Après Netflix, Disney est désigné comme le nouvel épouvantail du cinéma et de l’audiovisuel français

La veille de l’ouverture du 72e Festival de Cannes, le président de la République
a reçu à l’Elysée les industries culturelles pour lesquelles est créé un fonds
« Bpifrance » de 225 millions d’euros. Emmanuel Macron les a surtout exhortés
à « s’organiser collectivement » face à Netflix mais aussi Disney.

Il n’y a pas que Netflix qui fait trembler « l’exception culturelle » chère au cinéma et à l’audiovisuel français, lesquels ne s’estiment plus protégés par la ligne Maginot réglementaire nationale devenue obsolète face ces acteurs globaux. The Walt Disney Compagny est aussi perçue comme une menace pour le 7e Art et le PAF (1) de l’Hexagone. Netflix et Disney ont été les deux épouvantails américains les plus évoqués lors du déjeuner culturel de l’Elysée le 13 mai dernier.

Kazuo Hirai va quitter Sony, dont il est président, au moment où la pression des GAFAN se fait plus intense

Et si Sony vendait son studio de cinéma à Apple ? C’est l’un des scénarios possibles, maintenant que la plateforme de SVOD Apple TV+ est annoncée pour l’automne. Encore faut-il que Kenichiro Yoshida, nouveau PDG depuis un an du géant japonais de l’électronique, soit vendeur… Pour l’heure, tous ses efforts se concentrent sur la future PS5.

Le président de Sony, le visionnaire Kazuo Hirai (photo), a passé il y a un an la direction exécutive du groupe à son directeur financier, Kenichiro Yoshida. « Kaz », comme on le surnomme, quittera définitivement en juin prochain la firme de Tokyo où il a passé 35 ans de sa vie. Ce départ, qui finalise la passation de pouvoirs à la tête du géant mondial japonais de l’électronique grand public, intervient au moment où son avenir devient un peu plus incertain malgré le redressement opéré ces dernières années. Kazuo Hirai laisse derrière lui un groupe en meilleur santé qu’il ne l’avait trouvé comme PDG. Les résultats de l’exercice 2018/2019, clos fin mars, ont été publiés le 26 avril dernier : le chiffre d’affaires global atteint 8.665,7 milliards de yens (69,3 milliards d’euros), en hausse sur un an de 1,4 %, et le résultat net en forte hausse affiche un nouveau record, à 916,2 milliards de yens (7,3 milliards d’euros). Kaz avait pris la tête de Sony il y a sept ans en succédant, le 1er avril 2012, à l’Américain Howard Stringer. Fort de son succès passé à la division Sony Computer Entertainment avec la console PlayStation et son écosystème de jeux en ligne, devenue la locomotive du groupe, le Japonais avait entrepris de généraliser aux autres activités la convergence entre terminaux et contenus via des services en ligne.

Comment l’Autorité de la concurrence dénonce une régulation audiovisuelle « profondément inadaptée »

La Cour des comptes, le CSA et le rapport « Bergé » ont déjà mis en évidence
les faiblesses du système français de régulation de l’audiovisuel. L’Autorité de
la concurrence va plus loin en en dénonçant la « complexité rare » et le caractère « très atypique », voire « non-équitable et inefficace ».

François Brunet*, avocat associé, et Winston Maxwell, avocat associé, cabinet Hogan Lovells

Audiovisuel : courroux après l’avis des « sages »

En fait. Le 4 mars, Pascal Rogard (SACD) a critiqué l’avis que l’Autorité
de la concurrence a rendu le 21 février sur « une nouvelle régulation de
la communication audiovisuelle à l’ère numérique ». Selon lui, et d’autres organisations, les sages ont fait l’impasse sur la « politique de soutien à
la création ».

