Amazon fête ses 20 ans et devrait dépasser les 100 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2015

C’est le deuxième « A » de GAFA. Le géant mondial du e-commerce fête les 20 ans de l’ouverture d’Amazon.com le 16 juillet. Son fondateur et PDG Jeff Bezos a toujours préféré l’investissement et la diversification à la rentabilité. Mais jusqu’à quand ? Tandis que l’Europe enquête sur sa position dominante, notamment dans le livre, et sur sa fiscalité.

Par Charles de Laubier

Jeff BezosAmazon.com a ouvert le 16 juillet 1995. « Fluid Concepts and Creative Analogies », de Douglas Hofstadter, fut le premier livre vendu en ligne. Devenu le numéro un mondial du commerce électronique – avec le livre pour commencer, rejoint ensuite par la musique et l’électronique grand public –, la société Amazon a été créée en juillet 1994 par PDG actuel, Jeffrey Preston Bezos, alias Jeff Bezos (photo), puis introduite en Bourse en juin 1997.
Sa capitalisation boursière dépasse aujourd’hui les 200 milliards de dollars. Selon nos calculs, le chiffre d’affaires du groupe Amazon devrait franchir cette année la barre des 100 milliards d’euros, si la croissance de 20 % observée entre les deux années précédentes se maintenait. Et ce, au moment de fêter ses 20 ans. Le géant du e-commerce a réalisé en 88,9 milliards de dollars de revenus en 2014.

Pertes, échecs et diversifications
Pourtant, la firme créée à Seattle (Etat de Washington aux Etats-Unis) n’a jamais été vraiment profitable depuis sa création. La perte nette a été de 241 millions de dollars l’an dernier, malgré une année précédente bénéficiaire à 274 millions de dollars.
Ce sont les investissements frénétiques engagés par Jeff Bezos qui pèsent sur la rentabilité : e-commerce diversifié, fabrication de tablettes, liseuses, smartphones, mini-décodeurs, services de vidéo et de musique en ligne, livres numériques en accès illimité, stockage illimité de photos, etc. Depuis 2010, où le bénéfice net avait fait un bond de 28 % à 1,15 milliard de dollars pour un chiffre d’affaires plus que moitié moindre que celui d’aujourd’hui, les actionnaires et les investisseurs n’ont cessé d’être déçus par le manque de rentabilité du groupe. Plus le géant du ecommerce encaisse de l’argent, plus il en perd ! Sans parler des « échecs » que Jeff Bezos a reconnus et
a même chiffrés en « milliards de dollars » (1). Par exemple, si ses liseuses Kindle et tablettes Fire sont bien accueillies par les utilisateurs, il n’en est pas allé de même du smartphone Fire Phone lancé il y a un an maintenant. Amazon a même dû sérieusement déprécier les stocks, ce qui lui a coûté quelque 170 millions de dollars (charge enregistrée au troisième trimestre 2014). Mais les affaires continuent. Il y a près d’un an, en août 2014, Amazon rachetait pour 970 millions de dollars Twitch, première plateforme mondiale dans le domaine des jeux vidéo en réseaux sociaux. Plus de 100 millions de membres de la communauté des gamers se réunissent chaque mois pour regarder des jeux vidéo et en discuter avec plus de 1,5 million de diffuseurs en live. Et c’est en octobre 2014 qu’Amazon a ajouté une corde à son arc : le mini-décodeur Fire TV Stick, pour rivaliser avec le Chromecast de Google. D’abord disponible aux Etats-Unis, il l’est en Europe depuis mars dernier. De la taille d’une
clé USB, il se branche sur le port HDMI du téléviseur pour y visionner des vidéos en streaming (pas de téléchargement) ou aussi y afficher les vidéos regardées à partir
d’un smartphone ou d’une tablette. En fait, le Fire TV Stick est une version plus petite
et moins chère de Fire TV, le premier décodeur pour téléviseur d’Amazon.
Quant au service par abonnement Prime, lancé il y a dix ans, il rencontre un réel succès tant aux Etats-Unis qu’à l’international. Pour 99 dollars par an, Prime donne accès en ligne à des contenus numériques et à des livraisons gratuites en deux jours. Les membres d’Amazon Prime ont accès en streaming à des milliers de films et d’épisodes TV, y compris les « Amazon Original Series » produites par le géant du
Net et disponibles sur Prime Instant Video (lancé en 2011) sans frais supplémentaires pour ses membres. La série « Transparent » est par exemple multi-lauréate au Golden Globe (meilleure série comique et meilleure série musicale). Une prochaine série est attendue avec le réalisateur Woody Allen.

