Première industrie culturelle mondiale, le jeu vidéo traverse sa plus grave crise d’hyper-croissance

Après une année 2023 qui a enregistré 184 milliards de dollars de chiffre d’affaires, le marché mondial du jeu vidéo est à la pleine en termes de croissance. La première industrie culturelle souffre d’avoir grandi trop vite et retourne à la réalité « post-pandémie ». Autre défi : sa dématérialisation.

Après l’euphorique vidéoludique des années pandémiques, l’industrie mondiale du jeu vidéo a du mal à se remettre de la correction qui s’en est suivie. Certes, il y a eu une très légère croissance en 2023 : + 0,6 %, à 184 milliards de dollars de chiffre d’affaires global, selon le cabinet d’étude Newzoo. Mais elle constitue un redressement significatif par rapport au net recul constaté l’année précédente : – 5,1 %, à 182,9 milliards de dollars, par rapport aux 192,7 milliards de dollars de l’année pandémique 2021. Si les revenus sont à la peine, le nombre de joueurs en ligne, lui, ne cesse de progresser pour dépasser en 2023 les 3,3 milliards sur toute la planète (voir graphiques ci-dessous).

Vagues de licenciements continues
Les prévisions restent assez optimistes, peut-être trop : « L’industrie continue de se stabiliser après certaines turbulences causées par la pandémie. Les deux prochaines années semblent relativement brillantes pour le marché mondial des jeux. Les revenus devraient atteindre 205,4 milliards de dollars en 2026, en affichant une croissance annuelle mondiale du marché de + 1,3 % », a indiqué Tom Wijman (photo de gauche), analyste en chef des jeux vidéo chez Newzoo (1). En attendant, le marché mondial du jeu vidéo n’est pas vraiment à la fête : les suppressions d’emplois dans les studios de développement se succèdent à un rythme soutenu, comme le relève Game Industry Layoffs. Ainsi, rien que sur l’année 2023 (2), l’industrie du 10e Art a détruit quelque 10.500 postes (voir graphique page suivante), contre 8.500 l’année précédente (3). Les premiers services impactés sont les équipes online (27 %), les éditeurs (19 %), les consoles (17 %), le mobile (14 %), la technique (14 %), les indépendants (5 %) et l’AR/VR (4 %). Le « Top 5 » des maisons mères les plus impactées par ces compressions d’effectifs dans les studios du monde entier sont Unify, ByteDance, Embracer, Epic Games et Amazon Games (également touchée la plateforme Twitch appartenant au géant du e-commerce). Le géant français Ubisoft n’échappe pas à cette saignée avec, selon les calculs de Edition Multimédi@, 255 emplois en moins l’an dernier. Tandis que son compatriote Gameloft, filiale de Vivendi, s’est délestée de 100 personnes sur la même période. Mais le pire semble à venir puisqu’à mai 2024 et depuis le début de l’année, ce sont déjà 9.400 postes qui sont détruits (4). Quant à Microsoft, qui a déjà supprimé 1.900 emplois et principalement chez Activision Blizzard, il vient de fermer quatre studios Bethesda (5). Les vagues de licenciements sont autant de game over.

La plateforme Twitch de live gaming et de VOD, filiale d’Amazon, fête ses 10 ans diversifiée et médiatique

La firme fondée par Jeff Bezos parle peu ou pas – dans ses rapports annuels – de sa filiale Twitch, rachetée en août 2014 pour près de 1 milliard de dollars. Pourtant, avec plus de 100 millions d’utilisateurs (gamers en tête), la plateforme de streaming vidéo – lancée il y a 10 ans – s’impose dans la galaxie Amazon.

Lancée officiellement en version bêta aux Etats- Unis le 6 juin 2011, la plateforme de live streaming Twitch, qui s’est imposée en une décennie dans la diffusion en direct ou à la demande de jeux vidéo et de compétitions d’e-sport, a su séduire à ce jour plus de 100 millions d’utilisateurs dans le monde – dont 2,5 millions connectés en permanence. Sont venus se greffer ces derniers temps des programmes de musique (sous forme de concerts, de spectacles en ligne ou de festivals), des contenus créatifs, des émissions de médias ou encore des défilés de mode.
Twitch fut un spin-off d’un bouquet de chaînes vidéo en ligne baptisé Justin.tv, cofondé cinq ans plus tôt par Emmett Shear (photo), mais fermé par la suite au profit de Twitch que ce dernier dirige encore aujourd’hui comme CEO (1) de Twitch Interactive (2). L’idée originelle de Justin.tv était de s’inspirer de la télé-réalité, notamment en diffusant en lifecasting chaque moment de la vie de l’autre cofondateur, Justin Kan. Mais très vite, la diffusion en continue de vidéos s’est imposée – à commencer par celle de jeux vidéo en streaming où les gamers diffusent, regardent et discutent pour partager leurs performances et leurs passions.

Le jeu vidéo voit son avenir en Cloud Gaming, de plus en plus mobile, au détriment des consoles

Cloud Gaming, Game streaming, jeu en streaming, jeu à la demande, … L’avenir du jeu vidéo est dans les nuages. A l’instar de Microsoft, d’Electronic Arts et d’Ubisoft, Activision Blizzard songe à une plateforme. Les éditeurs visent, au-delà des consoles de salon, tous les écrans, mobile et télé en tête.

C’est un propos passé presque inaperçu dans la torpeur de l’été dernier. Coddy Johnson (photo), le président et directeur général des opérations d’Activision Blizzard a expliqué le 2 août devant des analystes financiers et investisseurs que « sur le long terme nous pensons que le jeu vidéo basé sur le cloud et le streaming sera très positif pour l’industrie et en particulier pour nous ». Il s’est réjoui en affirmant que « cela devrait accélérer de façon ultime la croissance dans une industrie [du jeu vidéo] déjà en croissance ».