Le centre de gravité du groupe Apple se déplace de plus en plus vers la Chine dont il est dépendant

Apple, l’icône américaine du capitalisme, a brisé le 3 janvier le plafond de verre des 3.000 milliards de dollars de valorisation boursière. Cette performance historique a été atteinte grâce à la Chine communiste, où la marque à la pomme voit ses revenus croître le plus.

Les résultats du premier trimestre d’Apple – à l’exercice fiscal annuel décalé (clos fin septembre) – seront présentés le 27 janvier prochain : cinq jours avant le Nouvel An chinois… Si la tendance se poursuit, la Chine continuera d’être le marché à la plus forte croissance en termes de chiffre d’affaires et de marge. Pour l’année précédente allant d’octobre 2020 à septembre 2021, plus de 68,3 milliards de dollars de ses revenus provenaient de la « Grande Chine » (dixit Apple pour englober la Chine continentale, Hong Kong et Taïwan). Ce fut un « bond en avant » de 70 % sur un an pour en arriver à peser près de 20 % de son chiffre d’affaires global (1).

Entre capitalisme et communisme
Cette dépendance de la marque à la pomme vis-à-vis de la Chine du « Grand Timonier » Xi Jinping ne date pas d’hier puisqu’elle avait même représentée 22,5 % en 2015/2016 sur un total à l’époque de 215,6 milliards de dollars de chiffre d’affaires (2). En atteignant le 3 janvier dernier les 3.000 milliards de dollars de valorisation boursière à New- York, du jamais vu de toute l’histoire du capitalisme, le groupe dirigé depuis plus de dix ans par Tim Cook (photo) le doit en grande partie à Pékin où siège le gouvernement communiste de la République populaire. « Les revenus en Chine ont augmenté en 2021 par rapport à 2020, principalement en raison de la hausse des ventes d’iPhone, d’iPad et de services. La vigueur du yuan chinois par rapport au dollar américain a eu un effet favorable sur les ventes dans la Grande Chine », se félicite la firme de Cupertino dans son rapport annuel enregistré fin octobre 2021 auprès de la SEC (3). Mieux, la Chine continentale, Hong Kong et Taïwan – où est son premier sous-traitant pour la fabrication de ses iPhone, Hon Hai Precision Industry, alias Foxconn – contribuent ensemble à hauteur de 20,8 % au résultat opérationnel d’Apple sur son dernier exercice, lequel s’établissait à 137 milliards de dollars. Ce qui correspond à presqu’un doublement (86,8 %) sur un an.
La Chine est plus que jamais le second marché national d’Apple, après les Etats-Unis. Or les tensions politico commerciales entre Washington et Pékin, notamment l’ostracisme d’Etat contre son rival Huawei (5), exposent de plus en plus la marque à la pomme à des turbulences. « Les tensions entre les Etats-Unis et la Chine ont entraîné une série de droits de douane imposés sur les importations en provenance du continent chinois, et d’autres restrictions commerciales », déplore Apple. Quant aux coûts accrus des semi-conducteurs et des matières premières qui entrent dans la fabrication des iPhone, iPad ou « iWatch » (métaux dits « terres rares » en tête), dont la majeure partie provient de l’Empire du Milieu, « ils ont une incidence négative sur la marge brute ».
Qu’à cela ne tienne. Tim Cook, dont le salaire a bondi l’an dernier de 570 % à 100 millions de dollars, apparaît plus que jamais sinophile. N’a-t-il pas signé personnellement en 2016 un accord secret de 275 milliards de dollars sur cinq ans avec la Chine lors d’un déplacement ? Objectif : obtenir un allègement des restrictions réglementaires de Pékin sur l’icône high-tech américaine. En contrepartie de concessions, le successeur de Steve Jobs se serait engagé à mettre Apple au service de l’économie locale chinoise et à répondre aux demandes de censures chinoises. C’est du moins ce qu’a révélé le 7 décembre dernier The Information (6). Concernant par exemple la protection de l’environnement, et à défaut de protection de la liberté d’expression en Chine, Apple a commencé dès 2014 à construire sur le sol chinois un de ses premiers projets solaires (comme à Sichuan). Les usines d’assemblage d’iPhone en Chine (comme à Chengdu et Shenzhen) se sont alors fixées comme objectif à trois ans de réduire la consommation d’énergie de 20 %. « Deux nouveaux centres de données en développement en Chine, l’un dans la province de Guizhou, l’autre en Mongolie intérieure, devraient être mis en service en 2021, et nous avons des projets en Chine pour fournir aux centres de données une énergie 100 % renouvelable », a promis en mars dernier Lisa Jackson vice-présidente d’Apple, en charge de l’environnement (7).

