FTTH ou VDSL2 : des opérateurs s’interrogent encore

En fait. Le 27 septembre, le FTTH Council Europe a divulgué – lors du Broadband World Forum – les chiffres de la fibre jusqu’à domicile ou immeuble au 30 juin : dans les Vingt-sept, il n’y a que 4,1 millions d’abonnés sur les 23,4 millions de raccordements déployés – soit un taux d’adhésion de 17,5 %.

En clair. Mettre en fibre les Vingt-sept nécessiterait un total de 300 milliards d’euros
selon le cabinet McKinsey. Pour quel retour sur investissement ? Les chiffres de l’Idate (1) présentés par le FTTH Council Europe ont de quoi faire réfléchir les opérateurs télécoms : sur les 23,4 millions de « prises » FTTH ou FTTB (2) déployées dans l’Union européenne à fin juin, seules 17,5 % ont fait l’objet d’un abonnement. En France, par exemple, l’étude montre que 5,7 millions de foyers peuvent être raccordés à la fibre optique mais seulement 556.000 sont abonnés. Taux de transformation : 9,6 %, soit moitié moins que la moyenne européenne ! La France se situe ainsi en avant-dernière position des Vingt-sept, suivie de l’Italie, même si le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Espagne ne figurent pas dans le classement du FTTH Council, qui ne prend en compte que les pays ayant au moins 200.000 abonnés. Et encore, la France s’en tire
à bon compte grâce à Numericable (3). Sans le câbloopérateur, il n’y a que 155.000 abonnés FTTH/FTTB à fin juin… Face à ce retard chronique de l’Europe, la boucle locale de cuivre, elle, n’a pas encore dit son dernier mot. « Les opérateurs télécoms s’interrogent encore sur l’opportunité d’investir dans le FTTH. Certains comme Belgacom ont choisi le VDSL2 », indique Roland Montagne, consultant à l’Idate. Cette nouvelle technologie moins coûteuse offre sur la paire de cuivre téléphonique jusqu’à 100 Mbits/s, voire plus. Soit autant que la fibre ! Belgacom mais aussi Telekom Austria font appel à Alcatel-Lucent, qui a lancé le 22 septembre le VDSL2 dit vectoriel (4).
Or, ironie de l’histoire, l’équipementier télécom est cofondateur du FTTH Council Europe.
Il précise d’ailleurs que le VDSL2 est « en combinaison avec la fibre optique », alors que cette technologie pourrait très bien être déployée sur la sous-boucle locale de France Télécom qui s’interroge encore. Mais selon une circulaire de François Fillon aux préfets, datée du 16 août (lire EM@41, p. 5), le VDSL ne devra pas concurrencer la fibre… @

Le VDSL2 ne devra pas concurrencer le FTTH

En fait. Le 17 août est parue au Journal Officiel une circulaire de François Fillon adressée aux préfets de Région et de département pour « la mise en oeuvre du programme national très haut débit et de la politique d’aménagement numérique
du territoire ». Le gouvernement favorise la fibre optique.

En clair. Pas de neutralité technologique dans le très haut débit : l’Etat français mise sur le déploiement de la fibre optique jusqu’à domicile (FTTH) pour atteindre les objectifs fixés par le président de la République en février 2010, lors des Assises des territoires ruraux. A savoir : « que la totalité des ménages français disposent d’un accès Internet à très haut débit en 2025, et 70 % d’entre eux dès 2020 », rappelle la circulaire datée du 16 août. Mais entre « disposer » et « s’abonner », il y a un grand pas que
les Français ne sont pas encore prêts de franchir comme le démontrent les premiers chiffres du FTTH. Qu’à cela ne tienne, François Fillon demande aux préfets
d’« apport[er] une attention particulière à ce que les projets de “montée en débit” [entendez le VDSL2 permettant jusqu’à 100 Mbits/s sur le réseau téléphonique, ndlr] correspondent soit à une véritable étape intermédiaire vers le déploiement de réseaux de fibre optique jusqu’à l’abonné (FTTH), soit à des zones où le FTTH n’arrivera pas à l’horizon de dix ans ».
Bien que l’Arcep s’apprête à autoriser – avant la fin de l’année – le VDSL2 sur la sous-boucle locale de cuivre de France Télécom (lire EM@40, p. 7), il s’agit pour le gouvernement de ne pas remettre en cause la concurrence dans l’ADSL sur le réseau téléphonique et surtout de ne pas retarder – plus qu’il ne l’est – le déploiement de la fibre optique sur le territoire national. Ce choix technologique et politique va coûter très cher à la France : près de 25 milliards d’ici à 2025. La circulaire ne fait pas état du coût global, mais elle précise que le gouvernement va consacrer 2 milliards d’euros du Grand emprunt au très haut débit, dont 900 millions d’euros en soutien aux collectivités locales dans les zones peu denses (1). Et pour ne pas tomber dans l’aide d’Etat illicite qu’interdit l’Union européenne, les préfets sont appelés à favoriser la concertation avec les opérateurs télécoms au sein de « commissions consultatives régionales pour l’aménagement numérique des territoires » (lesquelles avaient été annoncées dès le
9 juin par Eric Besson, ministre de l’Economie numérique, lors des 5e Assises du Très haut débit). L’Arcep, la CDC (2) et le Commissaire général à l’investissement, René Ricol (en charge du Grand emprunt) devront être associés à ce dialogue publicprivé.
« Les opérateurs (…) ont manifesté l’intention d’investir dans les principales agglomérations pour couvrir, au plus tard en 2020, 57 % des ménages », indique la circulaire. @