Abonnement Prime : l’offre s’étoffe
Amazon va même produire des films pour les salles de cinéma, dont le premier sortira à la fin de l’année. Ces « Amazon Original Movies », produits par Amazon Studios, seront ensuite disponibles en ligne deux mois après leur sortie. Premier titre : « Elvis & Nixon », dont les droits viennent d’être acquis par le géant du e-commerce. En plus de dizaines de milliers de films et épisodes, l’abonnement Amazon Prime offre – avec Prime Music – 1 million de chansons et des centaines de play-lists. A noter qu’Amazon possède en outre IMDb, la base d’information de référence mondiale sur les films et les artistes.

A l’assaut de la maison connectée
La diversification passe par l’innovation. Depuis mars dernier, il est proposé gratuitement aux abonnés de Prime le « Dash Button », un petit boîtier doté d’un gros bouton et d’une étiquette indiquant la marque d’un produit ménager à acheter (255 références, du papier-toilette au sacs poubelle, en passant par les dosettes de café).
Il se colle ou s’accroche n’importe où dans la maison afin de faciliter la prise de commande en cas de besoin. Décidé à s’imposer dans la maison connectée, Amazon
a lancé le 23 juin dernier un petit cylindre – baptisé « Echo » – qui fait office de service d’assistance vocale pour contrôler les objets connectés à domicile (éclairage, hi-fi, chauffage, …). En mars dernier, Amazon s’est encore un peu plus diversifié avec le lancement d’un service pour les particuliers baptisé « Amazon Home Services » sur Amazon.com (électricité, plomberie, ménage, jardinage, décoration intérieure, etc). Audelà de la livraison en un jour avec « Prime Now », Jeff Bezos compte en outre lancer « Prime Air », pour livrer par drone de petits paquets en 30 minutes maximum ! Dans le livre numérique, Amazon a lancé Kindle Unlimited pour proposer un abonnement d’accès illimité à des ebooks en streaming : 9,99 euros par mois pour 800.000 livres. Amazon est aussi une maison d’édition avec Amazon Publishing, dont l’activité a aussi été lancée en début d’année en France.
Plus ancienne, la plateforme Kindle Direct Publishing (KDP) favorise l’auto-édition
des auteurs désireux d’atteindre directement leur public : 600.000 auteurs y sont présents aujourd’hui. Et à partir du 1er juillet, les auteurs de livres auto-édités seront rémunérés à la page lue et non plus sur le nombre de téléchargements d’ebooks lus
à plus de 10 %.

Autre activité : Amazon Web Services (AWS), filiale de services de cloud, propose
ses services d’informatique dématérialisée et accessibles à distance. C’est l’une des activités du groupe qui enregistre la plus forte croissance et pèse déjà 5 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Le nuage informatique serait une vache à lait pour Amazon. En janvier 2015, Amazon a en outre lancé WorkMail, un service de messagerie professionnelle d’AWS. En avril 2015, Amazon a annoncé le lancement d’Amazon Business, une place de marché aux Etats-Unis destinée aux achats des entreprises. Sans oublier « Amazon Lending », service de prêts aux PME qui vient d’être lancé
au Royaume- Uni (après les Etats-Unis et le Japon). Cette boulimie dans les investissement et la diversification tous azimuts ne semble pas prendre fin. Jeff Bezos vise maintenant la Chine, pour affronter son grand rival asiatique Alibaba. L’Europe profite bien sûr de l’expansion internationale du géant du e-commerce, qui emploie 32.000 salariés dans l’Union européenne (centres de logistique, développement de logiciels, services clients, …). Cela ne l’empêche pas d’être dans le collimateur de la Commission européenne qui, mi-juin, l’a mis en garde contre tout abus de position dominante. Une enquête – dite « procédure formelle d’examen » – a notamment été ouverte le 11 juin sur les pratiques d’Amazon dans la distribution de livres numériques. Amazon est actuellement le plus grand distributeur de livres numériques en Europe. Bruxelles soupçonne d’obliger contractuellement les maisons d’édition à l’informer
de l’offre de conditions plus favorables faite à ses concurrents et de lui accorder les conditions comparables. La Commission européenne craint qu’avec ces clauses, il ne soit plus difficile pour les autres distributeurs de livres numériques de concurrencer Amazon grâce au développement de nouveaux produits et services innovants.

