Les trois « injustices fiscales » qui pénalisent les opérateurs télécoms, selon leur fédération

Créée il y a dix ans (septembre 2007), la Fédération française des télécoms (FFTélécoms) fait de la fiscalité qu’elle juge « discriminatoire » envers les opérateurs un combat. Au moment où le projet de loi de Finances 2018 est débattu, revenons sur ces taxes qui profitent à la culture et aux collectivités.

Par Katia Duhamel, experte en droit et régulation des TIC, K. Duhamel Consulting

La Fédération française des télécoms (FFTélécoms) a publié en mars 2017 un état des lieux du secteur et des propositions pour faciliter les déploiements, assurer une équité entre tous les acteurs du numérique et favoriser l’innovation et la confiance numérique. La nécessité de revoir une fiscalité que les opérateurs télécoms jugent
« rigide, complexe et inéquitable » est un des principaux messages délivrés par ce document (1).

Alphabet, où Google pèse 99,4 % des revenus 2015, a perdu 3,5 milliards de dollars dans ses « autres paris »

Sur l’année 2015, la holding Alphabet – qui regroupe Google/YouTube (presque 100 % du chiffre d’affaires) et les « autres paris » (sic) – a beau afficher un bénéfice net de 15,8 milliards de dollars en 2015, elle n’en perd pas moins
des milliards dans ses nouvelles aventures technologiques risquées.

ABC.XYZ… C’est ainsi que
la holding, dont Google et YouTube génèrent encore l’essentiel des presque 75 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2015, s’est constituée un nom de domaine original qui a fait le buzz l’an dernier (1) – faute d’avoir pu utiliser alphabet.com qui, lui, appartient au groupe BMW… Au-delà de cette anecdote,
la nouvelle maison mère de Google en a fait son site web institutionnel avec un lien unique : « Investors » ! Le ton a donc été donné : Alphabet s’adresse aux investisseurs.

Pierre Moscovici, commissaire européen, préfère une « fiscalité globale » à une « fiscalité numérique »

Le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, Fiscalité et Douanes était l’invité le 25 janvier de l’Association des journalistes économiques et financiers (AJEF). Il s’est notamment exprimé sur la ficalité numérique dans le plan anti-optimisations fiscales des multinationales présenté le 28 janvier.

« Il y a une question qui nous agite parfois lorsque l’on parle avec nos collègues Andrus Ansip et Günther Oettinger [respectivement commissaire européen en charge du Marché unique numérique, et commissaire européen à l’Economie et à la Société numériques, ndlr], c’est de savoir si l’on doit avoir un développement spécifique de la fiscalité du numérique ou si l’on doit englober le numérique dans une approche plus large et plus moderne. Je suis plutôt partisan de la deuxième option. Cela fait aussi partie du débat que l’on va avoir sur la TVA [voir encadré ci-dessous] », a répondu Pierre Moscovici, à une question de Edition Multimédi@ sur la fiscalité des géants du Net, devant l’AJEF. Et le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, Fiscalité et Douanes d’ajouter : « Je suis plutôt favorable à une fiscalité globale, une approche globale, qui soit adaptée au monde où nous vivons et à l’économie numérique, au lieu de faire une fiscalité numérique. Je trouve que cela toujours très compliqué et cela risque d’être dépassé assez vite ».

Projet de loi de Finances 2011 : les e-taxes

En fait. C’est le 7 décembre que se terminent les débats au Sénat sur le projet
de loi de Finances pour 2011, lequel avait été adopté par l’Assemblée nationale
le 17 novembre dernier. En attendant, la commission mixte paritaire du 13 décembre, Edition Multimédi@ fait le point sur les mesures « numériques ».

En clair. L’économie numérique et les nouveaux médias contribuent plus que jamais
aux recettes de l’Etat français, qui en a bien besoin… La plus emblématique des taxes instaurées par le gouvernement et les parlementaires français restera la taxe dite
« Google », qui a été adoptée par le Sénat le 23 novembre et qui sera applicable à
partir du 1er janvier 2011. Elle s’appliquera à partir du 1er janvier 2011 sur les recettes publicitaires réalisées en France par Google, Yahoo, Dailymotion et tout autres
services web. Elle devrait rapporter à l’Etat jusqu’à 20 millions d’euros. « La taxation
des annonceurs est la seule solution, compte tenu de la localisation hors de France
des principaux vendeurs d’espaces publicitaires en ligne, tels que Google », explique Philippe Marini (1).
Le Web rejoint ainsi la télévision et la presse gratuite, dont les recettes publicitaires sont déjà taxées et rapportent respectivement 70 et 30 millions d’euros par an à l’Etat. En revanche, son amendement pour une taxe de 0,5 % sur le commerce électronique
a été abandonné. Sur le triple play (ou le quatruple play), l’Assemblée nationale avait relevé en octobre la TVA de 5,5 % à 19,6 % sur la moitié du tarif d’abonnement haut débit qui bénéficiait du taux réduit pour distribution de service de télévision. Pour les opérateurs télécoms, cela remettait en cause leur contribution au Compte de soutien
à l’industrie de programmes (Cosip). Mais pour ne pas déstabiliser le financement des films français (2), le gouvernement a finalement donné des gages aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) en leur accordant un « abattement de 50 % » sur les recettes fiscales prélevées sur le triple play avec télévision. Ce qui revient à « neutraliser les effets collatéraux de la suppression du taux réduit forfaitaire de TVA » sur les offres triple play. Les FAI n’auront donc pas un « effort fiscal supplémentaire » à faire. En échange de quoi, la taxe Cosip n’est pas remise en cause et, pour prendre en compte la partie télé du triple play, les FAI bénéficient d’une déduction de 55 % sur les recettes des abonnements triple play.
Dans un tout autre domaine, le Sénat a adopté le 22 novembre pour le livre numérique le même taux de TVA réduit que pour le livre papier – à savoir 5,5 %. Quant au projet de prix unique du livre numérique, adopté au Sénat fin octobre, il doit encore être approuvé par l’Assemblée nationale. @