Le VDSL2 va être autorisé sur la boucle locale de cuivre : pour concurrencer la fibre ?

Alors qu’un rapport sénatorial sur l’aménagement numérique du territoire, daté
du 6 juillet, s’inquiète du retard dans le déploiement de la fibre optique, l’Arcep s’apprête à autoriser l’introduction du VDSL2 sur le réseau téléphonique pour permettre 50 à 100 Mbits/s.

Sur à peine plus de 1 million de foyers raccordables directement à la fibre optique, ou FTTH (1), seulement 140.000 sont abonnés au 31 mars dernier. Est-ce le présage d’un échec national malgré les 25 milliards que la France va consacrer au déploiement de
la fibre sur tout le territoire ? L’arrivée d’ici à la fin de l’année – sur les bonnes vieilles lignes de cuivre téléphoniques – de la technologie VDSL2, ne manquera pas de faire réfléchir opérateurs télécoms et consommateurs sur l’intérêt immédiat de miser sur la coûteuse fibre optique.

Le VDSL2 autorisé avant fin 2011
En effet, le Comité d’experts pour l’introduction de nouvelles technologies dans
la boucle locale – créé au sein de l’Arcep il y a près de dix ans (2) et, selon nos informations, rebaptisé Comité d’experts pour les boucles locales cuivre et fibre optique (3) – doit rendre un avis favorable au VDSL2 « d’ici la fin de l’année ». Après avoir donné son feu vert l’an dernier à l’introduction de l’ADSL2+, lequel offre des débits théoriques deux fois plus élevés que l’ancien ADSL, l’Arcep va faire de même avec
le puissant VDSL2. Positionné au niveau du sousrépartiteur, local technique le plus proche du domicile de l’abonné, ce « Very-high-bitrate Digital Subscriber Line » de deuxième génération (4), la première n’ayant pas fait long feu, promet aux internautes des débits de 50 à 100 Mbits/s, voire 150 Mbits/s. Bref, le cuivre n’aura presque rien à envier à la fibre sur le dernier kilomètre. Toujours selon nos informations, SFR est déjà prêt pour le VDSL2 à 150 Mbits/s, grâce à une gestion dynamique de la paire de cuivre dite DSM – Dynamic Spectrum Management – que lui fournit la société américaine Assia dirigée par John Cioffi (5) (*) (**). Les « box » de Free et de Bouygues Telecom seraient également prêtes, tandis qu’Orange est en discussion avec Assia. Est-ce à dire que les opérateurs télécoms jouent un double jeu vis-à-vis des pouvoirs publics qui les poussent à investir sans plus tarder des milliards d’euros dans des réseaux de fibre optique ? Le président de la République, Nicolas Sarkozy, tient à son objectif de raccorder au très haut débit 70 % de la population française en 2010, puis 100 % en 2025 (6). Mais entre être « raccordé » et être « abonné », il y a un fossé numérique.
Le sénateur Hervé Maurey (Union centriste), dans son rapport du 6 juillet sur l’aménagement numérique du territoire, vient d’interpeller le gouvernement sur le
retard de la France dans la fibre optique, retard qui « risque de s’avérer rapidement irréversible ». Mais comme dans son précédent rapport d’octobre 2010 sur le très
haut débit, le sénateur relègue le VDSL2 dans les zones « rurales » où la fibre optique n’arrivera pas et considère la montée en débit comme un simple « complément au très haut débit ». Pourtant, les deux promettent 100 Mbits/s – mais avec des coûts de déploiement qui ne se chiffrent pas en milliards d’euros pour le VDSL2. Là est toute la différence. Et au regard du déficit et de la dette publics, cela devrait être déterminant… Hervé Maurey a un parti pris pour la fibre au détriment du cuivre. Il soupçonne même France Télécom de « freiner le déploiement du réseau très haut débit afin de profiter
le plus longtemps possible de la “rente du cuivre” ». Le sénateur va jusqu’à suggérer l’impensable : « Fixer une date butoir à l’arrêt de l’utilisation du réseau cuivre et au basculement vers le réseau fibre, à l’instar de ce qui a été décidé pour le passage à
la télévision numérique sur l’ensemble du territoire » !
Il voudrait tuer dans l’œuf le VDSL2 qu’il ne s’y prendrait pas autrement…
Si le peu d’engouement du public pour la fibre devait se confirmer, le VDSL2 pourrait
être plébiscité dès 2012 par les particuliers – comme il l’est déjà par les collectivités territoriales. Ces dernières sont demandeuses de montée en débit depuis fin 2008 ! L’Arcep organise d’ailleurs un « chat » le 26 juillet prochain sur ce thème : gageons
que l’intérêt sera manifeste. Reste à savoir si, une fois le feu vert VDSL2 obtenu par
le fameux Comité d’experts, l’Arcep l’autorisera dans la foulée sur le cuivre. A moins que le régulateur et le gouvernement ne fassent patienter trois ans avant de libérer le VDSL2. L’ADSL2+ n’avait-il pas été validé par le Comité d’experts en juillet 2007 mais seulement autorisé en décembre 2010 ?

