Vivendi gonflerait-il l’audience de Dailymotion ?

En fait. Le 11 mai, le groupe Vivendi a annoncé une nouvelle application mobile pour Dailymotion. Son PDG Maxime Saada (président de Canal+) annonce une audience mensuelle de la plateforme de partage vidéo de « près de 400 millions d’utilisateurs ». Or c’est trois fois moins selon Similarweb.

En clair. « Dailymotion est passé d’une audience de moins de 300 millions d’utilisateurs mensuels en 2017 à près de 400 millions en 2023. C’est la seule plateforme vidéo gratuite française avec un rayonnement mondial et une présence dans 145 pays », s’est félicité le 11 mai Maxime Saada, président du directoire du groupe Canal+, maison mère depuis 2015 de Dailymotion, dont il est aussi PDG depuis 2016. Dans le document d’enregistrement universel de Vivendi publié le 17 mars, il est question de « plus de 350 millions d’internautes » chaque mois. Est-ce à dire qu’en deux mois l’audience du « YouTube » français a progressé à ce point ?
Or, lorsque l’on se réfère au site de mesure d’audience Similarweb, Dailymotion affiche trois fois moins de fréquentation (toujours ordinateurs et mobiles) que les chiffres communiqués par Vivendi, à savoir : seulement 124,9 millions de visiteurs sur le mois d’avril, et même en baisse par rapport aux 130,5 millions de visiteurs de mars. Qui dit vrai ? Contacté, Vivendi ne nous a pas répondu. Toujours selon Similarweb (1), Dailymotion se place en avril au 367e rang mondial des sites web, soit à des années lumières des 32,7 milliards de visiteurs sur YouTube (2e rang mondial). En France, d’après Médiamétrie cette fois, Dailymotion totalise un peu plus de 19,4 millions de visiteurs en mars et se place ainsi à la 24e place, bien loin des plus de 48,3 millions de visiteurs sur la même période de YouTube, en 2e place derrière le moteur de recherche Google, sa filiale sœur au sein d’Alphabet. « L’audience de Dailymotion atteint des niveaux records », affirme Vivendi, grâce à des accords comme avec MSN (portail de Microsoft) en Europe et aux Etats-Unis.
Maxime Saada est président de la régie publicitaire Dailymotion Advertising. Il préside en outre les filiales de Dailymotion aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, tout en étant directeur général de celles basées en Allemagne et à Singapour. « Et nous voulons aller encore plus loin », a assuré le PDG de Dailymotion qui bénéficie à ce titre d’un plan d’intéressement depuis 2015 et jusqu’au 30 juin 2026 « indexé sur l’accroissement de la valeur de Dailymotion par rapport à son prix d’acquisition au 30 juin 2015 ». Vivendi ne dévoile pas les résultats de Dailymotion, hormis le fait que son chiffre d’affaires a augmenté en 2022 de 29,5 % sur un an. Mais la plateforme perd de l’argent (2). @

Le « Big 19 » en Europe se voit contraint de renforcer sa régulation de l’Internet

Alibaba/AliExpress, Amazon Store, Apple/AppStore, Booking, Facebook, Google Play, Google Maps, Google Shopping, Instagram, LinkedIn, Pinterest, Snapchat, TikTok, Twitter, Wikipedia, YouTube, Zalando, Bing et Google Search : ce sont les « très grands régulateurs » du Net en Europe.

Le règlement européen sur les services numériques (1) a prévu de les identifier ; la Commission européenne les a listés. Ce sont les « très grandes plateformes en ligne », au nombre de dix-sept, et les « très grands moteurs de recherche en ligne », au nombre de deux. Ce « Big 19 », du moins à ce stade puisque la liste sera actualisée tous les six mois, devra se conformer dans un délai de quatre mois – à savoir d’ici fin août 2023 – à l’ensemble des nouvelles obligations cumulatives découlant du Digital Services Act (DSA).

