Mark et Thierry dans le « bac à sable réglementaire »

En fait. Le 18 mai, le commissaire européen en charge du Marché intérieur, Thierry Breton, s’est entretenu en live streaming avec le PDG fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg. Ce débat en face à face était organisé par le « Centre on Regulation in Europe » (Cerre). Lobby ou think tank ?

En clair. C’est le « Centre on Regulation in Europe » (Cerre) qui a organisé le débat du 18 mai, en direct sur Internet, entre Mark Zuckerberg et Thierry Breton où la responsabilité des GAFAM et autres plateformes numériques a été évoquée en vue du Digital Services Act (DSA) attendu en fin d’année (1). Mais quel est le rôle de ce « Cerre » si ce n’est pas une espèce de chêne d’Europe (2) ? Basé à Bruxelles et dirigé depuis sa création il y a dix ans par le Belge Bruno Liebhaberg (ancien directeur de cabinet de Jacques Delors), ce centre est-il un lobby de plus pour influencer les décisions des institutions européennes (Commission, Parlement, Conseil) ?
Sur son compte Twitter, qui compte plus de 2.000fellowers, le Cerre se présente comme « un think tank indépendant européen » ayant vocation à « promouvoir une smart regulation dans les réseaux et les industries numériques » (3). Sur son compte LinkedIn, aux 800 abonnés, ce centre sur la réglementation en Europe s’affiche là aussi comme groupe de réflexion qui « promeut une réglementation robuste et cohérente dans les industries de réseaux ». Le Cerre se présente surtout comme un « bac à sable réglementaire » (4). Neutre ? Le Cerre est aussi financé par la Commission européenne et Bruno Liebhaberg est par ailleurs président de l’Observatory on the Online Platform Economy (5) créé il y a deux ans par cette dernière (DG Connect). Ses membres – une cinquantaine (6) – sont des régulateurs, des opérateurs, des gestionnaires d’infrastructures, des universités et des centres de recherche. Mais y sont prépondérants les opérateurs télécoms (Orange, Deutsche Telekom, Telefonica, Vodafone, …), les acteurs du Net (tous les GAFAM, Snap, Spotify, Uber, …), et les régulateurs des télécoms (Arcep, Agcom, Ofcom, …). Sébastien Soriano, président de l’Arcep, est même l’un des onze administrateurs du Cerre, au côté de Pascal Lamy. Public-privé, le Cerre élargit son influence à d’autres secteurs : énergie, transports (train), eau, poste, médias et jeux d’argent en ligne. « La possibilité pour tous les consommateurs et utilisateurs d’avoir accès à des services de qualité à des prix raisonnables n’est pas encore la règle générale (…). Une bonne réglementation est donc nécessaire pour améliorer à la fois le processus européen de libéralisation de ces industries et, plus largement, la gouvernance publique », déclare le Cerre (7). @

Copyright et filtrage : la France veut peser dans les réunions « Article 17 » de la Commission européenne

Le 17 mai marquera le premier anniversaire de la publication au Journal Officiel européen de la directive « Droit d’auteur et droits voisins dans le marché unique numérique ». Son article 17, toujours controversé sur le filtrage des contenus, fait l’objet de négociations pilotées par la Commission européenne.

Après le confinement, la septième « réunion de dialogue avec les parties prenantes » – consacrée comme les six précédentes au controversé article 17 de la nouvelle directive européenne « Droit d’auteur » – va pouvoir se tenir à Bruxelles. Ces « stakeholder dialogue » (1) sont organisés par la Commission européenne depuis l’automne dernier pour parvenir à un accord sur « les meilleures pratiques », afin que cette dernière puisse émettre d’ici la fin de l’année des orientations (guidance) sur l’application cet épineux article 17.

Affaire Schrems : probable non-invalidation des clauses contractuelles types, fausse bonne nouvelle ?

Alors que le scandale « Cambridge Analytica » continue depuis deux ans de ternir l’image de Facebook, une autre affaire dite « Schrems » suit son cours devant la Cour de justice européenne et fait trembler les GAFAM. Retour sur les conclusions de l’avocat général rendues le 19 décembre 2019.

