Droit à l’oubli : la capitulation de Google est-elle une victoire totale pour la Cnil et les internautes ?

Malgré des avancées de Google début mars dans la mise en oeuvre du droit à l’oubli, lui et tous les autres moteurs de recherche continuent d’avoir une large marge d’appréciation pour décider de donner – ou non – une suite favorable à la demande d’un internaute de rendre inaccessibles des pages le concernant.

Par Katia Duhamel, expert en droit et régulation des TICs

Face aux pressions de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) qui l’a mis en demeure
en juin 2015 (1) très fermement d’appliquer le droit à l’oubli pour toutes les extensions de son moteur de recherche
sans se limiter à l’Europe (.fr, .es, .uk, …), Google semble enfin consentir à faire un pas en avant en acceptant de restreindre l’accès aux pages web dites URL (2) dont le déréférencement lui a été demandé. Et ce, sur tous les domaines de recherche Google, y compris google.com. Il s’est également engagé à mettre en oeuvre ce changement rétroactivement, à toutes les pages qu’il a déjà déréférencées à la suite de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de mai 2014 (3). Cela n’a pas empêché Google de se voir infliger le 24 mars dernier par la Cnil une amende de 100.000 euros pour non respect de la mise en demeure de l’an dernier (voir https://lc.cx/Google100K€).

Numérique : pourquoi la France se situe en dessous seulement de la moyenne européenne

Le constat est sans appel : la France fait moins bien que la moyenne de l’Union européenne en matière d’économie et de société numériques, selon la Commission européenne. L’Hexagone recule même de deux places en un an,
à la 16e sur les 28 pays membres. Comment en est-on arrivé là ?

Avec une note globale de 0,51 d’indice « Desi » (1), qui mesure la performance d’un pays en matière d’économie
et de société numériques, la France fait pâle figure en Europe. C’est du moins ce qui ressort de l’étude publiée
le 25 février dernier par la Commission européenne.
« La France a perdu sa place en termes de connectivité,
de capital humain et de services publics numériques », souligne-t-elle. Face à ce constat général peu reluisant, la France est reléguée deux places en arrière en 2016 dans ce classement « Desi » pour se retrouver en 16e position sur les 28 pays européens.

L’Arcep pivote et, ce faisant, cherche à étendre son champ d’intervention : à tort ou à raison ?

Avec sa « revue stratégique » de janvier 2016, l’Arcep veut élargir la régulation des « communications électroniques » aux « communications numériques ».
En Europe, deux visions s’opposent entre les partisans d’une régulation des acteurs du Net et ceux craignant une sur-régulation des « marchés émergents ».

Par Winston Maxwell (Hogan Lovells) et Stéphane Piot (Analysys Mason)

Le « virement » stratégique de l’Arcep (1), présenté en janvier 2016, est structuré autour de quatre piliers (investissement dans les infrastructures, territoires connectés, Internet ouvert, prisme pro innovation) et trois nouveaux modes d’interventions (bâtir une régulation par
la donnée, co-construire la régulation et jouer un rôle d’expert neutre dans le numérique et le postal). Une feuille de route détaillée comprenant 21 thèmes a été arrêtée et 12 chantiers prioritaires ont été définis pour 2016/2017.

Copie privée : industriels contre l’extension au cloud

En fait. Le 16 février prochain, le projet de loi « Création » sera voté au Sénat. Dès le 5 février, les industriels du numérique – réunis au sein de l’Afnum, du Sfib, de Tech in France (ex-Afdel) et de Digital Europe – se sont inquiétés des risques de l’extension de la redevance copie privée aux services de cloud.

En clair. Les industriels de l’électronique grand public – Samsung, Apple, Sony, IBM, Cisco, … – ne veulent pas que la rémunération pour copie privée soit étendue aux services de cloud, lesquels permettent aux internautes et aux mobinautes qui le souhaitent de stocker à distance dans le « nuage informatique » leurs contenus multimédias.
Réunis à Paris au sein de l’Afnum, du Sfib et de Tech in France (ex-Afdel), ainsi qu’à Bruxelles dans l’association Digital Europe, les fabricants et importateurs d’appareils numériques – dont ceux qui permettent l’enregistrement numérique et sont de ce fait assujettis à la taxe « copie privée » – ont réagi dès le 5 février pour mettre en garde
le gouvernement contre toute extension de cette redevance pour copie privée « en affectant l’ensemble des services numériques en ligne ». Selon eux, « cette disposition engendrerait un risque juridique pour l’écosystème des oeuvres culturelles numériques et économique pour les entreprises concernées ». Les industriels réagissaient à un amendement daté du 21 janvier (« Com-5 »), adopté par la commission de la Culture du Sénat pour devenir l’article « 7 bis AA » – modifié ensuite lors des débats du 10 février (1) – du projet de loi « Création ». Il soumet à la taxe « copie privée » tout service de communication au public en ligne lorsque celuici fournit à une personne physique, et par voie d’accès à distance, la possibilité de faire elle même des copies
ou des reproductions d’oeuvres ou de programmes audiovisuels, lesquelles « sont stockées sur un serveur distant contrôlé par l’éditeur concerné ». Cette disposition prévoit donc que l’intervention d’un tiers dans l’acte de copie n’interdit pas de considérer que ces copies puissent être qualifiées de copie privée, remettant ainsi
en cause la jurisprudence dite « Rannou-Graphie » de 1984 qui subordonne jusqu’à maintenant l’application du régime de la copie privée à une personne qui est soit celle réalisant la copie, soit la bénéficiaire de la copie réalisée (2) – ce qui excluait jusqu’à maintenant le cloud de la taxe pour copie privée au grand dam des ayants droits (3).
« Descendez de mon nuage ! », a aussi lancé le 5 février l’association Digital Europe qui s’est alarmée des projets législatifs d’« une France faisant cavalier seul » et qui exhorte le gouvernement français à travailler plutôt avec la Commission européenne pour réformer la copie privée. @

Pierre Moscovici, commissaire européen, préfère une « fiscalité globale » à une « fiscalité numérique »

Le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, Fiscalité et Douanes était l’invité le 25 janvier de l’Association des journalistes économiques et financiers (AJEF). Il s’est notamment exprimé sur la ficalité numérique dans le plan anti-optimisations fiscales des multinationales présenté le 28 janvier.

« Il y a une question qui nous agite parfois lorsque l’on parle avec nos collègues Andrus Ansip et Günther Oettinger [respectivement commissaire européen en charge du Marché unique numérique, et commissaire européen à l’Economie et à la Société numériques, ndlr], c’est de savoir si l’on doit avoir un développement spécifique de la fiscalité du numérique ou si l’on doit englober le numérique dans une approche plus large et plus moderne. Je suis plutôt partisan de la deuxième option. Cela fait aussi partie du débat que l’on va avoir sur la TVA [voir encadré ci-dessous] », a répondu Pierre Moscovici, à une question de Edition Multimédi@ sur la fiscalité des géants du Net, devant l’AJEF. Et le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, Fiscalité et Douanes d’ajouter : « Je suis plutôt favorable à une fiscalité globale, une approche globale, qui soit adaptée au monde où nous vivons et à l’économie numérique, au lieu de faire une fiscalité numérique. Je trouve que cela toujours très compliqué et cela risque d’être dépassé assez vite ».