Financement de la fibre : François Fillon enterrera-t-il la « terminaison data » ?

La « terminaison data » – projet de faire payer à la source les fournisseurs de contenus pour financer le très haut débit – n’est pas abandonnée. Mais le Centre d’analyse stratégique du Premier ministre privilégié la solution d’amener les internautes à payer des « tarifs premium ».

« Le concept de ‘’terminaison data’’ reste pour l’heure un concept à l’étude, présentant un certain nombre d’avantages, mais aussi des difficultés pratiques de mise en oeuvre. Il est difficile d’instaurer un tel système en France uniquement, sans créer une réaction d’extra-territorialisation des parties prenantes concernées. C’est aussi un système régulé (il faut fixer les terminaisons data) », indique Yves Le Mouël, DG de la Fédération française des télécoms (FFT), à Edition Multimédi@.

Financement du très haut débit : vers l’impasse ?

En fait. Le 13 juillet, la commissaire européenne Neelie Kroes – chargée du Numérique – a tenu sa dernière réunion avec une quarantaine de PDG des secteurs des télécoms, des médias et du Web pour tenter de trouver – en vain finalement – un consensus autour du financement des réseaux (très) haut débit.

En clair. Aucun consensus n’a été trouvé en quatre mois de confrontation des acteurs
du numérique, réunis depuis mars dernier par Neelie Kroes sur le financement du déploiement des réseaux très haut débit en Europe (1). Opérateurs de réseaux et équipementiers télécoms rechignent à mettre seuls la main à la poche pour financer la fibre optique. Dans leurs onze propositions remis à Neelie Kroes le 13 juillet, ils prônent une « meilleure gestion des ressources rares » de l’Internet, s’inquiètent d’une
« situation de déséquilibre » entre les opérateurs télécoms « support[a]nt seuls le fardeau » des investissements réseaux locaux et les fournisseurs de contenus du Web d’envergure mondiale. Ils demandent « des règles du jeu (…) suffisamment souples » et veulent pouvoir pratiquer « la différenciation en matière de gestion du trafic pour promouvoir l’innovation et les nouveaux services, et répondre à la demande de niveaux de qualité différents ». Ils plaident pour des « modèles économiques (…) bifaces [où les acteurs économiques peuvent se rémunérer des deux côtés, ndlr], basés sur des accords commerciaux » : par exemple, les Google/YouTube, les Yahoo, Amazon et les
Dailymotion doivent, selon eux, payer un droit de passage en fonction de la qualité de service demandée sur les réseaux (très) haut débit. Ils veulent à ce propos une
« interconnexion IP avec garantie de qualité de service (par exemple avec la norme
IPX) ». La commissaire européenne en charge du Numérique va maintenant étudier
ce cahier de doléances et émettre – en septembre – des recommandations sur le calcul des tarifs d’accès à ces réseaux (très) haut débit, tout en lançant une consultation sur la non-discrimination. Les opérateurs télécoms veulent bien investir dans les réseaux de nouvelle génération (NGN/NGA) à condition de mettre un terme à la neutralité du Net,
afin d’avoir un retour sur investissement en faisant payer – aux fournisseurs de contenus et aux internautes – différents niveaux de services. Ces derniers veulent
au contraire le respect de la neutralité du Net. La France, elle, a proposé l’idée d’une
« terminaison d’appel data » qui ne fait pas l’unanimité. Le dialogue de sourds débouchera-t-il sur une impasse ? La Commission européenne propose d’injecter
9,2 milliards d’euros pour aider au financement des NGN/NGA de 2014 à 2020, en échange d’un engagement d’investissement de 100 milliards de la part du secteur privé. Mais il faudrait 300 milliards pour que tous les Européens aient au moins 30 Mbits/s d’ici 2020, dont la moitié à 100 Mbits/s. @

La neutralité du Net à l’épreuve des besoins de financement des réseaux

Emergeant de l’interminable débat sur la neutralité du Net, la question de fond fait surface : celle d’une nouvelle répartition des revenus au sein de la chaîne de valeur de l’Internet, afin de continuer à développer les usages numériques. Vers de nouveaux modèles économiques.

Par Katia Duhamel, avocat, cabinet Bird & Bird

La neutralité de l’Internet et des réseaux est un principe essentiel des communications électroniques, qui renvoie
à un certain nombre de libertés fondamentales : liberté d’expression, protection des données à caractère personnel
et de la vie privée, etc. Pour autant, elle dissimule une problématique plus triviale, celle des financements des réseaux.

Les FAI appelés à financer la création TV et Web

En fait. Le 27 juin s’est tenue la 8e Journée de la création TV, organisée par l’Association pour la promotion de l’audiovisuel (APA). Le financement de la création audiovisuelle française et européenne par les FAI et les promesses
d’aides du « Web Cosip » géré par CNC, étaient au cœur des débats.