Par Charlotte Barraco-David, avocate, et Marie-Hélène Tonnellier, avocate associée, cabinet Latournerie Wolfrom Avocats

Les clauses contractuelles types – conformes à la décision prise il y a dix ans maintenant, le 5 février 2010, par la Commission européenne (1) – seraient bien un moyen valable de transfert de données personnelles hors d’Europe (lire encadré page suivante). C’est en tous cas ce que l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) préconise de juger dans la deuxième affaire « Schrems » (2) qui fait trembler les GAFAM. Reste à attendre de savoir si, comme souvent, la CJUE le suivra. Cette décision, imminente, est attendue non sans une certaine fébrilité.

Cookies : l’écosystème de la publicité ciblée s’organise en attendant la recommandation finale de la Cnil

C’est en avril que la Cnil devrait publier sa recommandation finale sur « les modalités pratiques de recueil du consentement » des utilisateurs au dépôt de « cookies et autres traceurs » sur leurs terminaux. Retour sur le projet de recommandation, qui est contesté par les éditeurs et les publicitaires.

Par Sandra Tubert et Laura Ziegler, avocates associées, BCTG Avocats

Alors que l’adoption du règlement européen « ePrivacy » patine depuis déjà trois ans (1), certaines « Cnil » européennes – allemande, anglaise, française, espagnole et grecque – ont décidé de prendre les devants en adoptant leurs propres lignes directrices sur les règles attendues en matière de cookies et autres technologies de traçage. En juin 2019, en France, la Cnil (2) a annoncé son plan d’action en matière de publicité ciblée. Au menu : l’adoption de lignes directrices dans une délibération datée du 4 juillet 2019 rappelant les règles de droit applicables en matière de cookies (3), complétées d’un projet de recommandation publié le 14 janvier dernier précisant les modalités concrètes de recueil du consentement.

Les GAFAM sont cernés par le législateur français

En fait. Le 2 mars, a commencé la 1re lecture en commission à l’Assemblée nationale du projet de loi sur l’audiovisuelle « à l’ère numérique ». Le 19 février, le Sénat a adopté en 1re lecture une proposition de loi sur le libre choix du consommateur « dans le cyberespace ». La loi Avia contre la cyberhaine revient devant les députés le 1er avril.

En clair. Pas de répit législatif en France pour les GAFAM, ou les GAFAN, c’est selon. Les textes de loi les visant sont encore nombreux en ce début d’année, faisant la navette entre le palais Bourbon et le palais du Luxembourg. Après les lois « taxe GAFA » et le « droit voisin de la presse » promulguées en juillet 2019, lesquels avaient été précédées en décembre 2018 par la loi contre les « fake news », les projets de loi (du gouvernement) et les propositions de loi (des parlementaires) encadrant Internet continuent à se succéder. Ils ont en commun de vouloir accroître la pression réglementaire sur les géants du Net, plus que jamais encerclés par le législateur.
Le projet de loi « Communication audiovisuelle et souveraineté culturelle à l’ère numérique » (1), a commencé son marathon parlementaire en décembre à l’Assemblée nationale où il a été examiné en commission du 2 au 6 mars. Ce texte sur l’audiovisuel va être débattu en séance publique du 31 mars au 10 avril. Les GAFAM vont notamment devoir coopérer plus efficacement contre le piratage sur Internet. Et ce, par le déréférencement des liens et des sites web miroirs. La « liste noire » des contrefaisants y contribuera, que tiendra à jour l’Arcom (CSA-Hadopi) chargée aussi de la « réponse graduée ». Le ministre de la Culture, Franck Riester, écarte cependant la « sanction pénale » demandée le 28 février par 26 organisations d’ayants droits (2). En outre, les plateformes de type Netflix, Amazon Prime Video ou encore Disney+ devront financer des films français (3). Concernant cette fois la « liberté de choix du consommateur dans le cyberespace » (4), la proposition de loi adoptée par le Sénat le 19 février vise à donner pourvoir à l’Arcep de veiller à l’interopérabilité entre les écosystèmes – Android de Google (Play Store) et iOS d’Apple (App Store) en tête – des « équipements terminaux » des utilisateurs (smartphones, tablettes, enceintes connectées, …). Mais le gouvernement estime à l’appui de son avis défavorable que ce sujet doit être réglé au niveau européen.
Quant à la proposition de loi Avia « contre les contenus haineux sur Internet » (5), qui revient devant les députés le 1er avril, elle veut obliger les plateformes du Net à retirer sous 24 heures les contenus illicites, sous peine de lourdes amendes. Mais le Sénat s’est encore opposé à cette mesure le 26 février. Le débat sur la responsabilisation des hébergeurs est loin d’être clos. @