Musique : volontés politiques et prochain quinquennat

En fait. Le 11 avril, une vingtaine d’organisations de la filière musicale ont mis en sourdine leurs divergences le temps d’un débat sans précédent avec quatre représentants de candidats à la présidentielle (François Hollande, Nicolas Sarkozy, Jean-Luc Mélenchon et Eva Joly). Internet était omniprésent.

Lutte contre le piratage : la Cour de justice de l’Union européenne devra dire si l’ACTA est illégal

Initiative des pays développés considérant insuffisants les minima imposés par l’accord de l’OMC sur les droits de propriété intellectuelle (ADPIC), l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) inquiète jusqu’à la Commission européenne.
A la justice d’arbitrer entre pour et contre.

La fibre pourrait accélérer le « contournement » des opérateurs télécoms, dissuadés d’investir

Les régulateurs (CSA, Arcep, Hadopi,) et le gouvernement (DGMIC, DGCIS, CNC) voudraient décourager les opérateurs télécoms d’investir massivement dans la fibre optique qu’ils ne s’y prendraient pas autrement : une étude sur le très haut débit semble les en dissuader !

« Les opérateurs pourraient en être réduits à de simples transporteurs de contenus, contournés (ou « désintermédiés ») par les services en accès direct (ou services ‘’over-the-top’’). Cette menace peut freiner les opérateurs dans leurs déploiements des réseaux très haut débit », met en garde l’étude de Analysys Mason, commanditée par l’Arcep (1), le CSA (2), l’Hadopi (3), le CNC (4), la DGMIC (5) et la DGCIS (6), lesquels ont « décidé de rendre public l’essentiel ».

21 Mds €: cela en vaut-il la chandelle ?
Or selon nos constatations, le libellé initial de l’étude tel que paru à l’époque au BOAMP (7), en octobre 2010, était : « les nouveaux usages et services sur les réseaux très haut débit et leur impact sur le modèle économique de la fibre » (8). Bien que reformulé
« étude sur le très haut débit : nouveaux services, nouveaux usages et leur effet sur la chaîne de la valeur », le déploiement de la fibre optique à domicile – qui a été chiffré par l’Arcep à 21 milliards d’ici à 2025 pour couvrir 100 % des foyers français, selon la décision de Nicolas Sarkozy (9) – est bien au coeur de cette étude finalisée en 2011.
« Au vu des forts investissements nécessaires pour le passage au très haut débit, le financement des réseaux par les opérateurs semble complexe dans un contexte d’évolutions significatives de la chaîne de valeur », souligne-t-on encore. D’autant que les nouveaux éditeurs de services audiovisuels et les fournisseurs de contenus Web sont, est-il rappelé, « globalement réticents à être impliqués dans le financement des réseaux, y compris très haut débit ». Les opérateurs de réseaux sont ainsi, avec les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), les premiers à être directement « menacés » par des acteurs comme Google/YouTube, Yahoo, Apple/iTunes, Microsoft, Sony, Samsung, Netflix et bien d’autres nouveaux entrants dans la chaîne de valeur de la convergence – chez les acteurs du Web comme du côté des fabricants de terminaux/téléviseurs connectés (10).
« Le développement des modèles de services en accès direct et l’arrivée massive des téléviseurs connectables dans les foyers, créent une menace sur le revenu additionnel que les opérateurs pourraient générer avec le très haut débit », prévient l’étude du groupement de commande publique. Sans oublier la Xbox 360 (Microsoft), la PlayStation 3 (Sony) ou la Wii (Nintendo), qui sont aussi connectables dans le salon ! Au peu d’entrain des opérateurs à investir dans le FTTH (voir encadré) s’ajoute l’hésitation des foyers à s’abonner au FTTH : au 31 décembre 2011, seuls 200.000 foyers ont souscrit un abonnement à la fibre malgré une hausse de 70 % sur un an (voir indicateur p. 11), les 465.000 autres abonnés au très haut débit le sont par Numericable au câble coaxial limité. Surtout que la France dispose d’un réseau ADSL de bonne qualité et utilisé par 95 % des abonnés haut débit, près de 60 % d’entre eux recevant la télévision sur cette paire de cuivre (IPTV).
Et, en plus, comme le relève l’étude CSA-Arcep-Hadopi- DGMIC-DGCIS-CNC, « les offres très haut débit (…) n’amènent pas de services supplémentaires par rapport au haut débit. (…) Il ne semble pas qu’il existe pour l’instant d’apport fonctionnel du très haut débit au niveau des offres. (…) Il est donc possible pour un abonné [haut débit]
de disposer de la même gamme de services ». Résultat : « Au vu du nombre limité de services spécifiques au très haut débit, pour lesquels les utilisateurs sont actuellement prêts à payer, il est difficile d’estimer précisément les revenus incrémentaux du très haut débit permettant d’assurer le financement [de ces] réseaux ». Pire :
« L’accroissement des revenus complémentaires sur les services audiovisuels semble menacé par le risque de désintermédiation des FAI au profit des fournisseurs de services ‘’over-the-top’’ (risque plus fort encore en FTTH qu’en haut débit) ». La fibre optique n’apporte donc pas grand-chose de plus que le fil de cuivre ! L’étude rappelle en outre le reproche que font régulièrement Orange, SFR, Free ou Bouygues Telecom : « La réglementation en vigueur cherchant à éviter les monopoles locaux ne permet pas aux opérateurs qui déploient le très haut débit de profiter d’une prime au premier entrant, car il existe une obligation de donner accès au réseau terminal FTTH à ses concurrents ». @

