La fibre pourrait accélérer le « contournement » des opérateurs télécoms, dissuadés d’investir

Les régulateurs (CSA, Arcep, Hadopi,) et le gouvernement (DGMIC, DGCIS, CNC) voudraient décourager les opérateurs télécoms d’investir massivement dans la fibre optique qu’ils ne s’y prendraient pas autrement : une étude sur le très haut débit semble les en dissuader !

« Les opérateurs pourraient en être réduits à de simples transporteurs de contenus, contournés (ou « désintermédiés ») par les services en accès direct (ou services ‘’over-the-top’’). Cette menace peut freiner les opérateurs dans leurs déploiements des réseaux très haut débit », met en garde l’étude de Analysys Mason, commanditée par l’Arcep (1), le CSA (2), l’Hadopi (3), le CNC (4), la DGMIC (5) et la DGCIS (6), lesquels ont « décidé de rendre public l’essentiel ».

Exclusif : le projet de loi « fiscalité numérique » que Philippe Marini déposera au Sénat en juillet

Le 14 février s’est tenu le Forum de fiscalité numérique parrainé par le sénateur Philippe Marini, et « père de la taxe Google » (abandonnée mi-2011). Le président
de la commission des Finances du Sénat explique à Edition Multimédi@ ce que prévoira son futur texte, s’inspirant de l’Arjel.

« En réponse à votre question concernant la date de dépôt et la teneur de la proposition de loi que j’ai annoncée, je vous indique que j’entame dès à présent un programme de travail pour l’élaboration d’une proposition de loi qui serait déposée en juillet prochain », écrit le sénateur Philippe Marini à Edition Multimédi@ le 23 février. Et de préciser : « Je procèderai à des auditions techniques et me rendrai à Bruxelles pour en examiner la recevabilité au regard du droit communautaire » (1).

Commission « TV connectée » du CSA… sans Apple

En fait. Le 16 février, le CSA a installé la Commission de suivi des usages de
la télévision connectée, dont c’était la première réunion plénière en présence
de 70 membres représentant chaînes, FAI, fabricants, ayants droits, opérateurs consommateurs et pouvoirs publics. Mais un seul être vous manque…

En clair.… et tout est dépeuplé. Apple – redevenu le 13 février la première capitalisation boursière mondiale (1) – s’apprête, d’ici à cet été, à repartir à l’offensive avec son Apple TV (ou iTV). La Commission de suivi des usages de la télévision connectée peut-elle faire l’impasse la marque à la pomme ? « Nous ne faisons pas l’impasse sur Apple. On arrive jamais à les faire venir. Apple interdit à ses bureaux à l’étranger d’y participer. Déjà, lors du colloque sur la TV connectée que nous avions organisé [le 28 avril 2011, ndlr], ils n’avaient pas été là. Mais la politique de la chaise vide n’a jamais profité à celui qui la pratique ! », a répondu Michel Boyon, président
du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), à Edition Multimédi@, en marge de l’installation de la commission.
Nous avons voulu demander à Stéphane Thirion, le dirigeant d’Apple France, les raisons de cet absentéisme récurant. « Stéphane Thirion n’est pas porte-parole pour la presse. (…) Nous ne communiquons pas et necommentons pas sur les points que vous
abordez », nous a-t-on répondu. Les auteurs du rapport TV connectée, remis fin novembre, n’avaient pas non plus réussi à auditionner Apple (2). L’absence et le silence d’Apple sont d’autant plus fâcheux que la firme de Cupertino prépare pour le second ou troisième trimestre (3) un vrai téléviseur connecté et à commande vocale – iTV – pour tenter de réussir là où son décodeur Apple TV n’a pas donné les résultats escomptés. Google est aussi très attendu dans le PAF avec sa Google TV. Le géant du Web était-il parmi les 70 membres de la première plénière de la commission TV connectée présidée par Emmanuel Gabla ? Non plus ! Pas plus que les autres acteurs du Web (Yahoo, Dailymotion, Facebook, …), pourtant très attendus sur le petit écran. « Les représentants du Web sont présents à travers l’Association de services Internet communautaires (Asic), laquelle est membre de la commission, même s’ils n’ont pas
pu être présents aujourd’hui », a assuré Michel Boyon, en se tournant vers le carton
« Asic » isolé sur la table. Contacté, le co-président de l’Asic, Giuseppe de Martino (Dailymotion), nous a répondu : « Nous avons apparemment été invités mais n’avons pas pris de décision quant à une éventuelle participation ». En cours de réunion, Michel Boyon a parlé de « télévision contestée » avant de corriger pour « connectée ». Un lapsus révélateur ? @

Stéphane Richard ne voit pas l’intérêt de créer le CNM

En fait. Le 22 février, France Télécom a présenté ses résultats annuels pour 2011 : le bénéfice net est en baisse de 20,1% à 3,895 milliards d’euros (mais « quasi-stable » à périmètre comparable), pour un chiffre d’affaires en recul de 1,6 % à 45,277 milliards. Son PDG a fustigé les taxes sur les FAI.

