L’Arcep autorise enfin le VDSL2 mais ignore le VDSL3

En fait. Le 29 avril, l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca) s’est inquiété de l’avis favorable au VDSL2 rendu le 26 avril dernier par le « comité d’experts pour l’introduction de nouvelles techniques sur la boucle locale de cuivre » (Arcep).

Catherine Mancini, présidente du Comité d'experts de l'Arcep

Catherine Mancini, présidente du Comité d’experts de l’Arcep

En clair. La paire de cuivre téléphonique n’a pas encore
dit son dernier mot ! Mais l’Arcep et et son comité d’experts ont déjà un VDSL de retard… Alors que Fleur Pellerin, ministre déléguée à l’Economie numérique, veut enterrer la boucle locale de cuivre au profit d’une future boucle locale optique, voici que l’Arcep donne sa bénédiction à l’introduction de la technique VDSL2 – recommandation de la norme UIT-T G.993.2 homologuée depuis février 2006 – sur le réseau historique de France Télécom que louent aussi ses concurrents du dégroupage.

Concurrence par les infrastructures : mobile et fixe ?

En fait. Le 11 mars, l’Autorité de la concurrence a rendu son avis sur les
conditions de mutualisation et d’itinérance sur les réseaux mobile : au nom
de la « concurrence par les infrastructures », l’accord d’itinérance entre France Télécom et Iliad ne doit pas être prolongé au-delà de 2016 ou 2018.

En clair. L’Autorité de la concurrence a d’emblée motivé son avis en « réaffirm[ant]
son attachement à la concurrence par les infrastructures ». Bien que l’avis du 11 mars
ne porte que sur les réseaux mobile, les sages de la rue de l’Echelle évoquent plus largement, en introduction, le « paradigme » de la concurrence par les infrastructures
« dans le secteur des télécommunications », entendez mobile ou fixe notamment.
Or, en marge d’un point presse, organisé le 11 mars par le président de l’Autorité de la concurrence, son président Bruno Lasserre n’as pas voulu nous dire si, l’extinction du réseau de cuivre au profit de la fibre optique, n’allait pas dans le fixe à l’encontre de ce principe de « concurrence par les infrastructures ». En effet, alors que le VDSL2 va être autorisé pour faire évoluer la boucle locale de cuivre vers du très haut débit, le gouvernement prévoit – d’ici à 2025 ? – l’extinction de ce réseau historique en vue de
« couvrir 100 % de la France en très haut débit d’ici à 2022 » et « très majoritairement »
en FTTH (1) – moyennant 20 milliards d’euros (2). Cette extinction du cuivre pourrait se faire au détriment de la concurrence, dans la mesure où peu d’opérateurs (Orange, SFR, Free, Numericable et Bouygues) auront les capacités d’investir dans leur propre réseau de fibre optique.
Pourtant, l’Autorité de la concurrence le rappelle : « Dans le secteur des communications électroniques, la concurrence par les infrastructures a été le type de concurrence privilégié de façon constante jusqu’à aujourd’hui », souligne l’avis en préambule. Cela suppose, rappelle-t-elle, que « chacun [des opérateurs télécoms mobile ou fixe, ndlr] s’appuie à terme sur son propre réseau ». L’Arcep est, elle aussi, très attachée à cette concurrence par les infrastructures, mobile ou fixe, comme elle l’a exprimé dans son avis à l’Autorité de la concurrence rendu le 20 décembre : « Plusieurs exemples, dans le passé, attestent de l’effet bénéfique pour les consommateurs de la concurrence par les infrastructures, parmi lesquels l’arrivée [de] Bouygues Telecom en 1994, ou, sur le fixe,
la mise en oeuvre progressive du dégroupage [sur le réseau fixe de cuivre, ndlr] depuis
le début des années 2000 ».
Si la concurrence par les infrastructures se renforcera à partir de 2016 ou 2018 dans les mobiles, elle devrait, paradoxalement, s’affaiblir dans le fixe. @

Feuille de route : et le dividende numérique alors ?

En fait. Le 28 février, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a présidé le séminaire gouvernemental sur le numérique et y a présenté « la feuille de route numérique » : 20 milliards d’euros sont prévus pour couvrir 100 % de la France en très haut débit d’ici à 2022 et « très majoritairement en [FTTH] ».