En clair. Qu’ils le veuillent ou non, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) vont plus que jamais devoir mettre les mains à la poche pour financer – via le Cosip et le nouveau «Web Cosip » – des créations audiovisuelles et télévisées (séries, fictions, documentaires, films d’animation, web docs, web fictions, transmédias, …). Et gare à ceux – à l’instar de Free – qui seraient tentés d’échapper à leurs obligations vis-à-vis des contenus qu’ils distribuent. Lors de la première table ronde consacrée justement aux financements de la création TV, Eric Garandeau, le président du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a mis en garde les récalcitrants. « Prenant à parti Maxime Lombardini, directeur général de Free, qui aurait trouvé un subterfuge pour ne pas payer la taxe sur les FAI, il a annoncé la création prochaine d’un système pérenne et incontestable de participation de tous les acteurs de la diffusion au financement de
la création », rapporte l’Association pour la promotion de l’audiovisuel (APA). En début d’année, Free a en effet rendu optionnelle son offre TV pour 1,99 euro par mois – portion congrue pour le calcul du Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip) géré par le CNC. L’Association des producteurs de cinéma (APC) s’en était offusquée (1). Malgré deux tentatives du gouvernement (via François Baroin, ministre de l’Economie), la première à l’Assemblée nationale le 10 juin et la seconde au Sénat
le 22 juin (2), la nouvelle taxe Cosip « anti-fraude fiscale » n’a pu être adoptée immédiatement. Mais le ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, a profité de cette huitième journée, pour « confirmer que la contribution des FAI pour la création serait redéfinie à l’automne avec le souci de lutter contre toute tentative de contournement de la taxe ».
Cette redéfinition de la base de la taxation des abonnements des FAI se fera dans le cadre du projet de loi de finances 2012. « Il est prévu à la fois de maintenir un niveau de financement du CNC comparable à celui de l’année dernière, tout en assurant annuellement sa progression raisonnable, et d’ajuster en conséquence le taux d’imposition des opérateurs de télécommunication », a expliqué Frédéric Mitterrand
en clôture de l’événement. Cette contribution des « tuyaux » aux contenus est aussi élargie à la production audiovisuelle pour l’Internet, grâce au décret «Web Cosip » d’avril 2011. Il vient compléter celui mis en place par le décret de novembre 2010
sur les obligations des services de médias audiovisuels à la demande (SMAd). @

Le CNM sera à la musique ce que le CNC est au cinéma

En fait. Le 21 juin, la mission Chamfort-Colling-Thonon-Selles-Riester de réflexion sur le « financement de la diversité musicale à l’ère numérique » devait rendre son rapport. Mais ce sera « a priori début juillet », nous dit-on. Il devrait proposer la création du Centre national de la musique (CNM).

En clair. Le Centre national de la musique (CNM) devrait voir le jour d’ici début 2012. Ce que devraient préciser cet été les propositions de la mission Chamfort (1)-Colling-Thonon (2)-Selles- Riester (3), dont le rapport d’étape était – selon nos informations – attendu pour la Fête de la musique, le 21 juin, mais finalement espéré pour « la première quinzaine de juillet ». Le CNM serait à l’industrie de la musique ce qu’est le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) à l’industrie du film. A savoir : un établissement public, rattaché au ministère de la Culture et de la Communication, chargé de percevoir les contributions de différents acteurs pour financer la production d’oeuvres – en l’occurrence de musiques. Les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), déjà tenus de verser leur écot au Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip) géré par le CNC, devraient être mis à contribution dès l’an prochain à une sorte de « Cosim » (compte de soutien à l’industrie de la musique). Un dispositif appelé
de ses vœux par la filière musique (4). Après la signature le 17 janvier 2011 des 13 engagements de la mission Hoog (5), les producteurs de musique se sont félicités
que les pouvoirs publics ouvrent la voie à un soutien de la filière en difficulté face au numérique. Pour l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI), « la mise en chantier d’un Centre national de la musique constitue, en effet, l’une [de nos] mesures prioritaires ». En ajoutant : « Cet organisme aurait vocation
à constituer à la fois le réceptacle de taxes fiscales en soutien du financement de la production musicale et un organe de régulation de notre secteur, à l’instar du CNC
pour le cinéma ». Le gouvernement s’était effet engagé à mener « une réflexion sur
la constitution d’un outil de soutien à la filière musicale dans toutes ses composantes, dans la perspective d’une mise en oeuvre dans le cadre de la loi de finances 2012 ». Reste la question du budget du futur CNM alimenté par la contribution des FAI. Alors que ces derniers et les opérateurs télécoms ont contribué en 2010 à hauteur de 180 millions d’euros au Cosip, l’enveloppe du « Cosim/CNM » pourrait atteindre entre 50
et 100 millions d’euros (« La Tribune » du 9 juin). Le gouvernement espérait pouvoir, sans attendre la loi de finances 2012, amorcer le fonds du CNM dès cette année via
le CNC en instaurant – malgré son rejet par les députés le 11 juin au soir – une nouvelle taxe sur les FAI dans le cadre du collectif budgétaire 2011 (voir ci-dessous). @