Mission « Culture-acte 2 » : l’exception et l’Europe

En fait. Le 25 septembre, la ministre de la Culture et de la Communication,
Aurélie Filippetti, et Pierre Lescure ont présenté la mission « Culture-acte 2 »
(trois rapporteurs et trois experts). L’Europe et l’international devront être
intégrés aux travaux. Conclusions du rapport : le 31 mars 2013.

En clair. La mission confiée à Pierre Lescure, dénommée « mission de concertation
sur les contenus numériques et la politique culturelle à l’ère du numérique », va-t-elle
se heurter au cadre européen et au marché unique ? C’est ce que l’on peut craindre
au regard des objectifs de François Hollande, de « protéger l’exception culturelle » française – selon les propres termes employés dans la lettre de mission de Pierre Lescure datée du 6 août dernier et signée par Aurélie Filippetti. Or cette dernière s’est défendue, lors de la présentation de la mission Culture-acte 2, de tomber dans le franco-français : « Il ne s’agit pas de défendre des intérêts nationaux. (…) Il n’est pas question d’avoir une démarche nationaliste, mais plutôt une vision universaliste », a-t-elle assuré. La lettre de mission se veut claire : « La dimension internationale, et tout particulièrement européenne, devra être intégrée à l’ensemble de vos travaux, en sorte que (…) vos propositions puissent être partagées avec nos partenaires européens et susciter leur adhésion ».
Autant dire que la France ne décidera pas seule à mettre à contribution les opérateurs télécoms, les FAI, les acteurs du Net et les fabricants de terminaux au financement de la création (cinéma, musique, livre, jeux vidéo, …). Paris devra composer avec Bruxelles. Aurélie Filippetti s’est inquiété d’« une certaine virulence » de la Commission européenne « sur certains sujets comme le prix unique du livre, les aides au cinéma [notamment la taxe sur les services TV des FAI, ndlr] ou encore la fiscalité des oeuvres culturelles ». Elle a déploré « une incompréhension de la part des autorités européennes qui veulent de la concurrence à tout crin ». La ministre espère néanmoins trouver des alliés en Europe, comme l’Allemagne, sur le soutien au livre.
Quitte à « former des alliances pour une exception culturelle européenne ». La mission Lescure « pourra aussi exploiter les résultats de la mission de Jacques Toubon (1) sur
le terrain de l’Union européenne et visant à harmoniser la fiscalité sur les produits
culturels ».
La présence du ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, et de la ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq, dans un « comité de pilotage » « autour » d’Aurélie Filippetti laisse présager un débat plus international. @

Fiscalité du Net : consensus Hollande-Sarkozy

En fait. Le 17 avril, le Collectif du numérique – soit 21 organisations professionnelles de l’industrie du numérique en France – a publié les réponses
de cinq candidats à l’élection présidentielle (Hollande, Sarkozy, Bayrou, Loly et Dupont-Aignan). L’une des questions portait notamment sur la fiscalité.

En clair. S’il est un sujet sur lequel François Hollande et Nicolas Sarkozy se rejoignent dans leur réponse respective au Collectif du numérique (1), c’est bien la fiscalité numérique. « Il faudra (…) mettre fin à cette injustice qui veut que les géants de l’Internet ne paient qu’une faible part de leurs impôts en France, alors qu’ils exercent une activité économique florissante. Nous privilégierons la voie européenne, en proposant à nos partenaires de renégocier les conventions internationales qui organisent cette évasion fiscale. Mais nous travaillerons également à une solution nationale en complément », a répondu François Hollande (PS). Nicolas Sarkozy (UMP) est sur la même longueur d’ondes : « Je n’accepterai pas plus longtemps que les sociétés françaises de l’économie numérique subissent la concurrence déloyale des géants transnationaux du Net fiscalisés dans des pays où ces prélèvements sont artificiellement bas. (…) C’est pourquoi, au niveau européen, je me battrai pour faire aboutir la réflexion sur la création d’un statut d’établissement stable virtuel tel que proposé par le Conseil national du numérique. Sans attendre la fin de ce processus,
la France fera en sorte d’assujettir rapidement à l’impôt sur les sociétés les acteurs étrangers du numérique qui réalisent des activités importantes dans notre pays (…) ». La réponse de François Bayrou (Modem), elle, est plus floue : « J’ai l’idée d’une zone économique autonome dans le monde Internet, dans laquelle on expérimentera un certain nombre de règles (…). Nous devons, dans cette zone, donner aux entreprises du numérique la possibilité de promouvoir elles-mêmes les règlements juridiques et fiscaux qui leurs sont propres ».
En revanche, Eva Joly (Europe Ecologie-Les Verts) ne dit mot sur la fiscalité numérique
si ce n’est : « Il importe de redéfinir un environnement légal stable à l’ère du numérique,
qui ne soit pas porté par la seule défense des intérêts de quelques multinationales ». Quant à Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République), il fait l’impasse sur la fiscalité numérique. Pourtant, quelle que soit l’issue de l’élection présidentielle, la fiscalité numérique sera à l’ordre du jour du Parlement lors de la reprise des débats. Le sénateur Philippe Marini (UMP) travaille à une proposition de loi de fiscalité numérique (lire EM@52, p. 7) qu’il prévoit de déposer au Sénat en juillet prochain. @