2 « VLOP » européens : Booking et Zalendo
La première liste de ces « Very large Online Platforms (VLOP) en Europe, a été publiée le 25 avril dernier par la vice-présidente Margrethe Vestager (photo) et le commissaire Thierry Breton (2). Parmi ce « Big 19 », l’américain Google – la filiale du géant Alphabet – compte à lui seul cinq plateformes (Google Play, Google Search, YouTube, Google Maps et Google Shopping), tandis que son compatriote Meta en compte deux (Facebook et Instagram). Autre américain, Microsoft est présent aussi avec deux plateformes (Bing et LinkedIn). Les dix autres de la liste – avec cette fois une seule plateforme chacun – sont les américains Amazon Store, Apple/AppStore, Pinterest, Snapchat, TikTok, Twitter et Wikipedia, le chinois Alibaba avec AliExpress, ainsi que les européens Booking, et Zalando. Ces deux dernières plateformes – le néerlandais Booking, et l’allemand Zalando – sont à ce stade les deux seuls grands acteurs du Net émanant de l’Union européenne.
Les Etats-Unis, eux, sont surreprésentés avec pas moins de seize plateformes sur les dix-neuf. Tous ont en commun de cumuler « au moins 45 millions d’utilisateurs actifs par mois » dans les Vingt-sept, soit 10 % de la population européenne qui est de 446,7 millions au dernier recensement (3). Le « Big 19 » se retrouve ainsi avec le plus d’« obligations cumulatives », soit une vingtaine, par rapport aux autres acteurs du Net moins fréquentés que sont les « services intermédiaires », les « services d’hébergement » et les « plateformes en ligne » (voir page suivante). Les VLOP – dans lesquels nous incluons les deux « VLOSE » (4) que sont, dans le jargon de Bruxelles, les moteurs de recherche Google (Alphabet) et Bing (Microsoft) – sont tenus de :
redonner la main à leurs utilisateurs (consentir aux recommandations et au profilage, lesquels doivent pouvoir signaler des contenus illicites, exclure les données sensibles pour le ciblage publicitaire, être informé sur le caractère publicitaire des messages, avoir un résumer clair des conditions générales d’utilisation, etc.).
protéger les mineurs en ligne (protection de la vie privée, interdiction de faire du profilage publicitaire sur les enfants, fournir une évaluation des risques et des effets négatifs sur la santé mentale, revoir la conception de la plateforme pour limiter les risques, etc.).
modérer plus rapidement les contenus et limiter les fake news (éviter les contenus illicites et les effets négatifs sur la liberté d’expression et d’information, faire respecter plus rapidement les conditions générales d’utilisation, permettre aux utilisateurs de signaler les contenus illicites et y répondre rapidement, identifier les risques et les atténuer, etc.).
rendre des comptes (se soumettre à un audit externe et indépendant d’évaluation des risques et du respect des obligations européennes, permettre aux chercheurs d’accéder aux données publiques, rendre public le registre de toutes les publicités, publier des rapports de transparence sur les décisions de modération des contenus et la gestion des risques, etc.).
Alors que la Commission européenne a désormais le pouvoir de « surveiller les plateformes et les moteurs de recherche » considérés comme « très grands », avec la collaboration d’« autorités nationales » que chaque Etat membre devra désigner d’ici le 17 février 2024, le « Big 19 », lui, joue un rôle d’auto-régulation pour la part d’Internet les concernant. Cette régulation en cascade – publique-privée – instaurée par le DSA va accroître la pression réglementaire sur le Web en général et l’Internet mobile en particulier.

Effets et biais : algorithmes sous surveillance
Concernant la « gestion de risques » par les VLOP, la Commission européenne a annoncé le 17 avril le lancement du Centre européen pour la transparence des algorithmes (CETA) (5), afin de veiller à ce que les systèmes algorithmiques soient conformes aux obligations du règlement sur les services numériques (6). Objectifs : atténuer leurs effets et éviter les biais. @

Charles de Laubier

Le livre espère sauver ses libraires face à Amazon et déréférencer sur Google ses titres piratés

Le Festival du Livre de Paris ferme ses portes ce 23 avril après trois jours au Grand Palais Ephémère. Cette deuxième édition (formule succédant au Salon du livre) s’est déroulée au moment où l’édition française tient tête à Amazon pour le prix de livraison et lutte contre le piratage avec LeakID.

