La Commission européenne encadre les « tuyaux »…

En fait. Le 20 septembre, la Commission européenne a adopté trois mesures complémentaires pour le (très) haut débit : une recommandation sur le partage
de la fibre optique, une proposition sur les fréquences du dividende numérique
et une communication pour encourager l’investissement public-privé.

En clair. L’exécutif européen maintient les trois objectifs qu’il s’était fixés le 3 mars
dernier dans le cadre de la « stratégie Europe 2010 », à savoir : un accès à l’Internet
haut débit pour tous en 2013, un accès à l’Internet à des débits plus élevés (« 30 Mbits/s ou davantage ») pour tous en 2020, et des connexions Internet à plus de 100 Mbits/s pour au moins la moitié des foyers européens en 2020 également (lire EM@ 9, p. 4).
Cela devrait coûter « entre 180 et 270 milliards d’euros d’ici à 2020 » pour y parvenir ! Avec 1 million d’emplois à la clé. Pour la fibre optique, la recommandation tant attendue par les opérateurs télécoms est enfin arrêtée et entrera en vigueur dès sa publication au JOUE (1). Il s’agit d’un compromis entre favoriser les investissements des opérateurs historiques et puissants dans les infrastructures très haut débit et favoriser également l’émergence des nouveaux entrants sur ce marché des réseaux d’accès nouvelle génération ou NGA (Next Generation Access). Et ce, de façon non discrimatoire. Les régulateurs nationaux pourront imposer aux opérateurs puissants de louer leur réseau FTTN (2) ou FTTH (3), aux concurrents qui le demanderaient, à des prix « orientés vers les coûts » – une sorte de dégroupage de la fibre – et prenant en compte l’effort d’investissement initial au travers d’une « prime de risque » (risk premium). En retour, l’opérateur alternatif sera encouragé à monter en charge dans l’investissement pour « progressivement déployer sa propre infrastructure de réseau ». En outre, la régulation de la fibre optique pourra se faire par région pour adapter les mesures selon le milieu rural ou urbain. En France, où les zones denses ont leur cadre depuis décembre 2009 (4), l’Arcep estime que les opérateurs télécoms (Orange, Free, …) ont maintenant « une prévisibilité et une sécurité nécessaires » pour leurs décision d’investir dans la fibre.
Le sans fil haut débit est aussi appelé à contribution dans les régions reculées entre 2013 et 2020, grâce à la réquisition d’une partie du dividende numérique (800 Mhz) libéré par l’extinction de l’analogique dans la diffusion de la télévision. La France, par exemple, prépare un appel à candidatures pour décembre portant, notamment, sur la bande de fréquences 800 Mhz (lire EM@ 20, p. 5). Pour financer le tout, la Banque européenne d’investissement est appelée à accorder des prêts, comme à Iliad (Free), et les collectivités locales à nouer des partenariats public-privé dans les « zones blanches ou grises ». @

La fibre optique à domicile disqualifiée par le VDSL ?

En fait. Le 9 juin, le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) s’est dit « surpris et déçu » par le peu d’abonnés à la fibre optique à domicile – 80.000 (sans les 290.000 de Numericable) – sur les 800.000 foyers raccordés. La faute à l’ADSL et au VDSL ?

