« Les OTT pourraient tuer les Telcos », prédit l’Idate

En fait. Le 17 octobre, l’Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe (Idate) a présenté une analyse de l’économie numérique en prévision du DigiWorld Summit qu’il organise à Montpellier les 14 et 15 novembre prochains
sur « le mobile, le cloud et le Big Data qui changent la donne ».

En clair. Pour François Barrault, le président de l’Idate, la chose est entendue : « Il y a d’un côté les OTT [Over-The-Top] qui en profitent et de l’autre les Telcos [opérateurs télécoms] qui souffrent ». Autrement dit, les OTT que sont Google, Apple, Facebook
ou autres Amazon seraient les seuls à tirer leur épingle du jeu dans un contexte de changements de paradigmes économiques induits par l’Internet. Tandis que les opérateurs télécoms –opérateurs historiques en tête – seraient les seuls à être à la
peine en raison de la chute de leurs recettes téléphoniques, d’une part, et des efforts d’investissements nécessaires à faire dans leurs infrastructures réseaux, d’autre part. Pire : « Le maillon faible [les OTT] pourrait tuer le maillon fort [les Telcos] », met en
garde François Barrault. Est-ce à dire que l’Idate, en tant qu’institut d’études, a décidé
de défendre les intérêts des opérateurs télécoms contre les ambitions des acteurs d’Internet ? Son président s’en défend : « Nous ne prenons pas parti. Nous disons
que la répartition de la valeur est très mal faite entre des sociétés comme Google, essentiellement américaines, et les opérateurs de réseaux qui font partie des faibles,
alors qu’il s’agit là d’une agrégation de noeuds interdépendants où tout est lié. Tout le système risque de se planter avec les OTT si l’on n’en prend pas conscience ». Le directeur général de l’Idate, Yves Gassot, s’inquiète quant à lui du revenu moyen par abonné (ARPU) « inférieur à 30 euros par mois » en Europe, lorsqu’il est de « 55 dollars, voire 60 dollars par mois » aux Etats-Unis. « Il faut que les opérateurs télécoms sortent
de la trappe que constitue le forfait [flat rates, triple play] et redonnent de la valeur à l’accès avec différents niveaux de services et de tarifs pour les abonnés », conseille-t-il. Autrement dit, selon Yves Gassot, « avec l’infrastructure IP, l’intelligence sort du réseau et remonte au niveau des OTT de type Google, Apple ou encore les réseaux sociaux » (1).
Or les opérateurs ne sont pas satisfaits des interconnexions avec leurs réseaux : « Il y a des passagers clandestins ! », dit-il. L’Idate prône donc des tarifs différenciés mais écarte l’idée de « terminaison data » (payée par les OTT aux opérateurs de réseaux) car, indique Yves Gassot à Edition Multimédi@, « elle ne rapporterait au mieux en France que 100 millions d’euros ». @

Universal Music-EMI : « super major » du numérique

En fait. Le 21 septembre, la Commission européenne a autorisé l’acquisition
des activités d’éditions musicales d’EMI par Universal Music « sous certaines conditions ». Au-delà de la cession d’actifs, la filiale de Vivendi s’est engagée
à faciliter d’octroi de licences aux plates-formes de musique en ligne.

En clair. « Cette opération sera bénéfique pour l’ensemble des artistes et pour l’industrie culturelle », se félicitent Vivendi et sa filiale Universal Music à propos des feux verts de la Commission européenne et de la Federal Trade Commission (FTC) aux Etats-Unis pour l’acquisition d’EMI Recorded Music. Ces deux autorités anti-trust prennent le risque de créer une « super major » qui pourrait « considérablement affecter la situation du marché du disque » avec des abus de position dominante que cela pourraient engendrer. C’est
du moins ce que craignent les producteurs indépendants, notamment leur association européenne Impala (1) – dont fait partie l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI). Impala a tenté – en vain – de dissuader les autorités anti-trust de donner leur feu vert à cette fusion de deux des quatre majors. Déjà première major mondiale de la musique enregistrée, Universal Music renforce sa position dominante
face non seulement à ses deux autres concurrents (Sony Music et Warner Music), mais surtout face aux nombreux labels indépendants. La « super major » s’est bien engagée devant la Commission européenne (et non de la FTC) à céder d’ici six mois plusieurs actifs – Parlophone (label de Pink Floyd, David Bowie, Tina Turner, David Guetta, Kylie Minogue, …), Chrysalis (label de Depeche Mode, Moby, Nick Cave & The Bad Seeds, …) ou encore EMI Classics – à hauteur de 30 % du chiffre d’affaires d’EMI, mais cela ne représente que 10 % des ventes du nouvel ensemble. Rien qu’en France, selon « Music
& Copyright », la part de marché d’Universal Music en 2010 s’établissait à 38,5 %, celle d’EMI à 13,1 %.
Même après délestage, « Universal-EMI » pourrait s’arroger plus de la moitié du marché. Dans la musique en ligne, la filiale de Vivendi pèse déjà entre 35 % et 45 % de parts de marché. Avec EMI, elle s’arroge là aussi plus de la moitié des ventes numériques. Craignant que la « super major » ne soit tentée « d’imposer des prix plus élevés et des conditions plus onéreuses d’octroi de licences aux fournisseurs de musique numérique », la Commission européenne a obtenu une promesse : « Ne pas insérer de clauses NPF (2) en sa faveur dans les contrats renégociés ou nouvellement conclus avec ses clients du secteur numérique » dans l’espace économique européen. @