Protéger l’environnement, pas la liberté ?
Apple a en outre lancé un fonds chinois pour l’énergie propre (China Clean Energy Fund) afin d’investir – pour ses besoins propres et ceux de ses fournisseurs (comme à Guangzhou) – dans des gigawatts d’énergie renouvelable. Apple contribue aussi en Chine au bien-être des forêts et à la bonne gestion de l’eau. La firme de Cupertino s’est même engagée auprès du gouvernement chinois à respecter le règlement de Pékin visant à réduire les composés organiques volatils (solvant, encres, dégraissant, revêtements, dissolvant, nettoyants, etc.) dans le cadre de l’initiative chinoise « Ciel bleu ». @

Charles de Laubier

Mis à part Google et YouTube, le groupe Alphabet va-t-il gagner de l’argent avec ses « autres paris » ?

« Other bets » : ce sont les investissements d’Alphabet dans d’autres domaines d’innovation que les services de Google (YouTube compris). Si leur revenus sont embryonnaires, ils s’acheminent petit à petit vers le milliard de dollars de chiffre d’affaires. Mais leur déficit est encore abyssal.

« Alphabet est un ensemble d’entreprises – dont la plus grande est Google – que nous déclarons sous deux segments : Google Services et Google Cloud. Nous déclarons toutes les entreprises non- Google collectivement en tant qu’”autres paris”. Ces other bets comprennent des technologies à un stade plus précoce, qui sont plus éloignées de notre cœur de métier Google. Nous adoptons une vision à long terme et gérons le portefeuille des “autres paris” avec la discipline et la rigueur nécessaires pour générer des rendements à long terme », assure la maison mère de Google, dirigée par Sundar Pichai (photo) depuis décembre 2019.

Sébastien Soriano (IGN) veut tenir tête à Google Maps

En fait. Le 27 septembre, Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, a présenté la « feuille de route » de l’Etat pour « l’ouverture, la circulation et la valorisation des données publiques ». Exemple : l’IGN prône la souveraineté des géodonnées face à Google Maps.

En clair. L’ancien président de l’Arcep, Sébastien Soriano, est depuis mi-décembre 2020 directeur général de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN). Celui qui voulait « barbariser la régulation pour réguler les barbares » (1), comprenez les GAFAM, a eu beau se mettre au vert, il se retrouve à nouveau face aux Google, Apple, Facebook ou encore Microsoft qui nourrissent l’ambition de cartographier le monde entier en 3D et d’y capter toutes les géodonnées. Google Maps, par exemple, raisonne « global » et « gratuit » alors que l’IGN a vocation à être « national » et «monopole » – la Commission européenne ayant tout de même demandé il y a dix ans à la France d’abroger le droit exclusif (2) dont il bénéficie depuis un décret du 22 novembre 2004.
Depuis, l’ère de l’open data des données publiques pousse l’Etat à rendre accessible gratuitement sa « mine d’or » d’informations et en particulier depuis le 1er janvier 2021 les géodonnées du « Plan IGN ». Les géoportails français (3) et européen (4) contribuent à cette démocratisation de la cartographie. Sinon, les géants du numérique en Europe, tous américains, imposeront leurs Google Maps, Facebook Live Maps (projet Aria compris), Apple Maps et autres Microsoft Maps (Azure Maps inclus) aux GPS grand public, à l’environnement ou encore à la voiture autonome. « Les géodonnées sont une véritable mine d’or ; les géants du numérique l’ont compris. […] Ces derniers ont développé leur propre système cartographique. Mais aussi pratique que soit Google Maps, là ne résident pas les clés d’une compréhension du monde utile au sursaut nécessaire de l’humanité face au péril écologique », prévient Sébastien Soriano dans un point de vue paru le 15 septembre dernier dans Ouest-France.
Et le directeur général de l’IGN d’ajouter : « C’est par l’intelligence collective en France et en Europe que nous pourrons construire des “communs” numériques en contrepoint des silos de données des GAFA. [Et] par l’accès libre et gratuit aux données » (5). Pour assurer à l’Etat une « souveraineté des géodonnées » et des « géocommuns », outre la création d’une « géoplateforme » hébergée chez OVHcloud (lire p. 5), l’IGN a entrepris de modéliser en 3D l’Hexagone, par télédétection au laser – ou Lidar (6) – et avec l’intelligence artificielle, moyennant un investissement de 60 millions d’euros sur trois ans. @