L’Arcep ne veut pas retarder la fibre
L’Arcep n’est pas neutre dans cette affaire. « [La] simple mise à niveau [de notre infrastructure numérique], par le recours à certaines des technologies que vous citez [VDSL2, montée des débits, ndlr], reviendrait à retarder un investissement nécessaire dans des réseaux FTTH », a clairement dit son président, Jean-Ludovic Silicani, dans
une interview exclusive à Edition Multimédi@ (lire n°38). Mais le cuivre n’a pas dit son dernier mot. @

Charles de Laubier

FTTH et LTE : vers une profonde fracture numérique ?

En fait. Le 9 juin se sont tenues les 5e Assises du très haut débit organisées à l’Assemblée nationale sur le thème de « L’heure des choix », sous le patronage d’Eric Besson. Le ministre chargé de l’Economie numérique y a annoncé la création de « commissions régionales d’aménagement numérique du territoire ».

4G et fibre : dix ans après le dégroupage ADSL, les concurrents encore vivants s’inquiètent

Free, Bouygues Telecom et SFR, les trois principaux concurrents France Télécom, rêvent de reproduire, avec le très haut débit, le succès qu’ils rencontrent depuis dix ans dans le haut débit grâce au dégroupage ADSL.
Leur avenir dépend à nouveau du gouvernement et du régulateur.

« On constate un succès de la régulation sur le marché du fixe en France. Cette régulation a commencé avec l’émergence du dégroupage il y presque dix ans, grâce
à des décisions courageuses du président Jean-Michel Hubert [ancien président de l’Arcep, à l’époque l’ART, ndlr] qui ont permis d’ouvrir réellement ce marché et de faire naître une concurrence réelle sur le haut débit et l’émergence d’innovations. Cela a permis l’émergence du triple play et d’offres marketing différentes fortes au bénéfice du consommateur », s’est félicité Xavier Niel, vice-président et directeur général délégué
à la stratégie d’Iliad-Free, lors du colloque de l’Arcep le 4 mai (1). Dix ans après la décision du dégroupage ADSL (2), le fondateur de Free en appelle aux pouvoirs publics : « Nous pensons qu’il faut faire de nouveau ce choix de la concurrence et de l’innovation dans les réseaux fixe et mobile pour la prochaine décennie au bénéfice des consommateurs ». C’est en effet fin mai que l’appel à candidature pour l’attribution des fréquences de quatrième génération de mobile (4G) sera lancé par le gouvernement, tandis que le régulateur met en place les règles du jeu pour le déploiement des réseaux
de fibre optique.

