Le cinéma XR aux Festivals de Cannes et d’Annecy

En fait. Du 14 au 25 mai 2024 pour le Festival de Cannes et du 9 au 15 juin pour le Festival d’Annecy, les œuvres immersives sont en compétition. Sur la Croisette, c’est la première édition de la « Compétition immersive ». En Haute-Savoie, des œuvres XR sont à nouveau présentées. Le cinéma se réinvente.

En clair. Il se passe quelque chose dans l’industrie du cinéma. Les œuvres immersives se multiplient et certaines d’entre elles ont été sélectionnées pour être en compétition et espérer être consacrées par les jurys des festivals du 7e Art. De quoi aussi bousculer les convenances cinématographiques. Pour la première fois, au Festival de Cannes, les organisateurs leur déroulent le tapis rouge avec une nouveauté cette année : la «Compétition immersive » du 15 au 24 mai. Seront ainsi présentés huit projets en lice, dont les œuvres numériques sont « des installations de réalité virtuelle collectives, des expériences de réalité mixte, ainsi que des œuvres de vidéo mapping et holographiques ». Premier du genre : le Prix de la Meilleure Œuvre immersive sera remis à Cannes le 23 mai lors d’une cérémonie de clôture (1).

Le 38e Mipcom, marché international des contenus audiovisuels, fait la part belle aux streamers

Du 17 au 20 octobre se tient le 38e Mipcom, le grand raout du marché mondial des contenus audiovisuels qui a lieu chaque année à Cannes, organisé par le groupe RX (ex-Reed Exhibitions) et sa filiale française (ex-Reed Midem). Les plateformes de streaming vidéo n’ont jamais été aussi présentes. La capitale du tapis rouge reçoit sur sa Croisette les grands noms du streaming vidéo. Sont à Cannes pour le 38e Mipcom précédé du 30e MipJunior, tous les deux sous la direction de Lucy Smith (photo) : Netflix avec une quinzaine d’« acheteurs », Amazon avec une bonne cinquantaine, Disney+ avec trois buyers sur plus d’une quarantaine de dirigeants envoyés par la Walt Disney Company, mais aussi YouTube (Google) avec quatre dirigeants, Apple avec deux acheteurs, Paramount+ avec également deux sur près de vingt-cinq dirigeants du groupe Paramount Global (ex-ViacomCBS), dont deux buyers de sa plateforme Pluto TV. Notons aussi la présence de trois dirigeants du belge Streamz, une dizaine du français Orange ou encore un de son concurrent Altice Média. Les streamers contribuent à la diversité Ces buyers (1), qui font la pluie et le beau temps pour la saison 2022-2023 de l’industrie mondiale de la production audiovisuelle, sont venus en nombre à cette 38e édition du Mipcom. Après deux années perturbées par la pandémie de covid, RX (ex-Reed Exhibitions) – filiale expositions du groupe anglo-néerlandais-américain RELX (ex-Reed Elsevier) – table sur la présence de 3.000 acheteurs et agents, 2.000 producteurs et plus de 300 stands d’exposition pour un total de 10.000 participants de près d’une centaine de pays. Au cours de ce Marché international des contenus audiovisuels et de la coproduction (son libellé officiel), jamais les chaînes de télévision n’ont eu à se frotter aux plateformes de streaming pour la « haute saison d’achat » automnale de nouvelles séries ou de productions existantes. Netflix, le numéro un mondial des plateformes de SVOD (2), qui n’a pas toujours pas eu au