Lutte contre le piratage : la Cour de justice de l’Union européenne devra dire si l’ACTA est illégal

Initiative des pays développés considérant insuffisants les minima imposés par l’accord de l’OMC sur les droits de propriété intellectuelle (ADPIC), l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) inquiète jusqu’à la Commission européenne.
A la justice d’arbitrer entre pour et contre.

Par Rémy Fekete (photo), avocat associé, Gide Loyrette Nouel.

Signé le 26 janvier dernier par l’Union Européenne et vingt-deux de ses Etats membres, dont la France (1), l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) est en discussion depuis 2007 et peine aujourd’hui à se voir ratifier par un nombre suffisant de pays pour pouvoir entrer en vigueur. Une mobilisation sans précédent de la société civile
(16 000 personnes défilaient notamment contre le traité
le 11 février à Munich) et la récente annonce par la Commission européenne de son intention de soumettre
le traité à l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) – pour vérifier sa conformité aux droits fondamentaux européens (2) – ont porté un sérieux coup d’arrêt
à la progression de ce texte.

Nouveau « Google France », fiscalité française ?

En fait. Le 6 décembre, lors des Journées du numérique qu’il a créées, Nicolas Sarkozy a inauguré le nouveau siège de Google France, rue de Londres à Paris, accompagné du PDG du géant du Web, Eric Schmidt, et des ministres Eric Besson (Economie numérique) et Frédéric Mitterrand (Culture et Communication).

En clair. Assiste-t-on à « la Googlisation de Sarkozy », pour paraphraser un câble
– révélé l’été dernier par Wikileaks – envoyé en décembre 2009 par l’ambassade des Etats-Unis à Paris au Secrétariat d’Etat américain ? L’expression « Googlisation de la France » avait en effet été employée pour illustrer les discussions entre le géant du Web et la Bibliothèque nationale de France, au grand dam des maisons d’éditions françaises. Cette fois, la question peut se pose dans un contexte où les industries culturelles et audiovisuelles françaises dénoncent le dumping fiscal dans l’Union européenne, voire dans le monde, par les acteurs du numérique. Nouveau siège en France, nouvelle fiscalité ? « Rien ne change, nous nous conformons aux lois françaises et européennes », confirme Anne-Gabrielle Dauba-Pantanacce, directrice de la communication de la filiale française, à EM@. Lors de l’inauguration des nouveaux locaux de Google France (1), regroupant ses 350 salariés rue de Londres, le chef de l’Etat a pourtant effleuré le problème. « Je lui ai dit [à Eric Schmidt, PDG de Google, ndlr] : “mais combien de temps vous croyez que vous allez continuer à gagner de l’argent sur le marché français sans avoir de collaborateurs ici, sans avoir de structure de développement, sans vous installer ici ? Car le seul système qui peut marcher est
un système win-win” », a rappelé Nicolas Sarkozy à propos de sa première discussion « franche » avec Eric Schmidt. Le président de la République a en outre imaginé un
« Conseil du numérique européen », voire un « Conseil du numérique mondial » pour discuter notamment de la fiscalité du numérique. Car c’est le sujet qui fâche : la e-TVA et la fiscalité applicables aux acteurs du Web situés en dehors de l’Hexagone.
Nicolas Sarkozy a beau inaugurer le nouveau Google France, le siège de Google Europe n’en reste pas moins en Irlande pour des raisons d’« optimisation fiscale », tout comme Amazon. Apple Europe, lui, a domicilié iTunes au Luxembourg… Car la règle applicable dans l’Union européenne s’appelle le « principe du pays d’origine », selon lequel l’entreprise de e-commerce est assujettie à la fiscalité du pays où elle est domiciliée (2). Du moins jusqu’au 1er janvier 2015, date à laquelle la règle du lieu de consommation s’imposera (3) (lire p. 7). Google France a donc encore trois ans de répit devant lui… @

A quoi va servir un Conseil national du numérique

En fait. Le 10 février s’est achevée la consultation publique de Pierre Kosciusko-Morizet – président de l’Acsel (association de l’économie numérique) et PDG-fondateur de PriceMinister – sur la création du Conseil national du numérique (CNN). Il rendra ses propositions le 15 février à Eric Besson.