Nouveau « Google France », fiscalité française ?

En fait. Le 6 décembre, lors des Journées du numérique qu’il a créées, Nicolas Sarkozy a inauguré le nouveau siège de Google France, rue de Londres à Paris, accompagné du PDG du géant du Web, Eric Schmidt, et des ministres Eric Besson (Economie numérique) et Frédéric Mitterrand (Culture et Communication).

En clair. Assiste-t-on à « la Googlisation de Sarkozy », pour paraphraser un câble
– révélé l’été dernier par Wikileaks – envoyé en décembre 2009 par l’ambassade des Etats-Unis à Paris au Secrétariat d’Etat américain ? L’expression « Googlisation de la France » avait en effet été employée pour illustrer les discussions entre le géant du Web et la Bibliothèque nationale de France, au grand dam des maisons d’éditions françaises. Cette fois, la question peut se pose dans un contexte où les industries culturelles et audiovisuelles françaises dénoncent le dumping fiscal dans l’Union européenne, voire dans le monde, par les acteurs du numérique. Nouveau siège en France, nouvelle fiscalité ? « Rien ne change, nous nous conformons aux lois françaises et européennes », confirme Anne-Gabrielle Dauba-Pantanacce, directrice de la communication de la filiale française, à EM@. Lors de l’inauguration des nouveaux locaux de Google France (1), regroupant ses 350 salariés rue de Londres, le chef de l’Etat a pourtant effleuré le problème. « Je lui ai dit [à Eric Schmidt, PDG de Google, ndlr] : “mais combien de temps vous croyez que vous allez continuer à gagner de l’argent sur le marché français sans avoir de collaborateurs ici, sans avoir de structure de développement, sans vous installer ici ? Car le seul système qui peut marcher est
un système win-win” », a rappelé Nicolas Sarkozy à propos de sa première discussion « franche » avec Eric Schmidt. Le président de la République a en outre imaginé un
« Conseil du numérique européen », voire un « Conseil du numérique mondial » pour discuter notamment de la fiscalité du numérique. Car c’est le sujet qui fâche : la e-TVA et la fiscalité applicables aux acteurs du Web situés en dehors de l’Hexagone.
Nicolas Sarkozy a beau inaugurer le nouveau Google France, le siège de Google Europe n’en reste pas moins en Irlande pour des raisons d’« optimisation fiscale », tout comme Amazon. Apple Europe, lui, a domicilié iTunes au Luxembourg… Car la règle applicable dans l’Union européenne s’appelle le « principe du pays d’origine », selon lequel l’entreprise de e-commerce est assujettie à la fiscalité du pays où elle est domiciliée (2). Du moins jusqu’au 1er janvier 2015, date à laquelle la règle du lieu de consommation s’imposera (3) (lire p. 7). Google France a donc encore trois ans de répit devant lui… @

La « taxe Google » est morte, vive la eTVA en Europe ?

En fait. Le 22 juin, le Sénat a renoncé à la taxe sur la publicité sur Internet, ou
« taxe Google » de 1 %, qu’il avait pourtant introduite sept mois plus tôt (1) dans le « PLFR » 2011 ! Elle devait s’appliquer à partir du 1er juillet. L’Assemblée nationale avait aussi voté sa suppression le 10 juin.

