Nouvelles chaînes de TNT et TV connectée : l’année 2012 va chambouler le PAF

Si le paysage audiovisuel français (PAF) a déjà été agité par l’abrogation des chaînes « bonus », l’année prochaine le sera encore plus avec l’arrivée de six nouvelles chaînes gratuites sur la TNT, connues au printemps, et la montée en puissance de la télévision connectée.

VOD et exclusivités : Canal+ reste sous surveillance

En fait. Le 21 septembre, l’Autorité de la concurrence s’est surtout focalisée sur
la non mise à disposition immédiate de ses chaînes aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) qui le souhaitaient et sur la dégradation de TPS Star (cinéma et sports). Quand est-il de la VOD et des exclusivités ?

Injonction de blocage sous astreinte : les FAI estiment que « ce n’est pas du jeu »

Par une ordonnance du 28 avril 2011, le président du TGI de Paris a réaffirmé sa détermination à impliquer les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) dans la lutte contre les sites de paris et jeux en ligne non agréés. Après deux premiers cas, l’Arjel en a transmis trois autres.

Par Christophe Clarenc, associé, Renaud Christol, counsel, et Elsa Pinon, collaboratrice, August & Debouzy

Jusqu’au 12 mai 2010, il y a un peu plus d’un an
maintenant, l’organisation des jeux d’argent et de hasard dans l’Hexagone était confiée de manière exclusive à la Française des Jeux (FDJ) pour les loteries et les jeux de pronostics sportifs, au Pari Mutuel Urbain (PMU) pour les paris hippiques, ainsi qu’aux casinos pour les machines à sous et les jeux de table.
Agrément ou sanction de l’Arjel
La loi du 12 mai 2010 a mis fin à ces monopoles pour les paris sportifs, les paris hippiques et les jeux de cercle (jeux de cartes) en ligne. Seuls les paris et jeux de hasard – se déroulant dans les points de vente physiques – demeurent l’exclusivité de la FDJ, du PMU et des casinos. En raison notamment des enjeux d’ordre public et de protection des mineurs, cette loi du 12 mai 2010 – promulguée le 13 mai 2010 et suivie d’une douzaine de décrets d’application – a instauré un cadre réglementaire qui soumet l’activité des offreurs de jeux en ligne à un pouvoir d’autorisation et de contrôle de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) (1). Le rôle principal de cette autorité administrative indépendante est d’agréer les opérateurs avant qu’ils ne proposent en ligne des offres de paris et de jeux de hasard. Pour obtenir cet agrément, les opérateurs doivent s’engager à respecter de nombreuses obligations, afin de garantir
la protection du joueur et les droits de propriété des organisateurs de manifestations sportives. Les articles 15 et suivants de la loi énumèrent ces obligations qui tiennent non seulement aux modalités d’exploitation du site web et aux processus de traitement des données pour chaque jeu proposé, mais également aux modalités d’inscription des joueurs pour s’assurer qu’elles garantissent l’ouverture d’un compte joueur avant tout pari sur le site et permettent de vérifier que le joueur a plus de 18 ans. En outre, dans
le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent, l’Arjel contrôle les processus d’encaissement et de paiement des mises et des gains. Si postérieurement à la délivrance de l’agrément ces conditions ne sont plus respectées, l’Arjel dispose d’un pouvoir de sanction pouvant aller jusqu’au retrait de l’agrément.
Par ailleurs, le fait de proposer en ligne une offre de paris ou de jeux d’argent et de hasard sans être titulaire d’un agrément, est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et 90.000 euros d’amende et de cinq ans d’interdiction d’agrément (2), sans compter la possibilité dont l’Arjel dispose de bloquer l’accès au site Internet de l’opérateur exerçant son activité illégalement (3). Jusqu’à présent, l’ARJEL a favorisé l’application de cette dernière sanction. Le mécanisme est le suivant : l’ARJEL adresse à l’opérateur « illégal » une mise en demeure lui enjoignant de mettre fin aux activités contrevenantes dans un délai de huit jours. Passé ce délai, si l’opérateur concerné n’obtempère pas, le président de l’ARJEL « peut saisir le président du tribunal de grande instance (TGI) de Paris aux fins d’ordonner, en la forme des référés, l’arrêt de l’accès à ce service » aux hébergeurs du site concerné et/ou aux FAI. En pratique, cela signifie qu’il peut être enjoint à l’hébergeur de cesser de mettre le site à disposition du public, et/ou aux FAI d’empêcher l’accès des consommateurs à ce site (4). De façon complémentaire, le président du TGI peut également imposer la cessation du référencement du site par les moteurs de recherche.