En clair. Le marché mondial de la fibre optique est encore loin de détrôner l’ADSL
qui reste le moyen le plus répandu – dans 61,4 % des cas – pour accéder à l’Internet haut débit, tandis que la fibre optique jusqu’à l’immeuble (FTTB) ou à domicile (FTTH) est encore à 8 %. Il n’y a qu’au Japon où la fibre a dépassé le cuivre (en 2009). Selon l’Institut de l’audiovisuel et des télécoms en Europe (Idate), qui organise le 16 juin les 4e Assises du très haut débit (1), « les marchés du très haut débit progressent rapidement » et devrait atteindre fin 2010 les 52 millions d’abonnés dans le monde,
4,1 milliards en Europe, dont près de 1 million en France (955.600 précisément).
Mais le 100 Mbits/s se font encore attendre pour le plus grand nombre. La faute à
« trop cher » ? Raccorder tous les Français à de la fibre optique – d’ici à 2025 comme le souhaite Nicolas Sarkozy – coûterait 30 milliards d’euros, le grand emprunt n’ayant prévu que 2 milliards (EM@2 p. 3). La Datar (2), elle, estime que le coût pouvait être ramené à 18 milliards si l’on termine le réseau très haut débit par d’autres technologies comme la 4G mobile. Mais c’est oublier un peu vite l’ADSL, qui n’a pas encore dit son dernier mot dans la diffusion audiovisuelle (IPTV et VOD en tête). Selon nos informations, l’Union internationale des télécoms (UIT) va officialiser la norme
« G.Vector » ou « G.993 .5 » permettant à l’ADSL de se transformer en « VDSL3 » capable d’atteindre de 100 à 500 Mbits/s sur une distance allant de 500 mètres à 1 kilomètre. « Grâce à la technologie DSM (Dynamic Spectrum Management) que nous avons développée, les lignes de cuivre vont pouvoir facilement offrir des débits 100 Mbits/s avec une très bonne qualité entre le point de terminaison
de la fibre (sous – répartiteur, immeuble, …) et le raccordement de l’abonné via une ligne téléphonique. Et avec le “bonding”, qui consiste à fusionner deux ou trois paires de cuivre, les 500 Mbits/s sont même possibles », explique à Edition Multimédi@ John Cioffi, l’Américain co-inventeur de l’ADSL (3) dans les années 80 et actuel PDG – fondateur de la société Assia. En France, SFR est l’une de ses grandes références européennes (avec Deutsche Telekom, Telefonica ou encore Swisscom). Selon lui, le coût de déploiement de la fibre à domicile est prohibitif : « 2.500 dollars par abonnés pour le FTTH, contre 100 dollars par abonnés VDSL (auxquels il convient d’ajouter
100 à 200 dollars pour la fibre à 1 kilomètre) ». Disponibilité : 2011. @

J’ai la fibre… optique

Immobile, assis au bureau que j’ai installé chez moi dans
un village en plein cœur des Cévennes, à plus de 600 kilomètres de Paris, je surfe à la vitesse de la lumière sur
un flot d’informations qui va et qui vient à un débit de près
de 100 mégabits. Mon retour cévenole n’a donc que peu
de chose à voir avec la recherche idéale de mes grands prédécesseurs des lointaines, mais toujours fantasmées, Seventies. Loin d’une rupture radicale, je m’inscris bien plutôt dans un confortable compromis. Voyez plutôt : travail à domicile et cadre champêtre, mais avec tous les services à très haut débit à portée de clic. Sans revenir aux Grecs anciens, pour lesquels le phénomène du transport de la lumière dans des cylindres de verre était déjà connu, il a fallu attendre 1854 pour que la possibilité de guider la lumière dans un milieu courbe soit scientifiquement démontrée.
Et 1880, pour que Graham Bell invente son photophone, premier appareil de communication sans fil utilisant la transmission optique qu’il considérait d’ailleurs comme sa plus grande invention – même si elle n’eut aucun succès. C’est la combinaison de ces avancées, avec la production des premières fibres de verre en 1930 et l’invention du laser en 1960 permettant la transmission du signal sur de longues distances, qui aboutira en 1970 – grâce à trois scientifiques de la compagnie Corning – à la production de la première fibre optique capable de transporter des informations utilisables pour les télécommunications.

