Le portefeuille digital Wero veut damer le pion aux PayPal, Apple Pay et autres Google Wallet

Le portefeuille numérique Wero, lancé par European Payments Initiative (EPI) en Allemagne, en France, en Belgique et bientôt dans d’autres pays des Vingt-sept, veut être une « alternative souveraine » européenne à PayPal, Apple Pay, Google Wallet, Amazon Pay ou encore Samsung Pay.

« Wero est unique. C’est une solution de pointe souveraine, conçue par et pour les Européens, qui permet de proposer tous les types de paiements, en commençant par ceux de personne à personne, tout en intégrant la promesse de l’immédiateté et de la sécurité bancaire. Nous arrivons à point nommé de l’ère des paiements numériques », s’est félicitée le 30 septembre l’Allemande Martina Weimert (photo), PDG du consortium European Payments Initiative (EPI), basé à Bruxelles. Créé en 2020 par plusieurs banques (1) avec le soutien de la Commission européenne pour concurrencer les américains Visa et Mastercard, cet organisme vient de lancer le système de paiement Wero comme alternative aux GAFAM.

Fini les Paylib, Giropay, iDeal, Blik, …
Avec Wero, constitué d’un réseau de paiement, de portefeuilles numériques et d’un système international de paiements instantanés de compte à compte, l’Union européenne a l’ambition d’être une alternative crédible non seulement aux solutions nationales européennes telles que Swish (Suède), iDeal (Pays-Bas), Bizum (Espagne), Blik (Pologne) ou encore Paylib (France), mais aussi pour contrer dans les Vingt-sept les solutions de e-paiement instantané où se sont imposés PayPal, Apple Pay, Google Wallet (ex-Google Pay), Amazon Pay ou encore Samsung Pay. Wero de l’EPI est présentée comme étant « une alternative de paiement souveraine » mais aussi comme « une plateforme européenne du paiement dans un environnement mondial très concurrentiel ».

Les Etats généraux de l’information préconisent une « taxe sur les GAFAM » pour la presse française

Le rapport des Etats généraux de l’information – voulus par le président de la République Emmanuel Macron et lancés il y a un an (3 octobre) – préconise une « taxe GAFAM » dont les recettes iraient financer les médias français d’information. Sur le modèle de la « taxe streaming » dans la musique. 

C’est la proposition n°8 du comité de pilotage des Etats généraux de l’information (EGI), dont le rapport de 352 pages (1) a été présenté le 12 septembre 2024 et remis au président de la République Emmanuel Macron, initiateur de ces travaux : « Redistribuer une partie de la richesse captée par les fournisseurs de services numériques en faveur de l’information ». Comment ? Par l’instauration d’une « taxe sur les GAFAM, dont le produit viserait à renforcer le modèle économique des médias contribuant fortement à la production d’une information fiable et de qualité ». Elle reviendrait ainsi à redistribuer, par l’impôt, une partie de la richesse qui s’est déplacée vers les plateformes numériques.

Ce qu’en pensent la CCIA et l’Apig
Contactée par Edition Multimédi@, la Computer & Communications Industry Association (CCIA), qui représente justement les GAFAM (Google/YouTube, Meta/Facebook/ Instagram, Amazon, X/ex-Twitter, eBay et d’autres), nous a répondu à propos de cette proposition de « taxe GAFAM » pour financer les médias en France : « Malheureusement, en tant que CCIA Europe, nous ne pouvons pas commenter ce point. Il s’agit d’une des nombreuses propositions non contraignantes du rapport, qui pourrait ou non conduire à un débat plus large en France. Pour le moment, il ne s’agit pas d’une proposition concrète ni d’une proposition européenne », explique le bureau de la CCIA à Bruxelles dirigé par Daniel Friedlaender.
De son côté, l’Alliance de la presse d’information générale (Apig), laquelle réunit en France la presse quotidienne nationale et régionale, n’exclut pas la perspective d’une telle taxe : « S’agissant des GAFAM, toute bonne volonté est bienvenue. Pourquoi pas une taxe, si techniquement c’est possible ? Mais le cœur du sujet est le fonctionnement opaque et non concurrentiel du marché de la publicité en ligne », nous précise Pierre Petillault, son directeur général. Cette union syndicale des patrons de presse française évoquera d’ailleurs le rapport des EGI en général et la publicité numérique en particulier lors son événement annuel « Les rencontres de la presse d’information », qui se tiendra cette année le 9 octobre 2024 à Paris. Le président de l’Apig, Philippe Carli (groupe Ebra (2)), accompagné de ses deux vice-présidents Vincent David (groupe Sud-Ouest) et Pierre Louette (groupe Les Echos-Le Parisien), avaient été auditionnés le 14 février dernier par le groupe de travail « Avenir des médias d’information et du journalisme ». Dans sa contribution aux EGI, l’Apig rappelle que « le chiffre d’affaires issu du papier représente encore une part majoritaire des revenus des éditeurs de presse d’information […], les annonceurs achetant prioritairement de l’espace en presse papier, et la publicité en ligne donnant lieu à une captation de valeur massive par les intermédiaires détenus par les grandes plateformes numériques ». Et d’affirmer : « Cette captation s’est traduite par une chute massive des recettes publicitaires de la presse, qui ont été divisées par deux en dix ans. […] La pérennité de la presse d’information passe par […] un partage de la valeur créée avec les plateformes » (3). Mais l’Apig ne parle pas de taxer les GAFAM, sans pour autant l’exclure.