Mission « Culture-acte 2 » : l’exception et l’Europe

En fait. Le 25 septembre, la ministre de la Culture et de la Communication,
Aurélie Filippetti, et Pierre Lescure ont présenté la mission « Culture-acte 2 »
(trois rapporteurs et trois experts). L’Europe et l’international devront être
intégrés aux travaux. Conclusions du rapport : le 31 mars 2013.

En clair. La mission confiée à Pierre Lescure, dénommée « mission de concertation
sur les contenus numériques et la politique culturelle à l’ère du numérique », va-t-elle
se heurter au cadre européen et au marché unique ? C’est ce que l’on peut craindre
au regard des objectifs de François Hollande, de « protéger l’exception culturelle » française – selon les propres termes employés dans la lettre de mission de Pierre Lescure datée du 6 août dernier et signée par Aurélie Filippetti. Or cette dernière s’est défendue, lors de la présentation de la mission Culture-acte 2, de tomber dans le franco-français : « Il ne s’agit pas de défendre des intérêts nationaux. (…) Il n’est pas question d’avoir une démarche nationaliste, mais plutôt une vision universaliste », a-t-elle assuré. La lettre de mission se veut claire : « La dimension internationale, et tout particulièrement européenne, devra être intégrée à l’ensemble de vos travaux, en sorte que (…) vos propositions puissent être partagées avec nos partenaires européens et susciter leur adhésion ».
Autant dire que la France ne décidera pas seule à mettre à contribution les opérateurs télécoms, les FAI, les acteurs du Net et les fabricants de terminaux au financement de la création (cinéma, musique, livre, jeux vidéo, …). Paris devra composer avec Bruxelles. Aurélie Filippetti s’est inquiété d’« une certaine virulence » de la Commission européenne « sur certains sujets comme le prix unique du livre, les aides au cinéma [notamment la taxe sur les services TV des FAI, ndlr] ou encore la fiscalité des oeuvres culturelles ». Elle a déploré « une incompréhension de la part des autorités européennes qui veulent de la concurrence à tout crin ». La ministre espère néanmoins trouver des alliés en Europe, comme l’Allemagne, sur le soutien au livre.
Quitte à « former des alliances pour une exception culturelle européenne ». La mission Lescure « pourra aussi exploiter les résultats de la mission de Jacques Toubon (1) sur
le terrain de l’Union européenne et visant à harmoniser la fiscalité sur les produits
culturels ».
La présence du ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, et de la ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq, dans un « comité de pilotage » « autour » d’Aurélie Filippetti laisse présager un débat plus international. @

Interopérabilité : que fait la Commission européenne ?

En fait. Le 3 septembre, la commissaire européenne Neelie Kroes en charge du numérique retwettait une information de « TechCrunch » selon laquelle « Bruce Willis ne poursuivait pas Apple à propos des droits de propriété sur iTunes ».
La rumeur affirmait que l’acteur américain menaçait Apple d’un procès.

