alors demandé si je n’avais pas fait un syndrome de Stockholm (1) en basculant dans le camp des internautes ou si j’avais toujours cette fibre passionnelle avec le monde artistique. C’est ce qui m’a amené à remonter dans
le temps pour voir d’où j’étais parti. Je me suis rendu compte que ce n’était pas un syndrome de Stockholm mais bien la fibre créatrice qui m’anime », a expliqué Eric Walter, à BFM Business. L’ex-secrétaire général de l’Hadopi a ainsi fait référence – pour la première fois depuis son éviction – à ses relations houleuses avec le cinéma français. Le sort de ce haut fonctionnaire n’a-t-il pas été scellé à partir de la présentation à ses collègues – dès 2012 – de son projet de « rémunération proportionnelle du partage des œuvres sur Internet » ? L’année suivante, en juin 2013, l’Hadopi a engagé l’analyse d’un tel système qui n’a pas manqué de rappeler aux ayants droits du cinéma français leurs mauvais souvenirs de la « licence globale » (accès aux œuvres contre une rémunération forfaitaire prélevée par les FAI) qui n’a jamais vu le jour.

Livre numérique : les auteurs s’inquiètent du piratage et de leur rémunération

Alors que le marché du livre numérique peine à décoller en France, les auteurs doutent de la capacité de l’industrie de l’édition à lutter contre le piratage sur Internet. En outre, ils se prennent à espérer une meilleure rémunération avec le nouveau contrat d’édition tenant compte du numérique.

Ils sont désormais plus de 400 auteurs à avoir signé la pétition contre le piratage lancée il y a un peu plus d’un mois. « Le temps où le monde du livre se pensait à l’abri du piratage est révolu. Nous sommes très nombreux à nous être aperçus que plusieurs
de nos ouvrages étaient mis à disposition sur de sites de téléchargement gratuits », s’inquiètent-ils. Après la musique et le cinéma, c’est au tour du livre de tirer la sonnette d’alarme sur ce qui pourrait devenir un fléau pour l’industrie de l’édition.

Frédéric Delacroix, délégué général de l’Alpa : « Le piratage reste à un niveau très important »

L’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa), qui a 30 ans cette année, participe depuis 5 ans maintenant à la réponse graduée sur les réseaux peer-to-peer. Son délégué général estime que les chartes « anti-piratage » concernant tous les réseaux sont des mesures complémentaires à l’action
de l’Hadopi.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Frédéric Delacroix

Lutte contre le piratage sur Internet : après les mesures nationales, vers une harmonisation européenne ?

Bien que la réponse graduée – dont la France fut pionnière – inspire d’autres pays, son effet reste cantonné aux internautes. Pour la compléter, d’autres mesures de lutte contre le piratage et d’autorégulation sont mises en œuvres.
Il reste à harmoniser au niveau européen.

Par Winston Maxwell, avocat associé, Hogan Lovells

En matière de lutte contre le téléchargement illicite, la France est précurseur dans la mise en place d’un système de réponse graduée. Même si l’idée de couper l’accès à l’Internet semble rétrospectivement inappropriée, l’envoi de messages de sensibilisation aux internautes, suivi d’une menace d’amende, semble avoir une influence bénéfique sur le comportement des internautes.