Injonction de blocage sous astreinte : les FAI estiment que « ce n’est pas du jeu »

Par une ordonnance du 28 avril 2011, le président du TGI de Paris a réaffirmé sa détermination à impliquer les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) dans la lutte contre les sites de paris et jeux en ligne non agréés. Après deux premiers cas, l’Arjel en a transmis trois autres.

Par Christophe Clarenc, associé, Renaud Christol, counsel, et Elsa Pinon, collaboratrice, August & Debouzy

Jusqu’au 12 mai 2010, il y a un peu plus d’un an
maintenant, l’organisation des jeux d’argent et de hasard dans l’Hexagone était confiée de manière exclusive à la Française des Jeux (FDJ) pour les loteries et les jeux de pronostics sportifs, au Pari Mutuel Urbain (PMU) pour les paris hippiques, ainsi qu’aux casinos pour les machines à sous et les jeux de table.
Agrément ou sanction de l’Arjel
La loi du 12 mai 2010 a mis fin à ces monopoles pour les paris sportifs, les paris hippiques et les jeux de cercle (jeux de cartes) en ligne. Seuls les paris et jeux de hasard – se déroulant dans les points de vente physiques – demeurent l’exclusivité de la FDJ, du PMU et des casinos. En raison notamment des enjeux d’ordre public et de protection des mineurs, cette loi du 12 mai 2010 – promulguée le 13 mai 2010 et suivie d’une douzaine de décrets d’application – a instauré un cadre réglementaire qui soumet l’activité des offreurs de jeux en ligne à un pouvoir d’autorisation et de contrôle de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) (1). Le rôle principal de cette autorité administrative indépendante est d’agréer les opérateurs avant qu’ils ne proposent en ligne des offres de paris et de jeux de hasard. Pour obtenir cet agrément, les opérateurs doivent s’engager à respecter de nombreuses obligations, afin de garantir
la protection du joueur et les droits de propriété des organisateurs de manifestations sportives. Les articles 15 et suivants de la loi énumèrent ces obligations qui tiennent non seulement aux modalités d’exploitation du site web et aux processus de traitement des données pour chaque jeu proposé, mais également aux modalités d’inscription des joueurs pour s’assurer qu’elles garantissent l’ouverture d’un compte joueur avant tout pari sur le site et permettent de vérifier que le joueur a plus de 18 ans. En outre, dans
le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent, l’Arjel contrôle les processus d’encaissement et de paiement des mises et des gains. Si postérieurement à la délivrance de l’agrément ces conditions ne sont plus respectées, l’Arjel dispose d’un pouvoir de sanction pouvant aller jusqu’au retrait de l’agrément.
Par ailleurs, le fait de proposer en ligne une offre de paris ou de jeux d’argent et de hasard sans être titulaire d’un agrément, est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et 90.000 euros d’amende et de cinq ans d’interdiction d’agrément (2), sans compter la possibilité dont l’Arjel dispose de bloquer l’accès au site Internet de l’opérateur exerçant son activité illégalement (3). Jusqu’à présent, l’ARJEL a favorisé l’application de cette dernière sanction. Le mécanisme est le suivant : l’ARJEL adresse à l’opérateur « illégal » une mise en demeure lui enjoignant de mettre fin aux activités contrevenantes dans un délai de huit jours. Passé ce délai, si l’opérateur concerné n’obtempère pas, le président de l’ARJEL « peut saisir le président du tribunal de grande instance (TGI) de Paris aux fins d’ordonner, en la forme des référés, l’arrêt de l’accès à ce service » aux hébergeurs du site concerné et/ou aux FAI. En pratique, cela signifie qu’il peut être enjoint à l’hébergeur de cesser de mettre le site à disposition du public, et/ou aux FAI d’empêcher l’accès des consommateurs à ce site (4). De façon complémentaire, le président du TGI peut également imposer la cessation du référencement du site par les moteurs de recherche.

Exclusivités sur les réseaux : un sujet embarrassant pour tout le monde

Les conflits sur les exclusivités se sont accumulés ces derniers mois. L’exclusivité iPhone- Orange a été suspendue, tandis que le modèle de double exclusivité Orange-France Télévisions et Orange Sport a été autorisé. La mission Hagelsteen prémunira-t-elle contre d’autres litiges ?

