Le Numérique placé auprès du Premier ministre

En fait. Le 17 mai, Mounir Mahjoubi a été nommé – auprès du Premier ministre Edouard Philippe – secrétaire d’État chargé du Numérique. Le 18 mai, s’est déroulée la passation des pouvoirs de Christophe Sirugue, lequel avait succédé le 27 février à Axelle Lemaire – successeure en 2014 de Fleur Pellerin.

En clair. Le quinquennat de François Hollande aura connu trois secrétaires d’Etat chargé du numérique. Celui de Emmanuel Macron commence avec Mounir Mahjoubi
à ce poste. Mais si ce dernier échoue aux législatives, où il est investi en tant que candidat dans le 19e arrondissement de Paris pour les élections législatives sous l’étiquette « La République en marche », il a déjà prévenu : « Je partirais » (conformément aux directives du nouveau chef de l’Etat). Contrairement à ses prédécesseurs, le secrétaire d’Etat chargé du numérique n’est pas rattaché au ministère de l’Economie mais relève des services du Premier ministre.
C’est-à-dire que Mounir Mahjoubi, qui fut nommé en février 2016 président du Conseil national du numérique (CNNum) par le précédent président de la République, avant de
rejoindre Emmanuel Macron dont il a été responsable de la campagne numérique
d’« En Marche » (1), va être au plus près de ce dernier. Or comme celui qui est devenu le huitième président de la Ve République, depuis son investiture le 14 mai 2017, a été auparavant ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique (août 2014-août 2016), les enjeux numériques de la France ont des chances d’être traités au plus haut niveau de l’Etat. C’est sans précédent (lire les promesses « numériques » d’Emmanuel Macron dans EM@167). Ce Franco-Marocain de 33 ans est le benjamin du gouvernement Philippe. Parmi ses toutes premières déclarations en tant que secrétaire d’Etat en charge du Numérique, Mounir Mahjoubi s’est exprimé lors de sa visite le 18 mai dernier dans les locaux de BPIfrance pour évoquer la promesse de Emmanuel Macron de taxer le chiffre d’affaires des acteurs du Net réalisé en Europe : « C’est créer plus d’égalité ; être capable de faire que ces grandes plateformes de l’Internet internationales payent en Europe un impôt juste et équilibré, qui les mettent au même équilibre que les autres. Maintenant, nous sommes au gouvernement. Donc il nous appartient de dire quelle forme elle doit prendre. Les peuples d’Europe sont prêts parce qu’ils en ont marre de voir des entreprises qui ne travaillent pas dans les mêmes conditions fiscales et les mêmes conditions économiques que les acteurs locaux. C’est une vision qu’on doit nécessairement avoir au niveau européen, et la France doit être un leader sur ce sujet-là » (2). @

Numérisation des livres indisponibles : la tentation d’ignorer la décision de la CJUE invalidant ReLire

La plateforme ReLire de numérisation des 500.000 livres indisponibles du XXe siècle a été partiellement invalidée le 16 novembre par la justice européenne. Comme pour la TVA sur les ebooks, la tentation – exprimée un temps par le DG
du Syndicat national du livre (SNE) – serait d’ignorer cette décision.

« Lorsque nous avons eu une condamnation au niveau français pour l’application d’un taux de TVA réduit sur le livre numérique, nous avons tenu bon sans appliquer la décision de la CJUE, et nous avons finalement obtenu gain de cause. Nous pourrions soutenir une position similaire dans le cas de ReLire, dans l’attente de mesures rectificatives ». Lorsque le directeur général du Syndicat national de l’édition (SNE), Pierre Dutilleul (photo), tient
ces propos dans une interview à ActuaLitté, c’est cinq
jours avant le verdict.

Eutelsat : la France et la fibre, de « l’obscurantisme »

En fait. Le 5 octobre, Rodolphe Belmer, DG d’Eutelsat, l’opérateur satellite français, était auditionné par la commission des Affaires économiques du Sénat. L’ancien DG de Canal+ (passé après par France Télévisions) n’a pas mâché ses mots pour critiquer la politique très haut débit du gouvernement.