Charles de Laubier

Présidentielle : ce que François Hollande promet sur l’économie numérique et Internet

Depuis que Nicolas Sarkozy s’est déclaré, le 15 février dernier, candidat à la présidentielle de 2012, le duel entre les deux favoris bat son plein. A deux mois
des deux tours de cette élection quinquennale, Edition Multimédi@ fait le point
sur les positions de François Hollande sur l’économie numérique.

Dernière prise de position en date pour le premier challenger
de l’actuel président de la République : un appel au « refus de la ratification par le Parlement européen » de l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) (1), lequel est contesté en Europe malgré la signature de plusieurs pays intervenue le 26 janvier (2). Par les voix de Fleur Pellerin (3), sa chargée de l’économie numérique, et de la députée socialiste Aurélie Filippetti, en charge de la culture, de l’audiovisuel et des médias, François Hollande a en effet dénoncé clairement ce texte international sur lequel le Parlement européen doit se prononcer d’ici juin prochain. « Originellement destiné à combattre la contrefaçon commerciale, ce texte a été progressivement détourné de son objectif, dans la plus grande discrétion et en dehors de tout processus démocratique », ont expliqué le 10 février dernier ses deux porte-parole sur le site web du candidat socialiste à l’élection présidentielle, lequel se dit « scandalisé par le manque de transparence qui caractérise les négociations, auxquelles les sociétés civiles n’ont nullement été associées ». Quant à la Commission européenne, elle a annoncé le 22 février son intention de saisir la Cour de justice de l’Union européenne.

ACTA, non. Lutte anti-contrefaçon, oui
L’ACTA vise notamment à promouvoir la coopération entre fournisseurs de services (réseau Internet et contenus Web) et détenteurs de droits (culturels et audiovisuels),
afin de lutter conte le piratage d’œuvres culturelles sur Internet, quitte à instaurer des procédures pénales et des peines, voire une responsabilité pénale au titre de la complicité des intermédiaires du Net. François Hollande a pris rapidement position contre la manière dont le projet de traité international a été négocié. Alors que son adversaire Nicolas Sarkozy n’a encore dit mot (4), ce qui est plutôt fâcheux lorsqu’on est justement le chef de l’Etat qui est l’un des signataires de cet accord anti-contrefaçon. Cependant, François Hollande n’est pas forcément hostile aux objectifs poursuivis. « Cette réflexion doit être ouverte, démocratique et prendre en compte le principe de neutralité du Net auquel nous sommes attachés », expliquent Fleur Pellerin et Aurélie Filippetti. Le 45e des 60 engagements de son projet présidentiel présenté le 26 janvier est clair : « La lutte contre la contrefaçon commerciale sera accrue en amont, pour faire respecter le droit d’auteur et développer les offres en ligne ».