En clair. A force de privilégier le très haut débit fixe en général et la fibre optique jusqu’à l’abonné en particulier, autrement dit le FTTH (Fiber-To-The-Home) que le Premier ministre veut « très majoritaire d’ici à dix ans », le gouvernement a fait l’impasse sur le très haut débit mobile (4G) et sur les futures fréquences du nouveau dividende numérique. Un comble pour une « feuille de route numérique » censée « doter la France des infrastructures du XXIe siècle » au cours de la prochaine décennie !
Ce dividende numérique concerne en France la bande des 700 Mhz qui est libérée par la télévision passée au tout-numérique. C’est ce spectre qui permettrait de faire du très haut débit hertzien et qui suscite une rivalité entre les deux secteurs prétendants : l’audiovisuel et les télécoms. Le silence du gouvernement sur ces ressources spectrales est d’autant plus surprenant que les décisions internationales doivent être prises dès 2015 lors de
la prochaine Conférence mondiale des radiocommunications (CMR). Pour la France l’Agence nationale des fréquences (AFNR) organise à cet effet une conférence
« Spectre et Innovation » les 26 et 27 juin prochains.
Comme l’espéraient les députées Corinne Erhel (PS) et Laure de La Raudière (UMP),
« le séminaire gouvernemental sur le numérique [aurait dû] être certainement l’occasion pour le gouvernement de préciser sa position à ce sujet » (1). Il n’en fut rien. La feuille de route se contente de dire que « le développement des usages numériques sur les réseaux hertziens (mobile, TNT, etc.) soulève des enjeux industriels importants quant à la bonne utilisation de la ressource en fréquences, qui souffre aujourd’hui d’un trop grand cloisonnement entre les domaines d’utilisation du spectre ».
Il y a pourtant urgence si la France ne veut pas que le bras de fer entre l’audiovisuel et
les télécoms, voulant chacun profiter de ce nouveau dividende numérique, ne tourne à l’affrontement ! Les opérateurs mobile veulent les 700 Mhz que la précédente CMR de 2012 leur a accordés a priori pour faire face à l’explosion de l’Internet mobile et de la vidéo HD sur les réseaux 3G et 4G menacés de saturation. Les chaînes de télévision, elles, comptent bien sur la CMR de 2015 pour que la décision finale leur permette de garder cette bande pour généraliser la haute définition et l’introduction à l’ultra haute définition (UHDTV) ou 4K (2). @

La feuille de route du gouvernement pour le très haut débit : le plan de la dernière chance

Pendant que le chef de l’Etat parlait le 20 février d’« ambition numérique de la France », le Premier ministre fixait à 20 milliards d’euros l’objectif de « connecter 100 % des foyers au très haut débit d’ici 10 ans ». La feuille de route numérique accélèrera-t-elle le déploiement de la fibre ?

Par Katia Duhamel, avocat, cabinet Bird & Bird

Les ministres Fleur Pellerin (Economie numérique) et Cécile Duflot (Egalité des territoires) ont réuni le 13 février 2013 les acteurs concernés (industriels, opérateurs, associations d’élus locaux et parlementaires, …) en prévision de la présentation de la feuille de route numérique définitive du gouvernement
le 28 février. Si les acteurs privés se font peu entendre, les représentants des collectivités ont d’ores et déjà largement commenté les propositions gouvernementales intitulées
« Stratégie nationale de déploiement du très haut débit ». L’accueil, généralement favorable, reste teinté de prudence. Car si les objectifs semblent clairs, les modalités de mise en oeuvre doivent être largement précisées.

Une feuille de route numérique sans contraintes ?

La ministre déléguée en charge notamment de l’Economie numérique, Fleur Pellerin, a été auditionnée au Sénat le 11 décembre sur l’aménagement numérique du territoire. Elle a écarté toute sanction des opérateurs en cas de retard dans la fibre optique, provoquant le courroux du sénateur Hervé Maurey.

François Hollande a promis le très haut débit pour tous d'ici 2022.

François Hollande a promis le très haut débit pour tous d’ici 2022.

Entre décembre et janvier 2013, le gouvernement va accélérer la concertation pour définir avec les opérateurs télécoms, les collectivités locales et les instances étatiques (CDC (1), BEI (1), …) une « feuille de route numérique » que
le Premier ministre Jean-Marc Ayrault présentera en février prochain avant un projet de loi. « C’est un chantier national qui coûtera entre 25 et 30 milliards d’euros », avait déjà indiqué la ministre Fleur Pellerin le 19 novembre lors du 95e Congrès des maires (1).