Concurrence par les infrastructures : mobile et fixe ?

En fait. Le 11 mars, l’Autorité de la concurrence a rendu son avis sur les
conditions de mutualisation et d’itinérance sur les réseaux mobile : au nom
de la « concurrence par les infrastructures », l’accord d’itinérance entre France Télécom et Iliad ne doit pas être prolongé au-delà de 2016 ou 2018.

En clair. L’Autorité de la concurrence a d’emblée motivé son avis en « réaffirm[ant]
son attachement à la concurrence par les infrastructures ». Bien que l’avis du 11 mars
ne porte que sur les réseaux mobile, les sages de la rue de l’Echelle évoquent plus largement, en introduction, le « paradigme » de la concurrence par les infrastructures
« dans le secteur des télécommunications », entendez mobile ou fixe notamment.
Or, en marge d’un point presse, organisé le 11 mars par le président de l’Autorité de la concurrence, son président Bruno Lasserre n’as pas voulu nous dire si, l’extinction du réseau de cuivre au profit de la fibre optique, n’allait pas dans le fixe à l’encontre de ce principe de « concurrence par les infrastructures ». En effet, alors que le VDSL2 va être autorisé pour faire évoluer la boucle locale de cuivre vers du très haut débit, le gouvernement prévoit – d’ici à 2025 ? – l’extinction de ce réseau historique en vue de
« couvrir 100 % de la France en très haut débit d’ici à 2022 » et « très majoritairement »
en FTTH (1) – moyennant 20 milliards d’euros (2). Cette extinction du cuivre pourrait se faire au détriment de la concurrence, dans la mesure où peu d’opérateurs (Orange, SFR, Free, Numericable et Bouygues) auront les capacités d’investir dans leur propre réseau de fibre optique.
Pourtant, l’Autorité de la concurrence le rappelle : « Dans le secteur des communications électroniques, la concurrence par les infrastructures a été le type de concurrence privilégié de façon constante jusqu’à aujourd’hui », souligne l’avis en préambule. Cela suppose, rappelle-t-elle, que « chacun [des opérateurs télécoms mobile ou fixe, ndlr] s’appuie à terme sur son propre réseau ». L’Arcep est, elle aussi, très attachée à cette concurrence par les infrastructures, mobile ou fixe, comme elle l’a exprimé dans son avis à l’Autorité de la concurrence rendu le 20 décembre : « Plusieurs exemples, dans le passé, attestent de l’effet bénéfique pour les consommateurs de la concurrence par les infrastructures, parmi lesquels l’arrivée [de] Bouygues Telecom en 1994, ou, sur le fixe,
la mise en oeuvre progressive du dégroupage [sur le réseau fixe de cuivre, ndlr] depuis
le début des années 2000 ».
Si la concurrence par les infrastructures se renforcera à partir de 2016 ou 2018 dans les mobiles, elle devrait, paradoxalement, s’affaiblir dans le fixe. @

La feuille de route du gouvernement pour le très haut débit : le plan de la dernière chance

Pendant que le chef de l’Etat parlait le 20 février d’« ambition numérique de la France », le Premier ministre fixait à 20 milliards d’euros l’objectif de « connecter 100 % des foyers au très haut débit d’ici 10 ans ». La feuille de route numérique accélèrera-t-elle le déploiement de la fibre ?

Par Katia Duhamel, avocat, cabinet Bird & Bird

Les ministres Fleur Pellerin (Economie numérique) et Cécile Duflot (Egalité des territoires) ont réuni le 13 février 2013 les acteurs concernés (industriels, opérateurs, associations d’élus locaux et parlementaires, …) en prévision de la présentation de la feuille de route numérique définitive du gouvernement
le 28 février. Si les acteurs privés se font peu entendre, les représentants des collectivités ont d’ores et déjà largement commenté les propositions gouvernementales intitulées
« Stratégie nationale de déploiement du très haut débit ». L’accueil, généralement favorable, reste teinté de prudence. Car si les objectifs semblent clairs, les modalités de mise en oeuvre doivent être largement précisées.

La nouvelle Livebox d’Orange est compatible… VDSL2

En fait. Le 7 février, la nouvelle Livebox Play de France Télécom est enfin disponible après des mois de retard et deux shows de présentation. « Elle concentre le meilleur des technologies », a déclaré Delphine Ernotte Cunci, directrice d’Orange France. Le VDSL2 en fait partie, bien que toujours pas autorisé.