A l’heure où se termine le Festival du Livre de Paris, organisé par le Syndicat national de l’édition (SNE), l’industrie du livre en France s’est donnée les moyens, d’une part, de combattre les 0,01 centime d’euro de frais livraison de livres brochés vendus sur les plateformes de e-commerce, Amazon en tête, et, d’autre part, d’utiliser un outil de désindexation de liens illégaux sur Google pour lutter contre le piratage en ligne de livre. Les librairies françaises, d’un côté, et les éditeurs de livres, de l’autre, attendent respectivement beaucoup de ces deux mesures.

Les 3 euros de l’Arcep retenus
Pour les frais de livraison des livres papier neufs vendus à distance, les librairies françaises peuvent remercier le régulateur de télécoms, plus précisément l’Arcep, laquelle est non seulement en plus régulateur de la distribution de la presse depuis octobre 2019, mais aussi depuis décembre 2021 le régulateur des tarifs d’expédition des livres. Il y a un an, le 28 avril 2022, c’est justement l’Arcep qui avait proposé au gouvernement – via ses ministres de la Culture et de l’Economie – d’établir à 3 euros par colis le montant minimal de tarification des frais de livraison de livres (1).
C’est ce montant-là que le gouvernement a retenu dans son arrêté publié le 7 avril dernier au Journal Officiel et cosigné par Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture, et Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique (2). Ce tarif plancher de frais de port est cependant limité aux commandes en ligne allant jusqu’à 34,99 euros d’achat, car à partir de 35 euros les frais de port des livres neufs peuvent continuer à être tarifés à « plus de 0 euro » – en l’occurrence à 0,01 euro comme l’a institué Amazon, suivi par la plupart des plateformes de e-commerce dont Fnac+. L’Arcep, elle, avait proposé le seuil de déclenchement de cette quasi-gratuité des frais de port « aux alentours de 25 euros d’achat », alors que le Syndicat de la librairie française (SLF) estimait que cela n’était pas suffisant et que la sénatrice (LR) Laure Darcos à l’origine de la loi « Economie du livre » tablait, comme elle l’avait indiqué à Edition Multimédi@, sur 50 ou 60 euros d’achat minimum (3). Le gouvernement a tranché, en fixant ce seuil de déclenchement de la quasi-gratuité à 35 euros toutes taxes comprises. L’arrêté précise en outre que « le tarif minimal ainsi fixé s’applique au service de livraison d’une commande quel que soit le nombre de colis composant cette commande » et que « le service de livraison est payé par l’acheteur de manière concomitante au paiement de la commande » (4). Ce tarif minimal s’applique à la livraison de tout nouveau livre acheté en France, sauf si les commandes sont collectées auprès d’un détaillant de livres. Le SLF, qui représente en France près de 700 adhérents, a obtenu du cabinet de la ministre de la Culture la précision suivante : « Ce seuil s’appliquera également aux commandes mixtes composées de livres et d’autres produits, ainsi qu’à celles passées dans le cadre des programmes de fidélité proposés par les plateformes sur Internet ».
La loi « Economie du livre », surnommée « loi Darcos » (5), à l’origine de cette mesure pro-libraires – ou, diront certains, « anti-Amazon » –, prévoit que la mesure s’appliquera six mois après la publication de l’arrêté, soit à partir du 7 octobre 2023. Pourtant, le SLF a réexprimé sa crainte que « la quasi-gratuité au-delà de 35 euros d’achat n’amoindrisse la portée de la mesure et n’entretienne une culture de la gratuité contraire à la logique du prix unique du livre » et demande en contrepartie « un tarif postal plus avantageux permettant, en se conjuguant avec les seuils minimaux, de rendre les libraires véritablement compétitifs à l’égard des grandes plateformes en ligne ». Des négociations sont d’ailleurs prévues cette année avec La Poste et sous l’égide de l’Arcep et des pouvoirs publics sur les tarifs postaux justement appliqués à la filière du livre (jugés trop élevés notamment pour les services de presse des éditeurs et pour les librairies dans leurs expéditions de livres).