« Les nouveaux usages, très gourmands en bande passante, ont finalement justifié les investissements consentis »

Dès lors, le cycle cinquantenaire de diffusion d’une technologie clé s’applique parfaitement : le premier système de communication téléphonique optique fut installé au centre-ville de Chicago en 1977, et en 1980 pour la première liaison optique à Paris entre deux centraux téléphoniques. Cette première vague a conduit à l’utilisation quasi-exclusive de la fibre optique pour les réseaux longues distances des opérateurs. En revanche, c’est au début des années 2000 que la question d’apporter directement à l’abonné la puissance de la fibre a été posée. Cette question a alimenté nos débats pendant de nombreuses années, notamment en raison des investissements nécessaires pour desservir des pays étendus et aux densités de population très variables, comme c’est le cas pour notre territoire.
Les déploiements ont donc commencé lentement, freinés il est vrai par la violente crise
de 2009. La France de 2010 comptait alors moins de 500 000 abonnés FTTH, pour un taux de pénétration de la fibre d’environ 2% pour l’ensemble des foyers.
La dynamique, toujours entretenue par les pays les plus avancés comme le Japon et la Corée du Sud pour l’Asie, ou la Suède pour l’Europe, s’est peu à peu accélérée pour la France, jusqu’à atteindre un taux de pénétration de près de 30 % des foyers en 2015 et
de plus de 50% aujourd’hui, pour un réseau déployé qui couvre désormais une grande partie du territoire. Cette évolution, que d’aucuns n’ont cessé de trouver bien trop lente,
a tout d’abord été soutenue par la compétition entre les nations, entre les régions et entre les opérateurs, ces derniers devant au même moment consentir d’importants investissements dans leurs réseaux mobiles à très haut débit de quatrième génération.
Le relais a ensuite été pris par la demande des utilisateurs et la stabilisation d’un écosystème clarifié entre les acteurs des réseaux, de l’Internet et des contenus.
Les nouveaux usages, très gourmands en bande passante, ont finalement justifié les investissements consentis : travail à distance utilisant communément un mur d’images et la visioconférence, consultation médicale à domicile, enseignement à distance, télévision connectée et vidéo à la demande, sans pouvoir citer la liste toujours plus longue des loisirs numériques en ligne.
Après avoir jeté un coup d’œil rêveur à ma fenêtre pour admirer les derniers reflets du soleil sur le massif cévenol, je reviens à l’image projetée de mon ordinateur sur grand écran et replonge pour assister à une Traviata de légende en direct du Metropolitan Opera, en haute définition et en 3D. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Le livre numérique
Depuis 1997, Jean-Dominique Séval est directeur marketing et
commercial de l’Idate (Institut de l’audiovisuel et des télécoms en
Europe), lequel a publié de nombreux rapports dans le cadre de son
service de veille « FTTx Watch Service », dirigé par Roland Montagne.

Un « fonds national pour la société numérique »

En fait. Le 14 décembre, le président de la République a rendu public ses arbitrages sur la répartition des 35 milliards d’euros du grand emprunt. Finalement, ce sont 4,5 milliards qui seront consacrés, d’une part, aux réseaux très haut débit  (44,4 %) et, d’autre part, aux usages et contenus (55,6 %).

En clair. Le numérique est l’une des cinq grandes priorités du grand emprunt qui sera lancé en 2010. On attendait 4 milliards d’euros pour le numérique (voir EM@ 2, p. 3).
C’est finalement 500.000 euros de mieux que prévu. Ces 4,5 milliards d’euros –
soit 12,8 % des 35 milliards du grand emprunt – seront investis dans un « Fonds national pour la société numérique » géré par un établissement public « relevant du Premier ministre via le secrétariat chargé de l’Economie numérique ». La ministre concernée, Nathalie Kosciusko-Morizet, s’est d’autant plus félicitée de la décision présidentielle que – lors du séminaire intergouvernemental qu’elle a organisé le 10 septembre dernier – l’idée d’un financement du numérique par le grand emprunt est fraîchement accueillie par les deux anciens Premiers ministre, Michel Rocard
(« perplexe ») et Alain Juppé.
Ce dernier avait même ironisé en disant que « si l’on consacrait 40 milliards d’euros à la couverture du pays en fibre optique, il ne resterait plus grand-chose »… Pour « NKM »,
les arbitrages de Nicolas Sarkozy « viennent conforter l’idée que les politiques publiques ne doivent pas se concentrer exclusivement sur les infrastructures mais aussi prendre en compte les usages et les services ». Les 2 milliards d’euros n’iront d’ailleurs pas seulement à la fibre optique, mais aussi au très haut débit mobile ou satellitaire, selon trois modalités : prêts ou garanties d’emprunt à des opérateurs privés ; subventions aux projets de couverture dans les zones peu denses, en partenariat avec les collectivités locales ; partenariat public-privé (ou concession de service public) pour déployer un satellite qui apportera le très haut débit d’ici cinq ans à 750.000 foyers en zone rurale. « Ces fonds se joindront aux 750 millions d’euros de co-investissements
en fonds propres avec les opérateurs qui déploieront les réseaux, à réunir à l’initiative de la Caisse des dépôts et consignations (1). L’objectif est d’atteindre en dix ans une couverture en très haut débit de 70 % de la population », explique l’Elysée. Côtés contenus, une partie des 2,5 milliards ira à un partenariat public-privé pour créer de
« grandes centrales numériques » (2). Tandis que 750 millions d’euros seront alloués
à la numérisation du « patrimoine culturel » (musées, bibliothèques, films, …). « Il n’est pas question de laisser ce patrimoine partir », a déclaré le président de la République. Google est prévenu… @

