Contributions à la création : Free dit que « ça suffit ! »

En fait. Le 14 octobre, la Société civile des auteurs multimédia (Scam) a organisé la 3e édition des rencontres Auteurdevue. EM@ a assisté à la table ronde “Quelles cultures par quels canaux ?” où intervenait Maxime Lombardini, DG de Free. Il a notamment été interpelé par une juriste, Isabelle Feldman.

Hervé Rony, Scam : « La dynamique de l’Acte 2 de l’exception culturelle s’effiloche »

Le directeur général de la Société civile des auteurs multimédia (Scam) fait part
de ses regrets sur le projet de loi de Finances 2014 (redevance, Cosip, …) et se
dit favorable au conventionnement de services Internet avec le CSA. Pour le livre numérique, il craint le piratage et l’autoédition comme pour la musique (il fut DG
du Snep de 1994 à 2009).

Jusqu’à quand l’idée d’une licence globale fera-t-elle son éternel retour sans lendemain ?

Une proposition de loi déposée le 29 mai à l’Assemblée nationale, remet au goût du jour la licence globale, tout comme un rapport parlementaire remis le 17 avril sur les métiers artistiques. Dommage que le rapport Lescure ait botté en touche sur ce modèle de « contribution créative ».

Par Charles de Laubier

MZLe code de la propriété intellectuelle (CPI) contiendra-t-il un jour un article comportant un nouvel alinéa prévoyant une licence globale ?
C’est ce qu’espère le député Michel Zumkeller (photo) en redéposant, le 29 mai 2013, la même proposition de loi que celle du 29 avril 2010.
L’alinéa à insérer dans le CPI est le même : « Une licence globale à paliers est versée par les titulaires d’un accès Internet. Cette cotisation leur permet de télécharger des contenus audiovisuels. Le montant de cette cotisation perçu par les fournisseurs d’accès Internet, varie par palier de 0 euro mensuel pour une personne ne téléchargeant pas, à un montant de 10 euros pour une personne téléchargeant beaucoup. Cette cotisation est réévaluée tous les ans par décret ».

De 0 à 10 euros par mois à payer au FAI
Pour cet élu de centre-droit (1), membre du parti de l’Union des démocrates et indépendants (UDI) créé l’an dernier par Jean-Louis Borloo, il y a de la persévérance et de la constance !
Pour justifier cette licence globale, qui concernerait non seulement la musique en ligne mais aussi les films à la demande, il explique que « chaque jour, des quantités très importantes d’oeuvres artistiques s’échangent sur le net, sans apporter la moindre rétribution aux auteurs et aux interprètes ».
Aussi, pour garantir aux créateurs la juste rémunération de leur travail, sa proposition de loi consiste à créer une « licence globale à paliers qui leur permettrait [principalement aux jeunes] de télécharger en toute légalité des contenus audiovisuels sur le net, en contrepartie du versement d’une somme mensuelle à leur fournisseur d’accès Internet ». Plus un internaute téléchargera, plus il se rapprochera de la licence globale à 10 euros,
le haut de la « grille tarifaire de rétribution ». S’il ne télécharge pas du tout, il n’aurait rien à payer. « Le montant moyen de la licence devra s’établir aux environs de 5 euros par mois et par abonné, afin d’établir une véritable correspondance économique avec l’impact de légalisation du téléchargement », précise le député et comptable de profession. Pour l’heure, sa proposition de loi a été renvoyée à la commission des Affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, comme ce fut le cas en 2010. Pour y être enterrée, comme il y a trois ans (2) ? Le député, qui s’était opposé en 2009 à la loi Hadopi en la considérant comme « une erreur », est remonté au créneau quelques jours après la remise du rapport Lescure, lequel, se félicite-t-il, « confirme l’inutilité d’Hadopi ». Mais d’ajouter : « Cependant, ce rapport n’apporte aucune solution concrète ». La mission « Acte II de l’exception culturelle » aborde bien la licence globale, en y faisant référence pour les échanges non marchands (« Aucun modèle ne doit être a priori écarté »), mais botte en touche en recommandant d’« approfondir la réflexion sur la légalisation des échanges non marchands, tant au plan national qu’à l’échelle communautaire, afin d’en préciser les contours et de définir les modalités de leur reconnaissance juridique ». Mais, contrairement à ce qu’envisage le député Michel Zumkeller, le rapport Lescure exclut la licence globale sur l’ensemble des échanges de contenus audiovisuels sur le Net : « Si elle devait concerner l’ensemble des contenus culturels protégés par le droit d’auteur, la contribution créative [ou licence globale, ndlr] devrait être d’un montant très élevé. (…) Or, le montant de 5 euros par mois et par foyer, avancé dans certaines propositions (3), ne suffirait même pas à compenser l’intégralité du chiffre d’affaires de la musique enregistrée et la vidéo, qui s’élevait en 2012 à un peu plus de 2 milliards d’euros (ventes physiques et numériques confondues). En incluant le livre, le jeu vidéo, la presse et la photographie, on aboutirait à des sommes largement supérieures, de l’ordre de 20 à 40 euros par mois » (4). Si le rapport Lescure n’exclut pas la licence globale, il laisse planer le doute sur ce modèle de rémunération. Pourtant, un rapport parlementaire commun à deux commissions de l’Assemblée nationale (5) avait préparé le terrain.