En clair. Le Parlement a volé in extremis au secours des plateformes du Web vivant
de la publicité en ligne, en supprimant la taxe Google lors des débats sur le projet de
loi de finances rectificatif (PLFR) de 2011. L’Asic (2), le Spiil (3) et le CNN (4) s’en sont aussitôt « réjoui ». C’est la sénatrice Catherine Morin- Desailly (Union centriste) qui a réussi à obtenir de Philippe Marini (UMP) la suppression définitive. Dix jours plus tôt, pas moins de sept députés – dont six UMP (Laure de La Raudière, Olivier Carré, Louis Giscard d’Estaing, Patrice Martin-Lalande, Lionel Tardy, Bernard Gérard) et un Nouveau centre (Philippe Vigier) – ont été les auteurs de l’amendement « n°1 » qui a été introduit dans la soirée du 10 juin à l’Assemblée nationale. Considérant cette taxe d’« erreur » commise par les sénateurs, ils ont ainsi supprimé la « taxe Google » en abrogeant l’article 302 bis KI du code général des impôts qui avait été adopté par le Parlement – en commission mixte paritaire (CMP) – le 13 décembre 2010. « Cette taxe est une fausse bonne idée. (…) Il s’agit non seulement d’un mauvais signal donné aux acteurs du numérique – secteur qui est source de 25 % de la croissance en France (…) – mais surtout d’un mauvais calcul financier car au final, les pertes seront rapidement plus importantes que les recettes. En effet, cette taxe abusivement baptisée “Taxe Google”, alors qu’elle ne taxera jamais Google, est due par tout preneur de services
de publicité en ligne, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et établi en France », expliquaient les députés rejoints par les sénateurs. « Aussi, poursuivent-ils, il est évident que bon nombre de preneurs exerceront l’acte d’achat de services de publicité en ligne depuis l’étranger, afin de ne pas avoir à payer cette taxe. Cette délocalisation d’achat/vente entraînera inévitablement la perte de la perception de la TVA pour l’État français, et donc la perte de recettes [estimée à 49 millions d’euros en 2011, ndlr] plus importantes que ce que va rapporter [25 millions d’euros, ndlr] la taxe sur la publicité en ligne ». Lors de la séance du 10 juin, la député Laure de La Raudière a expliqué qu’il fallait la supprimer et étudier à la place « une fiscalité sur les lieux de consommation ». Elle a convaincu le ministre du Budget François Baroin de s’en remettre aux travaux du Conseil national du numérique (CNN) sur cette question. Le gouvernement s’est engagé au Sénat à définir « une norme européenne » en matière fiscale. @

La France et l’Europe s’interrogent sur Google

En fait. Le 18 février, l’Autorité de la concurrence a été saisie par Christine Lagarde, ministre de l’Economie, des Finances, de l’Industrie et de l’Emploi
sur  « le fonctionnement de la concurrence dans le secteur de la publicité sur Internet » dominé par le moteur de recherche en ligne Google.

En clair. Les sages de la rue de l’Echelle rendront un avis très attendu « autour de l’été » pour savoir s’il faut taxer les revenus publicitaires de Google, tout en analysant la concurrence sur ce marché. Cette expertise avait été demandée par Nicolas Sarkozy à
la ministre Christine Lagarde « pour appréhender fiscalement les activités publicitaires des grands portails et moteurs de recherche internationaux présents en France », en vue d’instaurer une « taxe Google » préconisée par la mission Zelnik (lire EM@5 p. 1 et 2). Mais Bercy ne peut agir seul fiscalement au regard du droit européen. D’autant que la Commission européenne a par ailleurs été saisie de trois plaintes (Foundem, Ejustice et Ciao) le 24 février pour pratiques anticoncurrentielles. De leur côté, les parlementaires français auraient aimé aller plus vite. Les 15 et 16 février, le Sénat a en effet examiné les amendements sur le projet de loi de finances rectificatif pour 2010. A été retiré celui qui fut adopté le 10 février par Philippe Marini, au nom de la commission des finances, et qui devait taxer les revenus de la publicité sur Internet. Philippe Marini avait qualifié son texte d’« amendement d’appel », c’est-à-dire destiné à être retiré lors de l’examen en séance publique du projet de loi de finances rectificatif – ce qui fut fait – et à presser le gouvernement. L’amendement propose que ce prélèvement obligatoire soit à un taux de 1 %. Car, comme l’explique le sénateur Philippe Marini, « la taxe prendrait pour assiette les revenus publicitaires en ligne (achats d’espace, liens sponsorisés) des sociétés établies dans l’Union européenne, engendrés par l’utilisation de leurs sites Internet depuis la France ». Ces sociétés du Web (1) sont fiscalisées à l’étranger ; l’opération publicitaire est réalisée sur le territoire français, « provoquant ainsi une captation de marché dont l’enjeu est d’en mesurer l’importance ». Dans son rapport, la mission Zelnik avait suggéré que l’Etat français s’inspire des règles de territorialité qui s’appliquent à la taxe sur les conventions d’assurance couvrant un risque localisé en France. La Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) s’était félicitée de cet amendement (2). Quant à l’Association des services Internet communautaires, qui n’avait dit mot depuis le rapport Zelnik (EM@6 p. 5), elle a dénoncé cette taxe « unique au monde ». @