Par Katia Duhamel, avocate, cabinet Bird & Bird

Bâtis sur le sacro-saint principe de l’interopérabilité et de la neutralité, les télécommunications étaient jusqu’à présent ouvertes vis-à-vis des contenus. A l’inverse les médias – soutenues par une réglementation qui cloisonne l’exploitation des œuvres dans le temps et selon leur support de diffusion (chronologie des médias) – ont construit un modèle d’accès discriminant permettant de financer la création des œuvres et dont la valeur réside largement dans des exclusivités de distribution. Ces pratiques se heurtent aujourd’hui à l’évolution des technologies qui permet une personnalisation et une nomadisation croissantes des modes de consommation, de plus en plus indépendants des terminaux et des plateformes (catch-up TV; vidéo à la demande; télévision mobile, etc.). Par ailleurs, la banalisation des flux de communication contraint les opérateurs télécoms à se différencier par les contenus offerts sur leurs réseaux, comme ils le font déjà en offrant des terminaux mobiles subventionnés, packagés dans leurs offres.

Time Warner-AOL est mort, vive la convergence !

En fait. Le 16 novembre, le groupe de médias Time Warner a annoncé que le spin-off de sa filiale Internet AOL interviendra le 9 décembre 2009. Les actionnaires de Time Warner recevront une action d’AOL pour chaque lot de 11 actions Time Warner détenue. Le lendemain, les actions d’AOL seront cotées à New York.

En clair. Dix ans après l’éclatement de la « bulle Internet », le groupe de médias et de cinéma américain Time Warner n’en finit pas de solder les comptes de sa mégafusion
en 2001 avec American On Line (AOL) qu’il avait racheté au prix fort à l’époque : plus
de 100 milliards de dollars ! Depuis cette acquisition, la plus importante dans l’histoire économique américaine, l’eau a coulé sous les ponts : la valorisation boursière d’AOL atteint aujourd’hui à peine 3,5 milliards… La filiale Internet devenue moribonde doit maintenant économiser 300 millions d’euros par an et supprimer jusqu’à 2.500 emplois (un tiers de ses effectifs). Time Warner revient de loin. Il avait fallu pourtant plus d’un an de bataille pour obtenir le feu vert – en janvier 2001 – des autorités antitrust américaines et européennes, lesquelles craignaient les risques d’abus de position dominante, et pour convaincre les associations de consommateurs américaines redoutant les conséquences de cette opération. AOL était le premier FAI américain avec 26 millions d’abonnés et Time Warner comptait 13 millions d’abonnés par câble. Sans parler des mises en garde des investisseurs à la suite de l’éclatement de la bulle Internet à l’automne 2000. Le patron de Time Warner, Gerald Levin (1), cédait alors sa place au PDG fondateur d’AOL, Steve Case, qui prenait ainsi la tête du nouvel ensemble – baptisé AOL Time Warner (2) –, tous les espoirs étant alors permis quant à la convergence numérique promise entre les tuyaux et les contenus. Time Warner, qui était déjà câblo-opérateur, détient le studio de cinéma Warner Bros., Warner Music, CNN, Time Magazine, Fortune, …), tandis qu’AOL le premier des fournisseur d’accès à Internet (FAI) aux Etats-Unis. A peine formé, AOL Time Warner annonçait en outre le 24 janvier 2000 le rachat du major du disque EMI pour 20 milliards de dollars. Mais Levin et Case y renoncèrent quelques mois après pour ne pas prendre le risque d’essuyer un refus des autorités antitrust pour leur méga fusion initiale. Mais lorsque le feu vert fut donné, le marché s’était déjà retourné. En 2002, la dépréciation de l’actif AOL fit plonger les comptes du groupe à près de… 100 milliards de dollars ! Et les résultats financiers du nouveau géant n’ont cessé de se dégrader depuis. @

L’après-Hadopi : le rôle des fournisseurs d’accès à l’Internet reste à clarifier

La loi « Hadopi » est relativement claire sur ce que les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) doivent faire. Mais elle l’est beaucoup moins sur ce qu’ils peuvent faire pour contribuer au développement de l’offre légale et à la lutte contre le piratage en ligne.

Par Winston Maxwell, avocat associé, cabinet Hogan & Hartson.

La loi « Création et Internet » donne plusieurs rôles bien définis aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Ils (1) doivent communiquer à la Commission de protection des droits de l’Hadopi – Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet – l’identité de l’abonné dont l’adresse IP a été relevée par des agents assermentés du CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée, des sociétés de gestion collective ou des organismes de défense professionnelle.