En clair. « Les autorités françaises ne jurent que par la fibre, pour des raisons qui me paraissent parfois toucher à l’obscurantisme », a lancé Rodolphe Belmer, directeur général d’Eutelsat depuis sept mois. « Aucun analyste sérieux ne considère que les opérateurs terrestres couvriront 100% de la population. Cela n’empêche pas certains de faire des promesses démagogiques… », a-t-il déploré au Sénat. Et à quel prix : « Si le coût moyen de connexion à la fibre en France est de 2.000 euros par foyer, il varie entre 400 euros dans le centre des agglomérations et plus de 10.000 euros dans les zones peu denses. Tandis qu’apporter le très haut débit par satellite à un foyer coûte entre 600 et 700 euros en investissement, à capacité et à prix final équivalents ».
La fibre optique est donc en moyenne trois fois plus chère que le satellite. Le patron
du deuxième opérateur de satellite en Europe et troisième au niveau mondial (derrière Intelsat et SES) déplore que la France ne joue pas la complémentarité satellitaire avec les infrastructures terrestres, comme cela se fait en Australie et bientôt en Italie.
« Selon les estimations, entre 5 % et 10 % des zones blanches (1) ne seront pas couvertes », a rappelé Rodolphe Belmer concernant l’Hexagone où il regrette qu’Eutelsat reste « méconnu ». Cette obstination de l’Etat français dans le quasi-tout FTTH (2) est d’autant plus « obscure » à ses yeux qu’Eutelsat est détenu par Bpifrance – la banque publique d’investissement (contrôlée par l’Etat et la CDC) – à hauteur de 25 % de son capital (le reste en Bourse). « Eutelsat est le seul opérateur au monde à n’être pas soutenu par son pays ».
De plus, son siège social est à Paris. « Intelsat et SES sont tous deux immatriculés
au Luxembourg, pour des raisons que vous imaginez facilement… La différence de situation fiscale (…) est inacceptable », s’est-il insurgé. Cette indifférence de l’Etat français est d’autant plus mal vécu qu’Eutelsat – tout comme les autres opérateurs de satellite – se posent des questions existentielles sur son avenir. « Après une trentaine d’années de croissance forte, nous abordons une phase de stabilisation, voire même de léger déclin de notre chiffre d’affaires, en raison de la concurrence des OTT (3) dans l’audiovisuel, qui fait pression sur les clients que sont pour nous les chaînes de télévision », a expliqué l’ancien PDG de Canal+. @

Communication des décisions de justice : favoriser la liberté d’expression ou le droit à la vie privée ?

Il est traditionnellement acquis, en jurisprudence française, que le droit à la vie privé ne peut être interprété comme un droit susceptible de faire disparaître le droit à la liberté d’expression. Cependant, une inflexion est perceptible, Internet facilitant les risques d’atteinte à la vie privée.

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

Signe de l’évolution numérique, ce combat de l’équilibre entre
ces deux dro i t s fondamentaux – la liberté d’expression et le droit au respect de la vie privée – se déplace actuellement sur le terrain du droit à la protection des données à caractère personnel (facette du droit à la vie privée), contre le droit à la protection des contenus médiatiques publiés sur Internet (facette du droit à la liberté d’expression).

Mathieu Gallet : « Je n’ai aucun problème avec la RNT »

En fait. Le 21 septembre, Mathieu Gallet, PDG de Radio France, était l’invité d’un dîner-débat organisé par le Club audiovisuel de Paris (CAVP). Il s’est dit favorable à la radio numérique terrestre (RNT) et y verrait bien Fip, Mov et même France Musique. Pour peu que l’Etat actionnaire le soutienne.

En clair. Le patron de Radio France, Mathieu Gallet, n’attend plus que le feu vert
du gouvernement et un « soutien » financier de l’Etat actionnaire pour se lancer sur
la RNT. «La RNT peut être intéressante pour certaines de nos radios qui sont peu couvertes en FM. Fip a dix fréquences, Mov trentedeux. Elle peut être un vrai complément. Et je n’exclus pas France Musique en raison de la qualité (du son numérique)», a-t-il confié le 21 septembre devant le Club audiovisuel de Paris (CAVP). C’est la première fois qu’il se prononçait résolument en faveur de la RNT que les grandes radios privées (RTL, NRJ, Europe 1, RMC/BFM, …) boudent.
Une centaine de radios indépendantes émettent sur la RNT depuis juin 2014 à Paris, Marseille et Nice, en attenant Strasbourg, Lille et Lyon d’ici à la fin de l’année, puis l’ensemble du territoire d’ici 2023. Encore faut-il que l’Etat actionnaire se décide à préempter des fréquences : « Ce n’est pas exclu », a indiqué au Monde Patrice Gélinet, membre du CSA (1), lequel a accordé le 22 juin dernier à Radio France l’autorisation d’expérimenter la RNT dans l’Est parisien. Mais aller plus loin pour la Maison ronde pose un problème financier. « J’ai un problème : le coût. Si notre actionnaire (l’Etat) est d’accord pour nous soutenir, moi je n’ai aucun problème avec la RNT. Mais je fais avec mes petits moyens », a tenu à dire Mathieu Gallet. Et d’expliquer : « En 2017, cela fera quatre ans que Radio France a un budget qui est strictement reconduit à l’identique (2). Alors que mes coûts augmentent ». Radio France devrait encore être déficitaire cette année d’environ 15 millions d’euros (13,9 millions en 2015 et 2 millions en 2014). Cependant, la fin de la bande AM (modulation d’amplitude) pourrait sonner le début de la RNT à Radio France : « A la fin de l’année, nous arrêtons les grandes ondes. Les ondes longues (LO) et ondes moyennes (OM) représentent 13 millions d’euros par an. C’est ce que je vais pouvoir économiser auprès de TDF… », s’est félicité le PDG. En plus de la qualité sonore, de la gratuité et de l’anonymat, il voit dans la RNT un autre avantage : « Cela va nous permettre d’avoir accès à nos publics sans être intermédié par un FAI, une plateforme de partage en ligne, un média ou par un réseau social. (…) Je vois bien tous ces avantages, mais il y a un inconvénient : ce sont les sous ». @