Fin de l’optimisation fiscale
Autre pratique d’Amazon dans le viseur de Bruxelles : la fiscalité avantageuse dont bénéficie la firme de Seattle au Luxembourg (aides d’Etat). Une enquête a, là aussi,
été ouverte en octobre 2014 et est actuellement en cours. Par exemple, la principale filiale allemande d’Amazon ne s’est acquittée que de 11,9 millions d’euros d’impôts en 2014, alors qu’elle a enregistrée un chiffre d’affaires record de 11,9 milliards de dollars. Sentant le vent tourner à son désavantage (risque de redressement fiscal), le géant du Net a commencé en mai à déclarer ses revenus pays par pays – à commencer par le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie, en attendant l’ouverture prochaine d’une filiale en France. @

Charles de Laubier

Le CSA veut obliger Netflix et YouTube à financer la création cinématographique et audiovisuelle

C’est le grand cheval de bataille du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) au niveau européen en 2015 : amener Netflix, YouTube et d’autres gatekeepers du Net à contribuer au financement de films et de productions audiovisuelles, en réformant en ce sens la directive européenne « SMA ».

Par Charles de Laubier

Olivier SchrameckEn France, Netflix ou YouTube ne sont ni soumis aux obligations de financement de la production cinématographique et audiovisuelle ou de quotas prévues par le premier décret dit « SMAd » (services de médias audiovisuels à la demande) de novembre 2010, ni aux dispositions « anti-contournement » du second décret « SMAd » de décembre 2010 censé s’appliquer aux services de vidéo en ligne situés dans un autre pays européens que la France.
Car ces plateformes mondiales d’origine américaine ne sont pas basées dans l’Hexagone : le numéro un mondial de la vidéo à la demande par abonnement (SVOD), Netflix, est aux Pays-Bas (Amsterdam) depuis le 1er janvier (après avoir été au Luxembourg) – et le numéro un mondial des plateformes de partage vidéo, YouTube, est basé à Dublin chez sa maison mère Google. Même le service Jook Video du groupe AB (fondé par le Français Claude Berda et basé au Luxembourg) échapperait aux obligations audiovisuelles françaises (1).