En clair. Après la présentation en grande pompe du 21 novembre dernier de la
nouvelle « box » de France Télécom, puis le show du 31 janvier, la Livebox Play déroule maintenant le tapis rouge devant la fibre optique. Sont en effet mis en avant
les débits théoriques : 200 Mbits/s en voie descendante et 50 Mbits/s en voie montante, « soit 10 fois plus vite qu’en ADSL ». Ainsi, « un film de 700 Mo est téléchargé en 28 secondes au lieu de 4 minutes 40 en ADSL ». Signalons au passage que le communiqué officiel va jusqu’à mettre en garde : ‘Le téléchargement nuit à la création artistique » (1)… ! Or il fallait lire : « Le piratage nuit à la création artistique », qui est la mention imposée depuis près de dix ans aux opérateurs Internet par la loi de 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (2).
Si la Livebox Play tend à disqualifier l’ADSL au profit de la fibre, elle n’en devient pas moins compatible avec le VDSL2. Cette technologie permettrait de « booster » la paire
de cuivre jusqu’à 40 Mbits/s en download et 7 Mbits/s en upload. C’est largement
suffisant pour la plupart des usages et surtout bien moins coûteux à déployer que les 20 à 25 milliards d’euros nécessaires pour couvrir de fibre toute la France d’ici dix ans. France Télécom procède justement depuis l’automne dernier à des « tests pour le raccordement d’équipements VDSL2 [à son] réseau d’accès » sous la direction technique d’Orange Lab. En janvier, France Télécom a même publié dans son « offre d’accès et collecte DSL » les spécifications techniques pour des « tests d’interopérabilité VDSL2 ». C’est à la fin de ces travaux, prévue début 2013, que le Comité d’experts pour les boucles locales cuivre et fibre optique rendra – avec retard (3) – son avis favorable à l’introduction du VDSL2 sur la boucle locale de cuivre.
Cet avis devait intervenir à l’issue des travaux prévue en ce début d’année. « France Télécom disposera alors d’un délai de six mois pour autoriser l’utilisation de cette nouvelle technologie par les opérateurs dégroupeurs. Le rendez-vous est donc au début de l’automne 2013 », avait précisé le président de l’Arcep, Jean-Ludovic Silicani, lors du colloque RuraliTIC du 13 septembre dernier. Cette perspective du VDSL2 contraste avec la volonté du gouvernement de procéder à l’« extinction du cuivre » (EM@67, p. 5) comme cela est envisagé dans la ville de Palaiseau. @

Fibre : l’Autorité de la concurrence contre Orange

En fait. Le 3 juillet, en marge d’un colloque sur les géants de l’Internet organisé
par l’Autorité de la concurrence, son président Bruno Lasserre a confirmé à EM@ l’envoi par ses services de « griefs » – émanant de Free – à France Télécom accusé de pratiques anti-concurrentielles dans la fibre optique.

En clair. On croyait la hache de guerre entre Free et France Télécom enterrée depuis les deux règlements de différends que l’Arcep a rendus il y a un an, respectivement les 21 et 26 juillet 2011, sur les offres d’accès et de mutualisation de leurs réseaux en fibre optique dans les zones très denses. Et bien non ! C’était sans compter sur la ténacité de l’Autorité de la concurrence qui vient de relancer d’elle-même les hostilités. Selon nos informations, confirmées par Bruno Lasserre, l’Autorité de la concurrence a adressé, en avril dernier, une cinquantaine de griefs à France Télécom, lui reprochant d’entraver la concurrence dans le déploiement du FTTH (1). Malgré les deux décisions de l’Arcep, les sages de
la rue de l’Echelle réactivent ainsi la plainte initiée à l’origine le 2 juillet 2007 par Free à l’encontre de France Télécom sur l’accès aux infrastructures de génie civil de ce dernier dans le cadre du déploiement de boucles locales en fibres optiques jusqu’aux abonnés (2). La filiale du groupe Iliad, qui avait reporté plainte en au printemps 2011 (cette fois devant l’Arcep), reproche à l’opérateur historique des pratiques « discriminatoires » et
son « refus d’accès » à cette « infrastructure essentielle » (voiries et immeubles). C’est
en juin, soit dans les deux mois impartis, que France Télécom a répondu au gendarme
de la concurrence en contestant point par point tous les griefs.
L’instruction de l’affaire ne fait donc que commencer chez les sages de la rue de l’Echelle, qui prennent le risque de ralentir encore plus le déploiement du FTTH déjà mal engagé : 220.000 abonnés seulement au premier trimestre 2012, selon l’Arcep. Il y a cinq ans, Free avait annoncé qu’il comptait investir dans le FTTH « jusqu’à 1 milliard d’euros d’ici 2012 ». On en est loin. Le nouvel entrant a opté pour une technologie dite « point-àpoint » (où l’abonné dispose de sa propre fibre tirée depuis le répartiteur NRO ou noeud de raccordement optique), qui est différente de la technologie « point à multipoint » ou GPON (3) de France Télécom. Dans ce dernier cas, une seule fibre est tirée depuis le NRO pour relier de nombreux logements (elle est ensuite divisée en plusieurs brins). L’architecture de Free prend en fait plus de place dans les fourreaux et les répartiteurs, mais garantit des débits optimaux pour chaque ligne quelle que soit l’utilisation simultanée des lignes voisines (4). @

Financement de la fibre : François Fillon enterrera-t-il la « terminaison data » ?

La « terminaison data » – projet de faire payer à la source les fournisseurs de contenus pour financer le très haut débit – n’est pas abandonnée. Mais le Centre d’analyse stratégique du Premier ministre privilégié la solution d’amener les internautes à payer des « tarifs premium ».

« Le concept de ‘’terminaison data’’ reste pour l’heure un concept à l’étude, présentant un certain nombre d’avantages, mais aussi des difficultés pratiques de mise en oeuvre. Il est difficile d’instaurer un tel système en France uniquement, sans créer une réaction d’extra-territorialisation des parties prenantes concernées. C’est aussi un système régulé (il faut fixer les terminaisons data) », indique Yves Le Mouël, DG de la Fédération française des télécoms (FFT), à Edition Multimédi@.