Chronologie des médias : immobilisme et critiques

En fait. Le 13 juillet, le Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN) en a appelé au gouvernement pour soutenir le marché français du DVD, du Blu-Ray et de la VOD. Il souhaite en outre des « expérimentations » sur la chronologie des médias « visant à la réduction progressive du délai de sortie en vidéo ».

En clair. « Ces expérimentations doivent conduire à la mise en place de dérogations, encadrées mais réellement applicables par les éditeurs, pour des sorties vidéo avant quatre mois », explique Jean Yves Mirski, délégué général du SEVN. Cet appel à des
« expérimentations contractuelles » intervient au lendemain de la réunion interprofessionnelle sur la chronologie des médias qui s’est tenue au CNC (1) le 11 juillet. Les différents intervenants ont finalement décidé qu’il était urgent d’attendre… que soit nommée à partir du 1er septembre la mission élargie confiée à Pierre Lescure. C’est du moins la date fixée par la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, lors de son audition par la commission des Affaires culturelle de l’Assemblée nationale le 11 juillet, avec un objectif précisé en Conseil des ministres
du 18 juillet d’avoir en mars 2013 des propositions. Cette mission ne se limitera pas
à la question de l’après-Hadopi, mais cherchera à faire émerger de nouveaux modèles de financement de la culture à l’ère numérique. La chronologie des médias, qui n’a pas bougé depuis l’accord de juillet 2009, pourrait ainsi sortir de son « immobilisme » d’ici
la fin de l’année. C’est du moins ce qu’espèrent la Société civile des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs (ARP) et la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), non signataires de l’accord, qui veulent des aménagements tels que : ramener la fenêtre de diffusion de la vidéo à la demande par abonnement (SVOD) de 36 à 24 mois, et ne pas attendre 4 mois après la sortie en salle pour proposer en VOD à l’acte des films d’art et d’essai non financés par les chaînes (2). Mais le Bureau de liaison des organisations du cinéma (Bloc) – soit une quinzaine d’organisations du cinéma et majoritairement des producteurs (APC, SPI, SRF, …) – s’y oppose. Pourtant, les critiques se multiplient sur le manque de souplesse des « fenêtres » de financement
du cinéma français. Le président de l’Autorité de la concurrence, Bruno Lasserre, a déclaré le 9 juillet que « deux choses freinent les acteurs américains en France : la langue et la chronologie des médias. (…) Ni Netflix, ni Google, ni Apple ne peuvent dans l’état actuel de la législation française proposer des films récents en VOD ». Quant à la Commission européenne, elle veut la réformer pour l’adapter au « marché unique du numérique ». @

Jacques Toubon souhaite continuer sa mission eTVA

En fait. Le 25 juin, en marge de la remise des insignes d’Officier de l’ordre national du mérite à Eric Walter (secrétaire général de l’Hadopi), Jacques Toubon a indiqué à Edition Multimédi@ qu’il est prêt à poursuivre sa mission sur la modernisation de la fiscalité culturelle « si François Hollande le souhaitait ».

En clair. Nommé le 9 décembre 2011 par Nicolas Sarkozy, alors président de la République, Jacques Toubon nous a indiqué qu’il serait prêt à poursuivre sa mission sur
« les défis de la révolution numérique aux règles fiscales européennes » si le nouveau chef de l’Etat François Hollande le souhaitait. « Je suis partant pour continuer en vue de convaincre l’Europe d’adopter un taux réduit de TVA aux biens culturels, quel que soit le support, et d’aboutir ainsi à une harmonisation en matière de fiscalité numérique », a-t-il confié à Edition Multimédi@. « Il est urgent de le faire si l’on ne veut pas que les géants d’Internet continuent à être avantagés fiscalement, et sans attendre l’échéance de 2015- 2019 pour la mise en place du principe du pays de consommation », a-t-il ajouté.
La ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, va justement rencontrer le 9 juillet le commissaire européen Taxe et Anti-fraude, pour faire avancer la fiscalité numérique (1) et répondre à la lettre de mise en demeure de Bruxelles à propos du taux réduit de TVA (7 %) pour les livres numériques appliqué par la France depuis le 1er janvier 2012. Le Luxembourg est lui aussi dans le collimateur avec son taux super réduit de 3%! Mais il n’en va pas de même pour la musique, la vidéo et les services en ligne, y compris la presse en ligne, qui sont soumis au taux normal de 19,6 %. Malgré l’alternance présidentielle, Jacques Toubou espère pouvoir continuer sa mission. « C’est ce que David Kessler [conseiller Culture et Médias du président de la République, ndlr]
est en train de suggérer à François Hollande », nous a précisé Jacques Toubon.
Ancien ministre de la Culture (1993-1995), puis de la Justice (1995-1997), ex-eurodéputé (2004-2009), actuellement membre du collège de l’Hadopi et coauteur du rapport
« Création & Internet » remis il y a deux ans et demi maintenant à Nicolas Sarkozy, Jacques Toubon espère convaincre aussi le Conseil de l’Union européenne passé le
1er juillet, et pour six mois, sous la présidence de Chypre. « Nous avons le soutien de Neelie Kroes [commissaire européenne en charge de l’Agenda numérique, ndlr]», s’est félicité Jacques Toubon. Mais un obstacle de taille demeure : l’obtention de l’unanimité
des Vingt-sept pour adopter un taux réduit sur les biens et services culturels. @

Presse multi supports et droits des journalistes

En fait. Le 14 juin était l’échéance à laquelle les éditeurs de presse devaient avoir signé un accord sur les droits d’auteurs avec leurs journalistes. La loi Hadopi du
12 juin 2009 leur donnait trois ans, afin de pouvoir diffuser les articles sur tous
les supports sans rémunération supplémentaire des journalistes.