printemps dernier les honneurs du tapis rouge du Festival de Cannes pour cause d’incompatibilité avec la chronologie des médias française, prend sa revanche cet automne. La firme de Los Gatos (Californie) a dépêché au Mipcom l’une des plus importantes délégations pour un streamer. La plateforme au « N » rouge – … comme le tapis cannois – est même un des partenaires du 6e Prix de la Diversité qui sera décerné le mercredi 19 octobre 2022 au Palais des Festivals. Et ce, aux côtés de A+E Networks (groupe NBCUniversal), de Téléfilm Canada, de Canada Media Fund (CMF) ou encore du producteur britannique All3Media. Sur les 190 dossiers de candidature reçus pour concourir à ce 6e « Diversify TV Awards » (diversité et inclusion), 10 gagnants seront récompensés. Netflix fait d’ailleurs parti des nominés, dans la catégorie « Représentation des LGBTQIA+ » (scénario) pour sa série originale « Heartstopper » coproduite avec See- Saw Films (3). Parmi les autres nominés, la plateforme vidéo YouTube est sélectionnée trois fois : dans la catégorie « Représentation de la race et de l’ethnicité » (non-écrit) avec le show « Race Around Britain », une production YouTube Originals et Expectation & Munz Made It ; dans la catégorie « Représentation de la diversité dans les programmes pour enfants » (enfants plus âgés) avec la série « Onyx Family Dinner », coproduite par YouTube Originals et Pocket.watch ; dans la catégorie « Premio MIP Cancun » (nouveau pour 2022 en partenariat avec MIP Cancún, ville mexicaine) avec « Grandes Mujeres Latinoamericanas » (Grandes femmes latino-américaines) coproduit par YouTube et Billiken. La plateforme Amazon Prime Video n’est pas en reste, elle qui se retrouve elle aussi nominée dans cette même dernière catégorie avec « Because Victoria », une coproduction avec Vis et Oficina Burman. Le Mipcom de l’automne étant aux « pilotes » (nouveautés) ce que le MipTV au printemps est aux « formats » (déclinables dans différents pays), il reflète les prises de risque des différents diffuseurs de contenus audiovisuels venus du monde entier. Les streamers tels que Netflix ou Amazon ont une approche plutôt globale de leurs publics, alors que les chaînes de télévision ont encore tendance à raisonner localement. Résultat : les plateformes mondiales sont plus enclines à refléter la diversité et à prendre plus de risque, tandis que les chaînes nationales font des efforts en faveur de la diversité mais ne peuvent se permettre de prendre trop de risque. Plateformes SVOD, AVOD et FAST Le 38e Mipcom illustre par ses contenus audiovisuels « le monde d’après », potentiellement plus inclusif et plus varié. Il en ira de même pour la multiplicité des accès aux productions (4). Les chaînes ne sont plus les passages obligés pour les téléspectateurs depuis que la SVOD les a détrônées du salon. La vidéo à la demande par abonnement va encore bondir dans les cinq ans qui viennent, à 1,68 milliard d’abonnés dans le monde en 2027 – contre 475 millions d’abonnés en 2021, selon Digital TV Research. La SVOD devrait alors ainsi atteindre 132 milliards de dollars de chiffre d’affaires, dont 30 milliards pour Netflix et 15 milliards pour Disney+, malgré la montée en charge des services de vidéo AVOD (5) ou de télé FAST (6) avec publicités. @