Distorsion de concurrence
C’est pour remédier à cette « distorsion de concurrence » au détriment des plateformes vidéo françaises comme CanalPlay, Videofutur ou Filmo TV que le CSA coopère avec la Commission européenne dans la réforme de la directive de 2010 sur les services de médias audiovisuels (SMA) (2).
Son président, Olivier Schrameck (photo), est aux avant-postes de la réforme depuis qu’il a été nommé il y a un peu plus d’un an maintenant à la présidence de l’ERGA (3), le groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels alors créé auprès de la Commission européenne.
Son objectif est, avant la fin de son mandat à la tête de l’ERGA le 31 décembre prochain (il en sera ensuite vice-président en 2016), d’ »intégrer les nouveaux opérateurs dont les plateformes Internet pour qu’ils participent eux aussi au financement de la création » (4).
Son président, Olivier Schrameck (photo), est aux avant-postes de la réforme depuis qu’il a été nommé il y a un peu plus d’un an maintenant à la présidence de l’ERGA (5), le groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels alors créé auprès de la Commission européenne. Son objectif est, avant la fin de son mandat à
la tête de l’ERGA le 31 décembre prochain (il en sera ensuite vice-président en 2016), d’« intégrer les nouveaux opérateurs dont les plateformes Internet pour qu’ils participent eux aussi au financement de la création » (6). Si Netflix ou YouTube sont les premiers en ligne de mire, d’autres acteurs du Net devenus des « gardiens d’accès » (gatekeepers) dans la chaîne de valeur du secteur audiovisuel font aussi l’objet d’une réflexion européenne sur l’opportunité de les inclure dans la future nouvelle directive SMA. Pour l’heure, cette dernière ne concerne que les services de VOD et de catch up TV. Mais quid des nouveaux intermédiaires audiovisuels que sont les plateformes vidéo, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) avec leur box d’accès à la télévision ADSL, les fabricants de terminaux connectés (smartphones, tablettes, smart TV, …) ?
« S’ils n’exercent pas nécessairement de responsabilité éditoriale sur les contenus qu’ils transportent, ils sont désormais des acteurs importants dans le paysage audiovisuel. Il apparaît donc nécessaire de réfléchir sur les conséquences de tels développements, notamment en termes (…) de financement des contenus (7) »,
est-il expliqué dans le programme de travail de l’ERGA pour 2015. Les conclusions
des « CSA » européens sur l’adaptation du cadre réglementaire sont attendues d’ici la fin de l’année. Après les trois premières réunions plénières de l’ERGA, de mars 2014, d’octobre 2014 et d’avril 2015, la prochaine aura lieu à l’automne prochain et les conclusions d’ensemble sont prévues en décembre. La dimension transfrontalière rend encore plus nécessaire une approche au niveau des Vingthuit. C’est là qu’entre en jeu la question de la « compétence territoriale » qui fait l’objet de divergences entre les Etats membres dans le cadre de la transposition de la directive SMA, laquelle – tout comme l’ancien directive « Télévision sans frontières » qu’elle avait remplacée – s’appuie sur le principe du « pays d’origine » et non sur celui souhaité de « pays de destination ». Par exemple, Netflix est basé aux Pays-Bas et relève donc pas de la réglementation audiovisuelle de la France sur le financement de la création (seule la TVA a commencé à être harmonisée depuis le 1er janvier). Pour remédier à cette
« asymétrie » entre services français et services provenant d’un pays tiers, l’ERGA veut changer la directive SMA sur ce point sensible et ainsi « résoudre les conflits en ce qui concerne la compétence territoriale, afin d’éviter tout vide juridique sur ce sujet ».

Compétence territoriale
La France, qui est le pays européen aux plus fortes obligations d’investissement dans le cinéma et l’audiovisuel via le compte Cosip du CNC, va tout faire pour que la directive SMA change pour le pays de destination. C’est le CSA qui préside justement, à l’ERGA, le nouveau groupe de travail sur la compétence territoriale. Quant à la Commission européenne, dans le cadre de son programme dit
« Refit » (Regulatory Fitness and Performance), elle espère parvenir à une nouvelle directive SMA dès l’an prochain. @

Charles de Laubier

Les acteurs du Net fustigent les velléités de la France d’instaurer une fiscalité numérique nationale

Après le rapport « Fiscalité du numérique » publié par France Stratégie (service du Premier ministre), qui conseille l’Etat de taxer « à court terme » la publicité
en ligne et les données, les acteurs de l’Internet dénoncent une approche franco-française et demandent un cadre fiscal international.

Google, Dailymotion, Microsoft, Facebook, Yahoo, AOL, Spotify, Deezer, PriceMinister ou encore Wikimedia, tous membres de l’Association des services Internet communautaires (Asic), présidée par Giuseppe de Martino (photo), s’insurgent contre le rapport « Fiscalité du numérique » qui, selon eux, « stigmatise l’économie numérique sans comprendre que toute l’économie devient numérique ».

