Jérémie Manigne, groupe SFR : « Il faut sans doute réfléchir à une autorité de régulation unique »

Directeur général au sein du groupe SFR, en charge de l’innovation, des services et des contenus, Jérémie Manigne – également co-auteur du rapport « TV connectée » – explique à EM@ comment les règles du jeu devraient évoluer. Sa stratégie passe par la « coopétition » avec les acteurs du Web.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Vous êtes – avec Takis Candilis (Lagardère), Marc Tessier (VidéoFutur), Philippe Levrier (ex-CSA) et Martin Rogard (Dailymotion) – l’un des cinq co-auteurs du rapport « TV connectée » remis aux deux ministres Frédéric Mitterrand et Eric Besson : quelles sont les plus importantes propositions de la mission ?
Jérémie Manigne :
Le rapport met en lumière la nécessité d’adapter rapidement les règles, qui s’appliquent aux acteurs de l’audiovisuel français, à un contexte de plus en plus ouvert et mondialisé, où Internet s’impose peu à peu comme média de diffusion de contenus. Les mesures proposées visent, d’une part, à permettre le développement d’acteurs français et européens puissants capables de rivaliser avec leurs concurrents internationaux et, d’autre part, à pérenniser le soutien à la création audiovisuelle française en y faisant participer l’ensemble des acteurs de l’Internet.

Le cinéma obtient le blocage d’un site de piratage de films

En Grande-Bretagne, BT est obligé de bloquer le site web Newzbin avec Cleanfeed, déjà utilisé pour les sites pédo-pornographiques. Les Etats-Unis, eux, veulent faire coopérer non seulement les FAI mais aussi moteurs de recherche, systèmes de paiement et réseaux publicitaires.

Par Winston Maxwell, avocat associé, Hogan Lovells

Le 26 octobre 2011 la Haute cour de Justice en Angleterre a ordonné à l’opérateur télécoms BT de bloquer l’accès au site web Newzbin2 (1). Cette décision fait suite à plusieurs autres antérieures rendues contre ce site de type Usenet qui facilite le partage de fichiers.
La première décision, rendue en mars 2010 (2), a constaté que
la partie premium du site Newzbin était destinée presque exclusivement à permettre le partage illicite de films protégés
par le droit d’auteur et l’a condamné.

Les FAI et le cinéma français en chiens de faïence

Le 25 octobre dernier, le président de la République a reçu des représentants du cinéma (Bloc, ARP, UPF, SACD, …) et le CNC à propos du budget de ce dernier adopté par les députés dans le projet de loi de finances 2012. Les opérateurs télécoms, eux, contestent la taxe télévision (TST).

Les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) – au premier rang desquels Free qui a sorti
en décembre 2010 la distribution des chaînes de télévision de son offre triple play pour réduire sa taxe au Compte de soutien à l’industrie de programmes (Cosip) – se rebiffent une nouvelle fois (1). La FFT a en effet réagi vertement contre l’amendement TST (taxe sur les services de télévision) adopté le 21 octobre à l’Assemblée nationale. Non seulement il empêche les FAI d’échapper à la taxe Cosip mais il autorise en plus l’Etat à détourner une partie des recettes « plafonnées » perçues par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), lequel gardera 229 millions d’euros sur les 300 millions que pourrait rapporter – selon l’Arcep – la TST en 2012. En 2010, ce prélèvement avait été de 190 millions d’euros. Ainsi, les membres de la FTT – qui s’attendaient à payer la même somme l’an prochain – « contestent fortement l’idée d’une TST dont l’excédent, audelà de la part nécessaire pour le financement des actions du CNC, servirait à abonder le budget de l’Etat, ce qui reviendrait à ajouter un nouveau prélèvement sur l’accès à Internet fixe et mobile » (2). Près de 100 millions d’euros de surplus pourraient ainsi être réaffectés au futur Centre national de la musique (CNM), lequel sera à la filière musicale ce qu’est le CNC au cinéma français (3). Comme l’an dernier, une partie des recettes du CNC vont être détournés par l’Etat. Comme l’an dernier, une plainte pourrait être déposée auprès la Commission européenne par Free et/ou la Fédération française des télécoms. A moins que les opérateurs télécoms n’obtiennent gain de cause au Sénat… En réalité, les FAI se retrouvent entre le marteau, à savoir les sociétés de gestions des droits – via Sorecop et Copie France – qui veulent augmenter la rémunération de la copie privée (taxation des box, des smartphones, …), et l’enclume, que sont les producteurs audiovisuels et cinématographiques qui préfèrent les prélèvements à la source pour subventionner leurs investissements (via le CNC, bientôt le CNM, …). Le Conseil d’Etat, avec sa décision du 27 juin dernier, leur avait passé du baume au coeur en annulant la décision nº 11 de la Commission copie privée prévoyant de taxer les smartphones. Mais ce qu’ils récupèreraient d’un côté, ils le perdraient de l’autre. @

La pression fiscale sur les opérateurs télécoms augmente au profit des industries culturelles

Vaches à lait, têtes de Turc,… Les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) expriment un sentiment général de ras-le-bol envers les taxations de toute sorte que les pouvoirs publics leur imposent, à commencer par celles destinées au cinéma,
à l’audiovisuel et bientôt la musique

Par Katia Duhamel, avocate, cabinet Bird & Bird

Les taxes s’entassent sur la tête des opérateurs télécoms, sans doute coupables de faire encore des profits en temps
de crise. Alors qu’ils n’ont toujours pas digéré la taxe introduite par le gouvernement pour compenser la suppression de la publicité payante sur les chaînes publiques de télévision, de nouvelles idées de taxation du secteur germent dans l’esprit de certains. Après l’audiovisuel public, les opérateurs pourraient ainsi être mis à contribution pour financer la création musicale.

Apple, Amazon, Google, … Les industries culturelles veulent taxer le « cloud computing »

Selon nos informations, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) demande à Apple, Amazon ou encore Google de les auditionner sur leur
« nuage informatique », dans le but de savoir comment les faire contribuer à la création et rémunérer la copie privée.

Après une réunion sur le cloud computing qui s’est tenue le 6 octobre dernier au ministère de la Culture et de la Communication, le prochain rendez-vous du CSPLA – prévu en séance plénière le 3 novembre prochain – sera déterminante. Cette instance parapublique – qui est la seule à réunir ayants droits, producteurs, éditeurs, radiodiffuseurs, télé-diffuseurs, plateformes web, fournisseurs d’accès à Internet (FAI), opérateurs télécoms et consommateurs – s’est remise au travail en juin, après trois ans de mise en veille.