Data Transfer Initiative, cofondée par Google, Apple et Meta, accélère

Depuis que le DMA et le Data Act, sur fond de RGPD, sont entrés en vigueur dans l’Union européenne, les grandes plateformes numériques s’organisent pour mettre en pratique la portabilité des données. Google, Apple et Meta accélèrent dans ce domaine via la Data Transfer Initiative (DTI).

Permettre aux utilisateurs de réaliser des transferts de données simples, rapides et sécurisés, directement entre les services. Telle est la promesse de l’organisation Data Transfer Initiative (DTI), basée à Washington et cofondée en 2018 par trois des GAFAM : Google, Meta et Apple. Ces travaux se sont accélérés avec l’entrée en vigueur le 1er janvier 2024 du Data Act (DA), le règlement européen sur « l’équité de l’accès aux données et de l’utilisation des données » (1), et le 7 mars 2024 du Digital Markets Act (DMA), le règlement sur les marchés numériques (2).

Transférabilité des photos, vidéos et musiques
Que dit le DMA au juste ? « Le contrôleur d’accès [gatekeepers] assure aux utilisateurs finaux et aux tiers autorisés par un utilisateur final, à leur demande et gratuitement, la portabilité effective des données fournies par l’utilisateur final ou générées par l’activité de l’utilisateur final dans le cadre de l’utilisation du service de plateforme essentiel concerné, y compris en fournissant gratuitement des outils facilitant l’exercice effectif de cette portabilité des données, et notamment en octroyant un accès continu et en temps réel à ces données ». Tandis que le DA, lui, consacre le « droit à la portabilité des données » vis-à-vis non seulement des GAFAM (et tout gatekeepers) mais aussi des fournisseurs de services de cloud. La portabilité des données est également prévue par le règlement général sur la protection des données (RGPD), applicable depuis le 25 mai 2018 (3).
Aussi, sous la pression de l’Union européenne, les travaux de la DTI s’intensifient, comme l’explique Chris Riley (photo), le directeur de cette organisation américaine : « Longtemps considérée comme une question de niche – qualifiée étiquetée comme “un droit obscur des personnes concernées” –, la portabilité des données a pris beaucoup plus d’importance ces dernières années, notamment dans le règlement sur les marchés numériques et celui sur les données. Son impact va au-delà même des contextes de la protection des données et de la concurrence, allant jusqu’à la sécurité en ligne et la gouvernance de l’IA ». Car, toujours dans les Vingt-sept, le règlement sur l’intelligence artificielle (AI Act) est à son tour entré en vigueur, depuis le 1er août 2024 (4). La DTI a donc engagé des travaux sur la portabilité de l’IA personnelle, avec la collaboration de la start-up californienne Inflection (5) qui crée une IA personnelle pour tout le monde, baptisée Pi. Le 18 juin dernier, la DTI a partagé – à l’attention du nouveau Parlement européen – sa vison sur la politique de l’UE pour « responsabiliser les gens par la portabilité des données » et à travers cinq priorités : « Mettre en œuvre les lois existantes de manière efficace ; établir la confiance entre les fournisseurs ; promouvoir la neutralité technologique ; investir dans la sensibilisation et l’engagement ; évaluer la transférabilité dans la pratique, et non sur le papier » (6).

Le démantèlement des Big Tech comme Google n’est plus tabou, ni aux Etats-Unis ni en Europe

L’étau de la régulation antitrust américaine se resserre sur Google, filiale d’Alphabet. Le département de la Justice (DoJ) n’exclut aucun remède en faveur de la concurrence, y compris l’arme absolue du démantèlement (breakup). En Europe, cette menace ultime est aussi sur la table.

