Les fintech et les Big Tech pourraient aller jusqu’à faire disparaître la banque traditionnelle

Lors des 5èmes Assises des Technologies financières, qui se sont tenues le 23 novembre à l’initiative de l’agence Aromates, le scénario du démantèlement des services bancaires n’est pas un sujet tabou. Mais selon la Fondation Concorde une « coopétition » entre banques et fintech serait préférable.

Les fintech poursuivent plus que jamais leur conquête des services bancaires, au point que « la distinction entre banques et fintech devient ténue », souligne la Fondation Concorde dans son rapport consacré aux banques et aux fintech, dévoilé le 23 novembre par l’économiste Christian de Boissieu (photo) aux Assises des Technologies financières. En plus de services financiers innovants et fluides proposés aux utilisateurs, elles développent des solutions disruptives « appliquées à des maillons de la chaîne de valeur considérées comme cœur de métier des banques ». Exemple : le crédit constitue une des activités historiques des banques ; des fintech y interviennent désormais dans l’acquisition de données, les modèles d’analyse de risque, le processus d’octroi ou encore le paiement fractionné. Résultat : les demandes d’agréments auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) pour obtenir le statut d’établissement de crédit ont augmenté.

Crise existentielle au Comité de Bâle
« Les fintechs se transforment de plus en plus en établissements bancaires en termes réglementaires », constate la Fondation Concorde, think-tank pluridisciplinaire et indépendant créé il y a 25 ans. Pourtant, il y a un paradoxe français : la Banque de France rappelle que l’Hexagone est considéré comme le premier grand pays européen dans l’usage d’Internet pour les services bancaires. Or les fintech y sont moins nombreuses – 900 selon l’association France FinTech – que dans d’autres pays : en Allemagne ou en Grande-Bretagne, le secteur bancaire traditionnel est plus fragmenté et donc plus favorable aux fintech et néo-banques. Alors qu’en France, le monde bancaire est très concentré (BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, Caisses d’Epargne, Crédit Mutuel/CIC, La Banque Postale, …). Le Comité de Bâle – dont sont membres l’ACPR et la Banque de France parmi les superviseurs bancaires de 27 pays dans le monde (2) – envisage plusieurs scénarios possibles pour la transformation du paysage bancaire : de la survie de la banque traditionnelle « se modernis[a]nt à l’aide d’une expérience client numérique renforcée », à la fin de la banque traditionnelle avec « disparition de la fonction d’intermédiation bancaire ». Pour l’ACPR, qui a publié en juillet une analyse sur « les acteurs numériques de la finance » (3), le scénario où « les services bancaires sont “démantelés” pour être offerts sur des plateformes numériques » n’est pas à exclure. Ce démantèlement laisserait la place aux opérations et transactions financières directes entre parties prenantes (particuliers, entreprises, …), grâce au peer-to-peer (P2P), à la blockchain et aux cryptomonnaies. Même le Fonds monétaire international (FMI) reconnaît, dans un rapport d’avril 2022 (4), qu’« en portant l’innovation à un niveau inédit, une forme d’intermédiation financière fondée sur des cryptoactifs, dite “finance décentralisée” (DeFi), a connu une croissance extraordinaire ces deux dernières années, et est susceptible d’offrir une efficience accrue et des possibilités d’investissement » (5).
Le président du conseil scientifique de la Fondation Concorde, Christian de Boissieu (6), écrit dans sa préface du rapport présenté aux Assises des Technologies financières : « Grâce à leur taille souvent modeste, grâce à leurs plateformes performantes dans la collecte et le traitement des données – les fameuses data– grâce à des coûts de transaction extrêmement compétitifs, les fintechs sont venues bousculer les banques » (7). Lorsque ce ne sont pas des Big Tech américaines (GAFAM) ou chinoises (BATX) qui, en ayant accès à des gros volumes de données (big data), « détiennent un avantage concurrentiel majeur visà- vis des banques traditionnelles », ce sont les fintech qui interviennent dans différents domaines financiers : services de paiement, compensation et règlement, crédit, assurance, gestion d’actifs, cryptoactifs, … Il y aurait plus de 25.000 fintech en activité dans le monde, d’après Statista. Lorsqu’elles marchent sur tout ou partie des plates-bandes des banques traditionnelles, on les désigne comme des « néobanques ». « L’approche souvent disruptive des fintech leur permet de challenger les services financiers de base traditionnellement proposés par les banques, tant en termes de qualité que de coût », constate la Fondation Concorde.