Un « petit » 2 milliards pour le très haut débit…

En fait. Le 19 novembre, la commission Rocard-Juppé a remis son rapport
« Investir pour l’avenir » au président de la République. Sur les 35 milliards
d’euros du grand emprunt qu’investira l’Etat en 2010, la fibre optique, les
solutions satellitaires et le très haut débit mobile obtiennent 2 milliards.

En clair. C’est trop peu ! Rien que pour couvrir l’Hexagone d’un réseau national de fibre optique qui n’exclut personne de l’accès à 100 Mbits/s, l’effort d’investissement devrait atteindre les… 40 milliards d’euros sur 10 ans (1). Avec 5 % seulement de contribution du grand emprunt, la fracture numérique risque de perdurer. La secrétaire d’Etat à l’Economie numérique, Nathalie Kosciusko-Morizet espérait de la commission Rocard-Juppé jusqu’à 5 milliards. L’Association des régions de France (ARF) avait, elle, estimé le montant de la facture de déploiement de la fibre à 30 milliards. « Les 2 milliards vont nous servir d’effet de levier » a déclaré NKM le jour de la remise du rapport. Rien que 1 milliard d’euros permettraient de raccorder en fibre près de 5 millions de foyers, du moins sur les territoires moins denses en population (les fameuses zones 2 et 3). Mais le très haut débit ne se limite pas au réseau fixe. La 4G – quatrième génération de mobile – bénéficiera elle aussi du coup de pouce. Or les besoins de couverture vont se chiffrer en plusieurs centaines de millions d’euros pour les quatre opérateurs mobile (Orange, SFR, Bouygues Telecom et désormais Free Mobile). « Il convient d’accélérer la transition de la France vers le très haut débit en développant les infrastructures les plus pertinentes économiquement et techniquement (fibre optique, solutions satellitaires, très haut débit mobile…) pour les zones les moins denses (zones 2 et 3) afin de favoriser l’accès, à terme, au très haut débit sur l’ensemble du territoire », ont expliqué les deux anciens Premiers ministres. Ils prévoient une « recherche systématique de cofinancements privés, des collectivités territoriales et de l’Union européenne », mais ne disent pas si l’idée d’un opérateur national de réseau de fibre mutualisé avancée par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) doit être retenu ou non. Les 2 milliards « très haut débit », tout comme les 2 autres milliards destinés aux contenus et usages en ligne, seront confiés à une Agence pour le numérique. « L’intervention de ce fonds pourrait prendre la forme, au moins pour moitié, d’investissements en fonds propres, d’avances remboursables ou de garantie de prêts et, pour le reste, de subventions et de bonification de prêts », ont-ils précisé à Nicolas Sarkozy, lequel dira début décembre ce qu’il compte finalement faire ou ne pas faire. @