Loi Hadopi remplacée, et l’autorité ?
Il vient d’ailleurs de répondre à la SACD (5), dans un courrier daté du 13 février :
« De la gestion collective des droits au renforcement de la lutte contre la contrefaçon commerciale, en passant par l’adaptation de la chronologie des médias et de la rémunération pour copie privée à l’arrivée de nouveaux acteurs industriels, je souhaite que nous menions un grand chantier (…) ». François Hollande veut en outre abroger
la réponse graduée, comme il l’a expliqué lors de son meeting au Bourget le 22 janvier :
« Quant à la loi Hadopi, inapplicable, elle sera remplacée (…) par une grande loi signant l’acte 2 de l’exception culturelle, qui défendra à la fois les droits des créateurs (…) et un accès aux oeuvres par Internet », avait lancé François Hollande. En ajoutant : « Nous ne devons pas opposer les créateurs et leurs publics [qui] sont dans le même mouvement pour l’émancipation, pour la découverte, pour la qualité, pour l’exception culturelle française ». Le remplacement de la loi Hadopi se retrouve ainsi consigné dans le 45e de ses 60 engagements. Il veut en tout cas « dépénaliser le téléchargement » (6), alors que l’Hadopi a annoncé le 13 février dernier avoir transmis les tout premiers dossiers d’internautes pirates récidivistes (présumés) à la justice.
« Cette ‘’culture à domicile’’ ne doit pas être considérée comme une menace. (…) La loi Hadopi a voulu pénaliser des pratiques », a-t-il fustigé le 19 janvier à Nantes. Après un malentendu avec la société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs (ARP) en octobre dernier au sujet de la loi Hadopi (7), François Hollande est désormais déterminé à l’abroger.
Si le favori des sondages était finalement élu le 6 mai 2012, les jours de l’autorité administrative indépendante Hadopi seront alors comptés. Sera-t-elle dissoute ? Serait-elle fusionnée avec l’Arcep ? Sera-t-elle absorbée par la Cnil ? Didier Mathus y est en quelque sorte son cheval de Troie. Le député de Saône-et-Loire a en effet été nommé
en janvier dernier par le président du Sénat – le socialiste Jean-Pierre Bel – membre
de l’autorité Hadopi. « Ayant été l’un des principaux adversaires au Parlement des lois Internet, DADVSI (8) et Hadopi fondées sur une vision purement répressive, (…) il est évident que ce sont les mêmes positions que je défendrai au sein du collège de la Hadopi », a promis Didier Mathus. Au côté de François Hollande, le député socialiste est en charge des « enjeux numérique de la culture », au sein de l’équipe Culture, audiovisuel, média d’Aurélie Filippetti. Didier Mathus peaufine en outre pour François Hollande une réforme de la fiscalité des fournisseurs d’accès à Internet (FAI), qui se traduirait par des taxes numériques prélevées auprès des acteurs du Web et des fabricants de terminaux (lire à ce propos p. 7), afin de financer la création et les ayants droit. Dans son engagement 45, François Hollande se veut le plus explicite possible :
« Les auteurs seront rémunérés en fonction du nombre d’accès à leurs oeuvres grâce
à un financement reposant [à la fois sur les usagers et sur tous (9)] sur les acteurs économiques qui profitent de la circulation numérique des œuvres ». En décembre dernier, Aurélie Filippetti avait parlé d’une contribution des étudiants de 2 euros prélevés sur les droits d’inscription universitaires pour leur donner le droit de télécharger films et musiques. Une sorte de « licence globale » à laquelle est favorable Martine Aubry, moins François Hollande. Celui qui pourrait être chef de l’Etat en mai est partisan de la gestion collective (obligatoire) des droits d’auteurs, que la mission Hoog n’avait pas réussi à en place en 2010. « Ma proposition repose sur deux idées, deux principes : développer l’offre culturelle légale sur Internet en simplifiant la gestion des droits et imposer à tous les acteurs de l’économie numérique une contribution au financement de la création artistique », a-t-il promis le 19 janvier et dans son livre (10). Toujours à Nantes, soit dix jours avant que Frédéric Mitterrand n’inaugure le 28 janvier au Midem le CNM (11), il déclare : « Je reprendrai le chantier du Centre national de la musique, pour en faire un outil au service de la diversité culturelle et de l’ensemble du spectacle vivant, et pas seulement de la musique enregistrée ». Plus largement, « le candidat du siècle qui vient » – dixit, lors de son discours du 15 février à Rouen – veut au cours des 5 à 10 ans « mettre le numérique, Internet, les réseaux de communication au service de notre vie courante, mais aussi de nos entreprises et de nos emplois ».

Très haut débit partout d’ici à dix ans
C’est justement le 4e de ses 60 engagements : « Je soutiendrai le développement
des nouvelles technologies et de l’économie numérique, levier essentiel d’une nouvelle croissance, et j’organiserai avec les collectivités locales et l’industrie la couverture intégrale de la France en très haut débit d’ici à dix ans ». Edition Multimédi@ constate qu’une coquille s’est glissée dans le discours du 26 janvier : l’objectif de couvrir l’ensemble du territoire en très haut débit a été ramené à… deux ans ! @

Charles de Laubier

Le traité ACTA en Europe : entre vote et justice

En fait. Le 26 janvier, l’Union européenne et 22 de ses Etats membres – France comprise – ont officiellement signé au Japon l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA). Et ce, malgré l’opposition à ce traité international controversé qui devra maintenant être ratifié – ou rejeté – par les eurodéputés.
A moins que…