« Tout est une question d’équilibre »
Mais, selon son rapport, « tout est une question d’équilibre : disposer d’un secteur bancaire fort et solide est un atout pour l’économie d’un pays, pourvu que cela ne bride pas l’innovation ». Et pour Jacques Marceau (photo de droite), organisateur des Assises des Technologies financières (agence Aromates) et administrateur et animateur de la commission « banques et services financiers » de la Fondation Concorde, les fintech sont « à la fois des partenaires stratégiques et un atout pour les banques traditionnelles ». @

Charles de Laubier

Dette et covid-19 : menaces sur Altice Europe (SFR)

En fait. Le 20 avril, Altice Europe – maison mère de SFR – annonce la création au Portugal de Fastfiber, issu d’Altice Portugal FTTH dont elle a vendu en décembre dernier 49,99 % du capital à Morgan Stanley pour 2,3 milliards. Cela servira à diminuer la dette, actuellement de 30,5 milliards d’euros, rattrapée par le virus.

En clair. Le coronavirus va-t-il déstabiliser l’empire de Patrick Drahi, au point de le faire s’effondrer Altice Europe comme un château de cartes, en raison de ses 30,5 milliards de dette ? L’Etat français – le contribuable – devra-t-il porter secours à Altice France et sa filiale SFR (deuxième opérateur télécoms français), à l’instar du premier prêt garanti par l’Etat octroyé à Fnac-Darty dans le cadre de la pandémie du covid-19 ? Le milliardaire Patrick Drahi a construit son groupe à coup de méga-LBO (1) et de surendettements bancaires, grâce à de l’argent « facile » disponible à des taux faibles au cours de ces dernières années.
Bien qu’Altice ait réussi à ramener en deux ans sa dette, de plus de 50 milliards d’euros à 30,5 milliards d’euros au 31 décembre 2029, elle n’en reste pas moins toujours une épée de Damoclès au-dessus de la tête de son patron fondateur franco-israélien. La grande récession économique en cours pourrait compromettre le remboursement de la dette d’Altice, les prochaines grandes échéances étant en 2025. L’objectif d’Altice Europe d’atteindre un ratio « dette/bénéfices » de 4,25 d’ici fin 2020, contre 6 à fin 2019, risque d’être compromis. Après les années noires de 2017 et 2018 durant lesquelles les investisseurs avaient sanctionné le titre Altice en Bourse en raison de leurs doutes sur la capacité d’Altice à rembourser sa dette colossale et sur les déboires commerciaux de sa filiale SFR, Patrick Drahi les avait rassurés. Cette fois, l’heure est grave. « Il est question de sauver des entreprises, par exemple Air France que Bruno Le Maire est prêt à nationaliser (…). Peut-être que d’autres grandes entreprises pourraient être nationalisées. Et puis, l’on pourrait laisser faire faillite des entreprises comme celle de Patrick Drahi ou d’autres », a expliqué David Cayla, maître de conférences à l’université d’Angers, chercheur au Granem (2) et membre des Economistes atterrés, interrogé le 15 avril dernier par Le Média (3). Dans son discours du 12 mars, Emmanuel Macron a promis que « tout sera mis en œuvre pour protéger nos salariés et pour protéger nos entreprises quoi qu’il en coûte ». SFR a, dans la foulée, demandé à bénéficier du chômage partiel pour 40 % de ses effectifs, soit 5.000 de ses salariés qui toucheront 70 % de leur salaire brut cofinancé par l’Etat et l’Unédic. La CFDT, elle, a dénoncé « un effet d’aubaine ». @

« Crépuscule », le pamphlet politique qui jette une lumière crue sur une oligarchie médiatique

L’avocat Juan Branco démontre comment trois milliardaires et magnats des médias – Bernard Arnault (Le Parisien, Les Echos, …), Xavier Niel (Free, Le Monde, L’Obs, …) et Arnaud Lagardère (Paris Match, Le JDD, Europe 1, …)
– ont orchestré dans l’ombre la montée au pouvoir d’Emmanuel Macron.