Charles de Laubier

Netflix France tire toujours à boulets rouges sur la chronologie des médias, bientôt rediscutée

La chronologie des médias n’en finit pas d’être remise sur le métier. Bien que la clause de revoyure ait fixé à janvier 2023 le prochain rendez-vous des signataires, le retour autour de la table des négociations est prévu dès septembre prochain. Netflix entend faire encore bouger les lignes. Damien Bernet (photo), directeur du développement (1) de Netflix France depuis avril 2020, était l’invité le 28 juin dernier de l’Association des journalistes médias (AJM), accompagné d’Anne-Gabrielle Dauba- Pantanacce, directrice de la communication. Il a notamment été amené à s’exprimer sur la nouvelle chronologie des médias en vigueur depuis le 24 janvier 2022 (2), Netflix étant la seule plateforme de la SVOD à l’avoir signée (3). En est-il satisfait ? « Oui et non, a-t-il répondu. Oui car ce fut un pas important. Nous étions à 36 mois après la salle de cinéma dans l’univers du cinéma français, ce qui était totalement anachronique. Le fait de passer à 15 mois, c’est déjà une victoire ». Revoyure dès septembre prochain « C’est la raison pour laquelle nous l’avons signée, pour signifier et concrétiser cette avancée, montrer que Netflix est un acteur vertueux. Nous avons montré dans la discussion que nous étions ouvert à la négociation : Netflix est le seul acteur de la SVOD à l’avoir signée. Maintenant, a prévenu Damien Bernet, l’ex-ministre de la Culture Roselyne Bachelot l’a déclaré au moment de la signature : ce n’est qu’un premier pas ; il y a une clause de revoyure en janvier 2023. En fait, la revoyure sera dès le mois de septembre 2022… Tout le monde va revenir à la table des négociations ». Il n’a pas manqué de rappeler « le mouvement de Disney » qui a décidé de sortir en fin d’année en France son film d’animation « Strange World » directement sur sa plateforme Disney+, sans passer par les salles de cinéma. Il a rappelé aussi que Disney+ est adossé à un grand studio de cinéma, comme le sont les plateformes HBO Max (attendue en France en 2023) au sein du groupe Warner Bros. Discovery et Paramount+ (dont le lancement français est programmé pour décembre prochain) au sein de Paramount Global, ex-ViacomCBS. La pression ne cesse donc de croître sur la chronologie des médias française jugée obsolète. Damien Bernet la fustige : « Cette chronologie des médias ne peut pas tenir. Elle ne correspond pas aux usages – le public a besoin d’avoir les contenus rapidement. Et les mettre sur une étagère ou au frigo pendant 15 mois n’a aucun sens. Cela ne sert surtout pas le programme, le film. Ce que cela génère, c’est du piratage ». Sert-elle les salles de cinéma, qui bénéficient de quatre mois d’exclusivité lors de la sortie des nouveaux films ? « Non, répond-t-il, le fait de séparer de 15 mois la sortie en salle et la sortie sur Netflix n’a aucun intérêt pour la salle ». Sert-elle Canal+, qui fut longtemps le premier pourvoyeur de fonds du cinéma français ? « Canal+ a une position qui correspond à une histoire et à la manière dont cette chronologie des médias se déroule. Maintenant, déplore-il, celle-ci n’est pas cohérente film par film. Dans les autres pays, il y a une date de sortie qui est négociée pour chaque film selon le diffuseur. En France, cette rigidité a été créée par cette histoire qui se règle sur l’acteur historique (Canal+) ». Cette situation est unique au monde, alors qu’au-delà de l’Hexagone la sortie d’un film en SVOD 45 jours après la salle ne choque personne – notamment aux Etats- Unis pour les blockbusters d’Hollywood. Lorsque ce n’est pas dans certains cas des sorties simultanées salles streaming (day-and-date), comme ce fut le cas en 2021 des films « Dune » et « Matrix » de Warner Bros. Pictures, ou de « Mulan » et « Soul » sur Disney+. « Nous sommes favorables au cas-par-cas. On serait prêt à payer plus, film par film, et à financer beaucoup plus sur un film donné si on peut disposer d’une fenêtre qui soit plus cohérence dans l’intérêt de nos abonnés, explique Damien Bernet. Dans le monde, on le voit, il y a un usage à 45 jours. Mais on ne fait pas de la sortie en salle une condition pour nous. La sortie en salle peut parfois se justifier sur certaines œuvres, comme nous l’avons fait sur “The Power of the Dog”» (4). Netflix sort environ 30 films par an dans le monde entier, et la salle ne leur est pas interdite, notamment lors de festivals ou d’avant-premières. « On a toujours dit qu’il y avait une complémentarité totale salles-streaming. Mais ce n’est pas le cœur de notre business model, temporise quant à elle Anne-Gabrielle Dauba-Pantanacce. On n’est pas dogmatique. Nous le faisons sur certains films ». Cannes : Lescure part, Netflix arrive Netflix sera présent au festival international du film La Mostra de Venise, du 31 août au 10 septembre 2022. « Pour le Festival de Cannes, cela ne dépend pas de nous, rappelle la directrice de la communication. Nous sommes accueillis dans tous les festivals (de cinéma) du monde entier… Il y a un changement de président au Festival de Cannes : on verra dans les prochains mois ». Iris Knobloch, ancienne présidente de Warner Bros. en France, a remplacé le 1er juillet dernier Pierre Lescure à la présidente du Festival de Cannes. Netflix a de l’avenir sur la Croisette. @

Charles de Laubier

Après Netflix, Disney est désigné comme le nouvel épouvantail du cinéma et de l’audiovisuel français

La veille de l’ouverture du 72e Festival de Cannes, le président de la République
a reçu à l’Elysée les industries culturelles pour lesquelles est créé un fonds
« Bpifrance » de 225 millions d’euros. Emmanuel Macron les a surtout exhortés
à « s’organiser collectivement » face à Netflix mais aussi Disney.

Il n’y a pas que Netflix qui fait trembler « l’exception culturelle » chère au cinéma et à l’audiovisuel français, lesquels ne s’estiment plus protégés par la ligne Maginot réglementaire nationale devenue obsolète face ces acteurs globaux. The Walt Disney Compagny est aussi perçue comme une menace pour le 7e Art et le PAF (1) de l’Hexagone. Netflix et Disney ont été les deux épouvantails américains les plus évoqués lors du déjeuner culturel de l’Elysée le 13 mai dernier.