Cinq ans de rapports français !
Commandité par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective – alias
« France Stratégie » – qui dépend du Premier ministre, ce rapport de 170 pages en anglais et publié le 9 mars (1) suggère au gouvernement de mettre en oeuvre « une taxation spécifique pour lutter contre l’optimisation fiscale des géants du numérique ». Sont ainsi proposées une taxation de la publicité, une taxation sur le commerce électronique, une taxation sur les flux de données (bande passante), une taxation en fonction du nombre d’internautes, une taxation en fonction du nombre de données stockées sur le territoire français ou encore une taxation sur la base des données échangées. Après les rapports « Marini » d’avril 2010 et de juin 2012, « Blandin/Morin-Desailly » de janvier 2012, puis « Collin & Colin » de janvier 2013, « CNNum » de septembre 2013, tous consacrés à la fiscalité numérique (sans oublier le rapport
« Muet-Woerth » de juillet 2013 sur l’optimisation fiscale internationale), voici que le rapport « France Stratégie » pousse l’Etat français à taxer sans attendre les acteurs du Net. « A court terme, de nouveaux outils fiscaux spécifiques pourraient être envisagés, au niveau européen ou d’un noyau de pays, dans l’attente d’une refonte du cadre fiscal international. Une telle fiscalité (…) reposerait sur une taxe ad valorem des revenus publicitaires ou de la collecte de données personnelles, plus facilement rattachables à un territoire », préconisent les dix économistes auteurs de « ce rapport sur le rapport
du rapport » (dixit l’Asic). Ont ainsi été sollicités par Matignon des experts de l’Ecole d’économie de Paris, de l’Ecole d’économie de Toulouse et de l’Institut Mines-Télécoms. Les acteurs du Net présents en France leur reprochent, via l’Asic, de faire des propositions « qui auront pour effet de s’appliquer aux seules entreprises ayant
une résidence fiscale en France, soit les acteurs français, et non pas aux entreprises établies dans les autres pays de l’Union européenne ». L’attractivité des services Internet français en serait d’autant plus compromise et les acteurs français seraient désavantagés par rapport à leurs homologues européens. « De telles mesures nationales, si elles sont mises en oeuvre, pousseront la France et son écosystème aux portes de la récession numérique », mettent-ils encore en garde (lire encadré page suivante). Intervenant lors du séminaire organisé à l’occasion de la présentation du rapport « France Stratégie », la secrétaire d’Etat au numérique, Axelle Lemaire, a conclu que « de nouveaux outils fiscaux spécifiques pourraient être envisagés, au niveau européen, en parallèle d’une adaptation du cadre fiscal international ».

Autrement dit, des taxes nationales sur le numérique ne sont pas envisageables. Une taxe sur la bande passante, comme le souhaite Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication (2), ou une taxe sur la publicité en ligne, sollicité notamment par Frédérique Bredin, présidente du Contre national du cinéma et de l’image animée (CNC), ne peuvent se concevoir qu’à l’échelon européen (3) (*) (**), voire international. L’Internet Advertising Bureau (IAB) a mis en garde contre « les effets contreproductifs » de cette taxe. Quoi qu’il en soit, Axelle Lemaire a prévu de rencontrer ses homologues européens pour que la question de la fiscalité numérique soit à l’ordre du jour de la
« Stratégie numérique » que présentera la Commission européenne en mai prochain.

« Taxe Google » multiformes
Ce énième rapport français sur la fiscalité numérique en cinq ans préconise peu ou prou une « taxe Google » qui pendrait plusieurs formes selon qu’elle s’applique sur
les recettes publicitaires, sur l’exploitation des données ou encore sur le nombre d’utilisateurs. Objectif : lutter contre « une optimisation fiscale agressive » des GAFA
« réduisant drastiquement leur taux d’imposition ». Or les acteurs du Net ne veulent pas d’une fiscalité spécifique sur leurs activités numériques car, selon eux, « l’optimisation fiscale [n’est] pas le monopole du “numérique” ». La solution doit être trouvée au sein de l’OCDE (4) – dont le siège est à Paris – pour modifier au niveau international le cadre juridique applicable à toutes les multinationales, qu’elles soient françaises ou étrangères.

