Rachida Dati, la nouvelle ministre de la Culture sous le signe de la sobriété numérique… et budgétaire ?

Personne ne l’attendait à la Culture. Et ce n’est pas sans hésitations que Rachida Dati a accepté, le 11 janvier, d’entrer au gouvernement en obtenant ce portefeuille ministériel qu’elle ne souhaitait pas vraiment. Première communication de son ministère : « la sobriété numérique » pour la culture. Un signe.

Nomination le 11 janvier de Rachida Dati (photo), passation de pouvoir le 12 janvier entre Rima Abdul Malak et elle, et publication le 15 janvier de la toute première communication du ministère de la Culture sous l’ère de la nouvelle locataire de la rue de Valois sur… « la sobriété numérique » dans le secteur culturel. Cela commence bien ! Il va valoir se serrer la ceinture virtuelle pour se cultiver, et les professionnels de la culture sont désormais tenus de lever le pied sur le numérique. « La culture représente notamment 70 % de la bande passante utilisée sur Internet : vidéo ou musique en streaming, jeux vidéo en ligne, presse en ligne, etc. Le secteur culturel favorise par ailleurs l’introduction des innovations d’usage et de nouveaux équipements (comme le casque de réalité virtuelle) », est-il justifié dans le premier volet « sobriété numérique » (1) de ce double communiqué « Transition écologique » du secteur culturel. Hasard du calendrier des mises en ligne officielles sur le site web du ministère de la Culture (culture.gouv.fr), c’est donc le 15 janvier qu’est aussi publié le compte-rendu de la passation de pouvoir du 12 janvier entre Rima Abdul Malak et Rachida Dati, avec… la vidéo YouTube incrustée sur la page web ministérielle (2), complétées des discours respectifs de l’ancienne et de la nouvelle ministre de la Culture.

« Réduire l’empreinte carbone » culturelle »
Le numérique représentait déjà 2,5 % de l’empreinte carbone française en 2020. Sans inflexion, elle pourrait tripler d’ici à 2050 », alerte le ministère de la Culture, alors même que Rachida Dati vient à peine de prendre possession de son maroquin ministériel. Audiovisuel, cinéma, musique, musées, presse, livres, arts visuels, danse, opéras, théâtres, spectacles vivants, autrement dit toutes les entreprises culturelles, sont appelées – en guise de changement d’ère… y compris de ministre – à « réduire l’empreinte carbone de [leurs] usages digitaux ».

L’industrie du jeu vidéo s’inquiète d’être sous pression réglementaire grandissante en Europe

Le jeu vidéo fait face à des contraintes accrues en Europe : contrôle parental dans les teminaux, réduction de l’empreinte carbone de la filière vidéoludique, règlementation plus stricte sur les achats in-game, édition de jeux plus responsables, … Le lobbying de l’ISFE s’intensifie à Bruxelles. La Fédération européenne des logiciels interactifs – Interactive Software Federation of Europe (ISFE) – existe depuis 25 ans, mais elle n’a jamais été aussi mobilisée à Bruxelles, où elle est établie, pour défendre les intérêts de l’industrie du jeu vidéo et de tout l’écosystème du 10e Art. Ses membres se comptent parmi les principaux éditeurs de jeux vidéo ou de studios de création, e-sport compris, et les associations professionnelles nationales de différents pays d’Europe. Contrôle parental, climat, dépenses in-game, … L’ISFE, dirigée par Simon Little depuis 2009, représente ainsi auprès des instances européennes une vingtaine d’entreprises dont Activision Blizzard, Electronic Arts, Epic Games, Bandai Namco, Microsoft, Riot Games ou encore Ubisoft (1), ainsi qu’une douzaine d’organismes nationaux comme le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell) en France. Celui-ci vient d’élire, lors de son assemblée générale qui s’est tenue le 28 mars, son nouveau président en la personne de James Rebours (photo), directeur général de Plaion France, éditeur et distributeur de jeux vidéo. « Le Sell informe en permanence l’ISFE des évolutions de la législation nationale qui pourrait avoir un impact direct sur l’industrie ou déboucher sur une initiative législative européenne plus large », explique-t-il à Edition Multimédi@. Et les dossiers au niveau européen s’accumulent. Le dernier en date porte sur le projet de décret français « visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à Internet » qui vient d’être examiné par la Commission européenne (2). Dans leur contribution, le Sell et l’ISFE critiquent notamment l’article 3 du projet de décret prévoyant pour les fabricants ou les importateurs « l’intégration du dispositif de contrôle parental obligatoire dans les “équipements terminaux” », s’ils veulent que ces derniers soient mis sur le marché français. Ce serait selon les deux organisations « [in]justifiée » et « [dis]proportionnée » (3). Autre dossier sur la table de l’ISFE : la réduction de l’empreinte carbone de l’industrie des jeux. La fédération fait partie depuis 2021 de la Playing for the Planet Alliance, laquelle a publié le 9 mars son rapport d’impact annuel sur l’environnement (4), lors d’un événement organisé à Bruxelles par le Parlement européen. L’alliance soutenue par les Nations Unies (5) prévoit de fournir en 2023 de nouvelles orientations à l’industrie du jeu vidéo, afin que celle-ci puisse réduire ses émissions de gaz à effet de serre. « Il reste encore beaucoup à faire », reconnaît l’ISFE. Autre préoccupation : l’adoption le 18 janvier 2023 par le Parlement européen (6) de la résolution sur « la protection des consommateurs en matière de jeux vidéo en ligne » (7), notamment mineurs. Le rapport (8) de l’eurodéputée Adriana Maldonado López, membre l’Imco, commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, en est à l’origine. La balle est dans le camp de la Commission européenne et du Conseil de l’UE. L’ISFE et la Fédération européenne des développeurs de jeux vidéo (EGDF) s’en inquiètent : « Nous sommes préoccupés par les appels à une réglementation plus stricte de tous les achats dans le jeu [in-game ou in-app, ndlr], ce qui aura une incidence sur la capacité de toutes les entreprises de jeux vidéo – petites et grandes – à financer leurs créations au profit des joueurs européens, et cela peut empêcher de nombreux jeux européens d’être disponibles gratuitement » (9). Et il y a de quoi : aux Etats-Unis, la FTC a confirmé le 13 mars (10) la lourde amende infligée à Epic Games, éditeur de « Fortnite », qui doit payer 520 millions de dollars pour avoir incité abusivement les gamers(les mineurs étant friands de loot boxes entre autres) à dépenser in-appavec la monnaie virtuelle V-Buck (11). En Europe, la résolution « Maldonado López » exige un gameplay plus responsable et « des informations plus claires sur le contenu, les politiques d’achat et la tranche d’âge ciblée par les jeux », en prenant modèle sur le système européen d’évaluation Pegi (Pan European Game Information) créé il y a 20 ans par l’ISFE – Simon Little étant aussi PDG de la société bruxelloise Pegi SA – et déjà utilisé dans 38 pays, dont la France. Gaming et e-sport : soft power de l’UE Autre front pour le lobby de l’industrie du jeu vidéo : l’esport, à la suite d’une autre résolution du Parlement européen sur « le sport électronique [e-sport] et les jeux vidéo » (12) adoptée le 10 novembre 2022 sur la base du rapport (13) porté cette fois de l’eurodéputée Laurence Farreng (commission de la culture et de l’éducation). Elle appelle à « promouvoir le fair-play, la non-discrimination, […] l’antiracisme, l’inclusion sociale et l’égalité entre les hommes et les femmes ». L’industrie vidéoludique a du pain sur la planche. @