En clair. La loi Hadopi (dite « Création et Internet »), promulguée il y a trois ans,
a accordé aux éditeurs de journaux la possibilité de ne pas avoir à demander d’autorisation à leurs journalistes, ni à leur verser de rémunération supplémentaire lorsque les articles sont exploités sur de multiples supports – papier et numérique – dans le cadre du « titre de presse » (1) ou d’une « famille cohérente de presse ».
Et ce, pour une durée déterminée dite « période de référence » (le plus souvent 24
ou 48 heures, voire 7 jours). Les Echos, ouvrant le ban le 14 décembre 2009 (voir EM@20, p. 4), Le Figaro, La Dépêche du Midi et Paris Turf sont les premiers quotidiens à avoir signé des accords de droits d’auteurs « Hadopi compatibles ».
Ainsi, à condition d’avoir conclu un accord collectif dans l’entreprise de presse (avec les organisations syndicales) et de l’avoir fait signer à chaque journaliste (sous la forme d’un avenant au contrat de travail), l’éditeur peut exploiter les articles non seulement sur le journal imprimé mais aussi sur toutes les déclinaisons numériques et sur tous les terminaux (web, mobile, tablette, version numérique de type PDF ou appli mobile, etc),
y compris sur des sites tiers comme Google ou Yahoo (2), mais pas la diffusion audiovisuelle.
Au moment où les rédaction web-papier ou « bi médias » se mettent en place, ce régime dérogatoire donne l’avantage aux éditeurs. Au détriment des journalistes ?
A défaut de percevoir à chaque fois une rémunération supplémentaire avec leur autorisation express, comme c’est le cas sous le régime de droit commun de l’oeuvre collective, les journalistes ne perçoivent qu’une somme forfaitaire à l’année au-delà de la période de référence – sous forme de salaire ou en droit d’auteur (150 à 450 euros par an et par journaliste). Après le 14 juin, les entreprises de presse qui n’auront pas conclu d’accord collectif verront leurs accords antérieurs à la promulgation de la loi Hadopi devenir caducs. Et c’est le droit commun, plus avantageux pour les journalistes, qui s’appliquera. Pour les différends, une Commission (paritaire) des droits d’auteur des journalistes (CDAJ) a été installée en octobre 2011 au sein de la DGMIC (3). La Dépêche du Midi a été le premier journal à la saisir – sans résultat – sur la définition de « famille cohérente de presse ». @

Remise en cause par le gouvernement et critiquée en interne pour sa communication, l’Hadopi résiste

Selon nos informations, l’Hadopi écarte toute démission de sa présidente malgré les rumeurs et les pressions. Elle a demandé un entretien avec la ministre Aurélie Filippetti. Quant à sa réunion du 23 mai, elle fut « houleuse ». Grief invoqué : l’Hadopi s’est trop exprimée sur ses premiers résultats.

Marie-Françoise Marais, la présidente de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) vat- elle démissionner ? Même s’il n’en a pas été question lors de la réunion « plénière » (1) de l’Hadopi, qui s’est tenue le 23 mai en présence des membres du collège et de ceux de la commission de protection des droits (CPD), cette éventualité est évoquée en interne. « La question de sa démission n’est pas à l’ordre du jour mais elle se pose avec le nouveau gouvernement », explique un de ses membres sous le secret des sources, tout en nous indiquant que « la réunion a été houleuse ». Contactée par Edition Multimédi@, l’Hadopi nous répond : « La question de sa démission ne se pose pas, contrairement à ce que laisseraient entendre des rumeurs ». Pourtant, le gouvernement pousserait vers la sortie Marie-Françoise Marais qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Le 21 mai, la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, et le 20 mai, la ministre déléguée (2) en charge de l’Economie numérique, Fleur Pellerin, annonçaient en effet « la révision de l’Hadopi » après une phase de « concertation de moins de six mois » qui démarrera « avant l’été ». Cette concertation sera pilotée par Pierre Lescure (3), pas par l’Hadopi elle-même. Autrement dit, ses jours sont bien comptés.

Fair use et numérique : la Commission européenne prépare les esprits à plus de tolérance

La commissaire européenne en charge du numérique, Neelie Kroes, s’est
exprimée – le 2 mai sur son blog – en faveur de la consultation de la Hadopi sur
les « exceptions au droit d’auteur et aux droits voisins ». En toile de fond : l’idée
– encore taboue – d’un fair use en Europe.

« Une évolution vers une approche ouverte des exceptions (fair use), sur le modèle
des Etats-Unis, vous semble-t-elle souhaitable, ou pensez-vous que le maintien de l’approche française et communautaire (liste limitative d’exceptions) demeure préférable ? Pourquoi ? ».