Le BEPS de l’OCDE pour septembre
C’est en septembre prochain que doivent aboutir, notamment sur le numérique, les négociations sur la coopération fiscale dans le cadre du projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting, comprenez « érosion de l’assiette fiscale et déplacement des profits »).
« En matière de fiscalité des multinationales, il est important que les Etats adaptent le cadre juridique qu’ils ont élaboré au cours des quarante dernières années. La France se doit donc de supporter les travaux actuellement en cours au sein de l’OCDE relatifs à l’érosion des bases fiscales (BEPS), quand bien même ceux-ci viseraient l’ensemble des multinationales et non exclusivement celles du numérique », estiment les acteurs du Net. Car les GAFA ne sont pas les seuls à faire de l’optimisation fiscale jusqu’aux limites de la légalité. Beaucoup de multinationales profitent du « dumping fiscal » pratiqué par certains Etats de l’Union européenne pour organiser leur l’évasion fiscale.

C’est ainsi qu’ont été popularisés deux montages financiers baptisés « double irlan-
dais » et « sandwich hollandais » qui auraient permis par exemple à Google d’échapper en grande partie à l’impôt en Europe grâce à une filiale située dans le paradis fiscal des Bermudes (où est située sa filiale Google Ireland Holdings). Cette double pirouette fiscale, a priori légale, est décrite en détail dans le rapport français « Colin & Collin » (5). Pierre Collin est justement l’un des six experts qui ont rendu en mai 2014 à la Commission européenne commanditaire un rapport sur « la taxation de l’économie digitale » (6). Ce rapport européen d’il y a presque un an en conclut que « l’économie numérique ne nécessite pas un régime fiscal distinct ». Bruxelles a ensuite lancé, un mois après ce rapport (en juin 2014) une enquête sur des aides d’État dont auraient pu bénéficier Apple en Irlande, Starbucks aux Pays-Bas, Fiat au Luxembourg et, depuis octobre dernier, Amazon au Luxembourg. Ce qui provoque des distorsions de concurrence au sein de l’Union européenne. Rappelons en outre que le 6 novembre dernier, le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a publié une enquête – baptisée sous le nom évocateur de « Luxembourg Leaks » ou « LuxLeaks » (7) (*) – menée par 80 reporters de 26 pays sur les accords fiscaux (tax rulings) avantageux conclus entre 340 entreprises et le Luxembourg. Parmi les bénéficiaires
de ces arrangements fiscaux : la filiale iTunes d’Apple, Amazon Media, Vodafone, Accenture, Sportive Group (Lagardère), mais aussi LVMH et bien d’autres dans des secteurs économiques différents. Cet élargissement de la problématique « optimisation fiscale » va dans le sens des acteurs du numérique qui refusent d’être discriminés en tombant seuls sous le coup d’une éventuelle fiscalité digitale. « L’ensemble des services développés par l’économie numérique se retrouvent aujourd’hui dans tous les secteurs économiques. Les diverses plateformes de vidéos sont aujourd’hui utilisées par les industries culturelles qui y voient un vecteur de promotion, de communication mais aussi de valorisation de leurs oeuvres. Les réseaux sociaux sont présents en entreprises ; les services de stockage deviennent monnaie courante », explique l’Asic, qui déplore au passage que ce rapport des services du Premier ministre ait été réalisé sans réelle collaboration ni même échanges avec les divers acteurs français de l’économie numérique. « En effet, le rapport ne tient pas compte du fait que le numérique n’est plus un secteur à part entière. @

Charles de Laubier

Jook Video profite du Luxembourg, où siège sa maison mère AB Groupe, du Français multimillionnaire Claude Berda

C’est un service de SVOD français et francophone, dont le site Jookvideo.com
est hébergé en France, et qui appartient au groupe AB contrôlé par un Français, Claude Berda, avec TF1 comme actionnaire français. Pourtant, Jook Video échappe comme Netflix à la réglementation audiovisuelle française…

Par Charles de Laubier

Claude Berda

Claude Berda, président d’AB Groupe.

Plus lourd hors des Etats-Unis, Facebook assume le risque accru de redressements fiscaux

C’est dans un climat de suspicion d’évasion fiscale que Facebook fête ses anniversaires : 10 ans d’existence le 4 février, 30 ans de Mark Zuckerberg le
14 mai, 2 ans de la filiale française dans ses locaux parisiens de l’avenue de Wagram le 7 juin et 1 an de Laurent Solly (photo) à sa tête le 3 juin.