Faute de décrets, l’Hadopi reste sans autorité

En fait. La mise en place de l’Hadopi – la haute autorité « antipiratage » –
tarde  à s’organiser faute de décrets. L’envoi des premiers e-mails de
« recommandations » aux internautes pris en flagrant délit de violation
de la propriété intellectuelle de musiques ou de films pourrait être repoussé
au printemps 2010.

En clair. Les industries culturelles sont inquiètes et les opérateurs télécoms s’impatientent. La Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) a bien trouvé depuis novembre ses locaux dans le quartier de Montparnasse à Paris (1.100 mètres carrés rue du Texel), mais elle n’est toujours pas opérationnelle. Dotée d’un budget de 5,3 millions d’euros par an par la loi de finances pour 2010, elle devait entrer en fonction dans la foulée des promulgations des lois
« Hadopi 1 » (le 13 juin) et « Hadopi 2 » (le 29 octobre), aussitôt les décrets publiés… Et les premiers e-mails d’avertissement aux internautes soupçonnés de téléchargements illicites devaient partir en décembre. Certains ont même estimé à 50.000 le nombre d’e-mails à envoyer chaque jour, alors que le ministère de la Culture table sur 50.000 procédures par an.
Or, les décrets « Hadopi » se font encore attendre. Ils devaient être soumis au Conseil d’Etat avant d’être signés par le Premier ministre. Le décret sur le traitement automatisé des données concernant les internautes doit encore obtenir l’aval de la Cnil (1) qui,
selon « La Tribune » du 23 décembre, demande à voir aussi le décret sur la procédure
de sanction avant de rendre son avis. Les opérateurs télécoms – dont les cahiers des charges doivent être modifiés à l’aune de la « riposte graduée » – ne savent toujours pas qui va financer la procédure technique et administrative de sanction des pirates du Net. Selon un rapport du Conseil général des technologies de l’information (CGTI), réalisé en 2008 à la demande du ministère de la Culture et de la Communication, les seuls coûts afférents à la mise en oeuvre des sanctions représentent « un montant minimal de plus de 70 millions d’euros » sur trois ans (2009-2012). « Selon les opérateurs télécoms, ces coûts sont en réalité plutôt de l’ordre de 100 millions d’euros, ce montant ne comprenant pas les coûts correspondant aux demandes d’identification des internautes et aux investissements nécessaires à l’industrialisation de ces mécanismes », avait expliqué en septembre dernier la Fédération française des télécoms (FFT). Les premiers messages de mise en garde (au nombre de 2 avant coupure de l’accès Internet) ne devraient pas être envoyés avant le printemps prochain. A défaut de décrets, les noms des membres composant l’Hadopi – dont le président devrait être Jean Musitelli, actuel président de l’ARMT (2) – ne sont plus qu’un secret de Polichinelle sur Internet… @

Xavier Couture, Orange : « Remettre en cause nos exclusivités serait une très mauvaise nouvelle »

Nommé il y a un peu plus d’un an et demi à la tête de la direction des Contenus du groupe France Télécom, Xavier Couture dresse un premier bilan de son action et explique à Edition Multimédi@ la stratégie d’Orange dans ce domaine.

PROPOS RECUEILLIS PAR CHARLES DE LAUBIER

Edition Multimédi@ : Qu’avez-vous mis en place depuis 20 mois ? Quelle place représente maintenant la direction Contenus d’Orange chez France Télécom ?
Xavier Couture :
Depuis mai 2008, mon action a été de donner corps à la stratégie de contenus voulue par le président Didier Lombard, et initiée par mes prédécesseurs. Orange a gagné une véritable légitimité dans les contenus. L’année 2008 a été très riche pour notre activité, avec le lancement de la chaîne « Orange foot », devenue depuis « Orange sport », et du bouquet « Orange cinéma séries ». Cela nous a permis d’enrichir l’offre de la « TV d’Orange » et de poursuivre notre politique de différenciation par rapport aux autres opérateurs et fournisseurs d’accès à Internet (FAI). En 2009, nous avons consolidé la stratégie contenus : les chaînes sont montées en puissance et se sont enrichies en terme de fonctionnalités (par exemple, fonction redémarrage sur « Orange cinéma séries ») ; nous avons mené une politique active
de partenariats innovants avec les professionnels du monde des médias. Ainsi, nous proposons à nos abonnés les services de télévision de rattrapage de France Télévisions [accord sur trois ans devrant être renégocié mi-2010, ndlr] et M6, ou encore, nous avons signé un accord avec France Télévisions pour les intégrer à
2424 actu, notre service d’actualité multi supports.
La « TV mobile d’Orange » a également connu une belle progression – le phénomène iPhone y ayant sans doute contribué – avec aujourd’hui une moyenne de 1 million d’utilisateurs actifs par mois. Enfin, citons la signature – le 10 novembre 2009 – d’un accord historique avec la majorité des organisations professionnelles du cinéma français pour notre bouquet « Orange cinéma séries ». Désormais, nous sommes
un acteur avec lequel il faut compter ! En 2010 nous poursuivrons notre politique
de partenariats.