Injonction de blocage sous astreinte
Ces mesures de blocage poursuivent un double objectif : d’une part protéger les consommateurs contre les sites de jeux qui ne respectent pas les obligations prescrites par la loi, et d’autre part, protéger contre la concurrence déloyale (5) les sites qui se soumettent au cadre réglementaire en obtenant l’agrément et en respectant les conditions de cet agrément. Dans les deux cas qui ont été soumis à ce jour au président du TGI de Paris – ordonnances du du 6 août 2010 et du 28 avril 2011 –, l’assignation de l’Arjel visait à la fois les hébergeurs des sites Internet « illégaux » (Stan Gibraltar limited domiciliée à Gibraltar, et 5Dimes domiciliée au Costa Rica), et différents FAI (Numericable, France Télécom/Orange, SFR, Iliad/Free, Bouygues Telecom, Darty Telecom et Auchan Telecom). Trois autres demandes de l’Arjel sont en cours d’examen par le président du TGI de Paris (6). Dans les deux cas, faute de pouvoir entraîner les hébergeurs dans la procédure, le juge s’est rabattu sur les FAI.
Le magistrat a ainsi enjoint aux FAI « de mettre en oeuvre ou de faire mettre en oeuvre, sans délai, toutes mesures propres à empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs abonnés situés sur ce territoire, au contenu du service de communication en ligne » accessibles aux adresses des sites Internet des opérateurs
« illégaux ». Et ce, dans un délai de deux mois pour la première affaire et de 15 jours pour la seconde. Il a assorti son injonction d’une astreinte de 10.000 euros par jour pour chaque FAI, tout en précisant que cette période d’astreinte ne pourrait excéder un mois.

Les multiples objections des FAI
Ces deux exemples démontrent que l’alternative offerte par la loi du 12 mai 2010, se résume dans les faits à une seule possibilité : si l’hébergeur ne peut pas être, ou peut difficilement être contraint (par exemple, dès lors qu’il est situé en dehors de l’Union européenne), le magistrat choisit, par souci d’effectivité, de prononcer l’injonction sous astreinte à l’encontre des FAI. Ainsi, ce qui apparaissait comme un outil exceptionnel, devient la mesure privilégiée pour punir les opérateurs « illégaux ». Les FAI ont publiquement regretté ce recours systématique et ont interjeté appel de la première ordonnance. Ils estiment en effet que l’injonction qui leur est faite ne devrait être qu’une mesure de secours, dans l’hypothèse où l’injonction faite à l’hébergeur serait sans effet. L’hébergeur est selon eux mieux placé pour agir efficacement et les mesures de blocage comportent des coûts qu’il serait inéquitable de laisser à leur charge. L’article 61 in fine de la loi du 12 mai 2010 prévoit bien l’adoption d’un décret fixant les modalités de compensation des surcoûts que représente ce blocage pour les FAI. Mais à ce jour, le décret n’a toujours pas été adopté… Surtout, ils dénoncent l’inefficacité des mesures de blocage. Comme ils l’avaient fait valoir lors des travaux préparatoires de la loi du 12 mai 2010, le contournement par les opérateurs eux-mêmes de ce blocage est aisé, par exemple en changeant d’adresse IP.