Le numéro un mondial des moteurs de recherche, Google, sera-t-il le premier Gafam à être démantelé aux Etats-Unis ? La filiale du groupe Alphabet, présidé depuis près de cinq ans par Sundar Pichai (photo), est la cible de deux procès antitrust historiques aux EtatsUnis. Le premier procès, qui s’est ouvert en septembre 2023, s’est soldé le 5 août 2024 par un jugement qui condamne Google pour abus de position dominante sur le marché des moteurs de recherche où il est en situation de quasi-monopole. La firme de Mountain View a fait appel de cette décision. Le second procès, qui s’est ouvert le 9 septembre 2024, concerne cette fois ses outils de monétisation publicitaires.

Vendre Android, AdWords et/ou Chrome ?
Dans ces deux affaires, la menace ultime de l’antitrust américaine est le démantèlement, ou breakup, de Google. Le Département de la Justice (DoJ) y songe sérieusement, d’après une information de l’agence Bloomberg publiée le 13 août dernier (1). Pour casser le monopole illégal de Google constitué par son moteur de recherche au détriment de la concurrence, cette option ultime n’est pas exclue. Elle pourrait consister par exemple à obliger Google à céder son système d’exploitation Android (2) et/ou son activité publicitaire AdWords devenue Google Ads (3), voire aussi de se délester de son navigateur web Chrome (4). Si ce n’est pas le démantèlement pur et simple, les autres remèdes pourraient être de forcer Google à partager ses données avec ses concurrents et à faire en sorte que ses comportements monopolistiques ne se reproduisent pas dans l’intelligence artificielle (IA).
Dans son verdict du 5 août, le juge a d’ailleurs pointé le fait que Google a payé 26,3 milliards de dollars en 2021 pour maintenir la domination de son moteur de recherche en devenant – par ses accords anticoncurrentiels signés avec Apple et des fabricants de smartphones sous Android comme Samsung, d’une part, et des navigateurs web tels que Firefox de Mozilla d’autres part – le search engine par défaut au niveau mondial. Rien qu’aux Etats-Unis, Google Search s’arroge près de 90 % de part de marché. « Par défaut » : là est le nœud du problème, lorsque la filiale d’Alphabet impose aussi « par défaut » sur des terminaux son navigateur web Chrome, sa boutique d’applications Play Store ou d’autres de ses services.

Le règlement européen « Internet ouvert » a presque dix ans : la neutralité du Net est en danger

Entre les IA génératives qui rêvent de remplacer les moteurs de recherche et les opérateurs télécoms qui militent pour une taxe sur les Gafam utilisant leurs réseaux, la neutralité d’Internet est plus que jamais menacée. Les régulateurs résisteront-ils à la pression des « telcos » et des « big tech » ?

La neutralité d’Internet est prise en étaux entre l’intelligence artificielle et les opérateurs télécoms. Il y a dix ans, la notion de « neutralité de l’Internet » était adoptée pour la première fois en séance plénière, lors d’un vote en première lecture de la proposition de règlement établissant des mesures sur le marché unique européen des communications électroniques. Deux amendements retenus introduisaient la définition de « neutralité de l’Internet [comme étant] le principe selon lequel l’ensemble du trafic Internet est traité de façon égale, sans discrimination, limitation ni interférence, indépendamment de l’expéditeur, du destinataire, du type, du contenu, de l’appareil, du service ou de l’application » (1).

A l’Internet ouvert, un « Internet fermé »
Après des années de tabou puis de débats voire de polémiques sur le sujet (2), le principe de la neutralité d’Internet était enfin sur le point d’être gravée dans le marbre de la législation européenne. Mais finalement, alors même que le lobby des opérateurs télécoms était vent debout contre cette obligation de « neutralité du Net » et défendant becs et ongles leur droit à pratiquer la « gestion de trafic » et à proposer des « services gérés » (3), cette proposition de règlement n’avait pu être votée avant les élections européennes de mai 2014. C’était il y a dix ans. Là où la Commission européenne de Jean-Claude Juncker s’apprêtait à consacrer la neutralité de l’Internet, ce fut celle de Ursula von der Leyen (photo) – chrétienne-démocrate conservatrice, plutôt hostile à Internet (4) – qui proposera un règlement. Mais celui-ci ne parlera pas explicitement de « neutralité » d’Internet mais d’un Internet « ouvert ».