En clair. L’Autorité de la concurrence a jeté un pavé dans la marre de l’audiovisuel
et du cinéma en préconisant de « desserrer les contraintes (1) pesant sur les [chaînes de télévision] pour leur permettre de rivaliser, à armes égales, avec les plateformes de vidéo en ligne (Amazon, Netflix) » (2). Les réactions d’organisations d’auteurs et de producteurs ne se sont pas faites attendre. « Si le dialogue avec les chaînes, les FAI (3), les plateformes numériques et quelques[-unes] des plus importantes maisons de production (…) semble avoir été très fourni et approfondi, les représentants des auteurs et aussi des producteurs indépendants n’ont, eux, pas eu la chance de pouvoir être auditionnés », déplore Pascal Rogard, directeur de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). Selon lui, cela aboutit à « d’un côté, un nivellement par le bas qui tend à ratiociner la régulation, de l’autre, une volonté de faire du numérique un espace de régulation et de concurrence loyale entre les acteurs du numériques et les groupes audiovisuels ». Et ce, au détriment d’une « politique de soutien à la création et à la diversité culturelle ». Le Bureau de liaison des organisations du cinéma (Bloc) a de son côté exprimé le 27 février « son profond désaccord avec l’avis » qui, selon lui, « recommande d’affaiblir la création française et européenne ».
Et de regretter : « A l’heure où la France et ses partenaires européens agissent pour faire contribuer les opérateurs internationaux [Netflix, Amazon Video et autres GAFAN, ndlr] au financement de la création française et européenne (4), cet avis propose de résorber les différences par un “moins-disant” culturel ». Membre du Bloc, l’Union
des producteurs de cinéma (UPC) s’est aussi « alarm[é]» de cet avis le 22 février :
« L’injonction à la dérégulation formulée par l’Autorité de la concurrence est dévastatrice » et « [s]es préconisations signent un abandon total du tissu d’entreprises et de créateurs », dénonce son délégué général, Frédéric Goldsmith. Le Syndicat
des producteurs indépendants (SPI), membre aussi du Bloc, fait part de sa
« consternation » et parle même d’« attaque sans précédent contre la diversité culturelle », voire de « réquisitoire à charge ». Quant à l’ARP (Auteurs-Réalisateurs-Producteurs), elle a exprimé le 25 février sa « stupéfaction » et estime que « l’Autorité de la concurrence se trompe gravement ». @

Sésame culturel : il faut que jeunesse se « Pass »

En fait. Le 9 février est paru au Journal Officiel l’arrêté daté du 5 février précisant les conditions d’ouverture d’un compte personnel numérique « Pass Culture » pour les jeunes de 18 ans, ainsi que les quelques communes concernées par cette « expérimentation (…) pour une durée de trois ans ».

En clair. Présenté comme une « révolution » par l’ancienne ministre de la Culture Françoise Nyssen, qui avait laborieusement préparé le terrain pour mettre en oeuvre cette promesse du candidat Emmanuel Macron au printemps 2017, le Pass Culture
est donc entré en phase expérimentale le 15 février et pour trois ans. Pour autant, le lancement de ce sésame culturel d’une valeur de 500 euros à l’attention des jeunes
de 18 ans ne se fait pas d’emblée au niveau national. Comme si le président de la République et le gouvernement n’étaient toujours pas convaincu du bien-fondé de
cette initiative politique, au moment où la France fête cette année 2019 les 60 ans
de la création – par André Malraux, le 3 février 1959 – du ministère de la Culture.
Seuls cinq départements (1) bénéficieront de cette première phase de test sur la base de jeunes se déclarant « volontaires ». Ils sont actuellement 13.000 dans ce cas. Il faudra attendre une deuxième vague prévue avant l’été – en mai-juin – pour que le Pass Culture soit étendu à d’autres départements et élargie cette fois à des non-volontaires. La loi de finances 2019 a budgété 34 millions d’euros pour cette année – soit l’équivalent de 68.000 jeunes… seulement. Mais à terme, si les trois ans d’essai sont concluants, les quelque 800.000 jeunes de 18 ans que compte la France seront concernés pour un crédit culturel total à consommer de 400 à 450 millions d’euros par an – en fonction du nombre de jeunes ayant leur majorité. « Le modèle économique du Pass Culture repose aussi sur la participation des partenaires de l’Etat [lequel n’entend pas financer l’opération avec l’argent du contribuable au-delà de 100 millions d’euros, ndlr] », avait assuré le ministre de la Culture, Franck Riester.
S’il convainc, le Pass Culture ne sera pas d’envergure nationale avant 2022, l’année
de la prochaine présidentielle… Indépendamment de sa généralisation à pas comptés, le Pass Culture favorise l’« exception culturelle » française en mettant à l’écart de ce dispositif les GAFAN tels que Netflix, Amazon ou encore Apple (2). En revanche, les autres plateformes européennes comme Spotify, Deezer, Canal Play, FilmoTV ou encore les jeux vidéo d’Ubisoft sont éligibles. La culture en ligne ou les livres sont
à consommer avec modération, plafonnés à 200 euros, ce qui n’est pas le cas pour certaines cultures « physiques » (3). @