Charles de Laubier

Numérique soutenable : l’Arcep collecte les données

En fait. Le 6 mars, trois ministres ont reçu de l’Arcep et de l’Agence de la transition écologique (Ademe) leur étude prospective sur l’empreinte environnementale du numérique en France à l’horizon 2030 et 2050 (1). Une façon aussi de justifier la collecte des données environnementales auprès de tout l’écosystème. En clair. Pendant que le gouvernement appelle à « un effort collective » pour réduire l’empreinte carbone du numérique, voire à « un changement radical » (dixit le ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, Jean-Noël Barrot), l’Arcep, elle, généralise la collecte des données environnementales auprès de tous les acteurs du numérique. Non seulement les opérateurs télécoms et fournisseurs d’accès à Internet – au premier rang desquels Orange, Bouygues Telecom, Free et SFR – doivent montrer pattes blanches depuis un an pour tendre vers « un numérique soutenable », mais aussi – depuis cette année – les fabricants de terminaux (smartphones, ordinateurs, télés connectés, …), d’équipements (box, répéteur wifi, décodeur, prise CPL, …) et les centres de données (data center, cloud, hébergeur, …). Ces derniers ont jusqu’au 31 mars prochain pour transmettre à l’Arcep leurs données environnementales : émissions de gaz à effet de serre, terres rares et métaux précieux utilisés, nombre de terminaux neufs et reconditionnés vendus, consommation électrique et énergétique, volumes d’eau consommés, etc. Les opérateurs télécoms, eux, ont commencé avec une première édition 2022 (2) avec trois catégories de données fournies à l’Arcep (émissions de gaz à effet de serre, énergie consommée, sort des téléphones mobiles). La deuxième édition, toujours limitée à Orange, Bouygues Telecom, Free et SFR (données 2021), paraîtra au printemps prochain. La troisième édition – prévue, elle, à la fin de cette année 2023 – portera sur les « telcos » (données 2022) mais aussi sur les autres acteurs de l’écosystème numérique. Cette quantité d’indicateurs à fournir au désormais « régulateur environnemental du numérique » est un vrai casse-tête annuel pour tous les professionnels, d’autant qu’ils ont l’obligation de fournir aux agents assermentés de l’Arcep ces informations et documents dès lors qu’ils concernent de près ou de loin « l’empreinte environnementale du secteur des communications électroniques ou des secteurs étroitement liés à celui-ci ». Et ce, sans pouvoir opposer le secret des affaires ni la confidentialité à l’Arcep (3), laquelle est dotée de ces nouveaux super-pouvoirs d’enquête depuis la loi « Chaize » du 23 décembre 2021 (4). Une décision dite « de collecte », prise par le régulateur le 22 novembre dernier (5), a précisé les données attendues. @