L’Arcep et la FFTélécoms : d’accord sur les GAFA

En fait. Le 26 mai, la présidente de l’Arcep, Laure de La Raudière, a annoncé sur BFM Business qu’elle allait suggérer à Thierry Breton de prendre des mesures au niveau européen pour faire payer plus les GAFA pour la bande passante qu’ils utilisent. La mesure divise mais elle est poussée par la FFTélécoms.

En clair. « C’est un vieux débat, selon lequel les GAFA doivent payer plus pour le financement des réseaux s’ils occupent la bande passante. C’est un débat qui doit se passer au niveau européen. C’est un débat que j’avais initié il y a une dizaine d’années, alors que j’étais députée, en me disant qu’il ne serait pas finalement illogique de mettre au niveau européen une “terminaison d’appel data”, c’est-à-dire des échanges de financements à l’interconnexion du réseau Internet », a déclaré Laure de La Raudière (LDLR) le 26 mai sur BFM Business. La présidente de l’Arcep est sur la même longueur d’onde que la Fédération française des télécoms (FFTélécoms), laquelle ne cesse de faire des appels du pied au régulateur pour obliger les géants du numérique à payer pour les réseaux qu’ils utilisent mais qu’ils ne financeraient pas – alors qu’en réalité ils ont des accords, lorsqu’ils n’investissent pas eux-mêmes dans leur propre infrastructure. « Tout une partie de la valeur est captée par les GAFA (…). Or, ils n’investissent pas un euro dans les infrastructures. (…) C’est une situation qui ne peut plus durer. (…) Les GAFA pourraient donc contribuer proportionnellement à leur utilisation du réseau », avait par exemple glissé Arthur Dreyfuss, alors président de la FFTélécoms, dans un entretien à Capital il y a près de deux ans (1). Il se trouve que le secrétaire général d’Altice France/SFR a repris (2) les fonctions de président de la fédération (dont n’est pas membre Free) depuis le 1er juin 2021, pour un mandat d’un an. Si LDLR et Arthur Dreyfuss semblent s’être donnés le mot, l’approche du régulateur est plus européenne. « Je pense que ce n’est pas envisageable au niveau français, a précisé la présidente de l’Arcep, parce qu’il y aurait des effets d’éviction [de contournement, ndlr] extrêmement simple (3). Au niveau européen, je l’ai souhaité (que les GAFAM contribuent pour la bande passante) ; je l’ai porté (ce débat) en son temps et je continuerai à le porter ».
Et d’ajouter : « Pour l’instant, il n’y a pas unanimité sur ce point de vue que j’exposerai à Thierry Breton [commissaire européen au Marché intérieur, ndlr] » (4). Il y a dix ans, alors députée, LDLR – et sa collègue Corinne Ehrel – avait mené « une réflexion sur une “terminaison data” pour financer la congestion des réseaux » dans le cadre d’un rapport sur la neutralité de l’Internet (5). Orange, SFR ou encore Colt militent pour (6). @

La « taxe GAFA » imposée par plusieurs pays, dont la France, pourrait coûter très cher aux annonceurs

Google va répercuter à partir du 1er mai en France des « coûts d’exploitation » de 2% pour compenser la taxe GAFA. En Espagne aussi. D’autres pays y ont déjà droit, jusqu’à 5%de hausse : Le Royaume-Uni, l’Autriche et la Turquie. L’OCDE espère un accord international d’ici mi-2021.

Google Ads commencera à facturer de nouveaux frais supplémentaires pour les annonces diffusées dans certains pays. « A compter du 1er mai 2021, des coûts d’exploitation liés à la réglementation de 2% seront ajoutés à votre facture ou relevé pour les annonces diffusées en France. Les coûts d’exploitation liés à la réglementation sont ajoutés pour couvrir une partie des coûts associés au respect de la réglementation concernant la taxe sur les services numériques en France », a prévenu Google début mars sur le support en ligne de Google Ads (1).