Le SNE parle de « pressions » d’Amazon
C’est dans ce contexte de revendications qu’a eu lieu le 15 avril dernier dans toute la France – mais aussi en Belgique et en Suisse – la 25e édition de la Fête de la librairie indépendante. Ce fut l’occasion pour les libraires de réaffirmer « le combat qu’ils mènent pour protéger leur métier » (6).
Quant au syndicat des éditeurs (SNE), lequel regroupe plus de 700 maisons d’édition, il n’a pas communiqué sur la publication de l’arrêté « 3 euros ». Néanmoins, lors de ses vœux « à l’interprofession du livre » le 5 janvier dernier, son président, Vincent Montagne (photo), avait donné le ton en ciblant nommément le géant mondial du e-commerce, la bête noire de la filière française du livre : « C’est une décision importante qui devrait mettre fin à la distorsion de concurrence imposée par les grands acteurs du e-commerce. Elle réaffirme que le livre n’est pas, et ne sera jamais, un produit d’appel pour les plateformes numériques et que l’esprit de la loi sur le prix unique du livre reste le socle sur lequel repose toute notre filière. Toutefois, il faut rester vigilant. La décision a été notifiée à Bruxelles et la réponse des autorités européennes tarde en raison notamment des pressions exercées par Amazon » (7).

Arrêté « 3 euros » : illégal en Europe ?
Au lieu de se terminer le 16 janvier 2023, la période de statu quo à la suite de la notification à Bruxelles (8) avait été prolongée jusqu’au 14 février. Dans son « avis circonstancié » qui avait prolongé ce statu quo et qui est signé par le Français Thierry Breton (commissaire européen au Marché intérieur), la Commission européenne a émis plusieurs observations sur l’arrêté « 3 euros » français. « L’adoption de l’arrêté notifié, en combinaison avec la loi [française “Economie du livre”], entraînera une restriction injustifiée à la libre circulation des services de la société de l’information sur le territoire français, en violation de l’article 3 de la directive sur le commerce électronique [lequel interdit à un Etat membre de restreindre la libre circulation des services de la société de l’information en provenance d’un autre Etat membre, ndlr] », a-t-elle notamment dénoncé. Autre grief qui va dans le sens d’Amazon : « Le tarif minimal d’expédition [les 3 euros] semble avoir une incidence plus lourde sur les détaillants en ligne qui n’ont aucune présence en France et pourrait entraîner une discrimination de facto à leur égard ».
En outre, le gouvernement français n’a pas fourni d’évaluation qui justifierait ce tarif minimal d’expédition et qui démontrerait sa contribution à préserver une « offre culturelle riche et diversifiée ». Pire, la Commission européenne a mis en garde la France sur le fait que son arrêté « pourrait être contraire [à] la directive sur le commerce électronique et [au] traité sur le fonctionnement de l’Union européenne », rien que ça (9). Pour tenter de rassurer Thierry Breton, les ministres Rima Abdul-Malak et Bruno Le Maire lui ont répondu le 16 janvier 2023, tout en reportant de quatre mois la publication de l’arrêté en raison du caractère « circonstancié » de l’avis de Bruxelles. Edition Multimédi@ a demandé – en vain – à recevoir cette réponse…
Qu’à cela ne tienne : le livre était à l’honneur en France, entre la Fête de la librairie indépendante qui a donc eu lieu mi-avril et le Festival du Livre de Paris qui s’achève ce dimanche 23 avril. Et ce, le jour-même de la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur – célébrée tous les ans à cette même date depuis que l’Unesco a fait du « World Book and Copyright Day » (10) une journée internationale en 1995.
Justement, le droit de la propriété intellectuelle est l’autre combat majeur de l’industrie du livre. En France, le SNE pour les éditeurs et la Sofia pour les auteurs ont ensemble mis en place fin novembre 2019 pour leurs adhérents respectifs une « solution collective de lutte contre le piratage ». Chacune des deux organisations contribue pour moitié au financement à cette « solution mutualisée ». Celle-ci est fournie par la société française LeakID qui développe « un service de lutte contre le piratage en ligne des livres numériques et des livres imprimés numérisés illégalement » (11). En juin 2022, son fondateur Hervé Lemaire (12) a cédé le contrôle de LeakID à Avisa Partners, cabinet français d’intelligence économique, d’e-réputation et de lobbying à Bruxelles. Le dernier webinar en date s’est tenu le 8 mars en présence de l’avocate Olivia Bacin-Joffre, directrice juridique et responsable affaires publiques de LeakID et ancienne juriste à l’ex-Hadopi.
Cet outil LeakID surveille Internet (13) pour le compte des majors du livre – Hachette Livre/Lagardère, Editis/Vivendi, Gallimard-Flammarion/Madrigall, SeuilLa Martinière/ Média- Participations, …) – et d’autres éditeurs du SNE comme Actes Sud. « Le groupe utilise un outil de déréférencement LeakID et mène des procès ciblés en cas de piratage important », indique par exemple Editis, filiale en vente de Vivendi et deuxième groupe français d’édition (derrière Hachette Livre de Lagardère).
Auparavant, le syndicat du boulevard Saint-Germain (Paris) proposait aux maisons d’édition la solution de la société française Surys (ex-Hologram Industries, ex-exAdvestigo). Mais cette dernière a été rachetée fin 2019 par IN Groupe (ex-Imprimerie Nationale).