« Face aux grands champions américains » (Macron)
La presque centenaire major d’Hollywood, dirigée avec succès par Robert Iger (photo), « Bob » pour les intimes, inquiète de plus en plus en France le cinéma et la télévision, jusqu’au plus haut sommet de l’Etat. « Si nous n’arrivons pas à nous organiser, nous Français, la bataille est perdue. Face aux défis du numérique, c’est un engagement collectif dont nous avons besoin. Je suis convaincu que si nous restons divisés, nous ferions une erreur face aux grands champions américains », a lancé Emmanuel Macron à plus d’une centaine de convives venus de toutes les industries culturelles (y compris musique, jeu vidéo, médias, livre, etc.). A la veille de l’ouverture du 72e Festival de Cannes et de son 60e Marché du Film (2), le propos présidentiel visait plus particulière Netflix mais aussi Disney (3).
Le géant hollywoodien du divertissement et des médias est lui aussi montré du doigt, tant il a repris du poil de la bête depuis quinze ans que Bob Iger en a les rênes (4). Aujourd’hui, ne faudrait-il pas accoler le « D » de Disney pour parler désormais de GAFAD comme on le fait avec le «N» de Netflix pour faire GAFAN (ou avec le « M » de Microsoft pour GAFAM) ? Une chose est sûre : la Walt Disney Company se positionne plus que jamais comme le principal rival de Netflix, dont il veut damer le pion avec Disney+, sa plateforme de vidéo à la demande par abonnement (SVOD). Elle est annoncée pour novembre 2019 et sera « moins cher que Netflix », à 6,99 dollars par mois, avec des contenus pour toute la famille. Disney+ sera d’abord disponible à la fin de l’année aux Etats-Unis, avant son lancement en Europe prévu pour 2020. C’est que les dommages collatéraux pourraient toucher en France l’écosystème du cinéma et
de la télévision, déjà impacté par l’arrivée de Netflix en septembre 2014. Pour des programmes plus adultes, Disney vient de prendre le contrôle opérationnel de Hulu – autre plateforme de streaming vidéo – après avoir racheté le 20 mars dernier la participation de Fox – la 21st Century Fox (de Rupert Murdoch), dont la plupart des actifs ont été dans le même temps acquis par Disney pour plus de 71 milliards de dollars. Disney est maintenant l’actionnaire majoritaire de Hulu avec 60 % des actions (contre 30 % auparavant), avec la possibilité de monter à 100 % à partir de 2024. L’opérateur télécoms AT&T avait cédé en avril aux deux actionnaires restants de Hulu (Disney et Comcast) les 9,5 % qu’il détenait dans le capital de cette plateforme de SVOD (5) valorisée 27,5 milliards de dollars. Aux Etats-Unis, Disney a en outre lancé
il y a un an sa plateforme de streaming de programmes sportifs ESPN+.
Intégrant les actifs issus de Fox, la Walt Disney Company est tout de même devenue
le plus grand groupe de médias et de divertissement au monde ! Il faut dire qu’en cinq ans, le groupe dirigé par Bob Iger s’était emparé de studios de cinéma et d’animation indépendants, et non des moindres : Pixar en 2006 (dont « Toy Story»), Marvel en 2009 (dont « Spider-Man »), et Lucasfilm en 2011 (dont « Star Wars »). En rachetant les studios Marvel il y a dix ans, Disney profite de leurs blockbusters. Le dernier-né des films aux superhéros sorti cette année, « Avengers: Endgame » (22e et dernier film de la saga des Avengers), pourrait dépasser le record des recettes mondiales en salles de cinéma détenu par « Avatar » coproduit par Lightstorm Entertainment (2,79 milliards de dollars) – après avoir coiffé au poteau « Star Wars-Le réveil de la fore » de Disney (2,07 milliards) et « Titanic » coproduit lui aussi par Lightstorm Entertainment (2,18 milliards). Le catalogue de films et d’animations de Disney, aux budgets dépassant parfois chacun les 100 millions de dollars (350 millions de dollars pour le dernier « Avengers »), n’a rien à envier au catalogue de séries de Netflix.

Après DisneyLife en Europe, Disney+ et Hulu ?
L’exception culturelle à la française se retrouve ainsi prise en étau entre une presque centenaire du film (Disney, valorisé en Bourse 238,8 milliards de dollars au 24-05-19), multimilliardaire du box-office, et un jeune conquérant de la série d’une vingtaine d’année (Netflix, valorisé 153,9 milliards après avoir dépassé un temps Disney en 2018). En Europe, Disney a lancé en novembre 2015 au Royaume-Unis un service
« jeunesse » de SVOD baptisé DisneyLife (6), qui a vocation à s’étendre à toute l’Europe. @

Charles de Laubier

A 60 ans, le Marché du Film se prépare au futur

En fait. Du 14 au 23 mai, parallèlement au Festival de Cannes, se tient le Marché du Film qui fête cette année ses 60 ans d’existence. Au sein de ce marché international du cinéma aux 800 millions de dollars par an, les nouvelles technologies s’invitent et pour la première fois un espace « Cannes XR » est créé.