Production cinématographique et audiovisuelle : Netflix « accélère » en France avant l’obligation de financement

Les plateformes de SVOD telles que Netflix vont devoir financer des films, séries ou documentaires européens à hauteur de 20 % à 25 % de leur chiffre d’affaires – dont 85 % en oeuvres françaises. Avec le binôme « Bernet- Pedron », le groupe de Reed Hastings s’est renforcé en France où il compte plus de 6,4 millions d’abonnés.

C’est le baptême du feu pour Damien Bernet et Jérôme Pedron, depuis leur recrutement par Netflix en France, respectivement en avril et mai derniers. Le premier a été directeur général d’Altice Média après avoir été directeur délégué de NextRadioTV (racheté par Altice en 2016) et le second fut un ancien de Telfrance et directeur délégué de la société de production audiovisuelle Newen (rachetée par TF1 en 2015). Ce binôme de « Director Business and Legal Affairs » à la tête de la filiale française de Netflix, aux côtés de Marie-Laure Daridan, directrice des relations institutionnelles depuis près de deux ans, est placé sous l’autorité de Tom McFadden (photo), lui-même aussi « Director Business and Legal Affairs » mais pour l’ensemble de la vaste région EMEA – Europe, Moyen-Orient et Afrique. Originaire de Pennsylvanie (Etats-Unis), cet Américain est basé au QG européen de Netflix à Amsterdam (Pays-Bas) depuis le début de l’année, après avoir fait ses premières armes de négociateur – commercial et juridique – dans les contrats de production, de coproduction et de licences de séries et de films chez Netflix à Hollywood, la Mecque du cinéma américain. C’est lui aussi qui supervise juridiquement les relations des équipes locales avec les gouvernements et les politiques. Damien Bernet et Jérôme Pedron en réfèrent à lui justement dans les discussions en France autour du projet de décret dit SMAd – Services de médias audiovisuels à la demande – que le pays de « l’exception culturelle » s’apprête à promulguer.

Imaginez que Netflix rachète EuropaCorp, la mini-major française de Luc Besson en difficulté

EuropaCorp, la société de production de Luc Besson, baptisée ainsi il y aura 20 ans cette année, va-t-elle survivre ? La procédure de sauvegarde, ouverte l’an dernier par le tribunal de commerce de Bobigny, s’achève le 13 mai. D’ultimes discussions sont en cours pour « une éventuelle prise de participation au capital », voire plus si affinitées.

Il y a deux ans, le 30 janvier 2018, le magazine américain Variety révélait des discussions entre Netflix et EuropaCorp. Le numéro un mondial de la SVOD était non seulement intéressé à ce que Luc Besson (photo) produise des films en exclusivité pour sa plateforme (des « Netflix Originals »), mais aussi par le rachat éventuel de la totalité du catalogue d’EuropaCorp (valorisé à l’époque 150 millions d’euros), voire par une entrée au capital de la minimajor du cinéma français. A l’époque la société de production de Saint-Denis, plombée par les performances décevantes du film à très gros budget « Valérian et la Cité des mille planètes » (sorti en juillet 2017 et ayant coûté 200 millions d’euros), était lourdement endettée de plus de 235 millions d’euros (1). Vingt-quatre mois plus tard, Netflix n’a toujours pas racheté EuropaCorp. Mais l’entreprise de Luc Besson n’a cessé depuis d’être en difficulté financière, malgré une dette nette ramenée à 163,9 millions d’euros au 30 septembre 2019. Au bord de la faillite, elle a obtenu en mai 2019 une procédure de sauvegarde auprès du tribunal de commerce de Bobigny, lequel l’a prolongée à deux reprises – soit jusqu’au 13 mai 2020. EuropaCorp a justifié ce sursis supplémentaire pour lui permettre de « finaliser son plan de sauvegarde » mais aussi « compte tenu de la confiance qu[e le conseil d’administration présidé par Luc Besson] a dans l’issue positive des discussions actuellement en cours, avant l’expiration de la période d’observation ».

Netflix déclare sa flamme au cinéma français, tout en espérant beaucoup de la future loi sur l’audiovisuel

« On aime profondément le cinéma ; on veut travailler avec vous ! », a lancé Marie-Laure Daridan, directrice des relations institutionnelles de Netflix France, lors des 29es Rencontres cinématographiques de Dijon. La première plateforme mondiale de SVOD, aux 6 millions d’abonnés en France, fait « une lecture très positive » de la future loi audiovisuelle.

Il y a cinq ans, tout juste après le lancement de Netflix en France, intervenait Janneke Slöetjes aux 28es Rencontres cinéma-tographiques de Dijon (RCD). Mais la directrice des affaires publiques de Netflix Europe avait à l’époque botté en touche sur les intentions du géant mondial de la SVOD envers le cinéma français. Cette fois, lors des 29es RCD qui se sont déroulées du 6 au 8 novembre, c’est Marie-Laure Daridan (photo), directrice des relations institutionnelles de Netflix France depuis dix mois, qui a fait le déplacement à Dijon à l’invitation de L’ARP, société civile d’auteurs, de réalisateurs et de producteurs (1), organisatrice de cet événement annuel. Pour la première fois, la firme de Reed Hastings – disposant à nouveau de bureau en France depuis un an (2) – s’est déclarée prête à coopérer avec le cinéma français dans la perspective de la future loi sur l’audiovisuel. « Nous faisons une lecture très positive de la loi (audiovisuelle) française, car elle va parfaitement dans le sens de nos objectifs et de la réalité de Netflix en France. La France occupe une place particulière pour Netflix, de par la diversité et la richesse de ses talents, de par sa créativité et son exception culturelle », a assuré Marie-Laure Daridan devant les professionnels du 7e Art français.