Les objections des FAI
Au surplus, il peut être impossible de mettre en oeuvre un quelconque blocage dès lors que les adresses IP des sites « illégaux » sont mutualisées ou que ceux-ci sont hébergés par des hébergeurs dont l’activité va bien au-delà des jeux et paris en ligne. Bloquer l’accès à ces adresses ou à ces hébergeurs pourrait ainsi, selon les FAI, entraîner des dommages collatéraux importants. Le risque est alors de bloquer tous les sites hébergés à la même adresse IP (7). D’ailleurs, à ce jour, des deux sites objets d’une injonction de blocage, seul le site de Stan Gibraltar est effectivement bloqué.
Le site 5Dimes reste, quant à lui, accessible en France.
Malgré ces contestations, le principe du blocage de sites Internet par les FAI sous astreinte a de beaux jours devant lui. En effet, la loi dite « Loppsi 2 » sur la sécurité intérieure (8) prévoit également ce mécanisme pour faire filtrer les sites pédopornographiques par les FAI, lesquels coopèrent par ailleurs avec l’AFA et la police judiciaire (voir encadré). Même à leur insu, les internautes seront donc protégés. @

ZOOM

Comment les membres de l’AFA collaborent avec la Police judiciaire
L’Association des fournisseurs d’accès et de services Internet (AFA) regroupant FAI, hébergeurs et responsables de sites communautaires*, s’attache par ailleurs – depuis
sa création en 1998 – à débusquer les sites Internet à contenu « odieux » (sites faisant
la promotion de la violence, sites pédopornographiques, racistes et xénophobes) et
à les signaler à l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC) à la Direction centrale de la Police judiciaire (DCPJ) pour que celui-ci fasse procéder à leur fermeture. L’AFA a justement organisé le 26 mai dernier toute une matinée sur le thème « Vers un Internet plus responsable : quels outils pour quels enjeux ? ». L’AFA, qui est en outre membre fondateur de la fédération internationale des hotlines Inhope, est à l’origine de Pointdecontact, un service d’assistance en ligne permettant à tous de signaler
– de façon anonyme – tout contenu choquant rencontré sur Internet.
Lors de la conférence, Pierre-Yves Lebeau, capitaine de police et chef de la section de traitement des signalements DCPJ/OCLCTIC a expliqué la coopération entre les sites web Internet-signalement.gouv.fr et Pointdecontact.net. @

* Parmi les membres de l’AFA : Bouygues
Telecom, Darty Télécom, Google France,
Orange (France Télécom), SFR et Numericable.

Pourquoi des producteurs de musique demandent à taxer les opérateurs du Net

Alors que le cinéma s’inquiète sur le risque de remise en cause du financement
des films français par les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) via le « Cosip », des producteurs de musique en appellent au chef de l’Etat pour bénéficier, eux-aussi, d’une taxe sur les accès au Net.

« Nous nous félicitons de la décision prise par le gouvernement d’arbitrer en faveur de
la pérennité de la taxe qui permet de financer la production cinématographique par une contribution des fournisseurs d’accès (extension de la taxe Cosip). Il nous paraît légitime et indispensable que la production phonographique puisse enfin bénéficier
d’un mécanisme identique », a écrit Stephan Bourdoiseau, président de l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI), au président de la République.