A propos du mobile 4G.
Le recours aux enchères pose problème à certains concurrents de l’opérateur historique. « Malheureusement, il semble que le gouvernement ait un projet qui vise à maximiser les recettes budgétaires à court terme. Et donne une prééminence au critère financier et organise la préemption du dividende numérique par un ou deux opérateurs. (…) Parallèlement, dans un marché où les offres quadruple play se développent, la restriction de concurrence sur le mobile peut en outre avoir des effets sur le marché
fixe », s’est inquiété Xavier Niel. Free Mobile, qui a été retenu en 2009 pour être le quatrième opérateur 3G, doit lancer son offre quadruple play à partir de janvier 2012. Même crainte chez Bouygues Télécom, exprimée par Martin Bouygues, sur le mécanisme d’attribution des licences 4G (bandes des 2.600 Mhz et des 800 Mhz) :
« Dire qu’il doit y avoir des enchères parce que la ressource est rare, cela n’a pas
de sens. D’abord parce que cela conduit nécessairement à faire gagner le plus riche [France Télécom, voire Vivendi/SFR, ndlr]. Pour les 2.600 Mhz, il demande à ce que tout candidat recevable ait au moins 15 Mhz, avec un maximum de 25 Mhz pour « le plus riche » (3). Pour les « fréquences en or » du dividende numérique en 800 Mhz,
il souhaite la « mutualisation de la bande » pour répondre aux besoins des territoires ruraux. Mais la mutualisation des réseaux 4G n’est pas du goût de Jean-Bernard Lévy, président de Vivendi : « Ces mutualisations forcées ne sont pas pertinentes car elles empêcheront les opérateurs de se différencier techniquement, ce qui sapera leurs efforts en matière d’innovation. C’est le nivellement par le bas ».

A propos de la fibre optique
Xavier Niel critique ouvertement la politique du très haut débit menée en France : « En France, contrairement aux autres pays européens, vous avez de multiples acteurs qui (…) déploient des réseaux de fibre optique les uns à côté des autres. C’est quelque chose qui doit représenter 500 millions d’euros gaspillés par an en France », déplore-t-il. Résultat : « Chacun des réseaux peut accueillir l’ensemble des besoins nécessaires à la fois aux consommateurs et aux opérateurs. On a jeté collectivement environ 500 millions d’euros par an à co-déployer des réseaux les uns à côté des autres ». Pour le dirigeant d’Iliad-Free, il faut des contraintes fortes sur les opérateurs dominants, sinon
« la mutualisation de la fibre optique en zones mois denses ne fonctionne pas ».
Martin Bouygues, qui ne veut pas investir immédiatement dans la fibre et s’appuie sur SFR (zones denses) et Numericable (4) (zones rurales), est sur la même longueur
d’onde : « On peut s’interroger sur la pertinence de construire plusieurs réseaux de fibre optique parallèles, alors qu’une seule et même fibre ne peut être saturée. (…) Bouygues Telecom propose le déploiement d’une infrastructure passive unique, en réservant la concurrence aux infrastructures actives qui seules déterminent les niveaux de qualité de service ». Et contrairement à France Télécom et à Vivendi-SFR, Xavier Niel ne veut pas que l’Arcep baisse la garde : « Il y a un fort lobbying des opérateurs historiques sur leur marché (…) pour une vacance réglementaire. Si l’on prend l’exemple du fixe, (…) on a le tarif du dégroupage qui n’a pas baissé depuis trois ans maintenant. Cela veut dire qu’il y a 1 milliard d’euros que l’on aurait pu rendre aux consommateurs, d’une manière ou d’une autre, soit au travers de l’investissement en déployant des réseaux de fibre optique, soit autrement ». @

Charles de Laubier

Pourquoi la séparation des réseaux et des services télécoms revient-elle sur le tapis

Vieille antienne de la régulation des télécoms, la séparation des réseaux et
des services de communications électroniques sur le marché de détail fait de nouveau débat, au point d’être présentée comme une solution au retard de l’Europe en matière de très haut débit.