Livre : entre impression et intelligence artificielle

En fait. Le 11 septembre, le Syndicat national de l’édition (SNE) a annoncé que les 18èmes Assises du livre numérique se tiendront le 23 novembre. De son côté, le Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne (Basic) a publié le 12 septembre une étude sur les impacts environnementaux de l’édition en France.

Le marché français du livre stable grâce aux ebooks

En fait. Le 30 mars, lors du Créativ’Cross-Média au Palais Brongniart (Paris),
un  « déjeuné privé » a porté sur « le livre au futur », en présence notamment
de Pierre Dutilleul, directeur général du Syndicat national de l’édition (SNE). L’institut GfK y a dévoilé les chiffres 2016 du marché de l’édition.

Pourquoi le livre audio a encore du mal à se faire entendre (sinon écouter) en France

Le succès des livres audio tarde sur l’Hexagone, alors que dans d’autres pays comme aux Etats-Unis les « lecteurs » les ont adoptés. Les jeunes Français s’y mettent, le plus souvent sur leur smartphone. La génération Millénium pourraient convaincre leurs aînés et bousculer les maisons d’édition.

Il y a la notoriété et il y a l’usage. Si les livres audio sont connus en France par presque tous les jeunes – 93 % d’entre eux en ont entendu parler –, ils ne sont encore que 21 % a en avoir déjà écoutés. Pour ces derniers, ils écoutent encore essentiellement des livres audio sur CD (80 % ont écouté sur ce support). Tandis que 28 % d’entre eux ont déjà écouté un livre audio dématérialisé, à savoir sur la forme d’un fichier téléchargé, d’une application mobile ou sur un site web de streaming par exemple (voir graphique ci-dessous). Ils sont même 55 % à opter pour le livre audio dématérialisé lorsqu’ils sont au lycée ou ailleurs (post collège).

Sur smartphone, en voiture, en transport
Ce sondage que l’institut Ipsos a mené l’an dernier pour le compte du Centre national du livre (CNL) démontre que la génération Millénium est le meilleur atout pour le développement en France de ces livres lus à haute voix mais encore très peu écoutés. « Comme pour le livre numérique, l’intérêt pour les livres audio varie fortement selon que le jeune ait déjà testé ou non ce mode de lecture », constate l’étude. Plus que les
« Internet Native » des générations X et Y, les jeunes des années 2000 sont tous dotés d’un smartphone. Les lecteurs de livres audio les écoutent autant pendant les vacances (35 %) que le soir avant de se coucher (33 %). Ils les écoutent principalement chez eux (83 %), dans leur chambre (66 %) ou hors de leur domicile, essentiellement en mobilité (18 % dans les transports). Le smartphone généralisé et transgénérationnel ouvre en grand le marché à ces livres audio dématérialisés destinés à écouter des histoires. D’autant que les transports et la voiture constituent des endroits privilégiés pour que
les adultes écoutent eux aussi des histoires.
Ce sont surtout les téléphones mobiles multimédias qui sont les mieux adaptés pour s’adonner aux livres audio, tout en poursuivant ce que l’on a à faire (activités, travaux, tâches ménagères, joggings, conduites en voiture, vélo, transports en commun, etc). L’audiolivre permet en outre aux yeux de se reposer lorsque son utilisateur a passé
tout ou partie de la journée à travailler devant un écran d’ordinateur… Or, force est de constater que les maisons d’édition françaises restent encore peu enclines à faire la promotion de ce type de lecture peut-être considéré comme « moins noble » que l’écrit et/ou susceptible de cannibaliser les livres imprimés. Alors que les ventes de livres numériques progressent, elles, déjà trop lentement en France (1), celles des livres audio dépassent à peine les 1 % du chiffre d’affaires cumulé des maisons d’édition. Aux Etats-Unis, au contraire, le marché de l’audiobook n’a pas de mal à se faire entendre (écouter) : selon l’Audio Publishers Association (APA), le chiffre d’affaires total de ces ouvrages audio sur le marché américain a atteint 1,77 milliard de dollars, en hausse de 20 % sur un an grâce à 35.574 références qui ont été publiées en 2015 (soit huit fois plus qu’en 2010). Ainsi, l’audiobook pèse environ 10 % des ventes outre-Atlantique. Selon l’APA, les livres audio écrits à la première personne et lus par leurs auteurs – Bruce Springsteen, Bernie Sanders ou encore Carrie Fisher – ont tous rencontré un succès, de même que ceux où des célébrités – Johnny Depp, Kate Winslet ou Meryl Streep – ont prêté leur voix à des ouvrages qui n’étaient pas les leurs. Le smarphone
et la tablette ont donné un nouvel élan – décisif celui-là – à ce marché né dans les années 1970 et 1980 avec respectivement les K7 et les CD. Amazon, qui s’était emparé de la société Audible en 2008, est le numéro un des ventes avec près de 120.000 audiobooks écoulés en un an. En Europe, gageons que l’accord du 5 janvier dernier entre Apple (iTunes) et Amazon (Audible), selon lequel ils mettent fin à leurs exclusivités dans la commercialisation des livres audio téléchargeables, aura des répercutions positives sur le marché. @

Charles de Laubier

République numérique : « Qualificatif idéologique » (SNE)

En fait. Le 5 janvier 2017, lors de ses vœux, le Syndicat national de l’édition
(SNE) – par la voix de son président Vincent Montagne – a lancé une pique à propos de « la loi Lemaire dite “pour une République numérique” » en considérant ce « qualificatif idéologique et réducteur pour notre République ».