En clair. Eric Besson en a rêvé, Eric Besson va le faire. Le ministre en charge de l’Economie numérique avait prôné il y a plus de deux ans la création d’un Conseil national du numérique (CNN) dans son rapport « France numérique 2012 » publié
en octobre 2008. L’idée a bien fait son chemin depuis une certaine réunion interministérielle du Premier ministre en novembre 2009 où la question était de savoir
si le CNN est une évolution du Forum des droits de l’Internet (FDI) créé il y a dix ans ou
« la création d’une association ex nihilo, suivie du transfert des actifs et du personnel
du FDI » (1). Depuis, fin 2010, le FDI abandonné par le gouvernement a mis la clé sous la porte. Pourtant sa présidente, Isabelle Falque-Perrotin n’a eu de cesse de tenter
de convaincre de la légitimité de son organisation pour devenir ce fameux CNN car, affirmait-elle,« la convergence suppose l’articulation de l’action des régulateurs » (2). En vain. Mais le CNN, lui, sera bien créé au printemps prochain – à la demande de Nicolas Sarkozy – pour être au service des pouvoirs publics « sur l’ensemble des textes législatifs et réglementaires, ainsi que sur l’ensemble des politiques publiques touchant à la société de l’information ». Autrement dit, il s’agit de faire en sorte que le CNN
« interagisse » avec non seulement le gouvernement, le parlement et les organisations professionnelles ou associations consommateurs, mais aussi avec les multiples régulateurs que sont le CSA, l’Arcep, l’Hadopi, la Cnil, l’ANFR ou encore l’Arjel. Dans son rapport de 2008, Eric Besson pointait déjà du doigt « une multiplication et une dispersion progressive des structures de concertation et d’autorégulation, sans que la gouvernance d’ensemble ne soit véritablement renforcée et la convergence facilitée entre les acteurs du contenu, de l’Internet, des médias et des réseaux ». Le 10 janvier dernier, le ministre de l’Economie numérique a évoqué un « rapprochement » entre le CSA, l’Arcep et l’ANFR pour mieux coopérer dans la gestion des fréquences qui constitue les défis de l’Internet mobile de ces prochaines années. L’Ascel présidée par Pierre Kosciusko-Morizet (le frère de NKM, l’ancienne secrétaire d’Etat à l’Economie numérique) et la Fédération française des télécoms (FFT) réorganisée sous la bénédiction d’Eric Besson (3), devraient jouer un rôle central au sein du CNN (4).
Et les sujets de politique et de lobbying ne manquent pas : TVA, Cosip, taxe « France Télévisions », Hadopi, taxe « copie privée », fibre optique, 4G, etc. @

L’odyssée de la presse

Ah bon, on lit encore la presse ? Mais oui, même s’il est vrai que cela ne fait que quelque temps que j’ai retrouvé le goût de la lecture des nouvelles du matin. J’ai lu mon dernier exemplaire papier il y trois ans : j’avais succombé aux ultimes efforts des groupes de presse pour nous satisfaire en prenant un abonnement à mon quotidien préféré, livré chaque matin avant que le soleil ne se lève. Mais la dernière réorganisation industrielle conjuguée à la pression des nouvelles directives européennes en matière de développement durable (le cocktail « matière première-impression-transport- livraison » était devenu vraiment insoutenable) a encore réduit la part du support papier. Je lis maintenant l’actualité du matin sur mon écran ePaper, un lecteur dédié qui me permet de disposer de ma sélection d’articles (local, économique, politique) chargés automatiquement dès leur parution, bien avant mon réveil. J’apprécie cet écran qui se fait oublier et qui me suit partout, même sur ma table du petit déjeuner, éclairée par le soleil matinal.

« Les groupes de presse se sont réorganisés
autour de rédactions quiont les moyens de
produire des émissions diffusées et déclinées à la
radio, à la télé, sur Internet et dans des magazines. »

Extinction totale de la TV analogique : J-2 ans

En fait. Le 30 novembre 2011, c’est-à-dire dans deux ans jour pour jour, marquera le jour de l’extinction définitive de toute diffusion télévisuelle en mode analogique sur l’ensemble de la France. La télévision numérique terrestre (TNT) sera accessible à 95 % de la population, les 5 % restants auront le satellite.

En clair. Le compte à rebours a commencé. Il ne reste plus que deux ans pour faire passer toutes les 36.000 communes de l’Hexagone au signal numérique. Ces basculements se feront région par région, à commencer par l’Alsace le 2 février 2010, suivie de la Basse-Normandie le 9 mars prochain, et ainsi de suite au rythme de une région par mois (Pays de Loire, Bretagne, Lorraine, Champagne-Ardenne, etc.). Quant à la région parisienne, elle basculera totalement le 8 mars 2011. Les Dom-Tom fermeront la marche. Alors que le taux de couverture de la population métropolitaine par la TNT atteint actuellement environ 90 % (88 % précisément l’été dernier), la loi Télévision du futur du 5 mars 2007 (1) a fixé un seuil de couverture de la TNT au 30 novembre 2011 : 95 % de la population capable de réceptionner par voie hertzienne les chaînes numériques avec l’antenne râteau habituelle sur le toit… Pour les autres, l’écran noir ? Lors d’une audition à l’Assemblée nationale fin octobre, l’un des membres du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), Alain Méar, avait indiqué qu’il était  « plausible » que 500.000 foyers français situés dans les zones d’ombre (montagnes, plaines isolées…) se retrouveraient sans télévision dans deux ans. Les députés avaient pris connaissance du fait que 1,3 million de foyers pourront – selon Télédiffusion de France – se retrouver à partir de 2010 (dans les premières régions ayant basculé) et surtout fin 2010 (extinction totale partout) face à un écran noir. Cela dépendra aussi de la puissance des émetteurs qui, s’ils étaient renforcés, permettraient de ramener les “hors champs” à 150.000 foyers. Face à cette inquiétude, le président du CSA, Michel Boyon, est monté au créneau pour dénoncer les informations de TDF. « Personne ne restera à l’écart », a-t-il promis dans une interview accordée le 22 octobre au « Dauphiné Libéré ». Et de mettre les points sur les « i » : « Il ne faut pas se laisser intoxiquer par des entreprises qui ont intérêt à répandre la peur de l’écran noir pour inciter à la signature d’un contrat d’installation d’un émetteur numérique. » Plus de 300 millions d’euros seront consacrés à l’information et à l’aide aux téléspectateurs (2), les chaînes historiques étant appelées par le Premier ministre, François Fillon, à contribuer au fonds d’aide à la TNT. En attendant la TNT en haute définition en 2015… @