« Le président [de la République] qui veut légiférer sur les fake news est lui-même le produit d’une immense fake news. (…) Emmanuel Macron transparaît dans ce récit comme le produit d’une manipulation de l’opinion », écrit le journaliste Denis Robert dans la préface qu’il consacre au livre « Crépuscule », de l’avocat Juan Branco (photo), paru le 21 mars dernier aux éditions Au diable Vauvert et Massot.

Kazuo Hirai va quitter Sony, dont il est président, au moment où la pression des GAFAN se fait plus intense

Et si Sony vendait son studio de cinéma à Apple ? C’est l’un des scénarios possibles, maintenant que la plateforme de SVOD Apple TV+ est annoncée pour l’automne. Encore faut-il que Kenichiro Yoshida, nouveau PDG depuis un an du géant japonais de l’électronique, soit vendeur… Pour l’heure, tous ses efforts se concentrent sur la future PS5.

Le président de Sony, le visionnaire Kazuo Hirai (photo), a passé il y a un an la direction exécutive du groupe à son directeur financier, Kenichiro Yoshida. « Kaz », comme on le surnomme, quittera définitivement en juin prochain la firme de Tokyo où il a passé 35 ans de sa vie. Ce départ, qui finalise la passation de pouvoirs à la tête du géant mondial japonais de l’électronique grand public, intervient au moment où son avenir devient un peu plus incertain malgré le redressement opéré ces dernières années. Kazuo Hirai laisse derrière lui un groupe en meilleur santé qu’il ne l’avait trouvé comme PDG. Les résultats de l’exercice 2018/2019, clos fin mars, ont été publiés le 26 avril dernier : le chiffre d’affaires global atteint 8.665,7 milliards de yens (69,3 milliards d’euros), en hausse sur un an de 1,4 %, et le résultat net en forte hausse affiche un nouveau record, à 916,2 milliards de yens (7,3 milliards d’euros). Kaz avait pris la tête de Sony il y a sept ans en succédant, le 1er avril 2012, à l’Américain Howard Stringer. Fort de son succès passé à la division Sony Computer Entertainment avec la console PlayStation et son écosystème de jeux en ligne, devenue la locomotive du groupe, le Japonais avait entrepris de généraliser aux autres activités la convergence entre terminaux et contenus via des services en ligne.

La « taxe GAFA » – chère au président Macron et à son ministre Le Maire – cherche son véhicule législatif

Absente de la loi de finances pour 2019 et de la loi « Gilets jaunes » promulguées en décembre, la taxe GAFA – que Bruno Le Maire présentera d’ici fin février en conseil des ministres – cherche encore son véhicule législatif. Projet de loi Pacte ? Projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2019 ? Ou projet de
loi spécifique à part ?

Edition Multimédi@ s’est rendu le 14 janvier dernier à Bercy
aux vœux à la presse de Bruno Le Maire (photo) et, en marge
de la cérémonie, a pu demander directement au ministre de l’Economie et des Finances à quel stade en est précisément la décision de taxer en France les GAFA – les Google, Amazon, Facebook, Apple et autres Microsoft – rétroactivement à partir
du 1er janvier 2019. « Pour la taxation nationale des géants du numériques, je suis en train avec mes équipes de préparer un projet de loi spécifique qui nous soumettrons au Parlement dans les prochaines semaines », nous a-t-il répondu, sans préciser quel véhicule législatif sera utilisé pour porter cette « taxe GAFA » qui est l’un des chevaux de bataille du président de la République, Emmanuel Macron. Six jours après ses vœux à la presse, Bruno Le Maire n’a pas non plus évoqué – dans une interview au Journal du Dimanche parue le 20 janvier – le cadre législatif retenu pour ce projet de loi « taxe GAFA » du gouvernement. « Nous présenterons un projet de loi spécifique en conseil des ministres d’ici à fin février, qui sera rapidement soumis au vote du Parlement », a-t-il néanmoins indiqué, en ajoutant que « [cette] taxe touchera toutes les entreprises qui proposent des services numériques représentant un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros au niveau mondial et 25 millions d’euros en France (…) et son taux sera modulé en fonction du chiffre d’affaires avec un maximum de 5 % ». Le gouvernement en attend quelque 500 millions d’euros de recettes fiscales dès cette année.