En clair. En marge de la présentation des résultats annuels, France Télécom a indiqué
à Edition Multimédi@ que le total des différentes taxes « spécifiques » (IFER, taxe pour l’audiovisuel public, Cosip, TST, copie privée, VOD) lui a coûté 801 millions d’euros en 2011. Interrogé sur ces différentes taxes, Stéphane Richard, le PDG de France Télécom, nous a répondu : « Les taxes spécifiques qui pèsent sur nous en France ont représenté près de 5% de notre chiffre d’affaires, alors que c’est seulement 1 % pour l’opérateur historique en Grande- Bretagne ». Au-delà de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), dont il regrette la « légère augmentation » (1), il dénonce les nouvelles taxes comme celle prévue pour le Centre national de la musique (CNM) : « J’aime bien la musique et on a vécu sans le CNM jusque-là. Y a-t-il nécessité de le créer ? On peut s’interroger. Ce n’est qu’une énième taxe sur les opérateurs » (2). La Fédération française des télécoms (FFT), dont Orange est membre, n’a pas signé le 28 janvier l’accord-cadre créant le CNM (lire EM@51, p. 3). «On nous demande des efforts d’investissements dans les réseaux et, après nous avoir mis un quatrième opérateur mobile dans les gencives, … dans les jambes, on vient nous demander une taxe sur la musique. C’est un peu désolant ! », a ajouté Stéphane Richard. Intervenant aussi, le secrétaire général du groupe Pierre Louette précise que ces différentes taxes représentent « 20 % de la fiscalité de France Télécom ». Il a indiqué en outre que la taxe versée par Orange au Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip)
se situe « entre 110 et 120 millions d’euros » en 2011. « On nous a supprimé la ‘’contrepartie’’ [TVA réduite sur la moitié audiovisuelle du triple play en échange d’une contribution au Cosip, ndlr] mais la taxe versée au CNC (3) ne la pas été ; elle a même augmenté ! », regrette Pierre Louette.
Et concernant la taxe télécom pour financer l’audiovisuel public, il rappelle qu’elle est contestée par la Commission à Bruxelles devant la Cour de justice européenne. « Ce n’est pas comme ça que l’on va nous encourager à investir », abonde-t-il. Reprenant la parole, Stéphane Richard a insisté : « On nous prend comme une poche et non comme une entreprise qui investit. On est pas des vaches à lait ! C’est assez méprisant ». L’Etat français détient près de 27 % du capital de France Télécom. @

L’industrie du livre veut elle aussi taxer les FAI

Le 31 janvier, la Fédération française des télécoms (FFT) a formulé ses vœux
pour l’année 2012, à commencer par le souhait de ne pas voir de nouvelles taxes « culturelles » sur les FAI. Mais après le CNC (cinéma) et le CNM (musique), le Centre national du livre (CNL) songe aussi à une taxe.

Après la taxe prélevée par le Centre nationale du cinéma et de l’image animée (CNC) sur les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), ces derniers devront remettre la main à la poche pour financer le nouveau Centre national de la musique (CNM). Et comme jamais deux sans trois, il ne manquerait plus que le Centre national du livre (CNL) pour demande à
son tour une taxe sur les FAI. Justement, le CNL ne n’exclut pas. En effet, selon nos informations, son président Jean-François Colosimo étudie cette perspective parmi les nouvelles pistes de financement envisagées pour son établissement, lequel est sous la tutelle du ministère de la Culture et de la Communication. Sa mission est notamment d’aider au financement de projets de production de livres (1), au moment où les maisons d’éditions doivent s’adapter au numérique. Le CNL se réunit d’ailleurs trois fois par an
pour octroyer des subventions pour projets d’ »édition numérique », d’ »édition multimédia »
ou de « plates-formes innovantes de diffusion et de valorisation de catalogues de livres numériques » (prochaines délibérations en mars). Or le besoin de financement est croissant mais les recettes du CNL – de moins de 45 millions d’euros par an – n’augmentent pas et ne suffisent plus. Au-delà des taxes spécifiques qui lui sont affectées (près de 80 % des recettes mais stagnantes), telles que les redevances sur les matériels de reproduction et d’impression, ainsi que sur le chiffre d’affaires de l’édition, l’une des pistes est de taxer les FAI. La question devrait être à l’ordre du jour la prochaine réunion de la commission « Economie numérique » du CNL, qui se réunit le 2 mars prochain. « [Une des pistes] consisterait à intégrer le domaine du livre dans tous les mécanismes à venir impliquant les fournisseurs d’accès à Internet, lesquels emploient massivement des contenus écrits et de livres », a déjà eu l’occasion d’expliquer Jean-François Colosimo lors de son audition devant la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, audition du 19 mai 2011 portant sur le financement de la culture (« Budget de l’Etat ou taxes affectées ? »). Reste à savoir si le CNL tentera de placer sa réforme – à l’instar du CNM – lors du prochain projet de loi de finances rectificatif 2012 au printemps ou du projet de loi de finances 2013 de fin d’année… @