Chronologie des médias : aller plus loin dans la réforme ?

La chronologie des médias a été réaménagée par l’accord du 6 juillet 2009,
afin notamment de favoriser l’offre légale. Face aux modifications des modes
de consommations des films, la question est de savoir s’il faut poursuivre
– et jusqu’où – sa réforme.

Par Christophe Clarenc (photo) et Renaud Christol, avocats, cabinet Latham & Watkins

L’apparition de la télévision, divertissement concurrent
mais également nouveau vecteur de diffusion du cinéma,
a été perçue comme une ombre sur la prospérité des
salles obscures (1). La menace s’est renforcée avec
le développement des cassettes VHS.
Les pouvoirs publics français et communautaires ont alors décidé d’intervenir en prévoyant des délais obligatoires entre la délivrance du visa d’exploitation d’un film (visa qui permet sa sortie en salle) et sa diffusion en vidéo ou à la télévision. La chronologie des médias était née.

Ce que les consommateurs espèrent de la mission « Création et Internet »

Alors que la mission « Création et Internet » rend son rapport de propositions censées améliorer l’offre légale sur Internet et la rémunération des ayants droits, l’association de consommateurs UFC-Que Choisir espère avoir été entendue.
Son chargé de mission « TIC et commerce » explique ses propositions.

Le collectif Création-Public-Internet, auquel appartient UFC-Que Choisir, a proposé
à la mission Zelnik d’instaurer une « licence collective » de 5 euros par mois pour
les internautes, afin de leur permettre de télécharger de la musique ou des films légalement.
« Cette proposition a été plutôt bien accueillie et nous avons été longuement interrogés sur la faisabilité et l’impact de la mise en place d’une telle contribution obligatoire », confie Edouard Barreiro, chargé de mission à UFC-Que Choisir pour les TIC (1) et le commerce. « Même si, le lendemain, Frédéric Mitterrand (2) s’est malheureusement empressé de signaler qu’il n’accepterait pas une telle proposition », déplore-t-il.

Orange-cinéma : les films à petit budget exclus

En fait. Le 12 novembre, la Société des réalisateurs de films (SRF) annonce ne pas avoir signé l’accord conclu deux jours plus tôt entre Orange Cinéma Séries et la quasi-totalité des organisations du septième art français. SRF est pourtant membre du bloc signataire.

En clair. Le revirement de dernière minute de la SRF, qui a pourtant participé depuis plus d’un an aux négociations avec France Télécom s’étant conclues par un engagement minimum de 80 millions d’euros d’investissement sur trois ans dans le cinéma français et européen (EM@ n°1 p. 3), découle d’un constat « brutal » de « misère » du cinéma français. Selon cette association, cofondée notamment par Claude Berri et organisatrice depuis 40 ans de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes (1), presque la moitié (44,7 %) des 170 films d’initiative française produits en 2008 ont des budgets inférieurs à2,5 millions d’euros. Or l’effort d’Orange Cinéma Séries pour la « diversité du cinéma »se traduit dans l’accord du 10 novembre par un engagement à consacrer 25 % de son obligation d’acquisition de films d’expression originale française à des œuvres dont le budget est égal ou inférieur à 5,35 millions d’euros. Ce qui représente plutôt des films à« moyen budget » que des films à « petit budget ». La SRF dénonce une « inflation sur les gros budgets, les deux acteurs de télévision payante [Canal + et Orange, ndlr] se disputant les potentiels blockbusters à coup de millions d’euros, laissant des miettes toujours plus éparses aux autres films ». Et de constater que le film d’auteur, ou « cinéma de point de vue », est « mal aimé par les décideurs des groupes les plus puissants ». C’est sur cette répartition des 25 % de « diversité culturelle » que les négociations ont achoppé jusqu’à la dernière minute.
« Nous avions demandé, in extremis, à Orange de s’engager à consacrer sa clause
de diversité à 10 films à petit budget par an. Nous ne l’avons pas obtenu et donc nous n’avons pas signé », a expliqué Laure Tarnaud, déléguée générale de la SRF, qui restera néanmoins vigilante sur les investissements d’Orange Cinéma Séries. France Télécom, qui est le premier opérateur à signer un tel accord en France avec le cinéma français, préachète déjà des films français via cette filiale et en coproduit via l’autre filiale Studio 37. Le bloc, et donc SRF, demande en outre à la mission Zelnik (EM@1 p. 6) que les opérateurs télécoms préfinancent les films européens ou français via une contribution prélevée sur leur chiffre d’affaires pour alimenter le Cosip, Compte de soutien à l’industrie des programmes. @