En clair. C’est le « Daily Mail » daté du 2 septembre qui a lancé l’affaire. « Bruce Willis se bat pour léguer le contenu de son iPod à sa famille », titrait le tabloïd britannique, ajoutant que l’acteur américain envisageait d’intenter une action en justice contre Apple pour savoir à qui appartiennent les musiques téléchargées à partir de iTunes. La rumeur s’est aussitôt propagée en l’état sur les sites web, les réseaux sociaux et les microblogs. Jusqu’à ce que la femme de l’acteur, Emma Hemming-Willis, y mette un terme en lançant un twitt laconique le 3 septembre : « It’s not a true story ». Ce démenti est parvenu jusqu’aux oreilles de la commissaire européenne Neelie Kroes, en charge du numérique, laquelle a twitté le jour-même l’information provenant du site web américain TechCrunch.
Au-delà de la question de savoir à qui appartiennent les fichiers d’œuvres culturelles (musique, films, livres, …) après le décès d’un utilisateur, cette histoire illustre bien les interrogations que soulèvent les problèmes récurrents d’interopérabilité et de droits d’auteurs (utilisation de DRM) entre les différentes plates-formes de téléchargement,
plus ou moins verrouillées, telles que iTunes d’Apple (1) ou Kindle d’Amazon. Depuis 2010, Neelie Kroes en a pourtant fait son cheval de bataille. « Les questions d’interopérabilité dans le secteur des TICs sont une priorité de la stratégie numérique.
(…) Des mesures (…) pourraient conduire les acteurs économiques importants à continuer à privilégier l’interopérabilité. (…) Nous prévoyons de produire un rapport sur la faisabilité de telles mesures avant 2012 », nous avait-elle indiqué dans une interview en novembre 2010 (EM@24).
Depuis les «mesures correctrices » tardent à venir et la question de l’interopérabilité demeure, surtout depuis l’émergence de nouveaux services en ligne comme le « could computing » ou de nouveaux contenus comme le livre numérique. Neelie Kroes a justement participé le 26 juin dernier à une table-ronde sur les ebooks organisée par
la Task Force pour la coordination des Affaires Médias de la Commission européenne. Les participants ont signé ce jour-là la « déclaration on ebooks » où il s’engagent à ce qu’il n’y ait « pas de frontières pour les consommateurs lorsqu’ils achètent des livres numériques dans différents pays, plates-formes et terminaux ». @

Europe : l’ACTA pourrait être revoté dans 2 ans

En fait. Le 9 juillet, l’eurodéputée Marielle Gallo – auteur en 2009 du rapport de
la Commission européenne sur le « renforcement de l’application des droits de propriété intellectuelle sur le marché intérieur » – espère que l’ACTA pourra être revenir devant le Parlement européen d’ici deux ans.

En clair. A peine l’accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) controversé et négocié depuis 2007 a-t-il été rejeté le 4 juillet dernier en session plénière par le Parlement européen (39 pour, 478 contre, 165 abstentions) que ses supporters pensent déjà à son retour devant les eurodéputés. C’est le cas de du commissaire européen chargé du Commerce, Karel De Gucht, qui table – dans les deux ans – sur un arrêt de la Cour
de justice de l’Union européenne (CJUE) qui pourrait être favorable à l’ACTA. Il l’a clairement exprimé lors du vote en session plénière, mais aussi lors de la réunion du
21 juin de la commission du commerce international (INTA) du Parlement européen.
« J’espère que la Cour [CJUE] trouvera que l’ACTA est entièrement conforme avec les Traités [de l’Union européenne (1)]. Dans ce cas, nous préparerons (…) une second demande pour obtenir l’approbation du Parlement européen », a en effet déclaré Karel De Gucht. L’ACTA (Anti- Counterfeiting Trade Agreement) tente d’établir un cadre international et, selon le texte lui-même, de « promouvoir la coopération entre fournisseurs de services [FAI, fournisseur de contenus et intermédiaires du Web, ndlr] et détenteurs de droits [culturels et audiovisuels, ndlr] afin de s’attaquer aux atteintes relatives aux droits dans l’environnement numérique », sur fond de « procédures pénales et des peines ». Ce sont ces mesures pénales dans un accord commercial
que fustigent les opposants à ce texte, dont la Quadrature du Net (2). L’ACTA prévoit notamment que les FAI peuvent être obligés de « divulguer rapidement au détenteur du droit des renseignements suffisants pour lui permettre d’identifier un abonné » présumé pirate.
L’eurodéputée Marielle Gallo (UMP, PPE) espère elle aussi que l’ACTA sera de retour devant le Parlement européen d’ici à deux ans. Ardente défenseuse de la première heure de mesures législatives européennes pour lutter contre le piratage sur Internet, elle fut l’auteur du rapport sur le « renforcement de l’application des droits de propriété intellectuelle sur le marché intérieur », adopté par le Parlement européen le 22 septembre 2010 (3). Elle y préconise une législation européenne contre notamment
le piratage sur Internet, en s’appuyant sur l’Observatoire européen de la contrefaçon
et du piratage créé il a plus de trois ans. @