Numérisation des livres indisponibles : la tentation d’ignorer la décision de la CJUE invalidant ReLire

La plateforme ReLire de numérisation des 500.000 livres indisponibles du XXe siècle a été partiellement invalidée le 16 novembre par la justice européenne. Comme pour la TVA sur les ebooks, la tentation – exprimée un temps par le DG
du Syndicat national du livre (SNE) – serait d’ignorer cette décision.

« Lorsque nous avons eu une condamnation au niveau français pour l’application d’un taux de TVA réduit sur le livre numérique, nous avons tenu bon sans appliquer la décision de la CJUE, et nous avons finalement obtenu gain de cause. Nous pourrions soutenir une position similaire dans le cas de ReLire, dans l’attente de mesures rectificatives ». Lorsque le directeur général du Syndicat national de l’édition (SNE), Pierre Dutilleul (photo), tient
ces propos dans une interview à ActuaLitté, c’est cinq
jours avant le verdict.

Manque de respect des auteurs
Son idée est alors de s’inspirer de ce qui a été fait lorsque la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait invalidé le taux réduit de TVA sur les livres numériques par décision du 5 mars 2015. Ainsi, la France pourrait ignorer l’invalidation de ReLire en attendant que la législation sur la numérisation les 500.000 livres indisponibles du XXe siècle (1) soit corrigée. Mais cette attitude risquerait cette fois de ne pas avoir la bienveillance de la Commission européenne. Autant l’harmonisation des taux de TVA entre livres imprimés et livres numériques apparaît inéluctable aux yeux de cette dernière, autant le non respect de l’auteur à qui il n’est pas demandé d’accord préalable avant toute numérisation ne saurait être toléré. Paris, qui se vante constamment d’être aux avant-postes de la protection du droit d’auteur face à la réforme envisagée par Bruxelles, se retrouve dans cette affaire en porte-à-faux et pris en flagrant délit de non respect des auteurs eux-mêmes…
Cinq jours après l’hypothèse formulée par Pierre Dutilleul, le verdict tombe et invalide
le dispositif mis en place par la France depuis quatre ans (2) (*) (**) car contrevenant à la directive « Droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information » (DADVSI) de 2001. Contacté par Edition Multimédi@, le directeur général du SNE a
un tout autre discours : « La décision de la CJUE n’invalide pas ReLire mais impose certaines conditions à la réalisation de sa mission, et nous respectons bien évidemment cette décision. Dans cette attente, l’octroi de nouvelles licences est bien évidemment suspendu », nous a-t-il répondu. Si la France devait faire la sourde oreille, elle risquerait de s’exposer à une notification de griefs de la part de la Commission européenne, voire à une procédure d’infraction pour manquement.
Ce que reproche la CJUE à la réglementation française réside dans l’absence d’une information individuelle de l’auteur avant toute numérisation de son oeuvre littéraire.
En effet, il est prévu que le droit d’autoriser l’exploitation numérique des livres indisponibles est transféré à la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (Sofia) « lorsqu’un livre est inscrit dans la base de données [ReLire de la BnF (3)] depuis plus de six mois » – autrement dit lorsque l’auteur ne s’y est pas opposé par écrit dans les six mois après l’inscription de son livre dans la base de données.

C’est justement ce principe de opt-out qui pose problème à la CJUE, car il n’est pas assorti d’une obligation d’information préalable des intéressés. « Il n’est donc pas exclu que certains des auteurs concernés n’aient en réalité pas même connaissance de l’utilisation envisagée de leurs œuvres, et donc qu’ils ne soient pas en mesure de prendre position (…). Dans ces conditions, une simple absence d’opposition de leur
part ne peut pas être regardée comme l’expression de leur consentement implicite
à cette utilisation. », déplore la CJUE, laquelle avait été saisie par le Conseil d’Etat (renvoi préjudiciel) après la plainte de deux auteurs français (4) qui avaient dénoncé une violation des droits exclusifs garantis aux auteurs par l’instauration d’une exception ou d’une limitation. « Tout auteur doit être effectivement informé de la future utilisation de son oeuvre par un tiers et des moyens mis à sa disposition en vue de l’interdire s’il le souhaite », souligne l’arrêt. Une simple absence d’opposition de la part de l’auteur d’un livre ne peut pas être regardée comme l’expression de leur consentement implicite à sa numérisation et son exploitation en gestion collective. Directement concernée par ce désaveux, la Sofia (5) – dont le conseil d’administration s’est réuni le 22 novembre dernier – estime qu’il est urgent d’attendre : « Cette décision appelle une analyse approfondie. Le Conseil d’Etat aura à en préciser le sens et la portée [s’il n’annule
pas le décret d’application (6) ndlr], au regard de la réglementation française »

L’Etat français doit corriger
Pourtant, le 1er mars 2014, le Conseil constitutionnel avait validé la loi du 1er mars 2012 sur cette exploitation par le Registre des livres indisponibles en réédition électronique (ReLire). Sont actionnaires de cette société commune la Caisse des dépôts et consignations (CDC), bras armé financier de l’Etat, et le Cercle de la librairie, syndicat historique des éditeurs et des libraires (7). @

Charles de Laubier