LeakID (acquis par Avisa Partners) traque
LeakID a été jugé plus efficace dans la désindexation et plus massive contre les téléchargements illicites et le streaming d’ebooks piratés, surtout grâce à son bras armée Rivendell qui est un partenaire de Google pour les déréférencements partout dans le monde. C’est lui qui a traqué le site Z-library dont les adresses Internet et les sites miroirs – listés par l’Arcom (14) – ont été bloquées par Orange, Bouygues Telecom, Free et SFR sur décision du tribunal judiciaire de Paris datée du 25 août 2022. Après TeamAlexandriz (2021), Z-Library (2022), d’autres sites « pirates » – comme Pirate Library Mirror ou Bookys – sont dans le collimateur de l’industrie du livre. @

Charles de Laubier

Readly, ePresse, Cafeyn et l’OPA du groupe Bonnier

En fait. Le 26 avril se tient une assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la société suédoise Readly, cotée au Nasdaq de la Bourse de Stockholm et détenue à 75,4 % – via sa filiale Tidnings AB Marieberg – par le premier groupe de médias scandinaves Bonnier News. L’avenir des e-kiosques en Europe se joue là.

En clair. Selon les informations de Edition Multimédi@, la prise de contrôle du suédois Readly International – « Spotify » de la presse numérique (1) et propriétaire d’ePresse et de Toutabo en France – par son compatriote le groupe de médias Bonnier News, va se jouer les 26 avril et 13 juin prochains. Ces dates correspondent pour les actionnaires de Readly à, respectivement, l’assemblée générale extraordinaire et l’assemblée générale ordinaire.
Si aucun actionnaire ne s’oppose à la prise de contrôle de Readly par Bonnier News, alors ce dernier pourra mener à bien son projet, à savoir : garder les activités scandinaves de Readly et céder à la société française Cafeyn (ex-LeKiosque.fr/ LeKiosk), rival d’ePresse en France (2), les activités non nordiques de Readly. En revanche, si un actionnaire s’oppose à ce qu’il pourrait considérer comme un « démantèlement » de Readly, cela pourrait compromettre et l’OPA de Bonnier sur Readly et l’accord de vente à Cafeyn. D’autant que la société Readly, cotée au Nasdaq de la Bourse de Stockholm et détenue depuis le 27 mars dernier à 75,4 % par Bonnier, verrait près de 80 % du chiffre d’affaires de Readly (52,2 millions d’euros en 2020) cédés à Cafeyn, à savoir les pays en dehors de la région scandinave – Allemagne en tête, suivie du Royaume-Uni et de la France. En lançant début décembre 2022 son OPA sur Readly, le premier groupe de médias dans les pays nordiques, Bonnier News (3), toujours contrôlé par la famille suédoise Bonnier, espérait obtenir 90 % du capital de Readly nécessaires pour radier cette entreprise du Nasdaq suédois.
L’accord avec Cafeyn – « sous réserve de l’achèvement de l’offre [l’OPA] » – tient toujours à ce jour et permettrait à ce dernier non seulement d’absorber son rival français ePresse mais surtout de « créer un champion européen » du kiosque numérique avec « une audience internationale plus large » susceptible de séduire les éditeurs voire de retenir les plus hésitants. Reste à savoir si les quatre marques Cafeyn, Readly, ePresse et Toutabo continueraient à coexister à l’avenir ou si l’une d’entre elles prendrait le dessus. « Lorsque nous avons acquis en 2019 le néerlandais Blendle, le choix a été de conserver la marque existante dans un souci de cohérence et de clarté pour les utilisateurs néerlandais », indique à Edition Multimédi@ Julia Aymé, directrice des affaires publiques de Cafeyn. @