Mieux rémunérer auteurs et interprètes
Remis le 17 avril dernier par ses 24 membres, aussi divers politiquement que Franck Riester, Henri Guaino, Patrick Bloche ou encore Marie-George Buffet, ce rapport sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques manifeste un « intérêt » pour la licence globale (6) et insiste sur « la nécessité de garantir une rémunération équitable des créateurs diffusés sur Internet, ce qui pose la question essentielle de la redistribution de la valeur », tout en soulignant « l’atout que constitue la gestion collective des droits pour la défense des artistes auteurs et interprètes≠». Au gouvernement de trancher. @

Charles de Laubier

Orange va renégocier cet été avec le cinéma français

En fait. Le 26 mai dernier, le tapis rouge des marches du Palais des Festivals a été ré-enroulé après la clôture du 66e Festival de Cannes. France Télécom était pour la quinzième année « partenaire officiel exclusif télécoms et nouveaux médias » de l’événement. Mais Orange investit moins dans le cinéma français.

Maturité des web-programmes

Vous êtes déjà en 2020, Par Jean-Dominique Séval*

JD SévalLe programme qui fait le buzz ces jours-ci, bien plus que qu’un simple bourdonnement d’ailleurs puisqu’il s’agit d’un véritable phénomène médiatique, est celui de tous les records. Notamment celui d’être le premier web-programme à tenir en haleine plusieurs centaines de millions d’internautes, un véritable record d’audience au niveau mondial.
Le secret de ce succès tient à quelques recettes terriblement efficaces : une web-série événement, mettant en scène quelques vedettes hollywoodiennes et s’appuyant sur une action haletante se déroulant dans plusieurs capitales.

« La différence entre programmes-télé et web-programmes n’est plus nécessaire pour distinguer des contenus financés par des groupes médias intégrés. »

Mais l’innovation vient surtout de l’utilisation, pour la première fois convaincante, de l’interactivité qui permet aux spectateurs d’intervenir dans le déroulement des futurs épisodes et de l’intégration d’un gameplay grandeur nature qui offre aux joueurs l’occasion de vivre l’expérience de la série dans les décors des grandes villes visitées.
Ce fut un tel succès que la saison 2 est désormais diffusée simultanément en « mondovision » sur le Net. J’utilise à dessein le terme de web-série pour me faire mieux comprendre, mais cette distinction n’est plus guère utilisée de nos jours.
La différence entre programmes-télé et web-programmes n’est plus nécessaire pour distinguer des contenus financés, produits et diffusés par des groupes médias intégrés et disponibles sur tous les écrans fixes et mobiles.Mais avant d’en arriver là, l’histoire de la webTV a été, durant ses presque 30 ans d’existence, un véritable laboratoire « à ciel ouvert », en dehors des réseaux traditionnels de diffusion des programmes de télévision. Les premières « webtélés » sont apparues aux États-Unis, dès qu’il a été facile de diffuser de la vidéo sur Internet.
Dès 1995, le publicitaire new-yorkais Scott Zakarin sut convaincre son employeur Fattal & Collins de financer une série en ligne. En France, en 1997, Jacques Rosselin créa CanalWeb en installant les studios de l’une des toutes premières webtélés à une adresse mythique : la rue Cognacq Jay. Ce fut l’occasion de créer des programmes variés allant des jeux à la musique, en passant par la cuisine, l’actualité internationale et les talks shows.
Cette époque pionnière avait déjà testé tous les formats, avant de bénéficier à partir de 2000 de l’apparition du streaming et des plateformes-clés pour leur diffusion que furent YouTube ou Dailymotion. L’année 2006 marqua ainsi l’avènement des premières séries indépendantes aux audiences millionnaires : lonelygirl15, Soup of the Day, California Heaven ou SamHas7Friends, …
Mais l’on était, malgré tout, encore loin des succès grands publics des séries télévisées. Jusqu’à l’arrivée de grandes chaînes comme ABC, qui lança en 2008 sa web-comédie Squeegie, ou NBC, qui proposa une web-série de science-fiction Gemini Division.

Cette maturité nouvelle donnait l’impression que la jeune industrie de la webtélé singeait sa grande soeur. Mais ce serait s’y méprendre : avec l’Internet, c’est bien de nouveaux formats qui trouvent peu à peu leur place.

L’effervescence fut telle, que des festivals dédiés virent le jour pour consacrer le meilleur de la production de l’année. L’International Academy of Web Television, établi en 2009 aux Etats-Unis, organisa les Streamy Awards, premières récompenses des programmes de l’industrie de la webTV.
L’année suivante furent décernées les premières récompenses par le Festival international de télévision sur Internet de La Rochelle. Autant d’occasions de distinguer une production déjà très variée dans de nombreuses catégories : web-actualité, webanimation, web-tourisme, web-documentaire, web-fiction, web-humour, web-jeunesse ou web-culture.
Cette maturité nouvelle donnait l’impression que la jeune industrie de la webtélé singeait sa grande soeur. Mais ce serait s’y méprendre : avec l’Internet, c’est bien de nouveaux formats qui trouvent peu à peu leur place. Comme la télévision vida les écrans de cinémas des actualités et des courts-métrages, les webtélés provoquèrent une évolution radicale des programmes de l’ancienne télévision.
Un continuum de programmes, des plus courts aux plus longs, amateurs ou professionnels, linéaires ou interactifs cohabitent désormais sur nos écrans connectés. Cette avalanche de contenus semble donner raison à Andy Warhol, lorsqu’il déclarait qu’il n’y avait plus « aucune différence entre vivre et regarder la télévision » ! @

* Directeur général adjoint de l’IDATE.
Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Télé et vidéo payantes