La musique veut aussi son « Cosip »
Dans un courrier adressé à Nicolas Sarkozy, daté du 10 septembre et rendu public le
15 septembre, il justifie sa revendication par le fait « que la musique enregistrée a servi
de produit d’appel pour subventionner le développement du haut débit avec un transfert
de valeur considérable en faveur des réseaux, sans aucune contrepartie pour les producteurs de musique ». Stephan Bourdoiseau, par ailleurs président de Wagram Music, a été élu président de l’UPFI le 10 juin dernier pour un mandat de deux ans.
C’est une fonction représentative qu’il connaît bien pour l’avoir assurée de 2004 à 2008.
« Il va s’attacher immédiatement à obtenir la mise en oeuvre rapide des principales mesures préconisées dans le rapport issu de la mission Création et Internet », précise l’organisation professionnelle qui réunit 80 membres revendiquant leur indépendance face aux majors (à l’opposé du Snep). Lors de la sortie du rapport Zelnik en janvier (voir EM@5), l’UPFI avait regretté que ne soit pas retenue sa proposition d’instaurer une taxe fiscale sur les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et sur les opérateurs télécom du haut débit. De plus, les producteurs indépendants souhaitaient « vivement » que la future « taxe Google » débouche sur un dispositif qui permette de financer aussi la production musicale en France. « A l’ère du mariage entre les contenus culturels et
les réseaux (…), les suites qui ont été données aux préconisations issues du rapport [Zelnik] ne nous paraissent pas être à la hauteur des enjeux », écrit Stephan Bourdoiseau, qui demande à rencontrer Nicolas Sarkozy. « Nous souhaiterions qu’à votre initiative, le gouvernement mesure à sa juste valeur les enjeux liés au déploiement des contenus culturels sur les réseaux et développe dans le secteur musical l’approche d’ensemble qu’il a su mener à bien dans celui du cinéma et de l’audiovisuel ». L’UPFI en appelle ainsi au chef de l’Etat pour que soit créé un compte de soutien à la production musicale, à l’instar du Compte de soutien aux industries de programmes (Cosip) mis en place en mars 2007 par la loi « Télévision du futur » et géré par le CNC, Centre national du cinéma et de l’image animée (1). Si cette idée – initiée par une partie de la filière musicale – de s’inspirer de ce qui a été mis en place pour le Septième art français ne date pas d’hier, elle n’a jamais été demandée avec autant d’insistance au plus haut sommet de l’Etat. Cette revendication intervient en pleine polémique sur la décision de l’Elysée de réviser à la hausse la TVA
– de 5,5 % à 19,6 % – sur la moitié du prix des offres triple play. Cette modification sera inscrite dans le projet de loi de Finances 2011 qui sera présenté en conseil des ministres fin septembre. Les FAI, eux, estiment que la « contrepartie » – le taux réduit à 5,5 % sur la moitié du forfait Internet-TV-téléphone contre financement de films français – est en conséquence remise en cause. Selon les services de Bercy, « il n’y a aucune remise en cause, même mineure, du financement du cinéma » (2). Nicolas Sarkozy aurait promis aux organisations du cinéma que la taxe « Cosip » prélevée sur les FAI en faveur des films français et européens serait aussi inscrite dans le projet de loi de finances 2011. En attendant d’en avoir le coeur net, les organisations du cinéma (Bloc, SPI, APC, ARP, Blic, SACD, …) s’inquiètent d’une remise en cause de la contribution des FAI au Cosip.

L’Elysée cinéphile et mélomane ?
Même la Sacem (3) a également exprimé, le 13 septembre, sa crainte par la voix du président de son directoire, Bernard Miyet : « Face à l’augmentation probable du coût
de l’abonnement à l’ADSL, les consommateurs seront tentés de faire des arbitrages qui pénaliseront le développement des offres légales en ligne ». Alors que les services de Christine Lagarde (4), ministre des Finances, ont tenté de faire passer le message selon lequel le Cosip ne serait pas victime de la réforme fiscale du triple play, les indépendants de la musique ont compris qu’il y avait là une opportunité à saisir de demander à l’Elysée un « Cosip » musical pour leur filière. Inutile de rappeler que Carla Bruni-Sarkozy est musicienne… @

Charles de Laubier

Neutralité des réseaux et droits d’auteur : Internet ne veut pas devenir un Minitel

Laure Kaltenbach et Alexandre Joux, deux anciens de l’ex-Direction du développement des médias du Premier ministre, devenus directeurs du
Forum d’Avignon, publient « Les nouvelles frontières du Net ». Edition Multimedi@ fait état de leurs reflexions sur la future gouvernance de l’Internet.