L’Italie bouscule la France en interdisant ChatGPT

En fait. Le 31 mars, la « Cnil » italienne – la GPDP – a adopté une décision à l’encontre de la société américaine OpenAI, éditrice de l’intelligence artificielle ChatGPT, en interdisant temporairement ce robot conversationnel. En France, la Cnil a finalement reçu début avril deux plaintes contre cette IA.

En clair. Edition Multimédi@ relève que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a eu – lors de sa séance plénière du 9 février – une démonstration de ChatGPT (1). Depuis, c’était « silence radio ». Jusqu’à cette décision du 31 mars dernier de son homologue italienne, la GPDP, interdisant dans la péninsule le robot conversationnel de la société californienne OpenAI, laquelle a jusqu’au 20 avril pour « se conformer à l’ordonnance, sinon une amende pouvant atteindre 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial total pourra être imposée » (2).
En France, la Cnil est donc sortie de son silence : « Sur les bases d’apprentissage et les IA génératives, l’objectif de la Cnil est de clarifier le cadre légal dans les prochains mois », a-t-elle indiqué le 1er avril à Marc Rees, journaliste juriste à L’Informé. L’autorité française de la protection des données lui a précisé ce jour-là qu’elle « n’a pas reçu de plainte » contre ChatGPT et n’a « pas de procédure similaire en cours » (3). Mais le 5 avril, deux premières plaintes contre OpenAI sont révélées (4). La Cnil dit « s’[être] rapprochée de son homologue italienne afin d’échanger sur les constats qui ont pu être faits ». Elle n’est bien sûr pas la seule, d’autant que toutes les « Cnil » des Vingt-sept sont compétentes pour « instruire » le cas ChatGPT. « OpenAI n’a pas d’établissement dans l’Union européenne ; donc le mécanisme du guichet unique ne lui est pas applicable. Il n’y a de ce fait pas d’autorité cheffe de file », indique à Edition Multimédi@ le Comité européen de la protection des données (EDPB) – réunissant à Bruxelles les « Cnil » des Vingt-sept sous la houlette de la Commission européenne. Il nous a répondu que son programme de travail 2023-2024 prévoit des « lignes directrices sur l’interaction entre le règlement sur l’IA [Artificial Intelligence Act, ndlr] et le RGPD [règlement général sur la protection des données] » (5).
L’AI Act devrait être voté d’ici fin avril par Parlement européen (6), d’après le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, qui est intervenu le 3 avril sur Franceinfo. « Tout ce qui sera généré par l’IA devra obligatoirement être signalé comme étant fait par une intelligence artificielle », a-t-il prévenu. L’Europe, elle, n’a d’ailleurs pas de champion de l’IA générative. Une nouvelle colonisation numérique… @